Éléments d’une mentalité d’esclave (1)

L’autoritarisme des dernières années ainsi que la résignation et la collaboration de beaucoup de nos concitoyens nous ont permis de constater à quel point une certaine mentalité d’esclave est répandue. Nous savions qu’elle existait avant, mais nous avions souvent tendance à en sous-estimer l’ampleur. Même les plus lucides et les plus pessimistes d’entre nous, dont on pensait qu’ils exagéraient avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, ont souvent été surpris du degré élevé de servilité dont beaucoup ont fait preuve, et de la facilité avec laquelle ils ont accepté la prise en charge presque totale de leur existence par les autorités politiques et sanitaires et se sont résignés à la perte de leurs droits et de leurs libertés, sous prétexte de faire la guerre à un méchant virus. Alors qu’à d’autres époques les maîtres s’efforçaient de développer une mentalité d’esclave chez ceux qui étaient déjà réduits en esclavage, afin que leurs idées et leurs désirs correspondent à leur état d’esclaves, on dirait bien que les maîtres actuels cultivent et utilisent la mentalité d’esclave pour nous asservir davantage et obtenir pour nous un état de servitude conforme à cette mentalité.

Voici quelques-uns des éléments constitutifs de cette mentalité d’esclave, dont nous devons nous demander dans quelle mesure ils nous concernent et concernent notre entourage, pour nous efforcer de les affaiblir ou de les extirper.

 

Nous consoler en essayant de voir le bon côté des choses

À peine quelques jours après la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, plusieurs d’entre nous, pour se remettre des bouleversements de cette annonce et supporter plus facilement la privation de liberté, ont essayé de voir le bon côté des choses, à l’incitation des journalistes et des autorités.

Ceux qui avaient toujours un emploi, et qui faisaient du télétravail ou qui travaillaient « en présentiel » parce qu’ils faisaient partie des services essentiels, devaient se réjouir d’avoir encore un emploi et de ne pas l’avoir perdu comme tant d’autres qui n’avaient pas la même chance.

Ceux qui avaient perdu leur emploi devaient profiter de l’occasion pour faire ce qu’ils ne pouvaient pas faire normalement, par exemple lire, regarder des séries télévisées, faire des rénovations, faire un potager ou apprendre à tricoter.

Ceux qui étaient éligibles à la prestation d’urgence devaient se compter chanceux de ne pas avoir perdu tous leurs revenus et d’avoir au moins de quoi vivre pendant cette période difficile.

Ceux qui n’étaient pas éligibles à la prestation d’urgence et n’avaient pour l’instant plus de revenus devaient se compter chanceux d’habiter dans un pays où le gouvernement fédéral et provincial travaillait pour trouver rapidement une solution, et de ne pas habiter dans un pays où on confinait la population sans lui donner de quoi subsister.

Ceux qui étaient enfermés dans leur logement avec leur conjoint et parfois avec leurs enfants devaient se réjouir de pouvoir passer du temps en couple ou en famille et de ne pas souffrir de la solitude comme ceux qui habitaient seuls.

Ceux qui habitaient seuls devaient se réjouir de ne pas être enfermés dans leur logement avec leur conjoint et parfois avec leurs enfants et de pouvoir avoir un peu de tranquillité.

Ceux qui ont été intégralement confinés pendant des semaines devaient se consoler en se disant qu’il valait mieux être confinés que morts.

Lors du déconfinement, quand on a nous rendu certaines de nos libertés à certaines conditions, en continuant de nous priver de plusieurs autres de nos libertés, il fallait continuer à nous consoler en essayant de voir le bon côté des choses.

Nous devions nous consoler de ne pas avoir le droit d’organiser de grandes fêtes parce que nous avions le droit de rencontrer quelques-uns de nos amis ou de nos proches dans un parc ou dans l’arrière-cour.

Nous devions nous consoler de devoir porter un masque dans les lieux publics et au travail parce que c’était mieux que de devoir fermer à nouveau les commerces et les milieux de travail non essentiels et que de se retrouver aux soins intensifs.

Nous devions nous consoler de ne pas pouvoir reprendre notre vie comme avant parce que nous avions la chance d’être en bonne santé, contrairement aux personnes âgées et vulnérables qui devaient continuer à faire attention pour ne pas tomber gravement malades et mourir.

Et quand on a recommencé à nous confiner, c’était la même chose.

Nous devions nous consoler de la fermeture de certains lieux publics, puisqu’on ne refermait pas tout brusquement, et que le gouvernement gardait ouverts les commerces, les milieux de travail et les écoles aussi longtemps que possible.

Nous devions nous consoler d’avoir le droit de fêter Noël ou le Nouvel An avec seulement quelques personnes d’un autre foyer, puisque que cela valait mieux que de ne pas avoir le droit de fêter du tout ou devoir fêter seulement avec les personnes avec lesquelles on résidait.

Nous devions nous consoler de devoir nous isoler à domicile pendant deux semaines après avoir été infectés par le virus ou avoir été en contact avec une personne infectée, puisque c’était mieux que d’être tous à nouveau confinés pendant plusieurs semaines pour aplatir une autre fois la courbe.

Nous devions nous consoler de devoir rentrer à la maison avant 20 heures, puisque le gouvernement aurait pu fixer le début du couvre-feu à 18 heures ou aurait pu nous confiner à la maison toute la journée, comme c’est arriver ailleurs, pour empêcher le virus de circuler.

Nous devions nous consoler que nos enfants soient soumis à des consignes sanitaires strictes à l’école ou soient éduqués à distance, et ne bénéficiaient pas de conditions d’apprentissage optimales, puisque cela valait toujours mieux que pas d’éducation du tout.

Nous devions supporter l’attitude autoritaire du gouvernement, puisque c’était pour notre bien qu’il agissait ainsi, puisqu’au moins nous ne vivions pas dans une tyrannie comme la Russie ou la Chine.

Bref, nous devions nous consoler des libertés dont on nous privait en nous disant que le gouvernement aurait pu nous priver encore plus de nos libertés.

C’est comme si un esclave des siècles passés se consolait de sa servitude en se disant qu’au moins son maître le nourrissait assez, lui laissait suffisamment de temps pour se reposer, lui permettait de fêter à Noël, l’autorisait à quitter son domaine le soir pour visiter sa famille ou ses amis, et le battait seulement avec un bâton, alors qu’il aurait pu le faire crever de faim, le faire travailler bien après le coucher du soleil, le faire trimer dur le jour de Noël, l’obliger à ne jamais quitter le domaine, et le fouetter et même lui faire exploser la cervelle avec son fusil.

Avec une telle mentalité, on a tout ce qu’il faut pour rester toute sa vie un esclave si on en est déjà un, ou pour en devenir un quand on n’en est pas déjà un.

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