Comment rendre l’état d’urgence et les confinements désavantageux pour nos députés

Pendant l’état d’urgence sanitaire et les confinements des années 2020 à 2022, quand nos gouvernements nous ont privés de nos sources de revenus, quand ils ont daigné nous accorder une prestation d’urgence insuffisante pour plusieurs d’entre nous, quand nous avons dû nous endetter auprès des banques et des compagnies de cartes de crédit pour pouvoir payer nos comptes et subvenir à nos besoins, nos chers députés, eux, continuaient à jouir de leur salaire et de leurs privilèges, même quand le Parlement ne siégeait plus à cause de l’état d’urgence sanitaire, même quand la télé-parlementerie n’existait pas encore, même quand le conseil exécutif gouvernait par décrets et par arrêtés, sans consulter le Parlement et sans avoir besoin de faire adopter par elle les mesures soi-disant sanitaires. Voilà qui explique en partie pourquoi nos députés – censés nous représenter, mais en fait inféodés aux partis politiques régnants ou d’opposition – n’ont pas protesté lors de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, ont approuvé les confinements et se sont ralliés au conseil exécutif et aux autorités sanitaires. Pourquoi se seraient-ils opposés, puisqu’ils continuaient d’être rémunérés pour leurs fonctions politiques sans avoir à les assumer du tout ou pleinement, et étaient donc payés pour ne rien faire ou presque ? Pourquoi auraient-ils pris le risque de se mettre à dos l’establishment et les partis politiques dont dépend leur carrière politique, alors qu’ils n’avaient rien à y gagner et tout à y perdre ?

Il est donc dans l’ordre des choses que l’état d’urgence sanitaire ait duré plus de deux ans, que le gouvernement n’en ait fait qu’à sa tête pendant tout ce temps, et que cette usurpation ait été, dans le meilleur des cas, critiquée assez mollement par nos députés, malgré les maux qu’il en a résultés pour les citoyens qu’ils sont censés représenter et pour la démocratie. C’est que les intérêts des députés convergeaient et continuent de converger avec ceux des autorités politiques et sanitaires qui ont régné sur nous pendant deux années entières, et qui sont capables de récidiver sous n’importe quel prétexte. C’est que les intérêts des députés ne convergeaient pas et continuent de ne pas converger avec les nôtres. Il n’est donc pas raisonnable d’espérer que la majorité des députés, quel que soit le parti politique auquel ils appartiennent, agiraient autrement si le gouvernement, chapeauté par l’Organisation mondiale de la santé, nous imposaient de nouveaux confinements et de nouvelles mesures soi-disant sanitaires, sous prétexte d’une nouvelle pandémie.

Il importe donc de trouver des manières de faire converger les intérêts de nos députés avec les nôtres, et de les faire diverger de ceux du gouvernement quand celui-ci s’accorde à lui-même des pouvoirs exceptionnels, suspend les institutions démocratiques et nuit à nos intérêts.

Je ne veux pas reprendre ici, sous une forme un peu différente, les arguments en faveur de l’abolition des partis politiques exposés dans de précédents billets (5 décembre 2020, 26 septembre 2021 et 9 octobre 2022), auxquels je renvoie mes lecteurs. Je me contente de rappeler que les députés qui sont dans la dépendance d’un parti politique sont les représentants de ces partis politiques qui les ont choisis comme candidats dans telles circonscriptions électorales, et donc que seuls des députés indépendants sont aptes à représenter leurs électeurs. Toutefois, il n’est pas raisonnable de croire que les partis politiques seront bientôt abolis, à moins d’une réforme radicale de nos institutions politiques, puisque les gouvernements qui se succèdent et la bureaucratie publique qui leur survit profitent de l’existence des partis politiques pour exercer l’essentiel du pouvoir et pour se subordonner en grande partie l’assemblée législative, directement quand le parti gouvernemental détient la majorité des sièges, ou par des tractations avec les chefs des partis d’opposition quand il est minoritaire. C’est pourquoi il est important d’essayer de trouver d’autres manières de faire converger les intérêts des députés avec ceux des citoyens qu’ils sont censés représenter.

Je ne vois pas pourquoi nos députés devraient continuer d’être rémunérés et de bénéficier d’indemnités (par exemple pour un logement dans la capitale) quand le corps politique dont ils font partie ne siège plus à cause des mesures d’urgence ou quand le gouvernement s’accorde à lui-même des pouvoirs exceptionnels qui privent en grande ce corps politique des pouvoirs qu’il détient normalement. Si les députés obtempèrent à ce que décrète alors le gouvernement et se laissent priver de ces pouvoirs qu’ils détiennent en tant que corps, ils ne sont plus en mesure d’assumer les fonctions politiques pour lesquelles nous, les citoyens, les avons élus. Ils ne sont plus vraiment des députés si, sous prétexte de guerre contre un méchant virus, ils se rallient au gouvernement, au lieu de s’opposer à ce coup d’État institutionnalisé et d’essayer de mettre fin à l’état d’urgence, aux mesures d’exception et à cette usurpation en les déclarant anticonstitutionnelles, en les annulant par un vote, en déclarant hors-la-loi les membres du gouvernement, les fonctionnaires et les policiers qui persisteraient à appliquer les mesures d’urgence, et en adoptant une motion de censure contre le gouvernement, selon ce que rendent possible la constitution et les lois de leurs pays. À défaut de quoi, les députés sont réputés ne plus disposer des conditions nécessaires à l’exercice de leurs fonctions politiques, et devraient être traités exactement comme leurs concitoyens qui se retrouvent dans la même situation à cause de l’état d’urgence sanitaire et des mesures d’exception, à savoir être privés des revenus et des indemnités liés à leurs fonctions, et devoir avoir recours aux mêmes programmes d’aide financière qu’eux, lesquels ne leur permettraient pas de maintenir le même train de vie et ne leur permettraient pas de remplir leurs obligations financières. Voilà qui devrait les inciter à user du pouvoir dont ils disposent pour s’opposer vigoureusement à un gouvernement qui déclarerait l’état d’urgence sanitaire du jour au lendemain, qui imposerait la fermeture partielle ou complète de plusieurs secteurs importants de l’économie, et qui appauvrirait directement ou indirectement le peuple qu’ils sont censés représenter. Cela fonctionnerait d’autant mieux que seraient nombreux les députés qui ne sont pas assez riches pour être privés de cette source de revenus sans des inconvénients importants et qui auraient intérêt à ce que l’état d’urgence et les confinements se terminent le plus rapidement possible.  Et si les partis politiques, grâce aux donations qu’ils reçoivent, les faisaient vivre, cela aurait pour avantage de rendre évident qu’ils ne sont pas nos représentants, mais qu’ils sont plutôt les employés des partis politiques qui constituent les gouvernements qui se succèdent et qui peuvent être facilement subordonnés aux intérêts des élites économiques.

La mesure que je propose ici pour rendre la déclaration de l’état de l’urgence sanitaire aussi désavantageuse pour les députés que pour les citoyens devrait pouvoir aussi s’appliquer à l’état d’urgence que nos gouvernements pourraient déclarer sous prétexte de crise climatique, de guerre ou d’attentats terroristes, et qui pourraient empêcher les députés de remplir leurs fonctions politiques, qu’ils soient confinés ou non, et que le Parlement siège ou non.