Analyse du décret ordonnant l’implantation du passeport vaccinal

Tel qu’annoncé, je fais ici l’analyse du décret numéro 1173-2021 du 1er septembre que le gouvernement a bien daigné rendre public le jour même de l’entrée en vigueur du fameux passeport vaccinal, avec au moins quelques heures de retard, comme s’il ne pouvait pas le promulguer une semaine ou deux plus tôt, en précisément sa date d’entrée en vigueur. Ce qui montre le peu de cas que notre gouvernement fait de ses propres décrets, de même que les journalistes et la population québécoise, qui ne parlent presque jamais de ces décrets ou qui ignorent même leur existence, la seule parole de nos autorités devant avoir force de loi.

Cependant ce n’est que parce que ces décrets existent que nous pouvons encore prétendre que nous ne vivons pas dans une dictature au sens strict du terme, c’est-à-dire dans une société où ce que dictent les autorités politiques et sanitaires, par exemple à l’occasion d’une conférence de presse ou sur un site internet, suffit pour entraîner des obligations et des interdictions pour les personnes gouvernées. Il n’est donc pas vain de continuer à accorder de l’importance à ces décrets, et de montrer que nous les lisons et les comprenons. Sinon notre gouvernement, convaincu que nous sommes enfin habitués à lui obéir au doigt et à l’œil, pourrait avoir la tentation de nous imposer des obligations et des interdictions qui n’existent pas dans ses décrets et ses arrêtés, jusqu’à ce qu’il croie pouvoir se passer de décrets et d’arrêtés, ses ordres et même ses recommandations ayant alors en eux-mêmes un pouvoir contraignant pour la population.

Le long préambule du décret (je ne le reproduirai pas ici dans son entièreté) réitère la même chose que tous les décrets promulgués depuis mars 2020, à savoir :

  • que l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré une pandémie de la COVID-19 ;

  • que la Loi sur la santé publique autorise le gouvernement à déclarer l’état d’urgence sanitaire en raison de la grave menace pour notre santé que le virus représenterait ;

  • qu’en vertu de cette loi le gouvernement ou le ministre de la Santé et des Services sociaux peut, sans délai et sans formalité, prendre certaines mesures pour protéger notre santé, dont la vaccination obligatoire, ou toute autre mesure qu’il juge utile pour atteindre cette fin (ce qui est une sorte de clause etc., qui l’autorise à faire tout et n’importe quoi) ;

  • que l’état d’urgence sanitaire a été déclaré le 13 mars 2020 et été renouvelé par des décrets jusqu’à maintenant ;

  • que des mesures sanitaires ont été prises dans de nombreux décrets et arrêtés durant sous prétexte de protéger notre santé ;

  • et qu’il y a lieu d’ordonner d’autres mesures.

Ce qui frappe en lisant ce préambule que je viens de présumer, c’est le caractère arbitraire et pratiquement illimité du pouvoir dont dispose le gouvernement et plus spécialement le ministre de la Santé et des Services sociaux. Car on ne précise pas dans ce décret – pas plus que dans la Loi sur la santé publique et le premier décret grâce auquel l’état d’urgence sanitaire a été déclaré – ce qu’on entend par pandémie et par urgence sanitaire. On ne sait pas davantage ce qu’on peut considérer et ne pas considérer comme une grave menace pour la santé de la population. Bref, pour autant que l’OMS persiste à dire qu’il y a une pandémie sans préciser quelles conditions devraient être réunies pour qu’il n’y ait plus pandémie, notre gouvernement peut n’en faire qu’à sa tête, transformer de fond en comble notre société, nous imposer toutes sortes de contraintes et détruire notre économie, et nous rendre la vie pratiquement invivable, sous prétexte de protéger notre santé.

Il n’y a donc pas lieu de nous étonner que l’état d’urgence sanitaire dure depuis 18 mois et qu’il durera encore probablement bien longtemps, avec le risque de se pérenniser en partie sous la forme d’une « loi-pandémie ». Même chose pour les mesures sanitaires que notre gouvernement nous impose sans délai et sans formalité et qu’il semble vouloir prolonger indéfiniment, sans définir ce qu’il faudrait pour qu’on puisse enfin mettre fin à ces mesures, ou en se fixant des cibles inatteignables. Le passeport vaccinal maintenant implanté fait vraisemblablement partie de ces mesures sanitaires dont on nous dit qu’elles sont exceptionnelles et temporaires, mais qui sont vraisemblablement là pour rester, comme la distanciation sociale et le port obligatoire du masque. Il faudra voir si mes craintes sont confirmées par le fait qu’on ne précise pas, dans ce décret, quelles conditions doivent être réunies pour que le passeport vaccinal soit jugé aboli ou suspendu. Compte tenu qu’il a été implanté au début du mois de septembre, à un moment où les hôpitaux sont loin d’être engorgés et où il n’y a presque pas de décès, il y a lieu de se demander quelles conditions meilleures on peut raisonnablement espérer, si ce n’est les mêmes conditions, au début de l’été au lieu d’à l’automne.

Venons-en au cœur du décret, en ne nous demandant pas seulement ce qu’il nous oblige et interdit de faire, mais aussi en tentant d’anticiper ce qu’il peut permettre au gouvernement de faire grâce à de futurs amendements.

Le décret commence par préciser ce qu’on doit comprendre par « adéquatement vacciné ».

« IL EST ORDONNÉ, en conséquence, sur la recommandation du ministre de la Santé et des Services sociaux :

QU’aux fins du présent décret, on considère « adéquatement protégée contre la COVID-19 », une personne qui, selon le cas :

1° a reçu deux doses de l’un ou l’autre des vaccins à ARNm de Moderna ou de Pfizer-BioNTech ou du vaccin AstraZeneca/COVIDSHIELD, avec un intervalle minimal de 28 jours entre les doses et dont la dernière dose a été reçue depuis 7 jours ou plus;

2° a contracté la COVID-19 et a reçu, depuis 7 jours ou plus, une dose de l’un ou l’autre des vaccins visés au paragraphe 1° avec un intervalle minimal de 21 jours après la maladie;

3° a reçu une dose du vaccin Janssen depuis 14 jours ou plus. »

Comme toujours, il ne s’agit pas simplement d’être vacciné. Il faut être adéquatement vacciné pour être adéquatement protégé. Cet adverbe n’ayant aucun sens précis quand on le met en relation avec le participe passé « vacciné » ou « protégé », il laisse seulement entendre que l’on peut être vacciné sans être adéquatement protégé. D’où l’importance de la définition de l’expression « adéquatement protégé », laquelle est conventionnelle en ce qu’elle dépend de ce que le gouvernement décide de considérer comme tel à tel moment, ce qui est susceptible de changer selon l’idée que le gouvernement se fera ou voudra donner de l’évolution de la situation (dont dépendent ses pouvoirs exceptionnels procurés par l’état d’urgence sanitaire), les recommandations faites par les comités d’experts, les stocks de « booster doses » disponibles et l’autorisation d’utilisation et la mise en marché de vaccins spécialement adaptés à des variants donnés représentant une menace sans cesse renouvelée pour la santé de la population. Il est donc possible que, cet automne ou cet hiver, nos autorités politiques et sanitaires promulguent un ou plusieurs décrets ou arrêtés pour modifier le présent décret et redéfinir ce qu’on entend par adéquatement vacciné, par exemple pour exiger l’injection d’une troisième dose, ou l’injection d’une ou deux doses d’un vaccin devant être plus efficace contre le variant Delta, le nouveau variant Mu ou quelque autre variant encore à venir. Si bien que les personnes actuellement adéquatement vaccinées cesseraient alors de l’être et devraient satisfaire de nouvelles conditions pour être toujours considérées adéquatement protégées. Ce serait une sorte d’abonnement annuel ou biannuel à la vaccination contre la COVID-19.

On voit déjà au deuxième paragraphe de cet alinéa le caractère conventionnel, voire arbitraire, de ce qu’on entend par adéquatement vacciné ou protégé. Outre le fait qu’il est fort douteux qu’une personne vaccinée ait besoin d’avoir son immunité naturelle renforcée par l’immunité que lui procurerait l’injection d’une dose de vaccin, on exclut d’emblée le fait de contracter la COVID-19 après avoir reçu une dose de vaccin, alors qu’on insiste pourtant sur l’importance de recevoir la deuxième dose de vaccin. Voilà qui n’est certainement pas cohérent. Certains y verront même un aveu involontaire que la deuxième dose n’est pas vraiment nécessaire, et que son injection est motivée par les profits des sociétés pharmaceutiques.

Le caractère arbitraire de cette définition est encore plus manifeste dans le deuxième alinéa :

« QUE soit également assimilée à une personne adéquatement protégée contre la COVID-19 une personne qui, selon le cas :

1° présente une contre-indication à la vaccination contre cette maladie attestée par un professionnel de la santé habilité à poser un diagnostic et qui est inscrite au registre de vaccination maintenu par le ministre de la Santé et des Services sociaux;

2° a participé à l’étude clinique menée par Medicago inc. visant à valider la sécurité ou l’efficacité d’un candidat-vaccin contre la COVID-19. »

S’il s’agit effectivement, par l’implantation du passeport vaccinal, de protéger la population contre les ravages de la COVID-19, le premier paragraphe de cet alinéa ne revient-il pas à exposer à un danger pour sa santé une personne qui a une contre-indication à la vaccination, contre-indication qui pourrait d’ailleurs vouloir dire qu’elle est en moins bonne santé qu’un non-vacciné quelconque, et donc qu’elle est au moins aussi susceptible que lui d’être infectée et de devenir contagieux, et aussi plus susceptible que lui d’avoir d’avoir des complications si elle attrape le virus. Cette exception n’est donc pas motivée par des raisons dites sanitaires, mais par des raisons moralisatrices qui ne devraient pas être prises en compte si la situation était aussi grave qu’on le dit, si le virus était vraiment assez dangereux pour justifier l’implantation du passeport vaccinal. Il semble s’agit moins de protéger la population contre la COVID-19, que de punir ceux qui refuseraient d’être vaccinés sans avoir une raison admissible.

Des remarques semblables peuvent être faites à propos de l’exception consentie pour les sujets des études cliniques devant prouver la sécurité et l’efficacité du candidat-vaccin de Medicago. Si les lieux et les activités qu’on veut interdire aux personnes non adéquatement vaccinées impliquent d’assez grands risques pour justifier l’implantation du passeport vaccinal, l’exception qu’on fait pour eux revient alors à mettre en danger leur santé ainsi que celle du reste de la population. Certains diront que la réalisation de l’étude clinique justifie ce risque : on ne pourrait pas en arriver à des résultats concluants sur l’efficacité de ce vaccin si les sujets de ladite étude ne continuairent pas à vivre normalement, c’est-à-dire comme des personnes adéquatement vaccinées. Cela se peut. Mais si la situation est aussi dangereuse qu’on l’affirme, si le variant Delta risque de faire des ravages si on laisse les personnes non adéquatement vaccinées entrer dans des lieux à risque et participer à des activités à risque, ne serait-ce pas traiter au moins une centaine de personnes qui ont reçu deux doses de candidat-vaccin (dont l’efficacité reste à démontrer) comme des cobayes, de même que ceux qui les fréquentent et qui fréquentent les gens qui les fréquentent, et qui pourraient être infectées, surtout si elles sont plus vulnérables. J’ajoute qu’à la suite de l’annonce de l’implantation du passeport vaccinal au Québec, Medicago a décidé de lever l’insu au sein du groupe vacciné et du groupe témoin afin de permettre aux personnes du dernier groupe d’être vaccinées avec des vaccins approuvés, d’être considérées adéquatement vaccinées et d’avoir le passeport vaccinal. Ce qui revient à dissoudre le groupe témoin et à compromettre la valeur de l’étude clinique, ou du moins la partie qui est réalisée au Québec, puisqu’on peut difficilement comparer le groupe vacciné québécois à des groupes témoins d’autres provinces canadiennes et d’autres pays, où la situation dite sanitaire peut différer grandement. Mon point est donc le suivant : cette exception est arbitraire, et si on persiste à la maintenir, on compromet encore plus cette étude clinique (en rendant possible des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être), laquelle on ne peut donc pas invoquer pour justifier cette exception. Si on s’acharne malgré tout à faire une différence entre les personnes qui ont seulement reçu des doses de candidat-vaccin et les personnes non vaccinées, on montre que cette décision n’est pas motivée par des raisons médicales, scientifiques ou sanitaires, mais plutôt par des raisons moralisatrices : il s’agit d’accorder des droits différents aux bonnes personnes qui ont accepté de se faire injecter un vaccin expérimental dans le cadre de cette étude clinique, et aux personnes égoïstes et méchantes qui refusent de se faire injecter un vaccin supposément sécuritaire et efficace qui leur est offert gratuitement.

Je passe au prochain alinéa, qui porte sur la marche à suivre pour les détenteurs d’un passeport vaccinal, dans lequel étrangement on parle seulement de l’application VaxiCode Verif, et pas de l’application VaxiCode. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse ici.

Vient ensuite une liste des activités et des lieux pour lesquels le passeport vaccinal est exigé, et qu’il faudrait comparer minutieusement avec la liste disponible sur le site du gouvernement. Ce que je ne ferai pas ici parce que c’est trop long. Pour l’instant je remarque que les grandes catégories de lieux et d’activités sont les mêmes. Ce sont donc essentiellement les activités ou les lieux d’amusement et de divertissement qui sont visées, ce par quoi se manifeste encore une fois une certaine austérité morale, qui joue peut-être un rôle plus important dans le choix des lieux et des activités que les preuves dites scientifiques.

Je remarque aussi que des exceptions, qui apparaissent explicitement sur le site du gouvernement, sont absentes dans le décret, vraisemblablement parce qu’elles ne rentrent pas dans une catégorie d’activités ou lieux explicitement visées par ce décret. Autrement dit, le passeport vaccinal ne saurait être exigé pour des lieux et des activités pour lesquels on ne dit pas clairement, dans ce décret, qu’il est requis. Toutefois la page du gouvernement, qui est assurément plus consultée par la population que ce décret, prétend précisément le contraire :

« Veuillez noter que cette liste a été produite pour faciliter une compréhension des activités et lieux visés par l’utilisation du passeport vaccinal. Ce qui n’est pas spécifiquement nommé dans la présente liste n’est pas réputé exclu. »

Si bien qu’un commerçant, ou un organisateur d’une activité ou un agent de sécurité pourrait décider de demander le passeport vaccinal dans des cas dont il n’est pas question sur le site du gouvernement et pas davantage dans le décret. Et un policier qu’on appellerait sur les lieux pour tirer au clair la chose avec un client ou un participant en désaccord, pourrait se référer aux informations disponibles sur ce site et exercer son pouvoir discrétionnaire pour en faire plus que ce qui est strictement requis par le décret. Ce qui s’appelle de l’arbitraire. Ce qui deviendra encore plus problématique quand on décidera d’infliger des sanctions aux contrevenants, qu’ils soient clients ou commerçants, ou encore organisateurs ou participants.

Dans le prochain alinéa, le gouvernement réaffirme sa position encore plus clairement quant au fait de ne pas exiger le passeport vaccinal des élèves de niveau primaire et secondaire, et des étudiants de niveau collégial, aussi bien dans les établissements publics que dans les établissements privés :

« QUE les élèves et les étudiants de l’enseignement primaire ou secondaire de la formation générale des jeunes, des collèges, des établissements d’enseignement collégial privés et des autres établissements qui dispensent des services d’enseignement de niveau collégial ne soient pas tenus d’être adéquatement protégés, d’en présenter la preuve, ni de présenter une pièce d’identité pour accéder à tout lieu dans lequel ils bénéficient de services éducatifs, offerts par un centre de services scolaire, une commission scolaire, un établissement d’enseignement privé, un collège, un établissement d’enseignement collégial privé ou un autre établissement qui dispense des services d’enseignement de niveau collégial. »

Curieusement on ne parle pas des établissements d’enseignement professionnel de niveau secondaire ni des universités. Un peu comme si le gouvernement se gardait la possibilité de rendre plus tard obligatoire le passeport vaccinal dans ces établissements d’enseignement, ou voulait permettre à la direction de ces établissements de le faire de sa propre initiative, sans que cela n’entre en conflit avec le présent décret. Notons aussi qu’on omet de parler des enseignants et des professeurs.

Les trois prochains alinéas concernent les obligations des organisateurs d’une activité concernée ou des exploitants d’un lieu concerné par le décret :

« QUE l’organisateur de toute activité et l’exploitant de tout lieu visés au troisième alinéa soient tenus de vérifier, à l’aide de l’application VaxiCode Verif, que toute personne du public âgée de 13 ans ou plus qui souhaite participer à une telle activité ou être admise dans un tel lieu est adéquatement protégée contre la COVID-19 et de vérifier l’identité de cette personne, sous réserve des exceptions prévues aux troisième et quatrième alinéas;

QUE la vérification de l’identité prévue au troisième alinéa et à l’alinéa précédent s’effectue au moyen d’une pièce d’identité émise par un ministère, un organisme public ou un établissement d’enseignement qui, dans le cas d’une personne âgée de 16 ans ou plus et de moins de 75 ans, comporte une photographie de la personne concernée;

QUE l’organisateur de toute activité et l’exploitant de tout lieu visés au troisième alinéa ne puissent permettre la participation à une telle activité d’une personne du public âgée de 13 ans ou plus ou l’accès à un tel lieu que si la vérification de son code QR, faite au moyen de l’application VaxiCode Verif, révèle qu’elle est adéquatement protégée contre la COVID-19, sous réserve des exceptions prévues aux troisième et quatrième alinéas »

Ce qui revient à demander à ces personnes de jouer aux policiers pour appliquer le décret du gouvernement, c’est-à-dire de contrôler le statut vaccinal de ses concitoyens. Ces personnes, qui représentent une partie non négligeable de la population, ne devront pas seulement subir l’ordre politico-sanitaire qui se met en place, mais devront participer activement à sa mise en place et, pour ainsi dire, devenir ses complices. Ce qui deviendra encore plus problématique et moralement corrupteur quand, à partir du 15 septembre, on décidera d’imposer des sanctions aux contrevenants. Ça va être jojo, je vous le dis !

Dans les deux prochains alinéas, nous apprenons qu’il est possible de consigner des renseignements sur le statut vaccinal des participants à une activité récurrente, à condition d’avoir leur consentement, alors que la chose semblait devoir exclue, pour assurer la protection des renseignements confidentiels :

« QUE l’organisateur de toute activité ou l’exploitant de tout lieu visés aux paragraphes 9° ou 10° du troisième alinéa puisse, dans le cadre d’une activité récurrente qui nécessite que la personne concernée s’inscrive et si cette personne y consent, procéder aux vérifications prévues aux alinéas précédents uniquement au moment de la première présence de la personne concernée et consigner les informations ainsi obtenues ;

QUE, sous réserve du huitième alinéa, il soit interdit à quiconque de conserver, en tout ou en partie, les renseignements obtenus pour les fins de toute vérification effectuée en vertu du présent décret. »

Je ne m’attarde pas à trois alinéas qui portent sur les personnes vaccinées à l’extérieur du Québec, sur les pièces d’identité requises pour l’identification des personnes âgées de 16 ans à 74 ans, et sur l’accès à des restaurants ou à des aires de restauration d’un centre commercial ou d’un commerce d’alimentation par les sans-abris.

L’avant-dernier aliéna concerne les sanctions pénales qui seront applicables seulement à compter du 15 septembre, après la période dite d’adaptation :

« QU’à l’égard du présent décret, les sanctions pénales prévues à l’article 139 de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2) ne soient applicables qu’aux infractions commises à compter du 15 septembre 2021. »

Alors qu’on se montre si pointilleux quant aux endroits et aux activités pour lesquels le passeport vaccinal est requis, qu’on ne se donne pas la peine de préciser la nature de ces sanctions pénales prévues dans cette loi.

Voici ce que dit l’article 139 du chapitre XIV de la Loi sur la santé publique :

« Commet une infraction et est passible d’une amende de 1 000 $ à 6 000 $ quiconque, dans le cadre de l’application du chapitre XI, entrave ou gêne le ministre, le directeur national de santé publique, un directeur de santé publique ou une personne autorisée à agir en leur nom, refuse d’obéir à un ordre que l’un d’eux est en droit de donner, refuse de donner accès ou de communiquer un renseignement ou un document que l’un d’eux est en droit d’exiger ou cache ou détruit un document ou toute autre chose utile à l’exercice de leurs fonctions. »

Sauf erreur, il s’agit des mêmes sanctions infligées pour non-respect des autres mesures sanitaires, par exemple la distanciation sociale, le port du masque dans les lieux publics fermés, l’interdiction de participer à des rassemblements privés ou publics et le couvre-feu. Dans ce cas-ci, l’opérateur d’un lieu ou l’organisateur qui refuserait de vérifier le passeport vaccinal des clients ou des participants, ou qui laisserait l’un d’entre eux entrer dans ce lieu ou participer à cette activité, désobéirait à un ordre du ministre de la Santé et des Services sociaux et serait passible de cette amende. Quant aux clients et aux participants, ils seraient passibles de la même amende quand ils entreraient dans un lieu interdit ou quand ils participeraient à une activité interdite sans passeport vaccinal. S’il faut nous réjouir de quelque chose, c’est que les amendes sont moins élevées qu’en France, et qu’on ne risque pas de se retrouver en prison.

Du moins en est-il ainsi pour l’instant. Mais le dernier alinéa devrait nous inciter à n’espérer rien de bon de cette affaire :

« QUE le ministre de la Santé et des Services sociaux soit habilité à ordonner toute modification ou toute précision relative aux mesures prévues par le présent décret. »

Ce qui veut dire que le ministre se garde la possibilité, par de nouveaux décrets et arrêtés, sans délai et sans formalité, d’étendre le champ d’application du passeport vaccinal et, peut-être, d’infliger des sanctions pénales plus importantes, afin que le Québec ne reste pas en arrière des autres pays. Ou encore il pourrait redéfinir selon son bon plaisir et conformément aux intérêts des sociétés pharmaceutiques ce que veut dire « adéquatement vacciné ou protégé », pour renvoyer toute la population québécoise dans les centres de vaccination, en la menaçant de lui retirer les privilèges dus aux personnes adéquatement vaccinées ou protégées.


Je conclus en faisant deux remarques plus générales sur ce décret :

  1. Il est difficile de croire que le passeport vaccinal est une mesure temporaire. On ne trouve rien dans ce décret à propos d’une date de fin ou de suspension du passeport vaccinal. Pas même une date à laquelle on pourrait réexaminer son utilité présumée. Rien non plus à propos d’un seuil en deçà duquel la situation sanitaire serait considérée assez bonne pour envisager de mettre fin à ce dispositif de contrôle de la population québécoise. Tout est laissé au bon vouloir du ministre de la Santé et des Services sociaux, duquel on peut douter.

  2. Le passeport vaccinal est appliqué à l’ensemble du Québec, indépendamment de la situation dans chacune des régions. Ce voudrait dire que le passeport vaccinal est bien là pour rester, un peu comme le port du masque et la distanciation sociale, qui sont en vigueur même dans les régions qui sont au palier d’alerte vert (vigilance).