Le suicide assisté pour contrecarrer l’imposition de mesures soi-disant sanitaires

Le suicide assisté est très impopulaire chez les opposants conservateurs et religieux aux mesures soi-disant sanitaires, qui tendent à sacraliser la vie humaine, indépendamment des conditions de vie concrètes. Même des opposants qui ne sont pas particulièrement conservateurs et qui ne sont pas croyants sont réticents à l’idée de légaliser le suicide assisté ou de le rendre plus accessible, aux personnes âgées en mauvaise santé et dépourvues d’autonomie, et aux personnes plus jeunes atteintes d’une maladie incurable qui les fait souffrir, qui limite considérablement leur liberté, qui les rend très dépendants des autres, et qui fait d’eux la chose du système hospitalier. Parfois convaincus, à tort ou à raison, qu’un grand projet de réduction de la population est en cours, et que les traitements sordides dont ont été l’objet les personnes âgées les plus vulnérables à partir de 2020 s’inscrivent dans ce projet, le suicide assisté, même volontaire, scandalise plusieurs d’entre eux. D’autres craignent que la bureaucratie hospitalière et les professionnels de la santé tuent des personnes vulnérables qui n’ont jamais donné leur consentement au suicide assisté, pour désengorger le système de santé en libérant des lits, et pour éliminer des dépenses inutiles ; et croient qu’il faudrait interdire ou contrôler l’accès au suicide assisté, afin d’éviter ces dérapages.

Précisons d’abord qu’il y a une grande différence entre la valorisation de la vie humaine et sa sacralisation.

Valoriser la vie humaine, c’est chercher à la rendre aussi heureuse que possible et à faire d’elle un processus tout au long duquel les êtres humains se développent pleinement, intellectuellement, moralement et physiquement. Dans cette perspective, la vie humaine a de la valeur seulement si elle procure du bonheur ou peut raisonnablement en procurer, après des épreuves qu’il est possible de surmonter ; et seulement si nous pouvons nous accomplir en tant qu’êtres humains, en disposant d’assez bonnes capacités intellectuelles, morales et physiques.

Sacraliser la vie humaine, c’est lui accorder une valeur en elle-même, quelles que soient les conditions de vie concrètes et l’état intellectuel, moral et physique des êtres humains. De ce point de vue, la vie humaine est aussi sacrée si elle est heureuse ou si elle est malheureuse, même quand il est impossible de vaincre le malheur ; et si les êtres humains ont la possibilité et la capacité de se développer intellectuellement, moralement et physiquement, ou non.

Bien que les défenseurs de ces deux positions morales soient, de manière différente, des partisans de la vie, et qu’il ne soit aucunement question d’une opposition entre « pro-vie » et « anti-vie », le jugement moral qu’ils porteront sur certaines formes de vie sera très différent et même opposé. C’est le cas, par exemple, d’une personne âgée dont la santé s’est grandement détériorée, qui n’est plus autonome, qui est considérablement diminuée intellectuellement, moralement et physiquement, et qui vivra dans un centre de soins de longue durée jusqu’à ce qu’elle décède, ce qui peut prendre quelques mois, quelques années ou plus d’une décennie, comme cela est arrivé à mes deux grands-mères.

Ceux qui valorisent la vie humaine en fonction de ce qu’elle est concrètement s’attristent de voir des êtres humains, surtout quand ils les ont connus et aimés, être condamnés pour une durée indéterminée à une vie ennuyeuse, pénible et plus ou moins douloureuse, ne plus être capables de disposer d’eux-mêmes, dépendre des soins plus ou moins attentionnés du personnel soignant, et devenir la chose du système hospitalier, jusqu’à ce que la mort les libère enfin. Et ils frémissent à l’idée de se retrouver eux-mêmes dans cette situation, et trouvent que c’est de la barbarie de les condamner à cette vie indigne d’être vécue, soit en leur interdisant le suicide assisté, soit en leur en compliquant l’accès.

Ceux qui sacralisent la vie humaine indépendamment de ce qu’elle est concrètement s’attristent aussi de voir des êtres humains, surtout quand ils les ont connus et aimés, s’ennuyer à mort, être privés de presque tout ce qui fait l’agrément de la vie, souffrir et ne plus être que l’ombre de ce qu’ils étaient intellectuellement, moralement et physiquement. La différence, c’est qu’ils refusent qu’on mette fin à cette vie, sacrée pour eux, afin de mettre fin à ces maux, et qu’ils cherchent plutôt à atténuer ces maux, afin de procurer à ces personnes en fin de vie des conditions de vie qui leur semblent malgré tout dignes. Le suicide assisté n’est pas une option pour eux et il leur semble même être un acte de barbarie. Et ils se scandalisent à l’idée qu’un jour, quand ils seront vieux, on pourrait mettre fin à leur vie sans avoir obtenu leur consentement, au lieu de leur procurer des conditions de vie dignes pour le temps qu’il leur restera à vivre.

Pour essayer de faire changer d’idée les opposants aux mesures soi-disant sanitaires qui sacralisent la vie humaine, je pourrais dire qu’en supposant que la vie est un don de Dieu que seul lui pourrait reprendre, ou qu’elle est un processus naturel auquel nous ne devrions pas mettre fin artificiellement, les interventions médicales pour prolonger la vie sont aussi bien des manières de s’opposer à la volonté de Dieu ou au cours de la nature, que des interventions médicales devant mettre fin à la vie. Ou je pourrais essayer de leur montrer que la dignité inhérente à la vie humaine est une illusion, et qu’en deçà d’un certain point, c’est dépenser en vain ses efforts que d’essayer de rendre digne une vie qui ne peut être qu’indigne d’être vécue. Etc. Il en résulterait probablement un dialogue de sourds, tellement nos manières de penser et de sentir sont différentes à ce sujet. Après des heures ou des jours de discussion, nous ne changerions probablement pas, de part et d’autre, d’idée.

Trouvons plutôt un terrain commun à partir duquel nous pourrons discuter. En tant qu’opposants aux mesures soi-disant sanitaires, nous craignons tous leur retour en force, que nous soyons pour ou contre le suicide assisté. Nous nous entendons sur le fait que c’est là un grand mal qu’il nous faut éviter. C’est pourquoi nous devons nous demander ce qui, du recours ou du non-recours au suicide assisté, est le plus apte à empêcher ou à entraver les abus de pouvoir des autorités politiques et sanitaires.

Même si c’est difficile pour moi, je veux essayer de me mettre dans la peau d’un opposant aux mesures soi-disant sanitaires qui s’opposerait aussi au suicide assisté. Pour quelles raisons le suicide assisté pourrait-il à son avis faciliter un éventuel retour de ces mesures et même être étroitement lié à elles ? Il est bien connu que les autorités politiques et sanitaires ont profité de la désorganisation et de la panique qu’elles ont elles-mêmes provoquées dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée et dans les autres résidences de personnes âgées, du déni de soins (aucun remède n’existerait contre la COVID, nous disait-on) et des décès qui en ont résulté (presque tous les cas de maladies respiratoires étaient considérées comme des cas de COVID et n’étaient pas adéquatement traitées) pour justifier les confinements et les autres mesures soi-disant sanitaires. Il est avéré que dans certains établissements, les personnes âgées considérées comme atteintes de la COVID, surtout pendant la « première vague », ont été négligées par le personnel soignant débordé ou affolé, n’ont pas été adéquatement nourries et lavées, et auraient même reçu des drogues qu’on administre normalement aux mourants, ce qui aurait provoqué ou accéléré leur décès, puisque de toute manière on les considérait comme perdues et dangereuses pour les autres résidents et aussi les soignants. Dans l’hypothèse où le suicide assisté serait, selon les endroits, légalisé ou deviendrait plus accessible et où on annoncerait une autre « pandémie » provoquée par l’apparition d’un nouveau virus supposément très contagieux et très dangereux, les autorités sanitaires, les administrations des centres d’hébergement et le personnel soignant pourraient, sous prétexte d’urgence sanitaire, pratiquer le suicide assisté sur des personnes âgées et vulnérables qu’on déclarerait atteintes de cette nouvelle maladie et irrécupérables et qu’on considérerait contagieuses et dangereuses pour les autres résidents, en soutirant leur consentement et celui de leurs proches grâce à la crainte d’une mort inévitable dans d’atroces souffrances. Les autorités politiques et sanitaires pourraient ensuite attribuer tous ces décès, qui ne se seraient pour la plupart pas produits sans le recours au suicide assisté, à cette nouvelle maladie, et prétendre que si on n’impose pas un confinement et des mesures soi-disant sanitaires à toute la population, de nombreux autres décès évitables se produiraient.

Étant donné l’incompétence, la mauvaise foi, l’irresponsabilité, le cynisme, la folie, la docilité et la lâcheté des autorités politiques et sanitaires et d’une partie importante des professionnels de la santé, ces craintes ne peuvent pas être écartées du revers de la main. Nous avons vu ce dont est capable tout ce beau monde. En légalisant ou en facilitant l’accès au suicide assisté, ne leur donnerait-on pas les moyens de faire encore pire, et ce, impunément ?

Envisageons maintenant la situation du point de vue des opposants aux mesures soi-disant sanitaires qui sont en faveur du suicide assisté. Pour quelles raisons, selon nous, le recours au suicide assisté pourrait-il entraver un retour des mesures soi-disant sanitaires ? Je concède que les décès des personnes âgées confinées dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée ont été utilisés par les autorités politiques et sanitaires pour nous imposer les confinements et d’autres mesures abusives et absurdes, et qu’ils pourraient l’être encore plus si le suicide assisté était pratiqué sur ces personnes après avoir obtenu leur consentement par la peur, la désinformation, la tromperie et la contrainte, comme cela a été fait pour obtenir le consentement aux mesures soi-disant sanitaires et à la vaccination de masse. C’est pourquoi il est important de trouver une manière d’éviter que les personnes âgées en mauvaise santé et en perte avancée d’autonomie – y compris nous-mêmes, car notre tour viendra – se retrouvent dans une situation où on pourra les utiliser, d’une manière ou d’une autre, pour justifier l’imposition du confinement et de mesures soi-disant sanitaires à la population bien-portante, sous prétexte de les protéger. Et cette manière d’éviter l’instrumentalisation des décès par les autorités politiques et sanitaires et la manipulation morale du reste de la population, c’est justement d’avoir recours au suicide assisté. Car pour nous qui défendons le suicide assisté, il n’est pas question d’attendre de nous retrouver dans un CHSLD ou dans une résidence privée pour avoir ensuite recours au suicide assisté, mais bien d’y avoir recours pour ne pas nous retrouver dans ces établissements et ne pas devenir la chose du système hospitalier et des autorités sanitaires. Quiconque y met les pieds est à la merci des administrations sanitaires publiques ou privées, qui lui feront subir les dernières innovations en matière de gérontologie et de santé publique, qui gouverneront son existence jusque dans les moindres détails, et qui prétendront s’exprimer en son nom pour exiger toutes sortes de sacrifices du reste de la population, sous prétexte de mettre fin aux décès causés en réalité par de mauvais soins et des mesures soi-disant sanitaires aberrantes, sans qu’il lui soit possible de récuser ces représentants qu’il n’a pas désignés. Pour rien au monde nous ne voulons être ainsi utilisés, à cause de notre admission dans ces établissements, par les autorités politiques et sanitaires dans leur tentative d’exercer une forme facile de chantage moral sur nos concitoyens plus jeunes et en bonne santé, et de les empêcher d’avoir une existence qui les rendra heureux et qui leur permettra de s’accomplir en tant qu’êtres humains et de développer aussi librement que possible leurs capacités intellectuelles, morales et physiques. C’est pourquoi nous sommes prêts à avoir recours au suicide assisté, non seulement pour ne pas avoir à supporter les peines d’une existence que nous trouvons sans valeur, mais aussi pour ne pas devenir malgré nous des instruments d’oppression dans les mains d’autorités politiques et sanitaires que nous trouvons tyranniques. Étant donné que nous n’avons pas l’intention d’attendre d’être dépourvus d’autonomie, d’être considérablement réduits mentalement et d’être devenus la chose de ces établissements hospitaliers et de ces autorités sanitaires avant d’avoir recours au suicide assisté, on ne pourra pas remettre en question notre consentement libre et éclairé et attribuer notre décès à un quelconque agent pathogène pour faire mousser une « pandémie ».

Si cette solution peut paraître radicale, elle a du moins l’avantage d’être réaliste et efficace. On ne peut en dire pas autant du fait, par refus du suicide assisté, de se livrer pieds et poings liés aux administrations sanitaires et au personnel soignant, auxquels il est imprudent de faire confiance, malgré toutes les belles promesses de nos gouvernements pour financer et réformer le système de santé et assurer aux aînés une fin de vie digne d’être vécue.

Ceci dit, je ne prétends pas ici trancher la question une fois pour toutes et mettre fin à la discussion. Je suis certain que les opposants aux mesures soi-disant sanitaires qui s’opposent aussi au suicide assisté ont quelque chose à répondre à mes arguments. Tant mieux. Car ce que je veux, c’est que nous discutions honnêtement pour trouver des manières efficaces de contrecarrer l’imposition de telles mesures, et non imposer mon point de vue aux autres.