Modestes propositions pour plus de transparence

Ne nous faisons pas d’illusions : le Gouvernement, si jamais il prenait connaissance de ces propositions, n’y donnerait pas suite. Il n’en fait qu’à sa tête, depuis le début, et continuera à le faire. Un Gouvernement qui demande à l’opposition de se taire et de se rallier simplement à lui pour faire la guerre au Virus, n’a certainement pas d’oreille pour de simples citoyens comme nous, qui n’ont à ses yeux le droit d’intervenir dans la politique que pour le porter au pouvoir, et qui doivent ensuite se taire et obtempérer, aussi longtemps que durera son règne.

Alors pourquoi formuler ces propositions ? Pour que nous puissions avoir une idée de toutes les informations qu’il nous manque pour avoir l’heure juste à propos de ce qu’il se passe depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et de ce qui s’en vient, et que le Gouvernement aurait pu et pourrait facilement nous fournir.

1. Compte des personnes infectées qui n’ont pas de symptômes, ou qui ont seulement de faibles symptômes, et qui ne sont pas hospitalisées

Il n’y a pas de raison, dans les bilans quotidiens et les bilans cumulatifs, de ne pas faire le compte des personnes infectées qui n’ont pas de symptômes ou qui en ont seulement de faibles, et qui ne sont pas hospitalisées, à un moment donné ; ou qui n’ont jamais eu de symptômes, ou qui en ont seulement eu de faibles, et qui n’ont jamais été hospitalisées jusqu’à ce qu’on les déclare « rétablies ». Nos autorités politiques et sanitaires ayant décédé de considérer toutes les personnes chez lesquelles on dépiste le Virus comme atteintes de la COVID-19, indépendamment de l’existence et de la gravité des symptômes, il est donc nécessaire, pour se faire une idée de l’évolution de la situation, de s’intéresser à l’état de ces personnes, et pas seulement à l’état des personnes qui sont ou seraient hospitalisées, ou qui décèdent ou décéderaient à cause du Virus. S’abstenir de le faire, c’est donner aux citoyens québécois une vue partielle, partiale et exagérément pessimiste de la situation.

Si on persiste à croire que ces informations ne sont pas importantes pour comprendre la situation épidémiologique, il faudrait être conséquent et ne plus considérer les personnes qui n’ont pas de symptômes ou qui n’en ont que de faibles comme des personnes atteintes de la COVID-19. Il n’est pas cohérent de prendre en compte ces personnes quand il s’agit de faire le compte des cas de COVID-19, et de les ignorer quand il s’agit de faire le suivi de leur état de santé. Alors qu’on se décide !

2. Compte séparé des hospitalisations pour isolement préventif, pour complications et aux soins intensifs

Le Gouvernement, dans les bilans quotidiens qu’il publie sur internet, fait la distinction entre les hospitalisations hors soins intensifs et les hospitalisations dans les unités de soins intensifs. Car une personne peut-être hospitalisée sans être en danger de mort, ou sans avoir de graves complications. C’est un bon début : le Gouvernement nous fournit cette information.

Mais une personne peut aussi être hospitalisée sans nécessairement avoir des complications. C’est le cas des résidents des CHSLD qui ont reçu un résultat positif à un test de dépistage, qui sont isolés à titre préventif, pour éviter la contamination des autres résidents, et qui sont comptés comme des personnes hospitalisées, puisqu’ils occupent des lits d’hôpital, comme en témoignent les bilans quotidiens du CIUSSS de la Capitale-Nationale, du 7 septembre 2020 jusqu’au passage en « zone rouge ». (À noter qu’aucun bilan n’est publié le samedi et le dimanche, et que les bilans du lundi rendent compte de l’évolution de la situation depuis le vendredi.)

Pendant ce temps, les journalistes nous annonçaient que les hospitalisations augmentaient dramatiquement, sans préciser qu’une personne hospitalisée n’est pas nécessairement une personne qui est malade ou qui a des complications.

Et c’est ainsi, de toute évidence, que les autorités sanitaires ont fait passer la région de la Capitale-Nationale au palier d’alerte maximale ! Curieusement, les hospitalisations pour complications se sont mises à augmenter dès le premier jour au palier d’alerte maximale, puis la distinction entre les hospitalisations pour isolement préventif et celles pour complications est disparue des bilans le jour suivant, pour ne plus y réapparaître.

Depuis, la région de la Capitale-Nationale demeure au palier d’alerte maximale sans qu’on sache vraiment quelle est la situation quant aux hospitalisations. Le défi de 28 jours est devenu un défi de 56 jours, et il est bien possible qu’il se prolonge encore bien longtemps.

On peut craindre que ce qui s’est passé, et qui continue vraisemblablement de se passer pour la région de la Capitale-Nationale, vaut aussi pour d’autres régions et peut-être pour la province toute entière. Mais pas moyen d’en être certain aussi longtemps que les autorités sanitaires retiendront ces informations et ne nous apprendront pas, dans leurs bilans quotidiens, quelle proportion des hospitalisations sont en fait des résidents des CHSLD isolés préventivement en milieu hospitalier.

 

3. Compte séparé des personnes hospitalisées pour des complications dues au Virus et pour des complications dues à autre chose, mais qui ont reçu un résultat positif à un test de dépistage

Si le Virus est aussi contagieux et dangereux qu’on nous le dit, il est vraisemblable que les personnes hospitalisées pour d’autres maladies, pour des blessures ou suite à des chirurgies, mais qui ont été testées et déclarées positives, occupent un lit dans une section réservée aux personnes positives, pour ne pas contaminer les patients qui n’ont pas été déclarés positifs et qui sont hospitalisés dans d’autres sections des hôpitaux.

Il faudrait donc, pour avoir une vue juste de la situation, que les autorités sanitaires nous apprennent, dans leurs bilans quotidiens, combien de personnes occupent des lits dans les sections réservées au Virus (dans les unités de soins intensifs ou ailleurs) pour des problèmes de santé ou des blessures qui n’ont rien à voir avec le Virus. Ces informations devraient nous être fournies pour l’ensemble de la province et pour chaque région.

 

4. Suivi des lits disponibles dans les sections réservées au Virus, dans les unités de soins intensifs ou de soins réguliers

On conviendra, j’espère, qu’il nous est difficile de juger correctement de la gravité de la situation si, en plus du nombre d’hospitalisations appartenant aux catégories décrites ci-haut, on ne nous fournit pas le nombre total de lits disponibles à un moment donné, dans les unités de soins intensifs ou dans les unités de soins réguliers, pour toute la province et pour chaque région socio-sanitaire.

Pour vous montrer combien cette information est importante, j’attire votre attention sur le fait que le nombre d’hospitalisations, selon les statistiques de l’INSPQ, a été jusqu’à maintenant, au plus fort de la « deuxième vague », de 652 au total (17 novembre 2020), de 552 hors soins intensifs (17 novembre) et de 101 aux soins intensifs (18 novembre 2020) ; alors qu’il a été, au plus fort de la « première vague », de 1866 au total (12 mai 2020), de 1672 hors soins intensifs (12 mai 2020) et de 227 aux soins intensifs (23 avril 2020), selon l’ancienne définition des hospitalisations.

Pourtant on nous a dit souvent, depuis le mois de septembre, que ces sections des hôpitaux se remplissaient dangereusement. Qu’est-ce qu’il faut en conclure ? Que le nombre de places disponibles cet automne est semblable à celui d’avril, et donc que cette affirmation est fausse, exagérée ou ne s’applique qu’à certaines régions ou certains hôpitaux ? Ou que nos autorités, après avoir réduit le nombre de lits disponibles pour le Virus durant l’été (rien à redire sur ce point), ont tardé à augmenter ou n’ont pas encore augmenté ce nombre à son niveau de la « première vague », malgré le fait qu’elles nous annoncent depuis longtemps cette « deuxième vague », et devraient par conséquent y être mieux préparées ? Dans ce dernier cas, l’engorgement des hôpitaux, s’il est bien réel, serait moins causé par une augmentation difficilement contrôlable des hospitalisations, que par les mauvaises décisions de nos autorités politiques et sanitaires, ou par leur incapacité à préparer adéquatement les hôpitaux à la « deuxième vague » pourtant annoncée depuis des mois.

 

5. « Remettre le compteur à zéro »

On nous parle tous les jours, depuis des mois, des décès qui alourdissent le bilan. Voici 1000, 1100 ou 1200 nouveaux cas de contamination au Virus et 10, 20 ou 30 décès qu’on ajoute au grand total, dont on nous dit dramatiquement qu’il ne cesse de croître depuis le début de la pandémie, comme si ce total pouvait diminuer, comme si les personnes infectées pouvaient ne pas avoir été infectées, comme si les morts pouvaient ressusciter ! Si les fameux vaccins ne s’avèrent pas aussi efficaces que promis, si nous devons faire face à une « troisième vague », à une « quatrième vague » et à une « cinquième vague », comme des prophètes de malheur l’annoncent déjà, nos autorités continueront-elles à cumuler les cas indéfiniment, pour atteindre des totaux de plus en plus impressionnants ?

Pourtant les personnes infectées, si elles ne décèdent pas, finissent par ne plus être infectées. Pourquoi ne pas nous parler, chaque jour, du nombre de personnes infectées à ce moment et du nombre de personnes qui ne sont plus considérées comme infectées depuis la veille ? On nous donnerait ainsi une idée plus juste de la gravité de la situation.

Et pourquoi ne pas recommencer le compte au début de l’année 2021, ce qui nous permettrait de faire une comparaison avec l’année 2020 ? N’est-ce pas ce que nous faisons aussi pour des maladies très sérieuses, comme le cancer, dont on estime qu’il y en aura 225 800 nouveaux cas diagnostiqués en 2020 au Canada ? Imaginez ce qu’il se passerait si l’on additionnait les cas de 2021 à ceux de 2020, le tout accompagné d’un battage médiatique sans précédent à propos du cancer. Imaginez qu’on en fasse autant pour les décès causés par le cancer en 2020 (estimés à 83 000 au Canada) et en 2021. De quoi nous faire tourner la tête ! De quoi nous faire oublier notre cher Virus ! De quoi le reléguer définitivement aux oubliettes !

Pourquoi ne pas traiter le Virus comme le cancer, et « remettre les compteurs à zéro » en 2021 ? Cela ne reviendrait pas à minimiser la gravité de la situation, le cancer ayant été la première cause de décès (29,6 %) en 2016 au Canada. Sans compter qu’un Canadien sur deux devrait être atteint de cancer durant sa vie, et qu’un Canadien sur quatre devrait mourir du cancer. Ce n’est pas rien, surtout que le combat contre le cancer, avant qu’il n’y ait rémission ou décès, peut durer plusieurs mois, voire davantage, période durant laquelle les traitements diminuent considérablement la qualité de vie des malades, à quoi il faut ajouter les maux liés au cancer lui-même.

 

6. Publication de la proportion des décès par groupe d’âge en même temps que le nombre quotidien de décès liés au Virus

Bien que nous sachions que les décès liés au Virus concernent principalement des personnes âgées, et même des personnes très âgées, c’est ce que nous tendons à oublier quand on nous présente les bilans quotidiens. C’est pourquoi, chaque fois qu’on nous parle de nouveaux décès et du total des décès, il faudrait toujours joindre à ces bilans la proportion des décès pour chaque groupe d’âge.

On dira qu’une vie humaine est une vie humaine, qu’on soit jeune ou qu’on soit vieux. Sans doute. Mais il est moins dramatique de mourir à 84 ans qu’à 41 ans ou à 53 ans, par exemple. Et cela finira tous par nous arriver, à cet âge, un peu avant ou un peu après, quel que soit notre âge actuel. Si ce n’est pas le Virus, ça sera autre chose. Cela fait partie de la vie. C’est notre lot à tous ou presque de ne pas atteindre 100 ans, surtout en pleine forme.

 

7. Compte séparé des décès dus seulement au Virus, des décès dus à des causes multiples dont l’une serait le Virus, et des décès de personnes infectées qui n’ont rien à voir avec le Virus

Compte tenu de l’âge souvent très avancé et du mauvais état de santé des personnes dont le décès est attribué au Virus, il n’est pas toujours facile d’établir si le Virus est la seule cause du décès, s’il est une cause parmi d’autres, ou s’il n’a aucunement causé, même pas en partie, le décès en question.

Le simple lien épidémiologique, c’est-à-dire le fait d’avoir été en contact plus ou moins rapproché avec une personne contaminée, ne devrait pas suffire. Pour avoir l’heure juste, toute personne ayant des complications semblables à celles que peut entraîner le Virus devrait être testée. (Toute personne qui décède des suites de complications qui n’ont rien de commun avec celles qu’entraîne le Virus, devrait bien entendu être écartée sans test de dépistage, même si elle a été contact avec une personne positive.)

Si le résultat du test est négatif, le décès doit bien entendu être considéré comme n’ayant rien à voir avec le Virus, même si les symptômes sont semblables à ceux que provoque le Virus et même si la personne a été en contact avec une personne positive.

Si le résultat du test est positif, il faut déterminer si le Virus est la seule ou la principale cause du décès (première catégorie), ou s’il est seulement une cause parmi d’autres (deuxième catégorie). Je reconnais qu’il n’est pas toujours facile de départager dans quelle catégorie doit entrer un décès. Mais il faut se poser la question et convenir d’une manière de départager qui fait sens.

Une personne qui a déjà eu un accident cardiovasculaire, mais qui s’est remise depuis et dont l’état de santé est bon, qui attrape de Virus, et qui en meure suite à des complications, pourrait à mon avis être classée dans la première catégorie, même si ses antécédents cardiaques font qu’on la considère comme une personne plus vulnérable.

Une personne déjà considérablement affaiblie par un grave accident cardiovasculaire, qui attrape le Virus, et qui en meure suite à des complications, pourrait à mon avis être classée dans la deuxième catégorie.

Envisageons un autre cas de figure. Une personne est condamnée à une mort prochaine ou probable ou est morte pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le Virus, par exemple un cancéreux en phase terminale ou une personne très âgée qui a un grave accident cardiovasculaire entraînant une mort subite ou dans les prochains jours. Cette personne a reçu, à un moment ou un autre, un résultat de test positif, et elle est encore considérée comme infectée au moment de son décès, bien qu’elle n’ait pas de symptômes liés au Virus ou n’en ait que de faibles. Par conséquent, elle ne devrait pas être considérée comme étant décédée d’une infection au Virus, et son décès devrait être comptabilisé dans une troisième catégorie : celle des personnes infectées dont le décès n’a rien à voir avec le Virus. Cette troisième catégorie est importante : on ne peut pas considérer les personnes concernées comme des personnes dont le décès serait attribuable (en totalité, principalement ou en partie) au Virus, et on ne peut pas davantage les considérer comme des personnes rétablies.

 

8. Publication des statistiques des décès, toutes causes confondues, par groupe d’âge et selon la période de l’année, pour l’année en cours et les années précédentes

Pour juger adéquatement de la gravité de la situation, nous devons savoir quelle proportion des décès par groupe d’âge représentent les décès attribuables au Virus. Le fait d’apprendre que, tel jour, 10, 20 ou 30 personnes de 80 ans ou plus seraient décédées de complications dues au Virus ne nous apprend en soi presque rien. Il nous faut être capables de remettre en perspective ces décès. Le décès de 25 personnes âgées de plus de 80 ans ne représente pas la même chose selon qu’il en est décédé, toutes causes confondues, 250, 500, 750, 1000 ou 1500 le même jour. (Pour faciliter cette mise en perspective, on pourrait la faire pour chaque semaine au lieu de chaque jour, ce qui impliquerait que les bilans quotidiens deviennent des bilans hebdomadaires.)

Mais cela ne suffit pas. La surmortalité par groupe d’âge, c’est-à-dire l’excès des décès enregistrés durant une période donnée comparativement aux années précédentes, est un bon indicateur pour juger de la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Les décès attribuables au Virus, de manière générale et pour chaque groupe d’âge, n’ont pas le même sens selon qu’il n’y a pas de surmortalité, une surmortalité inférieure au nombre de décès causés par le Virus, une surmortalité à peu près égale à ce nombre, ou une surmortalité supérieure à ce nombre.

Chaque cas serait néanmoins susceptible d’être expliqué de plusieurs manières. Dans le cas d’une surmortalité inférieure au nombre de décès causés par le Virus, certains pourraient y voir la preuve que les mesures sanitaires prises par les autorités ont permis de réduire les décès attribuables à d’autres causes que le Virus, alors que d’autres pourraient au contraire faire la supposition que ces décès, en réalité causés par d’autres maladies (surtout respiratoires, et qui ont des symptômes semblables), ont pu être attribués à tort au Virus.

Dans le cas d’une surmortalité supérieure au nombre de décès causés par le Virus, on pourrait y voir la preuve que la propagation du Virus entraîne aussi des décès qui ne sont pas causés directement par lui, notamment par les fortes pressions qui sont exercées sur le système hospitalier. Un autre pourrait au contraire faire la supposition que cette surmortalité n’est pas tant due à des effets indirects de la propagation du Virus, qu’aux effets nuisibles des mesures sanitaires prises pour la contrer et, pour cette raison, inappropriées.

Ces données ne parleraient donc pas d’elles-mêmes, et il faudrait investiguer pour savoir quelle explication est la plus vraisemblable.

 

9. Publication des statistiques (cas diagnostiqués, hospitalisations et décès) pour les maladies les plus fréquentes et/ou normalement responsables d’une partie considérable des décès

Pour nous donner un point de comparaison et nous permettre de juger adéquatement de la gravité de la situation, toutes les statistiques concernant le Virus devraient être accompagnées des mêmes statistiques pour les maladies respiratoires saisonnières, comme la grippe et la pneumonie, et pour les maladies qui sont les principales causes de mortalité, comme le cancer et les accidents cardiovasculaires.

En plus de fournir les statistiques pour l’année en cours, il faudrait nous fournir les statistiques pour les années précédentes, afin de pouvoir observer de possibles fluctuations. Par exemple, une diminution des cas de grippe et de pneumonie pourrait être observée comparativement à la même période les années précédentes, de même qu’une diminution des hospitalisations et des décès causés par ces maladies. Ce qui pourrait avoir pour cause des erreurs de diagnostic dues à la confusion des symptômes de ces maladies avec ceux du Virus, ou encore l’efficacité pour ces autres maladies des mesures de distanciation sociale prises pour lutter contre le Virus, ou encore le fait que le Virus dérobe aux autres maladies leurs proies, comme le loup quand il entre en compétition avec des prédateurs moins dangereux, comme le coyote.

Quant aux mêmes observations pour le cancer et les maladies cardiovasculaires, on pourrait les expliquer, pour le nombre de nouveaux cas, par le fait que ces maladies sont moins souvent diagnostiquées en raison du retard dans les tests de dépistage, ou de la peur que certains ont du Virus, qui les dissuade d’aller à l’hôpital ; et, pour les hospitalisations et les décès, par le fait qu’on attribue certains d’entre eux au Virus sans tenir compte qu’il peut être seulement une cause parmi d’autres, ou qu’une hospitalisation ou un décès avec Virus n’est pas nécessairement une hospitalisation ou un décès causé par le Virus, surtout quand les symptômes habituels du Virus sont absents. Enfin, une troisième explication est possible : la distanciation sociale, le lavage des mains, la désinfection régulière des surfaces et le port obligatoire du cache-binette dans les lieux publics fermés s’avèrent des moyens efficaces de lutter contre ces maladies – plus efficaces que les traitements et les chirurgies auxquels on a habituellement recours – et permettent donc de sauver des vies à moindre coût. Si tel est le cas, voilà qui devrait apporter de l’eau au moulin de ceux qui parlent de pérenniser les mesures sanitaires actuelles !

 

Conclusion

C’est seulement si ces informations sont rendues publiques que les citoyens québécois et les membres de l’opposition pourront juger en connaissance de cause de l’évolution de la situation et de la pertinence des mesures prises par le Gouvernement, et pourront faire des propositions constructives. Tout appel à se rallier au Gouvernement sans satisfaire au moins une partie importante de ces demandes est hypocrite et revient à demander l’obéissance aveugle. Et si jamais le Gouvernement ne disposait pas lui-même de ces données et se contentait des bilans simplistes et rudimentaires qu’il diffuse à l’intention de la population et qui sont repris par les grands médias, il montrerait qu’il ne peut pas avoir lui-même une idée précise de la situation, et qu’il ne s’en soucie guère.

Ceci dit, au lieu d’attendre que le Gouvernement nous fournisse sur un plateau d’argent ces informations et en fasse faire l’analyse par ses experts, il nous faudrait compiler et analyser les données auxquelles nous pouvons déjà avoir accès en cherchant bien, et faire des démarches pour obtenir les autres. Mais ce n’est pas l’affaire d’une seule personne.

Ne serait-ce pas quelque chose que pourraient entreprendre nos chercheurs en sciences sociales, qui sont habitués à manier de telles données, qui savent comment les obtenir et dont les recherches portent parfois sur le domaine de la santé ? Ne serait-ce pas d’une grande utilité sociale que de sortir les citoyens québécois de l’obscurité dans laquelle les garde le Gouvernement ? Alors il faudrait que ces chercheurs rendent les résultats de leurs recherches accessibles à une grande partie des citoyens, ou du moins aux citoyens qui ont une certaine culture intellectuelle, et pas seulement aux spécialistes de leur discipline. Alors il leur faudrait fournir régulièrement les résultats provisoires de leurs recherches, car il y a urgence, car il nous serait inutile d’apprendre, dans un an ou deux, que les données fournies par le Gouvernement sont erronées, partielles et partiales. Le prolongement de l’état d’urgence sanitaire aurait déjà eu amplement le temps de nous faire tout le mal qu’il peut, individuellement et collectivement. Et ce serait une bien piètre consolation, pour les citoyens québécois, de se faire montrer scientifiquement, par des chercheurs qui auraient fini par y voir clair, qu’ils se sont fait rouler dans la farine, une fois la chose faite.

Si nos chercheurs en sciences sociales ne daignent pas intervenir et préfèrent vaquer tranquillement à leurs occupations, comme si rien ne se passait, s’ils ne disent mot et consentent au prolongement de l’état d’urgence sanitaire, s’ils vont même jusqu’à abonder dans le même sens que notre Gouvernement et nos médias et à moraliser les citoyens québécois pour qu’ils obéissent docilement, il nous faudra en conclure qu’ils ne sont pas à la hauteur de la fonction critique qu’ils se targuent d’avoir dans notre société démocratique, et qu’ils ont démontré leur propre inutilité. Grand bien leur fasse ! Car ils ne devront pas compter sur nous pour venir à leur secours quand notre Gouvernement, avec la complicité des administrations universitaires, en viendra aux mesures d’austérité sous prétexte de redresser les finances publiques, et réduira drastiquement les budgets alloués à l’enseignement et aux recherches dans le domaine des sciences sociales, qui lui paraissent inutiles, bien que pour d’autres raisons que nous. À bon entendeur, salut !