Des révélations sur la Chine qui tombent à point

Vraiment, les révélations sur les ingérences présumées de la Chine dans les élections fédérales canadiennes de 2021 tombent à point. Juste au moment où l’administration américaine et la plupart des gouvernements occidentaux se scandalisaient du rapprochement de la Chine et de la Russie, juste au moment où des ballons d’espionnage chinois et d’autres objets volants non identifiés auraient survolé le territoire américain et canadien et auraient été abattus par l’aviation américaine, juste au moment où on s’apprêtait à menacer la Chine si elle osait fournir des armes à la Russie, voilà qu’un rapport secret du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) fait surface dans les médias, qui décrirait de quelle manière le gouvernement chinois serait intervenu pour faire élire des députés libéraux, au détriment de députés conservateurs, les seconds défendant généralement une ligne plus dure vis-à-vis de la Chine. Comme c’est commode !

Ce n’est pas nouveau : de semblables allégations – vraies ou fausses, fondées ou non – circulent depuis quelques années à propos des élections fédérales canadiennes de 2019 et de 2022. Ce qui est nouveau, par contre, c’est l’importance plus grande que les médias de masse canadiens et étrangers accordent à cette histoire, dans un contexte où les relations entre l’Occident et la Chine continuent dangereusement de se détériorer, c’est aussi le tumulte qui en résulte au sein de la classe politique canadienne, une partie de partis d’opposition attaquant vigoureusement les libéraux sur ce point, un registre ayant vu le jour pour les agents étrangers, et un rapporteur spécial ayant dû être nommé pour enquêter sur ces allégations (en fait, un proche de la famille Trudeau). Faisons donc preuve de méfiance et de prudence et réfléchissons au lieu de nous laisser emporter par une sinophobie qui aurait de graves conséquences diplomatiques et économiques qui s’ajouteraient à celles de la russophobie qui sévit sous une forme particulièrement aiguë depuis environ un an.

Ça ne serait pas la première fois qu’en Occident des services de renseignement ou certains de leurs membres non identifiés font des révélations aux médias de masse pour manipuler l’opinion publique, pour déstabiliser un gouvernement qui ne leur semble pas ou plus le meilleur pour servir un agenda politique donné, pour procurer un levier à des partis d’opposition, et pour rallier les citoyens contre un ennemi commun. C’est ce qui s’est produit avec cette histoire d’ingérence russe pour faire élire Donald Trump en 2016. Et c’est peut-être aussi ce qui est en train de se passer maintenant, avec cette histoire d’ingérence chinoise dans les élections fédérales canadiennes. S’il est vrai que Justin Trudeau et les libéraux étaient de meilleurs pantins que le Parti conservateur du Canada pour nous imposer la nouvelle idéologie sanitaire, ce dernier semble plus disposé à réduire ou à rompre les relations diplomatiques avec la Chine, à remettre en question la politique « One China », et à adopter des sanctions économiques contre la Chine, si telle est la direction que l’administration américaine décide de prendre et d’imposer à ses vassaux. Si ces révélations du SCRS sont effectivement une tentative, coordonnée avec l’administration américaine, de faire adopter au Canada une position plus résolument anti-chinoise, j’ignore si l’objectif de cette manœuvre est de provoquer un scandale qui pourrait tôt ou tard faire tomber le gouvernement minoritaire de Trudeau, de provoquer de nouvelles élections et de mener à la formation d’un nouveau gouvernement conservateur plus anti-chinois, ou d’obtenir que le gouvernement actuel, pour se laver des soupçons ou des accusations dont il est la cible et sous la pression des partis d’opposition, adopte une politique plus agressive vis-à-vis de la Chine sous prétexte de protéger la démocratie dont il a montré ouvertement qu’il ne fait pas le moindre cas, depuis 2020 et même avant. Dans tous les cas, il s’agirait d’une ingérence de quelques agents anonymes du SCRS dans les affaires politiques canadiennes, peut-être avec l’accord de la direction du SCRS, et peut-être pour régler encore plus la politique étrangère canadienne vis-à-vis de la Chine sur la politique étrangère américaine. Ainsi, les accusations d’ingérence étrangère de la Chine dans les affaires politiques canadiennes pourraient être elles-mêmes une tentative d’ingérence étrangère dans ces affaires.

Nous qui sommes des opposants aux mesures soi-disant sanitaires et qui ne croyons pas le moins du monde à ces histoires de pandémies dans lequel le gouvernement de Justin Trudeau s’est investi et continue de s’investir, nous ne devons pas nous laisser mener par le bout du nez à cause de notre aversion justifiée pour ce gouvernement et ce premier ministre, et aussi pour la Chine, dont beaucoup d’entre nous pensent que son système de crédit social a servi de modèle aux gouvernements occidentaux, dont le gouvernement canadien, pour les systèmes de surveillance de masse et de contrôle social qu’ils ont commencé à implanter et qu’ils continuent d’implanter. La dégradation des relations diplomatiques et économiques avec la Chine accélérerait l’appauvrissement des Canadiens et la dégradation de l’économie canadienne, et pourrait nous mener à la grande réinitialisation à l’occasion de laquelle le gouvernement canadien – en collaboration avec les plus grandes banques et les plus grands groupes financiers occidentaux, les géants de la technologie et des organisations supranationales s’ingérant de plus en plus dans les affaires des États – mettrait en place un système de crédit social grâce à l’identité numérique et à une monnaie numérique de banque centrale traçable et programmable.  Gardons-nous bien, par manque de réflexion, de permettre qu’on utilise notre aversion pour le système de crédit social chinois afin de nous faire accepter des sanctions économiques contre la Chine qui seraient en fait de nouvelles sanctions contre le Canada et les autres pays occidentaux, qui accéléreraient la dissolution de l’économie canadienne et qui prépareraient le terrain pour la grande réinitialisation et l’entrée en vigueur d’un système de crédit social canadien, arrimé à d’autres systèmes de crédit social occidentaux.

Envisageons néanmoins la possibilité que ce plan soit foireux et donc voué à l’échec, l’effondrement économique s’annonçant trop brutal, surtout avec des sanctions économiques contre la Chine, pour permettre son application. Envisageons aussi qu’un tel plan n’existe pas, malgré l’amour avéré du pouvoir des gouvernements occidentaux, des grandes corporations et des organisations supranationales. Dans les deux cas, l’adoption de sanctions économiques contre la Chine, en guise de représailles pour son ingérence présumée dans les affaires politiques canadiennes, ne serait pas un moyen efficace d’empêcher cette ingérence, appauvrirait inutilement les Canadiens et les rendrait beaucoup plus vulnérables aux abus de pouvoir des autorités politiques, bureaucratiques et sanitaires.

Méfions-nous donc de cette histoire d’ingérence de la Chine dans les élections fédérales canadiennes, dont il est raisonnable de penser qu’elle tombe trop à point pour être un hasard. Et même s’il y avait effectivement eu ingérence chinoise dans nos affaires politiques, la dégradation ou l’interruption des relations économiques avec la Chine n’en serait pas moins destructrice pour l’économie canadienne, nuisible pour les citoyens canadiens et nocive pour la démocratie canadienne, dont elle détériorerait les conditions d’existence.