Dangers de la robotisation des forces policières et des forces armées

Depuis quelques années, les médias de masse et de grandes corporations nous préparent à la robotisation progressive des forces policières et des forces armées. Certains annoncent même que les soldats pourraient être entièrement remplacés par des robots militarisés d’ici 2030, sans doute moins pour faire des prédictions justes que pour préparer l’opinion publique à accepter que les gouvernements suivent ces nouvelles tendances et signent des contrats très lucratifs pour les corporations de l’industrie militaire et technologique afin de moderniser leur armement et ne pas rester derrière les autres pays, surtout ceux qui appartiennent au bloc rival ou ennemi, comme la Russie et la Chine.


Essayons d’abord de voir quels pourraient être les avantages de la robotisation des forces policières et des forces armées. Puisque les promoteurs de cette transformation restent, du moins dans les grands médias, assez vagues sur cette question, sauf quand ils laissent entendre que c’est la marche inéluctable du progrès et que c’est plus commode de toutes sortes de manières, nous ne pourrons pas reprendre ce qu’ils disent et nous devrons faire nous-mêmes preuve d’imagination, question de nous représenter ce que ces transformations pourraient impliquer concrètement.

Il faut quelques années pour recruter (ou enrôler) et former des policiers et des soldats, qu’il s’agisse de patrouilleurs, d’escouades anti-émeutes ou d’unités spécialisées pour intervenir en cas d’attentats terroristes ou de tueries de masse, ou encore d’infanterie, de tankistes, d’artilleurs, de marins ou de pilotes. À l’inverse, une fois que les prototypes de robots seraient mis au point, on pourrait les produire en série et ils seraient prêts à entrer en fonction dès leur sortie des usines. Étant donné qu’il s’agit de machines qui n’auraient pas de sentiments comme les humains, il ne serait pas nécessaire de leur apprendre comment les maîtriser afin de ne pas se laisser dominer par la peur d’être blessé ou tué, par la colère, par la haine de l’ennemi, par le désir de venger un camarade blessé ou tué ou par leurs préjugés raciaux, sexuels ou religieux. Elles obéiraient seulement aux ordres qu’on leur donnerait, et elles appliqueraient simplement les lois et les règlements ou les plans de bataille, grâce à des intelligences artificielles qui, espérons-le, seraient bien conçues. Les bavures et les violences policières et militaires gratuites et excessives seraient ainsi évitées, de même que les massacres gratuits perpétrés par des soldats assoiffés de sang, les actes de torture contre les prisonniers de guerre ou civils par des soldats sadiques, et les exactions contre les habitants des territoires occupés commises par des soldats hargneux ou détraqués. Il ne faudrait plus traiter les traumatismes psychologiques des policiers et des soldats qui ont frôlé la mort ou qui ont vu ou été impliqués dans des boucheries. Il ne serait pas davantage nécessaire de soigner les blessés, d’enterrer les policiers et les soldats morts dans l’exercice de leurs fonctions, et de consoler et de compenser leurs familles. Les robots policiers ou soldats abîmés ou détruits lors d’une intervention policière ou d’un combat seraient réparés ou remplacés par de nouveaux robots qu’on fabriquerait et qu’on achèterait. Des pertes importantes en robots policiers ou soldats ne résulterait pas en des difficultés supplémentaires à les remplacer, pourvu que les usines soient capables de répondre à la demande, contrairement à ce qui arrive quand de nombreux policiers ou soldats sont blessés ou tués, ce qui rend plus difficile le recrutement et même la conscription, plusieurs préférant fuir, ruser ou corrompre que d’être enrôlés et envoyés au combat ou à l’abattoir. Enfin, on n’aurait plus à exiger de certains citoyens qu’ils surveillent et contrôlent les actes de leurs concitoyens, ou à leur imposer une discipline militaire rigoureuse, ce qui serait dans les deux cas incompatible avec l’esprit de la démocratie et l’attitude morale attendue des citoyens.


Dans bien des cas, ce qui ferait la force des robots policiers et des robots soldats entraînerait des problèmes semblables, sous une forme différente, en les aggravant parfois.

À moins de mettre à la tête des gouvernements, de la police et de l’armée des robots dotés d’une intelligence artificielle supérieure et de renoncer du même coup à la démocratie, ceux qui détiendraient le pouvoir et qui donneraient des ordres aux robots seraient toujours des êtres humains et seraient susceptibles d’avoir les mêmes sentiments que les policiers et les soldats humains actuels, à part la crainte d’être blessés ou tués, puisque ceux qui occupent des postes de commandement, surtout quand ils auraient à leurs ordres des robots dont il n’est pas nécessaire d’améliorer ou de maintenir le moral en se rendant parfois sur les lieux des opérations, tendent à rester prudemment ou lâchement à l’abri. Ces chefs politiques, bureaucratiques, policiers et militaires auraient des exécutants encore plus obéissants, qui seraient capables de commettre les atrocités qu’on leur ordonnerait, et aussi des actes vexatoires moindres, sans hésiter et sans avoir de regrets, puisqu’ils seraient incapables d’éprouver ces sentiments.

Bien sûr, leurs concepteurs et leurs fabricants pourraient leur donner des indications générales selon lesquelles certains actes ne doivent jamais être accomplis, ou ne peuvent l’être que dans certaines circonstances ou conformément à certaines règles. Outre le fait que, dès qu’il y aurait des circonstances dans lesquelles les robots pourraient commettre ces actes, il serait parfois possible de trouver des ruses pour leur faire faire ce qu’on veut leur faire faire, il est douteux que les dirigeants et les commandants soient bien disposés à l’idée d’avoir sous leurs ordres des robots qui pourraient leur désobéir – ce qu’ils n’aiment pas ou ne tolèrent pas avec leurs subordonnés humains – et qui seraient encore plus inflexibles dans leur désobéissance que les policiers et les soldats humains, puisqu’ils n’auraient pas peur d’être punis. Et il est tout aussi douteux que les fabricants de ces robots croient pouvoir faire de bonnes affaires en proposant à leurs clients des robots qui seraient parfois insubordonnés, même si cela ne les empêcherait pas de vanter les précautions qu’ils auraient prises pour que leurs inventions ne soient pas utilisées à mauvais escient par des régimes autoritaires ou despotiques, en omettant de dire à quel point il serait facile de suspendre ces dispositifs pour qui occuperaient une position assez élevée dans la hiérarchie.

Ainsi, les robots policiers et les robots soldats, que nous supposerons bien obéissants, pourraient être brutaux et démesurément violents, participer à des actes de répression et prendre part à des massacres si tel était le bon plaisir de ceux qui les ont achetés, qui les commandent et qui s’attendent à pouvoir les utiliser inconditionnellement pour servir leurs desseins. Ces robots feraient ce qu’on leur demanderait puisqu’ils auraient été conçus et fabriqués pour agir de cette manière et seraient, par leur nature même, dépourvus des sentiments humains qui, parfois, peuvent être à l’origine d’une résistance ouverte ou secrète de certains policiers et de certains soldats.


Jusqu’à maintenant, nous avons traité les robots policiers comme s’ils étaient des produits qui ne dépendraient pas ou plus de leurs fabricants après leur vente et leur entrée en fonction, et qui seraient seulement contrôlés par leurs propriétaires. Mais il ne s’agit pas simplement de munitions, de fusils d’assaut, de mitrailleuses, de mortiers et de canons qui, une fois qu’ils ont été vendus, échappent au contrôle de leurs fabricants. Cela est déjà moins certain quand il est question de véhicules d’infanterie, de chars d’assaut, de missiles, d’hélicoptères et d’avions, dont les systèmes de navigation et de tir ne sont peut-être pas autonomes et dépendent alors de systèmes informatiques plus complexes et développés et mis à jour par les fabricants. Dans le cas de robots policiers et militaires qui, pour fonctionner, dépendraient d’infrastructures informatiques élaborées et contrôlées, de manière assez opaque (au nom du secret industriel), par leurs fabricants, il est raisonnable de supposer qu’ils collecteraient, avec l’accord des propriétaires ou à leur insu, toutes sortes de données sur l’utilisation de leurs robots, sous prétexte de contrôle de la qualité et d’amélioration de leurs produits, comme cela se fait déjà dans le domaine de l’informatique, aussi bien quand les utilisateurs des systèmes d’exploitation et des logiciels sont des organismes étatiques que quand ils sont des entreprises privées ou de simples particuliers. Encore pire, les fabricants des robots pourraient se ménager des portes dérobées, auxquelles elles pourraient avoir recours pour désactiver ou contrôler leurs produits afin de défendre leurs intérêts et ceux des gouvernements avec lesquels ils entretiennent des rapports de copinage, et de nuire à des vassaux qui, sous la contrainte, auraient acheté leurs produits et pourraient tôt ou tard essayer de se sortir des griffes du gouvernement américain et des grandes corporations de l’industrie militaire et technologique qui sont imbriqués en lui ou dans lesquelles il est imbriqué.

Imaginons un pays où, malgré les puissants moyens de propagande mis à la disposition d’un candidat pro-occidental ou pro-américain, a été élu un président qui s’efforce de rétablir la souveraineté dudit pays, de le soustraire à l’emprise des États-Unis ou de l’Occident et de se rapprocher de la Russie et de la Chine. Ne serait-il pas possible, pour ses fabricants, de prendre le contrôle des robots policiers et des robots soldats pour renverser ce président et effectuer un changement de régime ? Ou bien ne pourrait-on pas y provoquer une insurrection et utiliser ces robots pour soutenir les insurgés dans leurs actions contre le « régime » à renverser ? Ou bien ne pourrait-on pas tout simplement les désactiver ou les empêcher d’agir contre les insurgés, qui auraient alors le chemin libre, étant donné que les policiers et les soldats humains auraient été en grande partie remplacés par ces robots ?

Imaginons maintenant un autre pays qui, lui aussi, essaierait de sortir des griffes des États-Unis ou de l’Occident après avoir été inféodé pendant des décennies ou des siècles, qui serait envahi par des troupes américaines ou occidentales, ou qui serait en guerre contre un pays voisin que les États-Unis et d’autres pays occidentaux utiliseraient comme « proxy ». Les fabricants des robots militaires ne pourraient-ils pas faire la même chose dans cette situation, à savoir désactiver les robots qui constituent une partie importante de l’armée, ou les faire passer dans l’armée du pays voisin ou dans l’armée occidentale, afin de provoquer la défaite de cet État voyou ?

C’est comme si ces pays avaient sur leur territoire une armée de mercenaires qui, ultimement, obéirait à une puissance étrangère. Tout se passerait bien, pour les autorités de ces pays, aussi longtemps qu’elles feraient ce que désirerait cette puissance. Ces mercenaires assureraient alors la sécurité intérieure, materaient les révoltes quand il y en aurait, repousseraient les forces armées ennemies en cas d’attaque, et pourraient même les attaquer. Mais quand les autorités de ces pays cesseraient de faire ce qu’exigeraient les véritables maîtres de ces mercenaires, ceux-ci pourraient refuser de faire leur travail, ne pas intervenir pour mettre fin aux troubles intérieurs et repousser les invasions, et même y prendre part ou se ranger du côté de l’ennemi intérieur ou extérieur.

Donc, faire venir, en les payant chèrement, ces mercenaires ou ces robots policiers et militaires, ce serait déléguer à des puissances étrangères la sécurité intérieure et la défense du pays, ce serait se mettre dans leur dépendance, ce serait abandonner sa souveraineté nationale, ce serait même accueillir sur son territoire une armée et une police d’occupation.


J’entends d’avance la propagande des gouvernements occidentaux et du complexe militaro-industriel à l’usage des populations occidentales. Leurs merveilleux robots policiers et militaires seraient assez intelligents et moraux pour refuser d’obéir aux dirigeants étrangers qu’on peint, dans les médias de masse, comme des autocrates ou des despotes qui opprimeraient et massacreraient leurs peuples et qui constitueraient un danger pour la démocratie. Par conséquent, les populations occidentales, au lieu de craindre ces robots, devraient voir en eux les ultimes protecteurs de la démocratie, en ce qu’ils refuseraient d’obéir aux ordres des dirigeants populistes qui réussiraient à prendre le pouvoir dans nos démocraties, par exemple quand ces derniers voudraient les utiliser contre les manifestants qui protesteraient pour sauver la démocratie.

À moins d’être assez rampants pour rester coûte que coûte dans les bonnes grâces des dirigeants qui nous gouvernent de manière de plus en plus autoritaire, voire despotique (ce qui arrive souvent), à moins d’avoir des idées politiques aussi rudimentaires qu’un enfant de cinq ans (ce qui arrive aussi souvent), ceux d’entre nous qui consentiraient à ce qu’on remplace progressivement les policiers et les soldats humains par des robots militaires finiraient par réaliser qu’ils se sont fait rouler dans la farine, car ils se retrouveraient à peu dans la même situation que les populations des pays étrangers qui sont sous le joug américain ou occidental, par l’intermédiaire d’un tyran local.

Les forces policières et les forces armées grandement composées de robots obéiraient aveuglément à nos chefs politiques aussi longtemps que ceux-ci se conformeraient aux désirs de la faction dominante ou des factions dominantes de l’État profond et des grandes corporations qui les pénètrent et qu’il pénètre, et qui s’entendent toutes pour nous contrôler et nous asservir à proportion qu’il leur devient de plus en plus difficile de conserver leur toute-puissance politique, économique et militaire en faisant la même chose seulement à l’étranger, étant donné les importants changements géopolitiques qui sont en cours, qui s’accélèrent et qui ne sont aucunement à leur avantage. Ceux d’entre nous qui oseraient protester ouvertement contre des mesures de guerre à strictement parler ou contre leurs variantes sanitaires (en cas de pandémies), sécuritaires (en cas de tueries de masse ou d’attentats terroristes) ou écologiques (dans le contexte de la lutte à mort de l’humanité contre les changements climatiques), ou encore contre l’autoritarisme des gouvernants et leur copinage avec les grandes corporations, verraient ce que c’est que d’avoir affaire à des robots plus insensibles, bornés et intraitables que les policiers et les soldats humains les mieux dressés, et armés de plus en plus lourdement pour soumettre les récalcitrants considérés par ceux qui les contrôleraient comme une puissance étrangère – ce qu’ils seraient effectivement, puisque les « élites » qui contrôlent les grandes corporations, les organismes étatiques, ainsi que les forces policières et militaires, nous traitent comme des serfs ou de la canaille avec lesquels elles n’auraient rien de commun et ne devraient rien avoir de commun, et auxquels elles seraient donc étrangères.

À l’inverse, si des dirigeants des pays occidentaux en venaient à prendre leurs distances à l’égard des « élites », prenaient en considération les intérêts du peuple au détriment des intérêts des « élites », et se donnaient pour but de rétablir la souveraineté des États-nations, il est à peu près certain que les « élites » provoqueraient des troubles dans ces pays pour contrecarrer ces projets intolérables pour elles, et que les forces policières et armées robotisées – qu’elles contrôleraient encore plus que les forces policières et armées composées d’êtres humains bien dressés – seraient désactivés, ignoreraient les ordres qu’on leur donnerait ou se rangeraient du côté des émeutiers pour les protéger contre les dirigeants supposément tyranniques qui voudraient en fait rétablir l’ordre et éviter la chute de leurs gouvernements.

Le danger, ce n’est donc pas que les robots se retournent contre les hommes de leur propre initiative, comme on nous le montre dans les productions cinématographiques et télévisées américaines, mais que ceux qui les contrôlent, qui nous considèrent comme des puissances étrangères, et qui constituent pour nous des puissances étrangères, les utilisent contre nous. Dans l’hypothèse où une guerre dévastatrice n’arrivera pas bientôt, où les puissances occidentales étatiques et non étatiques disposeront assez longtemps des moyens économiques et technologiques pour effectuer la robotisation des forces policières et des forces armées, et où il ne s’agit pas d’une grande arnaque devant engouffrer des sommes d’argent monstrueuses sans qu’on obtienne les résultats promis (comme l’arnaque des avions de guerre F-35), le maniement des armes sera de plus en plus confié exclusivement à des robots qui pourront être utilisés pour nous oppresser. Les personnes qui auront des armes, qui sauront comment les utiliser, et qui seraient en mesure de résister plus ou moins efficacement, seront encore moins nombreuses. Si bien que nous pouvons nous dire que ce projet de robotisation de la police et de l’armée, s’il aboutit à quelque chose, est peut-être un prolongement du grand désarmement des populations occidentales qui a commencé il y a quelques décennies et qui s’intensifie depuis quelques années.