* Mise à jour * - Période dite d’adaptation au passeport vaccinal

Mise au point du 2 septembre 2021.

Le gouvernement a finalement mis en ligne son décret sur le passeport vaccinal, avec au moins plusieurs heures de retard, voire peut-être une journée. Ce qui montre que c’est bien un décret pour la forme, sinon ce décret aurait été adopté et publié bien avant, d’autant plus que les grandes lignes en avaient déjà été précisées sur le site du gouvernement et que l’implantation du passeport vaccinal est planifiée de longue date. Aux yeux de nos autorités politiques et sanitaires, c’est leur parole qui fait loi et à laquelle on doit obéir, semble-t-il. Et il en est ainsi pour beaucoup de Québécois qui savent à peine ou pas du tout qu’il y a des décrets et des arrêtés, la seule parole des autorités politiques et sanitaires, amplifiée par les grands médias, étant suffisante pour obtenir leur adhésion et leur obéissance. Autrement le gouvernement aurait promulgué et publié le décret plus tôt et la population l’aurait réclamé. N’est-il pas absurde que nous n’ayons pas le temps de prendre connaissance du contenu d’un décret auquel nous sommes censés obéir ?

On demandera peut-être ce que ça change si ce que disent les autorités politiques et sanitaires et les journalistes, et aussi ce qui est publié sur le site du gouvernement, est reproduit ensuite dans ledit décret, même si c’est un peu en retard. Est-ce que ça ne revient pas au même ? Ne savions-nous pas précisément ce que nos autorités exigent de nous bien avant la publication du décret ? À la rigueur, est-ce qu’on ne pourrait pas se passer du décret qui est assommant en raison de son style ?

Le fait que l’on en vienne à se dire ces choses pose déjà problème. Il est très différent de devoir nous conformer à des obligations et à des interdictions qui résultent d'une sorte d'acte législatif autoritaire accompli par le pouvoir exécutif, que de devoir nous conformer aux obligations et aux interdictions qui sont formulées dans une conférence de presse ou sur une page web. En effet, même avec une petite armée de juristes entretenue avec nos impôts et nos taxes, ces obligations et ces interdictions sont beaucoup plus faciles à multiplier, à changer et à trafiquer s’il suffit de dire quelques paroles dans des conférences de presse et de mettre régulièrement à jour le site gouvernemental consacré au virus, sans même faire d’annonce. En traitant les décrets comme des documents de deuxième ou de troisième ordre, qu’on publie à la dernière minute ou quand les mesures sanitaires sont déjà censées être en vigueur, on nous habitue à obéir à la parole des autorités, à traiter une page web comme si c’était un texte de loi, et à croire comme parole d’évangile ce que racontent les journalistes, qui eux aussi prétendent participer à ce qui s’est déjà substitué à un processus législatif digne de ce nom, et qui est même en train de se substituer à la gouvernance par décrets. Bref, c’est un pas de plus vers la dictature, si on entend par là le fait de gouverner par des diktats et d’obéir à ces diktats, même si les sanctions ne sont pas particulièrement brutales, ou même si elles demeurent rares en raison de l’obéissance généralisée. Car nous pouvons nous demander ce qui est pire entre une dictature qui provoque de la résistance et qui a besoin d’avoir régulièrement recours à des mesures répressives pour se maintenir, et une dictature qui contrôle les corps en contrôlant les cœurs et les esprits (pour paraphraser un célèbre propagandiste) et qui a besoin moins souvent d’avoir recours à de telles mesures pour obtenir l’obéissance et perdurer.

Je termine cette mise au point en reconnaissant que j’aurais peut-être dû attendre un peu plus longtemps avant de publier ce billet, question de voir si le gouvernement allait ou non publier le décret en question ou attendre après la période de grâce. C'est que depuis déjà quelques jours je considérais comme un affront à tous ceux qui se considèrent comme des citoyens, et pas comme de vulgaires sujets des autorités politiques et sanitaires, le fait de ne pas avoir publié ce décret depuis déjà longtemps. Quand le matin du 1er septembre j’ai vu que ce n’était toujours pas fait, c’en était trop pour moi. On nous a déjà fait le coup, l’été dernier, quand on a publié le décret portant sur l’obligation de porter le masque seulement après la période de grâce. Je me suis dit que ça se répétait pour le passeport vaccinal, mais en n’excluant pas entièrement la possible publication du décret plus tard dans la journée ou la semaine dans une parenthèse, ce dont j’aurais dû tenir compte dans l’ensemble de ce billet, pas seulement dans une parenthèse.

Mais ce qui est fait est fait. Je laisse donc ci-dessous le billet original en ligne, en signalant les modifications en orange, à part quelques rares passages supprimés qui ne sont pas signalés. J’écrirai bientôt un autre billet à propos du décret publié tardivement qui porte sur le passeport vaccinal, question de le lire à froid, d’y réfléchir et de bien peser mes mots. Ce qui montre que ce que j’ai dit dans ce billet continue de s’appliquer en partie malgré la promulgation du décret. Effectivement, celle-ci est venue si tard et a si peu d’importance aux yeux des sujets des autorités que ce ne peut pas être parce que les commerçants visés et les organisateurs d’activités publiques ont pris connaissance du décret qu’ils demandent aux clients et aux participants de présenter leur passeport vaccinal, pas plus que c’est pour cette raison que les clients et les participants obtempèrent. La parole des autorités et des journalistes leur suffit généralement, et souvent elle seule existe pour eux.

Un point qu’il faudra éclaircir, c’est la manière dont le passeport vaccinal peut être exigé pour accéder à certains lieux et pour participer à certaines activités, et peut exister en tant qu’obligation, alors que l’application de sanctions serait reportée à plus tard. Il faut nous demander ce que cela implique de reporter à plus tard l’application des sanctions, surtout si l’application n’en est pas seulement reportée, mais si aussi la nature des sanctions n’est pas précisée dans le décret. Une obligation peut changer du tout au tout en raison des sanctions, qui feront plus tard partie intégrante d’elle et qui la rendront pleinement effective. Mais assez pour ce soir. Ce sera la matière d’un autre billet.


Billet original du 1er juillet, tôt le matin

Ce billet ne constitue en aucun cas un avis juridique. Je ne suis pas juriste (nous pouvons d’ailleurs nous demander ce que font nos juristes), mais un citoyen soucieux du droit et des conditions d’existence de l’état de droit.

À la suite d’une mise à jour faite le 31 août 2021, nous pouvons lire sur la page web du gouvernement sur le passeport vaccinal la remarque suivante.

On y parle d’application du passeport vaccinal à compter d’aujourd’hui, tout en parlant d’une période durant laquelle le passeport sera déployé, mais sans qu’on n’inflige des sanctions. On en vient donc à se poser cette question : le passeport vaccinal est-il bien obligatoire, du 1er au 15 septembre, pour avoir accès des lieux jugés non essentiels et pour participer à des activités considérées non essentiels ?

D’après ce qui est écrit dans la section introduction de la liste des lieux et activités exigeant le passeport vaccinal COVID-19, il semblerait que oui.

Donc on dirait bien que le passeport vaccinal est obligatoire, même s’il y a une sorte de période de grâce de 15 jours (laquelle rappelle une autre période de grâce, à l’été 2020, pour le port du masque obligatoire dans les transports en commun, si je me souviens bien). Ce que confirment les journalistes, par exemple dans cet article publié dans La Presse.

Il semble donc que la situation puisse être résumée ainsi : à compter d’aujourd’hui, le passeport vaccinal est obligatoire pour une longue liste de lieux et d’activités, mais il n’y a pas de sanctions (à la fois pour clients et les commerçants et les organisateurs et les participants, j’imagine) jusqu’au 15 septembre inclusivement. Mais une obligation sans sanctions est-elle vraiment une obligation ? Non pas que je réclame des sanctions, bien entendu. Je me demande plutôt si ce qu’on essaie de faire passer pour une obligation en est vraiment une. C’est assez confus.

Dans l’espoir de tirer la chose au clair, allons voir si notre gouvernement n’aurait pas publié, à la toute dernière minute, un décret ou un arrêté. Mais on ne trouve rien sur la  page où sont publiés tous les décrets et tous les arrêtés promulgués depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire. Depuis le mois de juin, le gouvernement a seulement promulgué des décrets pour prolonger l’état d’urgence sanitaire. En faisant une recherche par mots-clés dans les arrêtés promulgués cet été, je n’ai rien trouvé non plus, ce qui ne m’étonne guère, puisqu’un simple arrêté ne saurait probablement suffire pour l’implantation du passeport vaccinal.

(S’il existe bien quelque chose dans un décret ou un arrêté sur le passeport vaccinal qui m’aurait échappé, c’est déjà un problème que le foisonnement réglementaire provoqué par la déclaration de l’état d’urgence sanitaire nous empêche de nous y retrouver. Et si le gouvernement publie plus tard un décret ou un arrêté dans la journée ou cette semaine, alors nous pouvons quand même nous demander pourquoi il a attendu si tard pour le faire, et nous dire que cela n’est pas sans lien avec son autoritarisme et l’arbitraire dont il a fait preuve déjà plusieurs fois dans l’exercice du pouvoir.)

Ce qui me pousse à faire les remarques suivantes :

  1. La parole du ministre de la Santé et des Services sociaux ne devrait pas avoir force de loi dans un État prétendument de droit. Les journalistes peuvent bien répéter un million de fois, à l’unisson, ce qu’il a dit et déclarer que le passeport vaccinal est obligatoire à compter d’aujourd’hui, cela ne change rien à l’affaire. Sans décret, sans arrêté, sans loi, sans ordonnance, le passeport vaccinal n’a pas d’existence juridique. Pour cette raison, non seulement des sanctions ne peuvent pas être appliquées, mais le passeport vaccination ne saurait être considéré obligatoire et effectif à compter d’aujourd’hui, et ce, aussi longtemps que le décret ou l’arrêté n’aura pas été adopté et publié.

  2. Tant qu’un tel décret ou arrêté ne sera pas adopté et rendu public, les personnes qui refuseraient ou omettraient de présenter leur passeport vaccinal pour participer aux activités supposément visées par ce dispositif, et pour entrer dans les lieux supposément visés par ce dispositif, ne se rendraient pas coupables de ne pas se conformer à une obligation légale, laquelle n’existe pas, ce qui explique pourquoi il ne saurait y avoir de sanctions, sauf si l’on sombre dans l’arbitraire. Tout ce que feraient ces personnes, ce serait de ne pas se conformer aux déclarations publiques du ministre de la Santé et des Services sociaux (et des autres autorités politiques et sanitaires), à ce qui est écrit sur une page du site internet gouvernemental et aux affirmations des journalistes, qui n’ont pas force de loi et ne sauraient résulter en une obligation légale pour qui que ce soit.

  3. La remarque précédente s’applique aussi aux commerçants, à leurs employés, aux organisateurs ou aux surveillants d’activités et aux agents de sécurité qui refuseraient ou omettraient de demander la présentation du passeport vaccinal aux clients des commerces visés par ce dispositif et aux participants des activités visées par ce dispositif, qui n’est pas en vigueur, faute de décret ou d’arrêté déclarant son entrée en vigueur.

  4. Tant que durera l’absence d’un tel décret ou arrêté, les commerçants, les employés, les organisateurs ou surveillants d’activités et les agents de sécurité qui exigeraient la présentation du passeport vaccinal et qui interdiraient aux personnes qui refuseraient de le présenter ou qui ne seraient pas « adéquatement » vaccinées n’agiraient pas en vertu de la loi ou de ce qui en tient lieu depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, à savoir les décrets et les arrêtés du gouvernement. Ce faisant, ces commerçants, ces employés, ces organisateurs ou surveillants et ces agents de sécurité porteraient illégalement atteinte à la liberté de circulation des personnes concernées, et exigeraient d’elles la présentation d’informations médicales confidentielles (le statut vaccinal), sans y avoir été autorisées ou habilitées par un décret ou un arrêté.

Nous sommes vraiment dans de beaux draps si nous faisons comme si les déclarations publiques du ministre de la Santé et des Services sociaux et le site internet du gouvernement (facilement modifiable, selon les humeurs et caprices de nos autorités) avaient force de loi. Le mot dictature me semblerait alors approprié pour décrire la situation, même s’il n’y a pas encore de sanctions. Car ce dont il s’agit, c’est la manière dont on exerce le pouvoir et dont on obéit.

Terminons par quelques questions. À quoi veut-on adapter la population québécoise durant la période d’adaptation qui commence aujourd’hui et qui se terminera le 15 septembre ? S’agit-il seulement de nous adapter à l’utilisation du passeport vaccinal avant d’en étendre l’application ? Ou s’agit-il aussi de nous habituer encore plus à obéir, en l’absence de décret, à la seule parole du ministre de la Santé et des Services sociaux, reprise et amplifiée par les grands médias ? Ou bien est-il question de nous habituer plus facilement à une obligation pour l’instant sans sanctions en apparence tolérable dans le but de nous imposer par la suite des sanctions excessives et disproportionnées dans un deuxième temps ? Même si cela ne faisait peut-être pas partie d’une action concertée et réfléchie par nos autorités, les effets demeureraient les mêmes. Et cela montrerait à quel point nos autorités, malgré toutes leurs protestations de bonnes intentions, abusent de leur pouvoir et n’entendent rien au droit.

C’est tout pour ce matin.