Guerre de l’information et guerre morale

Les journalistes, les scientifiques et les intellectuels dissidents déclarent souvent qu’ils luttent contre la désinformation et qu’ils participent à une grande opération de réinformation, dans le cadre d’une guerre de l’information, qu’il soit question de la pandémie, de la guerre, des changements climatiques, de la surveillance de masse et du contrôle social. Si beaucoup de nos concitoyens acceptent de se faire confiner, museler, injecter des substances dangereuses, appauvrir, entraîner dans une guerre mondiale, sermonner à propos de leur consommation d’essence, de gaz naturel, d’électricité et de viande, et de se soumettre à une discipline hospitalière et carcérale, c’est que la propagande gouvernementale et médiatique les exposent à des informations fausses et trompeuses. Si ces personnes étaient au contraire bien informées, si elles ne prenaient pas des mensonges pour la vérité, beaucoup d’entre elles n’obéiraient plus à ceux qui sont en train de les assujettir progressivement, ne collaboraient plus avec eux, et parfois même leur résisteraient. Dans cette perspective, l’accès à une information équilibrée et raisonnée et la connaissance des faits ou de la vérité devraient ouvrir les yeux des personnes mal informées, trompées ou endoctrinées, et contribuer à les faire agir de manière plus raisonnable et plus autonome. Et quand on se heurte à une forte résistance dans ces tentatives de réinformation, quand on constate l’indifférence ou l’irritation vis-à-vis des faits éprouvés et des positions politiques et morales bien argumentées, on en conclut que c’est parce que la propagande ambiante dispose de moyens beaucoup plus puissants que les opposants, lesquels lui permettent d’assurer son emprise sur les esprits.

Il y a sans doute du vrai dans cette manière de voir les choses. L’argent et l’énergie consacrés à la désinformation et à la propagande montrent bien que l’information est un enjeu important pour ceux qui agissent de plus en plus comme nos maîtres. Et il faudrait être fou pour croire que les opposants, disposant de moyens limités, peuvent lutter contre les puissants organes de propagande et ouvrir les yeux à leurs concitoyens sans faire face à une forte résistance et échouer dans de nombreux cas. Cependant, on ne reconnaît pas toujours l’importance du rôle joué par la morale conformiste et dogmatique de l’obéissance et de la docilité dans la passivité et l’assujettissement de beaucoup de nos concitoyens. Il arrive parfois que des penseurs dissidents en parlent, mais en sous-entendant souvent que l’apparition ou le renforcement de cette morale est avant tout un effet de la désinformation et de la propagande gouvernementale et médiatique. J’aimerais pour ma part envisager une autre possibilité : la désinformation et la propagande fonctionnent si bien justement parce qu’elles tirent profit de la valorisation de la passivité, du consensus, du conformisme, du dogmatisme, de l’obéissance et de la docilité.

Pour la plupart des gens qui constituent la société dans laquelle nous vivons malheureusement, s’informer est essentiellement une affaire passive. Est bien informé celui qui sait et répète ce que disent les autorités gouvernementales et médiatiques, et qui délèguent à ses dernières le pouvoir de déterminer ce qui est vrai et ce qui est faux. Dans cette perspective, ce que proclament ces autorités est le critère du vrai et du faux, et tout ce qui s’en éloigne est automatiquement considéré comme de la désinformation, une erreur, un mensonge ou un délire complotiste qui font partie d’une propagande qui aurait des origines intérieures ou étrangères. Pour ces personnes passives, le fait d’adopter une attitude plus active pour s’informer, de refuser la délégation à ces autorités du pouvoir de dire ce qui est vrai et ce qui est faux, et du même coup de se tenir à l’écart du grand troupeau, est suspect, voire périlleux, et doit être blâmé ou condamné en conséquence. Car les personnes qui ne reconnaissent pas l’autorité du gouvernement et des médias en matière d’information, qui s’informent autrement, qui confrontent les informations divergentes qui proviennent de sources différentes, et qui essaient de se faire une idée en usant de leur jugement et en observant ce qui se passe autour d’elles, ces personnes, dis-je, sont considérées par les membres du troupeau comme des ignorants, des prétentieux, des négationnistes, des fous, des méchants ou même des traîtres. Il en résulte, d’un côté, que les informations qui s’appuient sur la passivité et la docilité grégaire et qui la renforcent ont un public généralement réceptif et sont assez faciles à diffuser ; et, de l’autre côté, que les informations qui heurtent cette passivité et cette docilité très répandue rencontrent une forte résistance et tendent à être ignorées ou déclarées comme fausses et parfois folles, immorales et dangereuses. L’idée selon laquelle nos gouvernements et les médias de masse pourraient se tromper du tout au tout est alors sacrilège. Et l’idée selon laquelle ceux-ci pourraient se concerter pour nous tromper et nous manipuler l’est encore plus, en plus d’être délirante. Il est donc normal que les personnes qui agissent conformément à cette morale et qui valorisent ces sentiments et ces attitudes soient souvent imperméables aux informations divergentes, qu’elles n’éprouvent pas le moindre intérêt pour elles, qu’elles les écartent avec dédain ou irritation, et qu’elles méprisent ou détestent les autres qui prennent ces informations divergentes en considération et qui essaient d’obtenir d’elles qu’elles en fassent autant. C’est le contraire qui serait étonnant.

Faisons un pas de plus dans notre analyse. Nos concitoyens ne sont pas seulement moutonniers en ce qui concerne les informations communiquées par les autorités gouvernementales et médiatiques : ils le sont de manière beaucoup plus générale. Ils acceptent, à un fort degré, d’être surveillés et d’être contrôlés dans toutes sortes de circonstances de leur vie quotidienne, et souvent ils y voient une bonne chose. Cela ne les dérange pas le moins du monde d’être surveillés et fortement contrôlés dans leurs études et dans leur travail, quand ils sont étudiants et ensuite travailleurs salariés. Ils trouvent généralement que c’est une bonne chose et il leur arrive de réclamer davantage de surveillance et de contrôle, pour leurs collègues ou pour eux-mêmes. Ils consentent à ce qu’il y ait des caméras de surveillance dans les commerces, dans les milieux de travail, dans les écoles, dans les rues et dans les édifices à logement. Encore une fois, cela leur semble normal d’être filmés comme s’ils étaient dans une prison ou comme s’ils étaient de dangereux criminels ; et ils considèrent que c’est une bonne chose, car ils ne feraient rien de mal et n’auraient rien à cacher, car cela les protégerait des petits voyous, des criminels endurcis et des terroristes. Ils acquiescent à ce que les institutions financières, les agences de renseignement, les fournisseurs d’internet et de téléphonie mobile et de grandes corporations comme Microsoft, Apple, Google et Facebook collectent quotidiennement des données sur leurs activités en ligne et dans le monde physique. Ils se plient de bon gré au contrôle qu’exerce sur eux le système hospitalier en les soumettant à des consultations médicales de routine et à des examens préventifs, alors qu’ils sont en bonne santé et n’ont pas de symptômes. Ils acceptent de se faire faire toutes sortes de recommandations par des entraîneurs de gym, des diététiciens, des psychologues, des sexologues, des coachs de vie, etc. Ils adhèrent aux codes de vie qu’on leur impose dans les milieux de travail et dans les établissements d’enseignement, et considèrent que des dérogations à cette réglementation des actions et des paroles méritent des avertissements et des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à une suspension sans solde et à un congédiement. Ils acceptent que des bureaucrates et les publicistes à leur service les traitent comme des enfants en leur faisant des exhortations rigoristes sur leur alimentation et leur consommation d’alcool et de tabac, et que les lois leur interdisent de boire de l’alcool dans les lieux publics (les parcs, les plages, les rues, etc.) et dans les restaurants et les cafés qui n’ont pas de permis d’alcool, d’acheter de l’alcool après 23 heures et de fumer du tabac dans les lieux publics et à moins de neuf mètres de leur entrée. Cela leur donnant l’impression que les autorités s’occupent d’eux ou prennent soins d’eux, ils sont préparés à accepter, progressivement ou rapidement, d’autres formes de surveillance et de contrôle social, plus étendues et plus invasives. Pour ces personnes qui ne sont pas jalouses de leur liberté, de leur autonomie et de leur vie privée, il ne pose pas vraiment problème qu’un conglomérat formé par les gouvernements nationaux, provinciaux, régionaux et municipaux, des organisations supranationales et de grandes corporations privées profitent de ces histoires sur les pandémies, sur la guerre presque ouverte contre la Russie et peut-être aussi contre la Chine et sur les changements climatiques pour étendre encore plus la surveillance de masse, pour accroître leur ingérence dans notre vie privée et pour exercer un contrôle de plus en plus grand sur la population en général, et plus particulièrement sur les opposants politiques. Cela s’inscrit dans un processus de transformation sociale et politique qui est compatible avec leur attitude morale et qui la renforce. On comprendra donc que, pour ces personnes qui font sottement ou puérilement confiance aux autorités, il n’est pas intéressant de chercher des informations sur les manœuvres faites par ces autorités pour accroître la surveillance de masse et le contrôle social dont elles s’accommodent ou qu’elles désirent même, par opposition aux personnes qui valorisent la liberté et l’autonomie et pour lesquelles la recherche et la discussion de telles informations sont cruciales. On exagère à peine quand on dit que, si on réussissait à montrer à ces personnes grégaires que les autorités iront aussi loin que le disent les « complotistes » qu’elles méprisent ou détestent, elles consentiraient béatement et docilement à cette radicalisation de la surveillance de masse et du contrôle social, car elles verraient alors dans ces nouvelles formes de surveillance et de contrôle que nous imposeraient ces autorités une manifestation de la bienveillance de ces autorités, et une preuve de la réalité des menaces invoquées pour justifier cette surveillance et ce contrôle. Parfois, elles verraient même dans les exagérations et les mensonges pieux des autorités des moyens auxquels elles sont forcées d’avoir recours pour protéger la population, qui sous-estime souvent les dangers, qui ignore souvent ce qui est bon pour elle et avec laquelle on ne saurait raisonner, dans ces circonstances aussi périlleuses.

Abordons quelques exemples tirés des événements des dernières années pour saisir concrètement l’attitude morale de nos concitoyens moutonniers qui ont besoin de bergers toujours plus autoritaires, et pour comprendre que le problème auquel nous sommes confrontés en est moins un d’information que de morale. L’aversion viscérale de nombreux moutons pour les récalcitrants, les antivax et le Freedom Convoy n’est pas avant tout causée par les informations fausses sur la dangerosité du virus qui ont été diffusées par les autorités gouvernementales et médiatiques, mais par l’attitude morale de ces personnes qui acceptent d’être traitées comme des enfants et d’être surveillées et contrôlées dans toutes sortes de circonstances, et qui détestent leurs concitoyens qui ne se laissent pas infantiliser et qui s’opposent à une forme ou une autre de surveillance ou de contrôle social. La désinformation, le contrôle de l’information autorisée, la censure et la propagande ne sont pas simplement la cause de cette attitude de nos concitoyens grégaires et soumis, et aussi de leur fermeture aux idées divergentes. C’est plutôt parce qu’on leur a inculqué cette attitude morale, par toutes sortes de pratiques de dressage, que la désinformation, le contrôle de l’information, la censure et la propagande peuvent maintenant exister sous des formes aussi grossières, obtenir l’assentiment des masses moutonnières, les fermer à ce point aux idées et aux informations non autorisées et donc anormales, renforcer leurs dispositions grégaires, leur faire accepter ou désirer telle ou telle forme de soumission, et orienter leur haine vers tel ou tel groupe de non-conformistes, d’anormaux ou d’opposants, dans ce cas-ci les récalcitrants, les antivax et les complotistes. Les tentatives de réinformation des opposants n’ont donc pas seulement à s’opposer à des informations fausses diffusées par un puissant appareil de propagande, mais aussi et surtout à des dispositions morales qui donnent leur force à ces informations (qui les renforcent en retour) et qui s’enracinent dans un mode de vie où la passivité, le conformisme, l’obéissance, la docilité, la soumission et le dressage sont omniprésents. Aux yeux de ces moutons, les opposants aux mesures dites sanitaires sont suspects ou même blâmables moralement du seul fait d’être des anormaux qui sortent des rangs et qui refusent de partager leur servitude. La désinformation, la censure et la propagande qui portent sur eux confirment et alimentent ce sentiment préexistant, et transforment, au plus fort du délire autoritaire, les opposants en fous, en illuminés, en criminels, en dangers publics, en ennemis intérieurs et en racistes-sexistes-antisémites-islamophobes-homophobes-transphobes-suprématistes-blancs-rétrogrades contre lesquels il faudrait faire quelque chose. Dans ce contexte, la calomnie et la propagande haineuse dont les opposants font l’objet, ainsi que la censure et la répression dont ils sont la cible, constitueraient des preuves du caractère immoral et criminel de ces personnes, de leurs actes, de leurs opinions et des informations qu’ils essaient de propager. Car les autorités ne diraient pas tant de mal de ces personnes dont on pense déjà du mal si cela n’était pas justifié. Car les autorités ne censuraient pas ces personnes si cela n’était pas justifié. Car les autorités n’auraient pas fait appel à l’escouade anti-émeute si les personnes qui faisaient partie Freedom Convoy n’avaient pas été de dangereux émeutiers. Car les autorités n’auraient pas eu recours à la Loi sur les mesures d’urgence et n’auraient pas bloqué les comptes bancaires et les cartes de crédit de ces personnes si le Freedom Convoy n’avait pas représenté un danger réel pour le Canada et son gouvernement démocratiquement élu et n’avait pas abrité des groupuscules radicalisés et insurrectionnistes. Bref, pour les personnes qui partagent l’esprit grégaire, les châtiments que constituent la censure, les attaques dogmatiques et haineuses et la répression seraient la preuve de la culpabilité des opposants ciblés et du caractère faux, immoral et dangereux de leurs actes et de leurs opinions.

Mettons-nous maintenant dans la position d’un opposant qui essaie d’ouvrir les yeux à ses concitoyens grégaires sur l’inefficacité et la dangerosité des vaccins contre la COVID-19, sur les abus de pouvoir des autorités politiques et sanitaires, sur les mensonges éhontés des médias de masse et sur les dispositifs de surveillance de masse et contrôle social qu’on est en train de mettre en place ou de préparer, en profitant de la crainte de futures pandémies, de la lutte contre les changements climatiques, de la guerre de plus en plus directe contre la Russie, des tensions qui augmentent avec la Chine et du saccage économique qui en résulte. Cet opposant, quand il s’adresse à ces moutons, ne rencontre pas une forte résistance seulement parce qu’il leur expose des informations qui ne sont pas compatibles avec ce qui a été répété jusqu’à la nausée par les autorités gouvernementales et médiatiques. À mon avis, cette résistance s’explique aussi et surtout par le fait que ces formes de surveillance et de contrôle social semblent acceptables à ces moutons, surtout quand elle vise tout particulièrement les non-conformistes et les opposants qu’ils détestent parce qu’ils ont une attitude morale incompatible avec la leur ; et par le fait que les moutons sont sourds aux informations fausses et dangereuses présentées par un opposant qui devrait se taire et donc les actes et les paroles devraient faire l’objet d’une certaine surveillance et d’un certain contrôle. La guerre à laquelle participe cet opposant n’est donc pas simplement une guerre de l’information qui l’opposent seulement aux autorités gouvernementales et médiatiques, mais une guerre morale – je veux dire par là une guerre entre des positions ou des attitudes morales inconciliables – qui l’oppose à tous ses concitoyens grégaires qui acceptent ou valorisent le conformisme, l’obéissance, la docilité, la soumission et certaines formes de surveillance et de contrôle social. Il en résulte qu’une victoire durable sur le camp adverse ou certains de ses membres ne saurait être obtenue seulement en substituant des informations vraies à des informations pauvres, surtout quand cette transformation est le résultat d’un mouvement de troupeau. L’enjeu de cette guerre morale, c’est l’affaiblissement, la subversion et la transformation des conditions sociales, politiques et économiques qui favorisent la formation et la propagation de l’attitude morale conformiste, dogmatique, docile et compatible avec la surveillance de masse et le contrôle social. Je pense, entre autres, à l’endoctrinement dont les établissements d’enseignement sont le théâtre, au dressage qui a lieu dans les milieux de travail, à la multiplication des mesures et des dispositifs de sécurité, et à l’abandon de tout pouvoir réel à la classe politique et bureaucratique. Ainsi, quand les opposants participent à cette guerre morale, ils se heurtent à la résistance des structures sociales et politiques et de l’attitude morale qu’elles favorisent. Cela explique pourquoi cette guerre est aussi difficile, pourquoi nous ne pourrons pas baisser les armes de sitôt, pourquoi le combat n’est pas près de se terminer et pourquoi son issue est très incertaine, puisqu’en tant qu’opposants nous ne bénéficions pas du pouvoir politique nécessaire pour réaliser ces transformations. À moins d’une importante réforme qui durerait des décennies ou d’une brusque révolution, la situation dans laquelle nous continuerons de nous trouver nous permettra tout au plus de résister, de manière plus ou moins efficace et en prenant des risques plus ou moins grands selon les circonstances.


Je termine ce billet en exposant rapidement trois écueils qu’il nous faut éviter.

Premièrement, nous ne devons pas nous imaginer, naïvement et au nom d’une certaine morale de la gentillesse, qu’il est possible de séparer l’attitude morale adverse et les personnes qui sont imprégnées de cette morale. Aussi longtemps que cette morale déterminera considérablement ce qu’elles font, nous ne devons pas cesser de les considérer comme des adversaires, continuer à faire preuve de prudence et de méfiance, ne pas baisser les armes devant elles, ne pas leur tourner le dos et, quand cela est avantageux, ne pas hésiter à les ridiculiser, à les déstabiliser et à les déloger d’une position d’autorité ou d’influence. Le mieux que nous puissions faire à leur égard, c’est de reconnaître qu’il existe vraisemblablement chez eux des tendances morales concurrentes, que nous pouvons essayer de développer dans nos rapports avec elles ou en agissant, dans la mesure où cela nous est possible, sur les conditions qui pourraient favoriser le développement de ces attitudes morales que nous considérons préférables.

Deuxièmement, nous ne devons pas nous laisser dominer par notre irritation vis-à-vis du grand troupeau que constituent beaucoup de nos concitoyens, et en conclure que l’attitude morale nuisible qu’ils partagent est naturelle. S’il existe bien une certaine tendance grégaire et docile chez les êtres humains, il n’en demeure pas moins vrai que ce que nous observons est fortement dû à des causes sociales et politiques. Il ne nous faut donc pas voir dans l’attitude morale que nous combattons une sorte de fatalité naturelle inéluctable, qui consisterait à dire que c’est là le lot des masses ou du peuple, et qui pourrait justifier l’autorité abusive, la surveillance de masse et le contrôle social que sont en train de mettre en place ceux qui se considèrent comme nos maîtres et qui essaient de dompter et de contrôler les opposants, qui appartiennent pour eux au peuple qu’il faut tenir fermement en laisse. Même s’il n’est probablement pas possible de faire disparaître cette attitude morale grégaire et docile, il est possible de l’atténuer, de la canaliser de manière moins nocive et de la contre-balancer grâce à des attitudes morales concurrentes, dans l’ensemble d’une société ou dans certains milieux sociaux. Les différentes sociétés qui se sont constituées et transformées au cours de l’histoire le montrent.

Troisièmement, il est important que les opposants ne se laissent pas entraîner par les tendances religieuses et conservatrices qui sont fortement représentées dans l’opposition. Nous aurions grand tort de croire que la montée de l’attitude morale que nous combattons a pour cause l’affaiblissement des valeurs morales traditionnelles chrétiennes, et qu’un retour en force de ces valeurs nous permettrait de vivre plus librement et plus dignement. En fait, ce serait substituer à l’attitude morale grégaire et docile actuelle une autre saveur de l’attitude morale grégaire et docile. Cela reviendrait à remplacer la peste par le choléra, ou l’inverse.