On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs

Ce qu’il y a de bien avec les œufs, c’est qu’ils nous procurent des protéines à un coût beaucoup plus abordable que la viande. Quand je terminais mes études il y a une quinzaine d’années et que j’étais fauché au point de devoir faire très attention à l’argent que je dépensais pour me nourrir, je mangeais régulièrement des œufs. Il est vrai que les œufs à la poêle et les œufs à la coque ne sont pas de la grande cuisine, et qu’on finit par en avoir assez. Mais il y a toutes sortes de façons de cuisiner avec des œufs, par exemple en faisant des omelettes aux fines herbes, des crêpes, des œufs farcis et de la frittata.

Malheureusement, les choses sont en train de changer. Outre la hausse généralisée du prix de la nourriture principalement due à la hausse du prix de l’énergie en général et de l’électricité en particulier, il y a des pénuries d’œufs dans certains pays occidentaux, par exemple au Royaume-Uni. Les médias attribuent ces pénuries à la grippe aviaire, qui tuerait beaucoup de poules pondeuses ou qui obligerait à tuer des millions de poules infectées ou susceptibles de l’être afin d’empêcher la propagation du méchant virus et de protéger notre sécurité alimentaire. Ceux qu’on appelle les complotistes n’y voient souvent qu’un prétexte soi-disant sanitaire pour s’attaquer d’une autre manière à nos moyens de subsistance. Étant donné tous les sales coups qu’on nous a faits depuis 2020, avec un sans-gêne qu’on n'a pas vu depuis longtemps, ce n’est pas à exclure.

Cependant, Ioan Humphreys, un fermier du Pays de Galles qui a des vaches, des moutons et des poules, propose une autre explication. La pénurie d’œufs au Royaume-Uni serait en fait principalement causée par l’avidité des supermarchés, qui vendraient les œufs plus cher aux consommateurs anglais, en refusant toutefois de les payer plus cher aux fermiers anglais. À cause de l’inflation qui touche aussi leurs coûts de production, les fermiers anglais n’arrivent plus à faire des profits et perdent même de l’argent en produisant des œufs.

(Cette courte vidéo a été enregistrée en novembre 2022.)

Il ne faut pas nous faire des illusions sur les grandes chaînes de supermarchés qui contrôlent le marché de l’alimentation dans les pays occidentaux. Elles sont là pour s’enrichir en nous vendant ce dont nous avons besoin pour nous nourrir. Précisément pour cette raison, et si ce fermier dit vrai, il est étrange qu’elles empêchent la production d’œufs d’être rentable alors les profits qu’elles font en vendant des œufs dépendent justement de cette production. Les supermarchés ne feraient-t-ils pas des profits plus importants s’ils acceptaient d’acheter les œufs un peu plus cher aux fermiers, puisqu’ils en vendraient alors davantage ? À moins que les profits qu’ils font en vendant les œufs des producteurs qui réussissent à continuer leurs activités dans ces conditions soient plus grands... Pour ma part, j’en doute fort.

Se pourrait-il que l’objectif de ces grandes chaînes de supermarchés soit d’attaquer les petites et les moyennes entreprises du secteur agro-alimentaire, afin d’accroître l’emprise des grandes entreprises du même secteur (avec lesquelles elles ont probablement des liens) et de leur permettre de se débarrasser de ces concurrents et de contrôler entièrement ce que nous mangeons ? Cela rappelle les confinements qui ont mené à l’endettement ou à la faillite de nombreuses petites ou moyennes entreprises, alors que les grandes entreprises ont pu prospérer et acquérir de nouvelles parts de marché grâce au commerce en ligne. Cela ressemble aussi au sale coup qu’on est en train de faire aux boulangeries françaises, dont beaucoup devront probablement fermer boutique à cause des coûts énergétiques trop élevés qui résultent de l’acharnement des gouvernements européens à soutenir l’Ukraine et à affaiblir la Russie.

Ainsi, si les chaînes de supermarchés, leurs administrateurs et leurs actionnaires ne font pas autant d’argent qu’ils pourraient en faire en vendant des œufs à cause de la pénurie qu’ils contribuent à produire, ils n’en continuent pas moins de s’enrichir de manière indécente en nous vendant de la nourriture, et ils se donnent les moyens de s’enrichir encore plus facilement par la suite, une fois que les grandes entreprises agro-alimentaires contrôleront encore plus ce secteur de l’économie.

Les magnats de l’industrie alimentaire doivent se dire qu’il faut accepter de faire ce petit sacrifice temporaire afin de pouvoir nous rendre entièrement dépendants d’eux quant à la nourriture et, à terme, nous traiter comme des animaux domestiques. Car on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Et il faut encore moins hésiter à casser des œufs quand ce sont surtout ceux des autres qu’on casse, c'est-à-dire ceux des fermiers et des mangeurs d’œufs que nous sommes.