Formes concurrentes de prévention (1)

Introduction

Depuis deux années, nous entendons parler constamment de prévention. La prévention est ce qui détermine ou semble déterminer les décisions de nos gouvernements et, ce faisant, les règles que nous devons suivre quotidiennement, dans les lieux publics, au travail ou même à la maison, à l’intérieur comme à l’extérieur. Même en cette période d’assouplissement des règles, le spectre de la prévention continue de nous hanter. Les autorités politiques et sanitaires insistent pour que la population aille se faire administrer une troisième ou une quatrième dose de « vaccin » et envisagent de réinstaurer des mesures soi-disant sanitaires à l’automne, afin de prévenir la COVID-19, soit en visant indistinctement toute la population, soit en ciblant tout particulièrement les personnes dont la « vaccination ne serait pas à jour », c’est-à-dire qui auraient reçu seulement deux doses ou moins.

Cette obsession de la prévention, même si elle prend une forme plus radicale depuis l’arrivée du virus, n’est pas une chose nouvelle. Depuis quelques décennies, on cherche à prévenir toutes sortes de maladies, d’accidents, d’incidents ou de heurts sociaux qui, avant, faisaient simplement partie de la vie ou attiraient à peine notre attention. C’est pourquoi des lois et des mesures de sensibilisation se répandent pour lutter contre les maladies cardiaques, les cancers, les accidents de voiture et de vélo et les blessures et décès qui en résultent, les noyades, les fractures, les entorses, les foulures de cheville, les éraflures, les bagarres, les bousculades, les insultes, les discussions tendues ou les paroles simplement franches. Ce qui s’applique aux adultes aussi bien qu’aux enfants, si bien que les adultes sont traités comme de grands enfants.

Ainsi avons-nous vu pulluler les lois et les règlements qui nous interdisent de fumer dans les lieux publics ou à proximité de l’entrée de ces lieux, qui rendent ridiculement basse la dose d’alcool tolérée en conduisant (surtout pour les jeunes), qui nous obligent à porter la ceinture de sécurité en voiture et un casque quand nous conduisons une moto, et qui exigent qu’il y ait des sauveteurs qui nous surveillent quand nous, des adultes, faisons de la natation ; des campagnes de sensibilisation à l’importance d’avoir des habitudes de vie saines, de faire de l’activité physique, de ne pas pratiquer le tabagisme, de ne pas boire régulièrement de l’alcool ou plus que quelques consommations à la fois, de ne pas conduire quand nous sommes fatigués, de porter un casque à vélo et une veste de sauvetage quand nous faisons du canot ou du pédalo, et de repérer les moindres risques de blessures dans les milieux de travail ; et la propagation d’une nouvelle morale qui interdit à nos enfants d’échanger quelques coups de poing et de pied dans la cour de récréation et de les laisser faire (ça forme pourtant le caractère), de s’insulter ou de faire de « l’intimidation », et qui interdit aux adultes d’en faire autant, même dans des contextes où ça pourrait être légitime ; etc.

En observant cette liste non exhaustive des mesures préventives qu’on a commencé à nous imposer il y a 30 ou 40 ans, les choses suivantes ressortent :

  1. le fait que la prévention concerne presque exclusivement la santé et la sécurité, alors que beaucoup d’autres choses importantes pourraient être mises en danger, et que notre santé et de notre sécurité pourraient parfois dépendre d’elles ;

  2. le fait que les mesures préventives visent surtout à contrôler de plus en plus les comportements et les sentiments des individus, et ne portent que de manière assez secondaire sur les causes sociales et économiques de ces comportements et des effets qu’on veut éviter ou atténuer, et qui ne sont pas seulement le produit de ces comportements ;

  3. le fait qu’on ne prend pas en compte et qu’on n’essaie pas de prévenir les effets moraux et politiques néfastes que les mesures préventives ont souvent, notamment le dressage de toute la population et l’infantilisation des adultes, ce qui pose assurément problème dans des sociétés qui sont ou qui se prétendent démocratiques.

Voyons quelles réflexions il est possible de faire en mettant en relation ces trois observations, qui sont étroitement liées et qui concernent la prévention de la COVID-19 au même titre que les autres maladies infectieuses ou non, et les blessures et les décès accidentels.

 

Questions sans réponses

La prévention n’est pas une fin : elle est seulement un moyen. En insistant à outrance sur l’importance de la prévention sans discuter ce sur quoi elle devrait porter, comme si elle avait une valeur en elle-même, on tend à accepter comme allant de soi les fins visées, les maux à combattre et les moyens à utiliser, et le reste est éclipsé par ces fins, ces maux et ces moyens.

Quelles sont les raisons pour lesquelles la protection de la santé et de la sécurité doit être le seul ou le principal objectif de la prévention ? Qu’est-ce qui rend la santé et la sécurité plus importantes que les autres choses qui pourraient être protégées, et au détriment desquelles on les protège ? Qu’est-ce qui nous dit que la prévention est la meilleure manière de protéger notre santé et notre sécurité, et même que la santé et la sécurité sont des choses qu’on peut simplement protéger et qu’on gagne à simplement protéger ? Qu’est-ce qui nous autorise à penser que les mesures préventives habituellement prises sont les plus efficaces pour protéger notre santé et notre sécurité et que leurs avantages l’emportent sur leurs inconvénients ? Les avons-nous comparés avec d’autres types de mesures préventives afin d’en juger en connaissance de cause ?

Nous sommes rarement en mesure de répondre de manière satisfaisante ou même provisoire à ces questions pour la simple raison que, souvent, nous ne nous les sommes pas posées. La prévention est pour nous quelque chose qui va de soi. Nous essaierons ici de répondre à ces questions, non pas pour en finir une fois pour toutes avec elles, mais au contraire pour que la réflexion commencée grâce à elles puisse se poursuivre.

 

Prévention et modification des comportements et des sentiments des individus

La conception de la prévention qui s’impose généralement à nous, sous la forme de mesures préventives diverses, implique la modification des comportements et des sentiments des individus. Pour ce faire, on a recours à une réglementation plus ou moins contraignante, à des recommandations qui sont presque des obligations ou des interdictions, et à des pressions sociales. Non seulement on veut modifier les comportements eux-mêmes, mais on veut aussi changer les sentiments qui sont à l’origine de ces comportements. Les fumeurs, dont on dit qu’ils pratiquent le « tabagisme », seraient des inconscients ou des méchants qui mettraient en danger la santé des autres et leur propre santé, et représenteraient avec leur entourage, exposé à la fumée secondaire, un fardeau supplémentaire pour le système de santé. Les personnes qui sont très sédentaires, et qui ne font pas suffisamment d’activité physique, ne prendraient pas suffisamment soin d’elles, auraient plus de chances d’être obèses et de développer des maladies graves et représenteraient une charge supplémentaire pour notre système de santé déjà surchargé. Les personnes qui ne portent pas un gilet de sauvetage quand ils font du bateau seraient de dangereux casse-cous, et leur comportement irresponsable pourrait mener à de véritables tragédies, pour eux et pour leurs proches. Les personnes qui refusent de se faire « vacciner » contre la COVID-19 ou qui ne portent pas de masques, alors que cela est requis ou recommandé par les autorités politiques et sanitaires, seraient des égoïstes, des récalcitrants et de véritables dangers publics qui contamineraient les autres, qui tomberaient gravement malades, qui rendraient gravement malades les personnes vaccinées, qui seraient directement ou indirectement responsables de la saturation des hôpitaux, et qu’il faudrait isoler préventivement du reste de la société et parfois même congédier, pour les protéger, pour protéger les autres et pour protéger le système de santé, et aussi pour les punir de ne pas avoir fait leur part, les inciter à se faire « vacciner » et faire d’eux des exemples pour les autres qui auraient envie de les imiter. On ne cherche donc pas seulement à punir ces comportements par des peines prévues dans une loi ou un décret (dans le cas de la sédentarité, on ne le fait pas du tout, du moins pas encore), mais on cherche aussi à agir directement sur les sentiments qui seraient à l’origine des comportements jugés inadéquats et sur les sentiments qui pourraient mener à l’adoption des comportements jugés adéquats, qu’ils soient ceux des récalcitrants ou ceux des personnes qu’ils côtoient et qui en viennent à exercer sur eux des pressions sociales, tout pouvant ainsi devenir une affaire collective et ne plus seulement regarder les principaux concernés.

Cette forme de prévention a donc comme inconvénient d’être grandement incompatible avec la liberté des individus. En fait, elle consiste à réglementer ou à contrôler par des pressions sociales les comportements et les sentiments des individus, sous prétexte de se soucier de leur bien et de celui de la collectivité. Même si l’on ne peut certainement pas faire de la liberté des individus quelque chose de sacré qui ne doit jamais céder le pas aux intérêts des autres et de la société, il est très problématique que les mesures préventives qui se multiplient, s’étendent et se renforcent impliquent très souvent les sacrifices des libertés individuelles et le contrôle des sentiments et des comportements des individus. Il me semble que c’est là un mal qu’il faudrait essayer autant que possible de prévenir, surtout dans des sociétés démocratiques où les citoyens sont censés participer activement à la délibération politique et au débat public. Car comment des personnes qu’on prend de plus en plus en charge et dont on façonne les sentiments et les comportements seraient-elles aptes à juger des affaires publiques ? Comment pourraient-elles évaluer les risques qu’il est raisonnable de prendre collectivement alors qu’on ne les prive grandement de la liberté de prendre des risques qui les concernent principalement et d’en assumer les conséquences, bonnes ou mauvaises, comme on pourrait l’attendre d’adultes autonomes ? Une société dans laquelle la démocratie n’est pas un vain mot ne devrait-elle pas non seulement opter pour des mesures préventives qui n’ont pas pour inconvénient la mise sous tutelle des adultes et éviter les mesures qui ont cet inconvénient, mais aussi adopter des mesures qui ont pour objectif de prévenir l’infantilisation des adultes, qui est un mal au même titre que les maladies pouvant découler du « tabagisme » et des modes de vie sédentaires, des blessures et des décès pouvant découler de la conduite avec des facultés affaiblies, ou de la menace que constitueraient les personnes non vaccinées pour la « santé publique », à supposer qu’une telle chose existe si on entend par là autre chose qu’une spécialité médicale.

 

Propositions de mesures préventives compatibles avec les libertés individuelles et la démocratie

Essayons de trouver des mesures préventives qui seraient plus respectueuses des libertés individuelles, et donc compatibles avec les conditions d’existence des citoyens et le rôle qu’ils sont censés jouer dans une société démocratique.

 

Le cas du tabagisme

Commençons par le cas du « tabagisme ». Rappelons que l’obsession de la lutte contre le tabagisme est assez récente. Ici, au Québec, il me semble qu’elle a dû commencer au début des années 1990. S’il est vrai que les compagnies de tabac ont fait des études pseudo-scientifiques pour cacher les effets nocifs de leurs produits pour la santé, il est bon de nous rappeler que nos parents, nos grands-parents et nos arrière-grands-parents ont pu fumer régulièrement sans tous mourir d’affreuses maladies. Ainsi ne faut-il pas non plus exagérer la nocivité du tabac pour la santé, s’imaginer qu’on va avoir un cancer du poumon parce qu’on respire temps en temps de la fumée secondaire ou même tertiaire, et partir en croisade contre les fumeurs. Si on veut réduire les mauvais effets de la consommation du tabac, il serait plus judicieux d’exercer un contrôle plus sévère sur les insecticides utilisés pour cultiver le tabac et sur les produits ajouter lors de sa transformation, lesquels sont responsables d’une partie importante de la nocivité des cigarettes et de la dépendance que développent les fumeurs. Dans l’hypothèse où les personnes ayant un risque plus élevé d’avoir des maladies cardio-vasculaires et des cancers sont surtout de grands fumeurs et les personnes qui habitent avec eux, la diminution du nombre de cigarettes fumées, la moindre nocivité de la fumée et la plus grande facilité avec laquelle les fumeurs qui décident de le faire pourraient arrêter de fumer pourraient réduire considérablement les risques pour la santé, et permettre de tolérer ces risques en tant que société et d’abandonner le projet d’éradication du « tabagisme ». L’énergie et l’argent dépensés dans la lutte contre le tabagisme pourraient être utilisés pour d’autres mesures préventives compatibles avec les libertés individuelles, par exemple une amélioration de la réglementation et du contrôle des substances toxiques que l’industrie agroalimentaire utilise à outrance et qui se retrouvent dans ce que nous mangeons, ou dans la prise de sanctions contre les industries qui polluent l’air et qui contaminent les sols et les nappes phréatiques. Non seulement ces mesures préventives n’entrent pas en conflit avec nos libertés individuelles, mais elles les renforcent aussi, car ce n’est généralement pas par choix, ou à la suite d’une décision éclairée, que nous mangeons de la nourriture qui contient des substances toxiques, que nous respirons de l’air pollué et que nous subissons les conséquences directes et indirectes de la contamination des sols et de l’eau. Le plus souvent, cela se fait à notre insu, sans que nous sachions quelles sont les conséquences pour notre santé, et sans que nous ayons vraiment la possibilité d’éviter ces conséquences si nous les connaissons ou les craignons. Ces conséquences néfastes pour la santé, qui affectent sournoisement toute la population, sont vraisemblablement plus grandes que les conséquences du « tabagisme ». Si ce qui nous importe vraiment, c’est la santé, comment expliquer l’acharnement dont les fumeurs sont la cible, alors qu’on ménage les grandes industries polluantes et même empoisonneuses, si ce n’est par le désir de moraliser les individus et par l’aversion pour la liberté, qui implique de ne pas faire de la santé une valeur absolue et de prendre certains risques à cet égard ?

 

Le cas de la sédentarité

Quant aux effets néfastes pour la santé de la sédentarité et de l’obésité qui en résulte, c’est une bien drôle de prévention que de vouloir sensibiliser les gens à l’importance de faire de l’activité physique et de bien manger quand on les oblige à travailler 35 ou 40 heures par semaine, en plus des déplacements et parfois des obligations familiales. Déjà que le travail pour lequel on nous paie implique, pour beaucoup d’entre nous, que nous restions assis à notre bureau 7 ou 8 heures par jour, et ensuite 1 heure ou 2 dans les transports en commun ou en voiture, et ce, pendant des décennies, nos autorités politiques et sanitaire ont le culot de nous tenir responsables du poids que nous prenons au fil des ans, et de nous dire ce que nous devrions faire des quelques heures de temps libre qu’il nous reste, chaque jour ou chaque semaine, alors que nous sommes tout simplement claqués et privés d’énergie en raison des tâches abrutissantes qu’on nous demande d’accomplir en échange de notre salaire. Ces autorités sont très bavardes quand il s’agit de nous faire la morale, mais elles gardent le silence quand il est question du mode de vie malsain qui résulte de la servitude du travail salarié. Pour comble d’insulte, elles traitent ce mode de vie comme une réalité donnée une fois pour toutes, en raison de laquelle il serait d’autant plus important de faire du jogging ou d’aller au gym quelques fois par semaine. Au lieu de s’attaquer aux causes sociales et économiques du problème, ce qui serait vraiment une mesure préventive, elles prétendent faire de la prévention quand elles exhortent aux individus d’adopter des comportements sains pour atténuer les effets de ce mode de vie de malsain, imposé par notre ordre social et économique. Il y a de quoi se demander s’il s’agit de bêtise ou de mauvaise foi, ou les deux à la fois, l’une n’excluant bien entendu pas l’autre.

Mais il y a pire : à cause de l’arrivée du virus, on nous a ordonné à plusieurs reprises de rester chez nous, on a rendu le télétravail obligatoire dans les cas où c’était possible, on a fermé les gyms, on a interdit les sports (qui sont des rassemblements), on a imposé un couvre-feu et, à certains endroits, on a recommandé ou rendu obligatoire le port du masque à l’extérieur (ce qui ne donne certainement pas envie de faire du jogging, surtout quand on est gros et quand on a le souffle court). S’il est vrai que le fait de se retrouver sans travail a donné l’occasion à certains de faire de grandes promenades, de la raquette et du ski de fond, dans des cas plus nombreux, les gens se sont simplement enfermés à l’intérieur, conformément aux déclarations alarmistes des autorités, se sont mis à regarder des films et des séries télévisées, à jouer à des jeux vidéos et à parler par vidéoconférence aux personnes qu’ils ne pouvaient pas rencontrer. Tout ça sous prétexte de nous protéger, surtout ceux d’entre nous qui sont plus âgés ou qui sont obèses, qui font de l’hypertension, qui ont d’autres problèmes cardiaques et qui font du diabète ; et aussi sous prétexte d’éviter le débordement des hôpitaux et le délestage dans les départements de cardiologie, qu’il s’agisse d’examens médicaux ou de chirurgie. Comme si ce qu’on nous demandait n’avait pas précisément pour effet de favoriser l’apparition ou l’aggravation de l’obésité, de l’hypertension, des maladies cardiovasculaires et du diabète ! Comme si la peur entretenue par les autorités politiques et sanitaires n’avait pas dissuadé plusieurs des personnes concernées de se faire soigner ou de consulter, les hôpitaux leur semblant un lieu particulièrement dangereux ! Même les personnes qui ont fait du télétravail pendant tout ce temps, et qui n’ont plus eu à se déplacer tous les jours pour se rendre au travail, n’y ont pas forcément gagné. Dans bien des cas, les gestionnaires du secteur privé ou du secteur public se sont trouvés à utiliser le temps économisé en déplacement pour travailler davantage, ce qui a obligé leurs subordonnés à en faire autant, à faire du temps supplémentaire, parfois le soir et la fin de semaine, pour respecter les délais et terminer leurs mandats dans les temps, si bien que ces personnes disposaient alors de moins de temps libre que quand elles pouvaient seulement travailler au bureau. Quant aux personnes qui font partie des services essentiels et qui ont continué à devoir se rendre au travail tous les jours, elles se sont souvent trouvées dans l’obligation de faire du temps supplémentaires afin de compenser pour les personnes mises en isolement préventif et, dans le cas des travailleurs de bureau qui ont dû travailler « en présentiel » pour que leurs collègues puissent faire du télétravail, et afin de suivre le rythme imposé par leurs collègues et leurs supérieurs qui ont employé le temps normalement employé pour se déplacer pour travailler davantage ; si bien que ces personnes, après avoir passé plus de temps au travail et s’être déplacées, se sont vues pendant des mois dans l’impossibilité de sortir librement de leur domicile le soir à cause de couvre-feu, et ont pu tout au plus faire une courte promenade avant ou après avoir soupé. Nos autorités n’auraient pas pu faire mieux si elles s’étaient donné pour objectif d’imposer des habitudes de vie malsaines à toute la population, et de favoriser l’apparition et l’aggravation des conditions sous-jacentes souvent liées aux complications et aux décès attribués à la COVID-19.

Il est donc important de trouver d’autres mesures préventives pour remplacer ces mesures qui, loin de prévenir les problèmes de santé, essaient seulement de les atténuer, souvent en parvenant seulement à les aggraver et à restreindre les libertés individuelles, en partie à cause de cette aggravation.

À propos du problème de la sédentarité, considéré de manière générale et indépendamment de la COVID-19, il faudrait prendre des mesures préventives consistant à réduire le temps de travail moyen des employés, sans diminuer leurs revenus. On pourrait par exemple fixer une limite de 28 ou de 30 heures par semaine au temps de travail régulier, et obliger les employeurs à payer les heures supplémentaires à temps double, ce qui devrait dissuader ces derniers. L’augmentation du nombre de postes à temps plein découlant de la diminution du nombre d’heures de travail aurait pour effet d’augmenter la demande comparativement aux travailleurs disponibles, et ainsi mettre ces derniers en position de négocier leurs salaires, d’améliorer leurs conditions de travail, collectivement ou individuellement, et ainsi de mettre en place un mode de vie plus sain. Enfin, il serait aussi possible d’inventer un dispositif pour que les travailleurs bénéficient automatiquement d’une rente visant à les faire profiter de l’augmentation de la productivité due aux machines et aux ordinateurs, alors que ce sont presque seulement les employeurs qui en bénéficient présentement, assez arbitrairement. Pour les travailleurs qui vivraient sobrement, il serait possible de travailler moins que 4 jours par semaine. En général, ces mesures auraient pour avantage de procurer plus de temps libre aux personnes qui travaillent, de s’assurer qu’elles disposent d’assez d’énergie pour faire de l’activité physique, et de prévenir les maux qui découlent d’un mode de vie trop sédentaire. Nous assistons alors à un renversement : la plus grande liberté des individus à l’égard du travail les rend moins sédentaires et leur permet de pratiquer plus facilement des sports, ce qui est assurément plus efficace que de les obliger à passer trop de temps au travail, pour ensuite les exhorter à faire de l’activité physique pour atténuer les maux de cette vie de labeur. Notons aussi que cette plus grande liberté leur permettra aussi de se cultiver davantage, de s’intéresser plus à la politique et d’assumer de manière plus réfléchie et plus active leur rôle de citoyens.

Maintenant, revenons à la question plus précise des rapports entre la sédentarité et la COVID-19. Il serait à mon avis plus efficace de ne pas avoir recours à des politiques de confinement qui encouragent ou imposent un mode de vie très sédentaire, et qui favorisent l’apparition et l’aggravation des conditions sous-jacentes souvent liées aux complications et aux décès attribués à la COVID-19. Bien au contraire, il faudrait faire ce que recommandaient tous les plans de réponses aux pandémies avant 2020, c’est-à-dire continuer à vivre autant que possible comme d’habitude, en conservant de saines habitudes de vie. Cela serait d’autant plus facile à faire, et aussi d’autant plus important, que ces habitudes seraient meilleures en raison des mesures préventives contre les maux de la sédentarité proposées ci-dessus.

 

Le cas du gilet de sauvetage

Le port d’un gilet de sauvetage dans les embarcations, qu’on recommande fortement et qu’on voudrait rendre obligatoire au Québec pour réduire le nombre de noyades (environ 80 par année), a ceci de particulier qu’on ne peut pas accuser la personne qui n’en porte pas de mettre en danger les autres et d’être responsable de l’engorgement des hôpitaux. On n’en essaie pas moins de réclamer du gouvernement qu’il veille à la sécurité des adultes en imposant une obligation, de faire croire que c’est obligatoire (la loi dit seulement qu’il doit y avoir un gilet de sauvetage ou l’équivalent par personne à l’intérieur de l’embarcation) ou de moraliser les plaisanciers imprudents (pensez à vos proches !).

Dans ce cas, je ne prendrais pas de mesures préventives particulières. Les adultes qui sont dans une embarcation savent que celle-ci peut se renverser et qu’ils peuvent tomber à l’eau et se noyer. C’est à eux d’évaluer le risque. Le gouvernement ne devrait pas jouer à la maman avec eux, et devrait leur laisser assumer les conséquences de leurs actes, qui rarement peuvent être dramatiques. Ceci n’est assurément pas un « problème de société ». Les journalistes bien-pensants qui reviennent à la charge tous les étés, quand il y a des noyades, font seulement du remplissage en période de creux estival. S’il fallait intervenir dans ce cas, pourquoi ne pas aussi interdire l’utilisation d’une voiture durant une tempête hivernale, même quand c’est pour aller au travail ? Et pourquoi ne pas interdire les rodéos, au cours desquels les participants peuvent être blessés ? Et pourquoi par aussi les sports de combat, amateurs ou professionnels ?

En traitant de cette manière les adultes, et aussi les enfants et les adolescents qui deviendront des adultes, on les rend incapables de prendre des risques et de vivre avec des risques. Autrement dit, on les empêche de devenir autonomes et on fait d’eux des lâches. Étant donné que de tels individus sont plus dociles et donc faciles à gouverner, surtout par des dirigeants qui abusent de leur pouvoir et qui ont recours à la peur, la multiplication des mesures préventives interdisant aux individus de prendre des risques de manière réfléchie constitue un danger non négligeable pour notre démocratie, contre lequel il faudrait prendre des mesures préventives.

 

Le cas du confinement et de la « vaccination » contre la COVID-19

Demandons-nous comment nos gouvernements, avec le soutien ou le consentement d’une partie importante de la population, en sont venus à ne jurer, d’abord, que par le confinement et, ensuite, que par la vaccination (l’unique voie du salut ou, dans un deuxième temps, d’éviter la catastrophe), et à diviser nos sociétés en deux catégories de personnes, auxquelles on accorde des droits et des libertés différents en fonction de leur « statut vaccinal », sous prétexte de les protéger contre le virus, de protéger les autres contre le virus et de protéger nos systèmes de santé de l’effondrement qui serait causé par le virus.

Je rappelle d’abord le mode de vie sédentaire qu’on nous impose depuis belle lurette avec le consentement de nos gouvernements, et la radicalisation de la sédentarité ordonnée par eux sous prétexte de nous protéger du virus et des nouveaux variants. Ce n’est pas pour rien que nous ne sommes pas en santé, et que nous le sommes encore moins maintenant qu’en 2020. Mais ce n’est pas le plus important en ce qui concerne la question que nous nous posons maintenant. Ce dont il s’agit principalement, ce sont les causes du mauvais état de nos systèmes de santé, qu’on invoque pour prétendre que les personnes non vaccinées saturent les hôpitaux et vont provoquer l’effondrement du réseau hospitalier.

Sans doute ces causes varient-elles selon les différents systèmes de santé. C’est pourquoi je m’intéresserai seulement aux causes possibles de cette situation au Québec, en laissant aux lecteurs des autres provinces canadiennes, de France, de Belgique et de Suisse le soin de se demander dans quelle mesure cela peut s’appliquer aux réseaux de santé qu’ils connaissent beaucoup mieux que moi. Soit dit en passant, je n’ai évidemment pas fait une grande enquête sur l’évolution du réseau public de santé du Québec, si bien que je ne prétends pas à autre chose qu’une certaine vraisemblance dans la recherche de ces causes, en sachant très bien que je ne peux pas évaluer avec précision leur importance respective, et aussi que j’ignore simplement certaines de ces causes, qui paraîtront peut-être évidentes aux travailleurs de la santé ou aux sociologues spécialisés dans l’étude des institutions hospitalières. C’est pourquoi les lecteurs mieux informés que moi à ce sujet sont invités à poursuivre, à améliorer, à discuter et à corriger la réflexion que j’esquisse ici.

Le premier facteur à prendre en compte, c’est-à-dire l’expansion des corps bureaucratiques, ne concerne pas seulement notre système de santé et chaque hôpital en particulier. C’est un mal qui sévit partout dans notre société : dans les écoles primaires et secondaires, dans les cégeps, dans les universités, dans les centres de recherche, dans les tribunaux, dans les entreprises privées d’une certaine taille, dans les institutions financières, etc. Non seulement les bureaucrates à l’état pur s’approprient une partie des ressources des organisations auxquelles ils appartiennent, mais ils font accomplir du travail bureaucratique aux autres membres de cette institution, dans ce cas-ci le personnel soignant, par exemple la rédaction de comptes rendus, de rapports, d’évaluation, de procédures et de directives, qu’il faut par la suite discuter, approuver et mettre à jour. Le temps et l’énergie utilisés pour réaliser ces activités bureaucratiques ne sont pas utilisés pour soigner les malades, et l’argent avec lequel on rémunère les bureaucrates et le personnel soignant quand il fait des tâches bureaucratiques n’est pas utilisé pour augmenter le nombre de lits dans les hôpitaux, pour les garder ouverts et pour embaucher plus d’infirmières et de médecins.

Le deuxième facteur, ce sont les mauvaises conditions de travail des infirmières dans les hôpitaux publics, ce qui les incite à aller travailler dans des cliniques privées ou pour des agences de placement, et ce qui rend la charge de travail des infirmières qui restent dans le réseau public encore plus lourde.

Le troisième facteur, ce sont les manœuvres des corporations médicales pour provoquer artificiellement la rareté des médecins généralistes et spécialistes, notamment en obtenant des universités un contingentement outrancier des admissions dans les programmes de médecine. Cela leur permet de bénéficier de modes de rémunération plus avantageux et d’être en position de force quand ils négocient avec le gouvernement.

Le quatrième facteur, ce sont les difficultés que les ordres professionnels font aux infirmières et aux médecins étrangers qui ont immigré au Québec et qui veulent pratiquer leur profession ici. Ils doivent pratiquement refaire leurs classes avant d’être autorisés à travailler dans les hôpitaux.

Le cinquième facteur, c’est le sur-diagnostic et la sur-médicamentation des usagers du réseau de santé. Le temps et l’argent public utilisés par les médecins pour diagnostiquer des gens qui ne sont pas vraiment malades (il faut une tension artérielle moins élevée qu’avant pour être considéré comme hypertendu, les taux de cholestérol jugés normaux ont été abaissés, et il faut un rien pour être considéré atteint d’un quelconque trouble psychologique) et pour leur prescrire des cocktails médicamenteux pas toujours nécessaires, pas toujours efficaces et pas toujours bons pour la santé, ne sont pas utilisés pour soigner ceux qui sont vraiment malades, à commencer par ceux qui deviennent malades à causes de ces cocktails médicamenteux.

Le sixième facteur, c’est le fait qu’on emploie au moins quelques dizaines de milliers d’infirmières, d’infirmières auxiliaires et de préposées aux bénéficiaires pour s’occuper de personnes qui sont tellement diminuées physiquement et intellectuellement qu’elles sont devenues la chose du système hospitalier. Ce n’est pas une vie digne d’être vécue que de végéter pendant des années dans un CHSLD, à moins qu’on accorde une valeur en soi aux fonctions biologiques les plus élémentaires, comme le fait de respirer et de s’alimenter. S’il n’est pas question d’euthanasier contre leur volonté les personnes âgées qui sont dans cet état déplorable, les autorités politiques et sanitaires devraient faciliter le recours au suicide assisté et à l’euthanasie, nous donner la liberté d’en finir facilement quand la vie n’a plus de valeur pour nous, et aussi sensibiliser la population québécoise vieillissante à cette idée. Ainsi les ressources de la santé seraient moins souvent utilisées pour garder en vie avec acharnement des personnes pour qui l’existence est devenue pénible ou même douloureuse, sans chances d’amélioration. Les ressources ainsi libérées pourraient être utilisées pour soigner convenablement les personnes qui ont des chances de se rétablir et qui ont encore de belles années devant eux, qu’elles soient jeunes ou âgées. C’est ainsi que la liberté de mettre fin à nos jours, quand la vie n’est plus digne d’être vécue et quand nous sommes devenus un fardeau pour les autres et pour nous-mêmes, est une manière de prévenir que les autorités politiques et sanitaires privent de leurs libertés ceux pour qui la vie a encore de la valeur et qui devraient être traités comme des citoyens, et non comme du bétail auquel on impose des mesures sanitaires sans lui demander son avis, le tout sous prétexte que le système de santé serait saturé et au bord de l’effondrement, et aussi que les personnes qu’on maintient en vie par acharnement thérapeutique sont en train de mourir en plus grand nombre que d’habitude durant une « vague » épidémique ou pendant l’hiver.

Le septième facteur, c’est la mise en isolement préventif de milliers de travailleurs de la santé qu’on soumet régulièrement à des tests de dépistage, qui finissent par obtenir un résultat positif même s’ils n’ont pas de symptômes ou ont seulement des symptômes légers (écoulements nasaux, léger mal de gorge ou de tête, toux légère, etc.), conformément aux recommandations de la Santé publique. C’est ainsi qu’on aggrave artificiellement le manque de personne soignant, qu’on ferme des lits, qu’on reporte des examens en cardiologie et des chirurgies, et qu’on peut crier que le système de santé est sur le point de s’écrouler, afin de justifier la suspension des libertés individuelles et les pressions exercées pour obtenir le consentement libre et éclairé à la « vaccination ».

Le huitième facteur, c’est l’importance accordée à la santé publique. Les experts en santé publique, même s’ils se disent médecins, ne font pas des consultations médicales et ne soignent pas les malades. On dirait que toute leur « science » consiste à élaborer des politiques soi-disant sanitaires devant faire adopter à la population des comportements qui, à terme, l’empêcheront d’être malade et d’avoir besoin de soins. La montée en puissance de cette spécialité a donc pour effet d’employer les ressources du réseau de santé à autre chose qu’à soigner, et à alimenter une certaine idéologie selon laquelle les hôpitaux seraient débordés à cause que la population n’appliquerait pas avec assez de rigueur les mesures sanitaires, à cause que ces mesures ne seraient pas assez sévères, à cause que la couverture vaccinale ne serait pas assez élevée, et à cause que les personnes qui refusent d’être vaccinées ne seraient pas assez isolées du reste de la société.

Le neuvième facteur, c’est le détournement des ressources humaines et financières du réseau de la santé vers de grandes campagnes de « vaccination » et de dépistage de masse de toute la population, lesquelles ne peuvent donc pas être utilisées pour soigner les personnes malades, de la COVID-19 ou d’autre chose.

C’est donc parce que nos autorités politiques et sanitaires n’ont pas pris de mesures préventives pour empêcher la détérioration du système de santé, et qu’elles ont adopté des politiques et des mesures sanitaires qui ont aggravé la situation, que les mêmes autorités ont imposé à toute la population des mesures de confinement préventives pour sauver le système de santé, qu’elles veulent « vacciner » préventivement et à répétition toute la population avec des injections expérimentales, et qu’elles ont exclu et pourraient exclure à nouveau de la société les personnes qui ne sont pas « adéquatement vaccinées », pour les protéger, pour protéger les autres et pour sauver le système de santé qu’elles sont elles-mêmes en train de détruire.

Au lieu de porter atteinte aux libertés individuelles sous prétexte de mesures préventives devant sauver le système de santé au bord de l’effondrement, les autorités politiques et sanitaires auraient dû prendre et devraient prendre au plus vite des mesures visant à prévenir que le réseau hospitalier soit ou semble au bord de l’effondrement, et aussi qu’on ait la mauvaise idée de s’en prendre à ces libertés et de nous traiter comme du cheptel, ce qui est non seulement dégradant pour des êtres humains, mais aussi incompatible avec la condition de citoyen.

 

Effet de dressage

Je conclus la première partie de cette réflexion (qui, de toute évidence, se prolongera dans quelques autres billets, étant donné les différents angles à partir desquels on peut aborder la question de la prévention) en insistant sur le fait que les mesures préventives, indépendamment de leur efficacité ou de leur inefficacité, et indépendamment des intentions et des projets véritables des autorités politiques et sanitaires, produisent sur nous un effet de dressage. Les bonnes intentions que pourraient avoir les autorités politiques et sanitaires, les journalistes, les médecins, les scientifiques, et aussi les experts de toutes sortes, n’empêchent pas les causes de produire leurs effets. Même si tout ce beau monde voulait notre bien, nous n’en serions pas moins dressés. En fait, les bonnes intentions peuvent dissimuler cet effet de dressage : de ce qu’on considère comme de bonnes intentions, on tend à attendre seulement ou surtout de bons effets. On occulte les mauvais effets ou on en limite la portée, les bons effets présumés étant censés les compenser ou même devenir plus certains à cause du sacrifice auquel on consentirait ou qu’on imposerait aux autres. Il se peut même alors qu’on hallucine ces bons effets, tant on les conçoit comme le résultat nécessaire des bonnes intentions, des bonnes actions et des sacrifices faits.

Dans tous les cas, nous serions dressés et nous pourrions difficilement être des citoyens. Cela est encore plus vrai quand on ne se contente pas de contrôler les comportements, mais quand on prétend aussi contrôler les idées et leur expression, sous prétexte de prévenir les déclarations jugées dangereuses pour la santé publique. Cela revient à vouloir protéger les adultes que nous sommes des mauvaises influences, et à nous traiter comme des enfants, le tout en excluant la possibilité de se tromper, puisqu’on empêche ainsi la discussion et on étouffe la critique. Ce sont là, à mon avis, des choses qu’il faudrait prévenir, à plus forte raison dans une société qui se prétend démocratique.

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