Tenth Amendment Center – Nous n’arriverons pas à la liberté simplement grâce aux élections

Il y a quelques mois que je veux publier un court billet sur le une association américaine nommée Tenth Amendment Center (chaîne Rumble), qui fait partie du Tenther movement et qui défend une position politique selon laquelle les pouvoirs du gouvernement fédéral devraient être strictement limités à ceux qui sont explicitement énumérés dans la Constitution, en s’appuyant sur le dixième amendement :

« The powers not delegated to the United States by the Constitution, nor prohibited by it to the States, are reserved to the States respectively, or to the people. »

Cela peut s’appliquer, par exemple, à la surveillance de masse, à la réglementation de plus en plus contraignante sur les armes à feu, l’Affordable Care Act (l’Obamacare) et les mesures soi-disant sanitaires pour lutter contre le méchant virus.

Malgré le mépris que beaucoup de Canadiens et surtout de Québécois ont pour les Américains, surtout ceux qui sont de tendance conservatrice ou libertarienne, on ne peut que louer le fait qu’ils prennent beaucoup plus au sérieux la Constitution américaine que nous prenons au sérieux les lois constitutionnelles canadiennes, et qu’ils résistent plus que nous aux lois et aux règlements fédéraux qui ne respectent pas la Constitution. Nos concitoyens, même quand ils sont des souverainistes québécois, ne sont généralement pas révoltés par les abus de pouvoir du gouvernement fédéral les plus grossiers et la constitutionnalité douteuse des mesures soi-disant sanitaires, puisqu’ils s’accommodent de ces mesures et des prétextes invoqués pour les imposer, puisqu’ils pensent, à tort ou à raison, que les lois qui nous tiennent lieu de constitution ne sont même pas effectives ou qu’elles ne valent rien, car elles nous ont été imposées par le gouvernement fédéral et la Couronne britannique, puisqu’ils ne les ont souvent même pas lues et les méprisent au plus haut point, mais sans proposer des amendements à cette constitution ou une nouvelle constitution, pour la Confédération canadienne ou pour le Québec qui deviendrait un État souverain. Ce qui revient, dans la pratique, à nier l’importance de limites institutionnelles imposées au gouvernement et à donner le champ libre au despotisme électif, qui ne vaut guère mieux que le despotisme monarchique.

Une des choses qui revient souvent dans les publications et les émissions du Tenth Amendment Center, c’est que nous ne devons pas nous fier à nos élus, quels qu’ils soient, pour ne pas abuser de leur pouvoir et pour annuler les abus de pouvoir des gouvernements précédents ; et c’est que nous n’avons pas à nous soumettre à une loi anticonstitutionnelle en attendant que des juges confirment peut-être, dans quelques années, qu’elle est anticonstitutionnelle. Cela arrive assez souvent pour ceux qui prennent au sérieux le dixième amendement, et qui n’essaient pas d’en faire un truisme qui consisterait simplement à dire que les États américains détiennent le pouvoir suprême sur le territoire sur tel point aussi longtemps que le gouvernement fédéral, qui détiendrait la primauté politique, ne décide pas d’édicter des lois sur ce point – un peu comme on pourrait dire que le peuple ou les citoyens disposent du droit ou du pouvoir d’agir librement sur tel point aussi longtemps qu’un gouvernement (le gouvernement fédéral ou celui des États) ne décide pas de légiférer sur ce point. Bien que ce principe élémentaire ait son importance en ce qu’il est une condition nécessaire de l’État de droit et en ce que sans lui le peuple serait soumis aux caprices arbitraires des autorités, c’est un rempart insuffisant pour protéger la liberté des individus et l’autonomie relative des États américains, puisque le gouvernement fédéral n’a qu’à faire des lois pour s’attribuer à lui-même les pouvoirs qu’ils désirent et qu’on ne lui a pas délégués. C’est donc un droit et même un devoir, pour les États américains et pour les citoyens, de considérer comme nulle toute loi ou toute réglementation qui est n’est pas compatible avec la Constitution, et plus particulièrement celles grâce auxquelles le gouvernement fédéral s’ingère dans les affaires des États et dans l’existence des individus en s’arrogeant des pouvoirs qui ne lui ont pas été donnés par la Constitution. Les États américains sont alors dans leur droit de ne pas appliquer ces actes inconstitutionnels, de ne pas collaborer avec les autorités fédérales pour les appliquer, et même d’adopter des motions qui les déclarent nulles sur leur territoire (ce qu’on appelle la « nullification »). Le peuple, pour sa part, n’a pas à se conformer à ces lois anticonstitutionnelles et peut donc les ignorer. En fait, il faudrait plutôt dire que les États et le peuple doivent les ignorer, car si les autorités fédérales ne rencontrent pas de résistance, elles récidiveront pour étendre encore plus leur pouvoir, en s’appuyant notamment sur ce précédent.

Il n’est donc pas question, pour le Tenth Amendment Center, d’attendre que des politiciens, nouvellement élus ou non, révoquent les lois anticonstitutionnelles à cause des pressions exercées par les électeurs, ou que des juges fassent leur travail et déclarent ces lois anticonstitutionnelles et donc nulles. Cela n’arrivera peut-être pas, ou probablement pas dans certains cas. Dans d’autres cas, cela arrivera seulement partiellement, c’est-à-dire qu’une partie des lois anticonstitutionnelles sera révoquée, alors que le reste sera maintenu. Et même si la totalité de ces lois était révoquée, dans six mois, dans un an, dans deux ans ou davantage, se conformer à ces lois reviendrait à traiter des lois anticonstitutionnelles comme des lois constitutionnelles pendant tout ce temps, et ainsi se soumettre à l’exercice arbitraire du pouvoir politique. Ce qui rendrait la Constitution nulle pendant tout ce temps. Ce qui, comme nous l’avons vu, inciterait les politiciens à ne pas respecter la Constitution. Ce qui corromprait les citoyens en les habituant à supporter les lois anticonstitutionnelles et l’exercice arbitraire du pouvoir. En fait, un des principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés, c’est que beaucoup de citoyens non seulement consentent à l’usurpation, mais ne considèrent pas qu’elle est usurpation. La plupart ne connaissent même pas le mot, ou ne peuvent même pas concevoir qu’elle puisse exister dans une démocratie, tellement ils adhèrent au despotisme électif et ne désirent pas la liberté. De tels personnes ne méritent pas plus d’être des citoyens que celles qui, par intérêt ou par entêtement idéologique, prétendraient que les lois constitutionnelles qu’elles n’aiment pas sont anticonstitutionnelles pour ne pas avoir à s’y conformer.

Je cède maintenant la parole à Michael Boldin, le fondateur et le directeur exécutif du Tenth Amendment Center, dans une vidéo assez typique.

Même si je partage la méfiance et même l’aversion de Michael Boldin pour la centralisation du gouvernement et pour le despotisme électif, même si je comprends qu’il est naïf de remplacer un parti politique pourri par un autre aussi pourri, même si je suis d’accord avec l’idée que les lois non constitutionnelles sont nulles et qu’il faut ne pas nous conformer à elles, je m’étonne qu’il ne fasse pas de liens entre la situation dans laquelle nous nous trouvons et des lacunes de la Constitution américaine, ou des constitutions des autres pays occidentaux ou de ce qui en tient lieu. Si les États-Unis et les pays occidentaux en sont où ils en sont aujourd’hui, si les gouvernements s’ingèrent dans tout, si les élites économiques les instrumentalisent, si beaucoup de citoyens ne s’en offusquent pas et n’aiment pas la liberté, c’est qu’il y a certainement un problème avec nos constitutions.

Bien sûr, on ne peut pas espérer raisonnablement l’élection de dirigeants qui changeront nos constitutions de cette manière, quand ils profitent de la situation actuelle. Mais on ne peut pas non plus espérer que cette lutte du gouvernement contre nous se terminera un jour, ou diminuera en intensité, alors que les constitutions rendent possible cette lutte et encouragent l’usurpation. Bref, nous ne pouvons pas nous contenter des constitutions actuelles, même les moins mauvaises, puisqu’elles font partie du problème et ont été souvent élaborées par ceux qui nous tyrannisent aujourd’hui, ou par leurs prédécesseurs. Nous subirons le pouvoir excessif des gouvernements centralisés aussi longtemps que les constitutions des pays n’interdiront pas les partis politiques qui subordonnent les parlementaires à une ligne de parti et au pouvoir exécutif, n’imposeront pas des limites à l’accumulation des richesses et du même coup au pouvoir démesuré qu’ils procurent à une petite élite économique, ne prendront pas des mesures pour empêcher la formation des médias de masse qui manipulent l’opinion publique et pour faire participer les citoyens à la fonction publique, n’arrêteront pas de considérer les droits politiques comme des droits naturels, ne dégageront pas les citoyens censés être libres de la servitude du travail salarié qui souvent les corrompt et empêche un fort désir de liberté de se former et de se manifester ouvertement, et ne permettront pas aux citoyens de ne pas seulement élire leurs dirigeants ou leurs maîtres, mais aussi de voter sur les lois adoptées par leurs élus avant qu’elles ne deviennent effectives, et de soumettre eux-mêmes des lois pour qu’elles soient votées par leurs concitoyens.

Malgré ses critiques très pertinentes des gouvernements centralisés et despotiques et de la servitude des soi-disant citoyens, le Tenth Amendment Center ne discute pas, d’après ce que j’ai vu jusqu’à maintenant, ces transformations de la Constitution américaine ou d’autres transformations semblables. Cela est à mon avis en partie dû aux tendances libertariennes de cette association, qui impliquent qu’on considère la liberté comme quelque chose de naturelle et qu’il faut simplement protéger contre les abus du gouvernement, qu’on sous-estime l’importance des conditions de la liberté, et qu’on considère comme des abus de pouvoir ou de l’ingérence gouvernementale dangereuse pour la liberté les tentatives de réaliser politiquement les conditions de la liberté. À mon avis, ces tendances – très présentes dans l’opposition, la résistance ou la dissidence – font elles aussi partie du problème, au même titre que l’attitude servile de beaucoup de nos concitoyens.