Maintien des patrouilles par hélicoptère après la fin de l’état d’urgence sanitaire

Une année s’est écoulée depuis mon dernier séjour à Québec. L’été dernier, quand j’ai quitté, après des mois de réclusion, la petite ville du Bas-Saint-Laurent où j’habite pour passer deux semaines à Québec, j’ai été frappé par la fréquence à laquelle les hélicoptères faisaient des patrouilles, pour repérer, j’imagine, les rassemblements illégaux où les règles sanitaires n’étaient pas respectées. Ou, pour nous qui ne sommes pas des naïfs, pour faire sentir à la population l’état d’urgence sanitaire. Si jamais les résidents de Québec en venaient à oublier l’existence de la « pandémie » à cause du beau temps et des vacances, les hélicoptères survolaient régulièrement la ville pour leur rappeler régulièrement la gravité de la crise sanitaire que nous étions supposément en train de traverser, et l’importance d’aller recevoir leur première ou leur deuxième dose de vaccin, si ce n’était pas encore fait. Le bruit bien caractéristique et énervant des pales des hélices pénétrait dans le cerveau des citadins, qu’ils soient à l’extérieur ou même à l’intérieur.

Malgré les prétextes sanitaires invoqués, ces patrouilles aériennes constituaient des mesures sécuritaires. En rien le fait de survoler la ville en hélicoptère ne permettait de ralentir la propagation du virus, de protéger les plus vulnérables, de réduire les risques de complications et de soigner les malades. Il est vrai que les résidents les plus accommodants ou les plus dociles voyaient dans ces patrouilles un moyen efficace et légitime de faire respecter des mesures soi-disant sanitaires et de contrôler le relâchement estival de ces mesures. Dans leur esprit, cette mesure sécuritaire était donc, indirectement, une mesure sanitaire. À ce compte, toutes les mesures de surveillance et de contrôle imposées ou envisagées, y compris les punitions visant les indociles, pourraient être considérées comme des mesures soi-disant sanitaires, par exemple la « taxe santé » que le gouvernement provincial a proposé plus tard faire payer aux Québécois non vaccinés, et la réclusion forcée à domicile des non-vaccinés qui a été imposée ou envisagée dans d’autres pays et que certains de nos journalistes et concitoyens réclamaient ici. Cette réaction d’une partie non négligeable de la population nous montre à quel point l’esprit policier est puissant non seulement dans les sphères du pouvoir, mais aussi dans la population.

Étant donné que l’état d’urgence sanitaire a pris fin au début du mois de juin 2022 et que presque toutes les mesures soi-disant sanitaires ont été levées à ce moment ou quelques semaines plus tard, je ne m’attendais pas à voir encore des hélicoptères patrouiller le ciel de Québec cet été. Il est vrai que la fréquence de ces patrouilles est plus faible que l’année dernière. Il n’empêche qu’on ne peut plus leur donner un semblant de justification sanitaire. Les rassemblements n’étant plus réglementés par la Santé publique, comment de telles patrouilles pourraient-elles servir à faire appliquer cette réglementation ? Ceux qui auraient encore des doutes à ce sujet doivent se rendre à l’évidence : ce n’est pas pour faire respecter des mesures soi-disant sanitaires, qui maintenant n’existent plus, que les hélicoptères survolent Québec et d’autres villes. Cette mesure sécuritaire sert plutôt à continuer à nous faire sentir que la crise sanitaire ne serait malgré tout pas fini, et à garder la porte ouverte pour le retour des mesures soi-disant sanitaires.

Nous semblons donc assister à une sorte de renversement. Pendant l’état d’urgence sanitaire, l’existence des mesures soi-disant sanitaires – qu’il fallait faire respecter – servait de prétexte pour nous imposer des mesures sécuritaires. Depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire et la levée des mesures soi-disant sanitaires, les mesures sécuritaires maintenues, qui ne se réduisent pas aux patrouilles aériennes (il y a aussi l’obligation ou la forte recommandation d’utiliser une application mobile pour faire connaître son statut vaccinal quand on arrive dans un aéroport canadien), acquièrent une existence autonome. Et c’est sur elles qu’on s’appuie pour essayer de maintenir dans la population le sentiment que la crise sanitaire n’est pas terminée et que les mesures soi-disant sanitaires pourraient revenir à l’automne ou à l’hiver.

À partir de ce point, tous ceux qui ont un peu de suite dans les idées, mais qui ont jusqu’à maintenant refusé de regarder les choses en face, devraient être en mesure de se dire que la situation n’a pas changé du tout au tout depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire. Alors que l’état d’urgence sanitaire était encore en vigueur, les patrouilles d’hélicoptères avaient la même fonction que maintenant, à savoir nous faire sentir la réalité de la crise sanitaire, et ainsi justifier les mesures soi-disant sanitaires qu’on était censé faire appliquer grâce à ces patrouilles. Et ces mesures soi-disant sanitaires elles-mêmes, qui sont aussi ou surtout des mesures sécuritaires, servaient à maintenir et à renforcer le sentiment de crise dans la population, et servaient ainsi à justifier leur propre existence aux yeux de cette dernière, malgré les restrictions importantes à ses libertés et à ses droits qu’elles impliquaient. C’est pour cette raison qu’il est important de ne pas accepter à nouveau l’imposition progressive de ces mesures soi-disant sanitaires, dans quelques semaines ou dans quelques mois, même si c’est sous une forme en apparence plus modérée que ce que nous avons connu au cours des deux dernières années.