L’indigence intellectuelle de la Mère Hachey et de la Dre Généreux

Nous la savons depuis longtemps : la Mère Hachey n’est pas une lumière. C’est vraisemblablement dans l’espoir de remédier à ses déficiences – dont elle doit, au fond d’elle-même, s’apercevoir confusément – qu’elle s’est cette fois-ci adjointe la Dre Généreux, qui a mené une étude qui permettrait de mieux savoir, entre autres, qui sont les non-vaccinés.

Le titre seul de l’article, « Portrait-robot du non-vacciné », nous montre déjà que ce n’est pas de la pensée de haut vol. La chose est encore aggravée par le fait qu’on essaie, dans cet article, de montrer que tous les non-vaccinés ne sont pas des complotistes, et qu’il ne faut pas accuser les non-vaccinés d’être tous des complotistes et d’être responsables de tous les maux imaginables, en les mettant tous dans le même panier. Que laisse-t-on entendre, en parlant de portrait-robot, sinon que les non-vaccinés sont des criminels qu’il faut être en mesure d’identifier ? Dans cette perspective, les non-vaccinés non complotistes sont des criminels réformables, alors que les non-vaccinés complotistes sont des criminels non réformables. Il ne faut donc pas prendre au sérieux la bienveillance et l’ouverture dont la Mère Hachey et la Dre Généreux veulent faire montre, de manière très maladroite. D’après ce titre tapageur, un non-vacciné est toujours un criminel, qu’il soit vacciné ou non. Seulement certains pourraient se sortir du crime de non-vaccination si on leur tendait la main, alors que les autres sont irrécupérables. On a beau dire de belles paroles avec un sourire maternel, nous ne pouvons pas leur accorder créance :

« Un constat se dégage : parmi les quelque 10 % de Québécois non vaccinés, les deux tiers adhèrent à une vision complotiste. Ceux-là, on s’en doute bien, sont les plus difficiles à persuader de l’importance de relever la manche pour lutter contre la pandémie.

Reste un tiers, parmi les non-vaccinés, qui ne souscrivent pas le moins du monde à ces théories du complot.

Les données montrent que ceux-ci perçoivent davantage la menace liée à la COVID-19 que les complotistes. D’ailleurs, ils se conforment aussi davantage aux mesures sanitaires. Ils font moins « leurs propres recherches » sur le web. Ils font davantage confiance aux autorités et aux experts.

« Pour moi, il y a de l’espoir pour ces gens-là. On a pas mal plus de chances de les convaincre [que de convaincre les complotistes] », déclare la Dre Généreux.

C’est ce tiers de non-vaccinés que les campagnes de vaccination doivent viser.

Rien ne sert de s’obstiner à faire entendre raison à une personne… qui ne veut rien entendre. Ça risque même d’empirer les choses. »

Réjouissez-vous, non-vaccinés non complotistes, vous pouvez toujours être sauvés si vous vous faites vacciner !

Ce qui frappe dans ce passage, c’est le point auquel la Dre Généreux est persuadée d’être dans le vrai, d’être infaillible ou du moins de se référer à des personnes infaillibles. Si elle veut ouvrir le dialogue avec les non-vaccinés non complotistes, c’est pour faire avancer les choses dans la bonne direction en les convainquant de se faire vacciner. Pas question de se demander si elle a raison de vouloir les inciter à se faire vacciner et si elle a eu raison de se faire vacciner. Se faire vacciner, cela est juste et bon, voilà tout ! Ce qui fait d’elle une sorte de prêcheuse ou de missionnaire, ce qui est difficilement compatible avec la médecine, si du moins on considère qu’elle doit entretenir quelque rapport avec la science et sa démarche, qui implique le doute vis-à-vis de ce que pensent les autres et de qu’on pense soi-même.

Il y aurait encore beaucoup d’autres choses à dire sur cet article de la Mère Hachey et sur cette recherche de la Dre Généreux.

Par exemple le fait qu’on ne se demande pas dans quelle mesure la plus faible proportion de personnes détentrices d’un diplôme universitaire chez les non-vaccinés complotistes (32 %) et non complotistes (33 %), comparativement aux vaccinés (46 %), – sur laquelle on aime appuyer pour prétendre que les non-vaccinés, surtout quand ils sont complotistes, sont moins éduqués et intelligents – s’explique par la surreprésentation des 18 à 34 ans chez les non-vaccinés complotistes (36 %) et (42 %), comparativement aux vaccinés (24 %), car on ne peut pas obtenir un diplôme universitaire avant d’avoir 22 ou 23 ans, selon si on a complété un programme de formation préuniversitaire ou technique au collégial. D’autant plus que plusieurs étudiants pourraient avoir décidé d’interrompre leurs études, de ne pas s’inscrire à une session, ou de poursuivre leurs études à temps partiel en raison des mesures sanitaires visant les milieux universitaires, en attendant le fameux retour à la normale, toujours reporté.

Le fait aussi que ce n’est pas forcément une mauvaise chose de faire ses propres recherches sur internet, où il existe autre chose que Facebook et Twitter, et où on peut retrouver des interventions de médecins d’avis divergents et des articles scientifiques qui ne reprennent pas ce que répètent ad nauseam les autorités politiques et sanitaires, les experts autorisés, les médecins de plateau et les journalistes. Sans doute est-ce difficile à comprendre pour une journaliste comme la Mère Hachey et une prêcheuse comme la Dre Généreux, mais il y a des personnes qui, parmi les non-vaccinés, sont compétentes en médecine, en science, en épistémologie ou en sociologie des sciences, et qui sont donc capables de porter un jugement éclairé sur ce qui se passe, de comprendre la littérature scientifique disponible et d’analyser les données rendues publiques.

Le fait aussi qu’il y a d’autres idéologies que celles de gauche et de droite, comme une idéologie centriste et une idéologie scientiste, et qu’on ne tient pas compte de leur existence dans l’étude de la Dre Généreux.

Le fait aussi qu’on ne se demande pas de quelle manière la moindre confiance des non-vaccinés envers le gouvernement et les experts (lesquels ?), constatée dans cette étude, a pu affecter la composition du groupe non vacciné et a pu avoir une influence sur la manière dont ce groupe a répondu aux questions de cette étude universitaire ?

Mais venons-en au plus important, à savoir les critères selon lesquelles on détermine qu’un non-vacciné est complotiste ou non, car c’est un mal qui, par définition, ne devrait toucher pas les vaccinés, semble-t-on penser.

Il en faut bien peu pour être un complotiste. Quiconque n’a pas une foi assez forte se retrouve bien rapidement classé dans la catégorie des complotistes.

Inversons ces énoncés pour mettre en évidence la forte crédulité dont il faut faire preuve pour éviter cette étiquette odieuse.

J’espère qu’on en conviendra : toute personne qui répondrait à ces énoncés avec une moyenne supérieure à 3/5 serait atteinte d’une naïveté incurable et même mortelle. Alors ne devrions-nous pas nous faire un point d’honneur d’être des complotistes aux yeux de la Mère Hachey et de la Dre Généreux ?