Contre-offensive contre deux croisés

Depuis le temps que les journalistes de La Presse militent, tels des croisés, pour la conversion forcée ou l’expulsion des travailleurs de la santé non vaccinés et par conséquent infidèles, il fallait bien s’attendre à ce qu’ils répandent des torrents d’encre – à défaut de pouvoir répandre le sang, pour l’instant – à la suite du report de la date butoir pour se soumettre à l’impératif vaccinal. Jadis la philosophie était soumise à la théologie. D’autres ont plus tard voulu mettre la littérature au service de l’action politique conçue de la manière la plus bornée et la plus stupide qui soit. Enfin, nous vivons à une époque où le journalisme (ou ce qu’il en reste) a l’obligation de s’engager dans la grande campagne de vaccination massive, à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale. Au Québec, La Presse compte probablement (il faudrait faire une étude scientifique pour nous en assurer) parmi ses employés la plus grande concentration d’écrivaillons engagés (ou enragés) de toute la presse écrite. Comme ils sont légion, comme nous ne devons pas gaspiller nos forces en nous engageant dans autant de combats qu’il y a de spécimens de cette sale engeance, je m’en tiendrai ici à contre-attaquer deux des têtes d’affiche (ou têtes de nœud) de la lugubre comédie que le pouvoir médiatique s’efforce de nous faire jouer pour le reste de nos jours (ce qui ne saurait peut-être pas durer longtemps pour certains vaccinés, comme quoi les vaccins pourraient finalement servir à quelque chose). J’ai nommé Patrick Lagacé, en qui s’incarne la tendance expulsionniste, dont l’arme de prédilection est le bâton ; et Isabelle Hachey, en qui s’incarne la tendance conversionniste, dont l’arme de prédilection semble être la carotte, même si en fait elle est prête à manier le bâton, en dernier recours, quand il le faut pour libérer la Terre Sainte des infidèles non vaccinés. Tout est donc ici affaire de nuances.

 

I. La profonde science politique et psychologique du Père Lagacé

Dans le torchon que le Père Lagacé a publié le jour même de l’annonce de ce report (« Les antivax ont gagné », La Presse, 13 octobre 2021), nous pouvons constater qu’être un papa et un ministre, c’est tout un pour lui. Tout comme être un enfant et un citoyen :

« C’est une consternante volte-face qu’a dû piteusement faire le ministre de la Santé. Quiconque a des enfants connaît cette leçon universelle : il ne faut jamais faire de menaces qu’on ne mettra pas à exécution.

Ne jamais dire à un enfant que la PlayStation sera rangée sous clé pendant une semaine si fiston fait – ou s’il ne fait pas – quelque chose.

C’est de la simple psychologie de base. C’est vrai dans toutes les sphères de la vie, qu’on soit parent ou ministre. Faire une menace et ne pas la mettre à exécution, c’est perdre toute crédibilité quand on devra faire une autre menace. »

N’en déplaise au Père Lagacé, les citoyens québécois ont voté pour élire des représentants à l’Assemblée nationale et des chefs politiques, pas pour se donner à eux-mêmes des mamans et de papas qui les traitent comme des enfants. Et ce ne sont pas seulement les récalcitrants qui sont traités comme des enfants, mais tous les citoyens du Québec. Car il peut y avoir des enfants désobéissants et des enfants sages comme des images. Il suffit de voir sur quel ton le Maréchal du Québec et le Pape de la Santé nous parlent pendant les points de presse pour constater que c’est l’ensemble des Québécois qui est infantilisé. Le Père Lagacé, avec son manque de tact habituel et imbu de la puissance que lui confèrent ses fonctions de héraut dans la grande armée des croisés, a au moins le mérite d’avoir dit les choses comme elles sont. Peut-être ouvrira-t-il les yeux à certains de ses lecteurs, qui jusque-là suivaient aveuglément son étendard.

La psychologie n’est pas le fort du Père Lagacé. La sienne est simple et « basique », au mieux. Appliquer les mêmes principes psychologiques à des enfants et à des adultes, il faut quand même le faire. Car s’il faut traiter les adultes comme des enfants, comment les adultes pourraient-ils éduquer les enfants ? De quel droit prétendraient-ils le faire ? Pourquoi le Père Lagacé, qui semble se considérer comme un phare pour les ouailles vaccinées, constituerait-il une exception ?

Nous pouvons aussi nous demander quelle réaction psychologique le Père Lagacé cherche à produire chez ses lecteurs, et aussi s’il s’est lui-même posé la question. Nous faire dire crûment que nous devons être gouvernés comme des enfants, c’est pour le moins dire déplaisant, d’autant plus que c’est ce qui se passe, pour qui sait voir clair. Mais en y regardant de plus près, il se pourrait que le Père Lagacé soit en fait un psychologue habile et profond. Il compte sur le fait que ses lecteurs, ramollis par 19 mois d’intense et d’incessante propagande médiatique, l’imiteront en s’imaginant dans le rôle des parents et non dans celui des enfants, alors que la comparaison invite plutôt au contraire, tant il leur est impossible d’imaginer qu’on les traite, dans notre société soi-disant démocratique, comme de grands enfants. Et même si c’était le cas, plusieurs se diraient que la situation l’exige et que c’est pour notre bien. Ce qui dénote une grande naïveté, laquelle est justement un trait caractéristique des enfants.

Mais se pourrait-il que ce qui s’applique vraisemblablement aux lecteurs enrégimentés par le Père Lagacé s’applique aussi au Père Lagacé lui-même ? Les prêcheurs de croisade, quand ils ne sont pas simplement des pillards cyniques, ont besoin d’une figure parentale pour leur dire ce qu’ils doivent faire et ne pas faire, se faire donner une mission, et ainsi pouvoir être sauvés. Ce que nous avons crû être de la ruse, nous pouvons aussi bien l’attribuer à un retard développemental ou à une régression au stade infantile que le Père Lagacé aurait en commun avec ses suivants, ce qui serait accompagné d’une incapacité aiguë à se voir eux-mêmes et à comprendre qu’ils ne sont pas les adultes qu’ils croient être, mais qu’ils ont en fait une mentalité puérile qu’ils attribuent – par étroitesse d’esprit, projection et dogmatisme – aux infidèles qu’ils pourchassent justement parce que ces derniers refusent d’agir et d’être traités comme des enfants par de grands enfants qui se prennent pour des adultes et qui prétendent agir comme des parents avec eux.

Il est aussi particulier, pour le moins dire, de constater quelle importance le Père Lagacé accorde à la menace et à sa mise à exécution, en politique comme en pédagogie. À le lire, nous avons l’impression que l’art de gouverner et l’art d’éduquer se réduisent à l’art de punir. Ce qui en dit long sur sa conception de la vie en société.

Puis il y a punition et punition : c’est une chose pour un enfant d’être privé de jeux vidéos pour une semaine parce qu’il n’a pas rangé sa chambre, et c’en est une autre pour un professionnel de la santé d’être privé indéfiniment, peut-être définitivement, du droit d’exercer sa profession parce qu’il refuse de se faire injecter un produit pharmaceutique expérimental.

 

II. La foi inébranlable du Père Lagacé

Comme il se doit d’un croisé, le Père Lagacé a la foi. Et même quand le Pape de la religion sanitaire fait une bévue et montre qu’il est faillible, la foi du Père Lagacé ne s’en trouve pas ébranlée, bien au contraire, car il affecte d’être plus catholique que le Pape.

« Bien sincèrement, je suis tombé des nues en voyant le gouvernement reculer, ce mercredi matin. Parce que j’étais bêtement convaincu que si Christian Dubé avait osé lancer, il y a six semaines, cette menace de suspendre les employés non vaccinés le 15 octobre, c’est que les données étaient de son bord.

Les données ?

Les statistiques anticipées sur l’effet de cette menace sur le taux de vaccination, les plans de contingence selon le nombre d’employés suspendus, etc. Le ministre est un obsédé des chiffres. Je m’étais donc dit qu’il avait lancé cette menace en toute connaissance de cause, en sachant qu’il pourrait la mettre à exécution.

J’avais tort : le ministre Dubé a fait une menace vide, il n’avait pas les moyens de ses ambitions. M. Dubé a expliqué qu’il repoussait simplement la date butoir d’un mois, pour éviter les ruptures de services… »

Si je le croyais capable de changer d’idée, je dirais au Père Lagacé qu’il devrait en conclure que si le Pape de service a proféré des menaces sans connaître les données et comprendre la situation et les conséquences de ses actions, il est fort à parier que son incompréhension et son incompétence s’étendent bien au-delà de ces menaces. En effet, s’il manque à ce point de suite dans les idées, s’il a la cervelle assez délabrée pour ne pas comprendre que s’il suspend des milliers de professionnels de la santé pour cause de non-vaccination il pourrait y avoir de graves conséquences pour le système de santé, alors que lui-même brandit l’épouvantail de l’engorgement des hôpitaux, du délestage des soins et des ruptures de services si les non-vaccinés (y compris les professionnels de la santé) ne se font vacciner, qu’est-ce qui nous autorise à croire qu’il entend quoi que ce soit aux données sommaires qu’on lui fournit et qu’il présente dans ses points de presse et dans ses « tweets », qu’est-ce qui nous permet de croire qu’il entend quoi que ce soit aux bons ou mauvais effets, réels ou imaginaires, des mesures sanitaires et à l’efficacité et la sécurité des vaccins, par exemple ? Tout ça ne demande-t-il pas encore plus de jugeote ?

Pour enfoncer le clou dans le cercueil : se pourrait-il que le Père Lagacé, emporté par son zèle sanitaire, demeure bêtement convaincu que ce qu’a pu dire le Pape jusqu’ici a un rapport quelconque avec la réalité ?

 

III. L’étrange conception du terrorisme du Père Lagacé

Le Père Lagacé se scandalise de cette petite « victoire » des récalcitrants, qui en fait ne perdent vraisemblablement rien pour attendre, comme les principaux concernés devraient le savoir, si du moins ils sont plus futés que le bon Pape Christian :

« J’ai un arrière-goût terrible en disant cela : les antivax ont gagné. Le même arrière-goût que je ressens quand des terroristes libèrent des otages, parce qu’on sait bien qu’il a fallu les payer pour les faire libérer. On libère des innocents, mais on encourage les bourreaux à recommencer. »

La comparaison de la situation actuelle avec une prise d’otages par des terroristes est sans doute venue à l’esprit du Père Lagacé pendant l’un de ses moments d’illumination comme lui seul en connaît. Voyons néanmoins si la lumière, au lieu d’aider le Père Lagacé à y voir clair, ne l’aurait pas plutôt aveuglé.

Qu’ont donc fait les professionnels de la santé non vaccinés pour mériter d’être comparés à des terroristes ? Aux dires mêmes du Père Lagacé, c’est le Pape Christian qui les a menacés de suspension sans solde, mais sans être en position d’exécuter ses menaces. Mis par le Pape dans une position qu’ils n’ont pas voulue, qu’ont-ils fait d’autres que de ne pas céder, contrairement à ce qu’espérait le Pape pour obtenir d’eux leur conversion vaccinale ? Ne sont-ce pas précisément eux les otages, ce qui fait du Pape et de ses croisés les terroristes de la comparaison ? Il faut vraiment que le Père Lagacé soit de mauvaise foi – d’ailleurs existe-t-il une bonne foi ? – pour inverser la situation et peindre en terroristes ces professionnels de la santé, alors qu’ils ont justement refusé de payer leur rançon (leur vaccination) pour ne pas être suspendus sans solde.

 

IV. La distinction entre l’opinion et la lubie selon le Père Lagacé

Pour le Père Lagacé, les choses sont claires, en apparence, comme ça arrive généralement aux gens qui ont la foi et qui n’ont recours au doute que pour mettre à l’abri leurs convictions profondes :

« Je réserverai pour une autre chronique tout le mal que je pense de l’égoïsme de travailleurs de la santé qui ont « l’opinion » que la vaccination est inefficace ou dangereuse – ce n’est pas une opinion, c’est une lubie – et qui n’ont pas hésité à prendre en otages leurs concitoyens malades pour aller au bout de leurs délires de radicalisés. »

La lubie, aux yeux du Père Lagacé, ce n’est même pas une opinion. Contrairement à l’opinion, on ne saurait avoir de bonnes raisons d’avoir une lubie. Une lubie, c’est ce qui n’est pas compatible avec les dogmes vaccinaux indiscutables pour lesquels milite le Père Lagacé, en prétendant aller encore plus loin que le Pape Christian. Ces dogmes étant vrais, tout ce qui ne leur est pas conforme devrait nécessairement être faux, et du même coup délirant et nuisible. Ce serait au nom de cette lubie de radicalisés que les travailleurs de la santé non vaccinés prendraient en otages les malades quand le Pape, avec pour auxiliaires une armée de prêcheurs, les a menacés de les suspendre sans solde. Assurément.

 

V. Le traitement humain des ressources humaines selon le Père Lagacé

Mais il arrive que le Père Lagacé, malgré son zèle sanitaire et vaccinal, fasse preuve d’humanité. Mais quelle humanité !

« Pour le moment, il faut dire et redire que si nous avions un réseau de la santé qui ne gérait pas ses ressources humaines de façon inhumaine depuis des décennies, si le réseau de la santé ne traitait pas ses employés comme des numéros, si le réseau de la santé ne martyrisait pas depuis 25 ans ses infirmières à coup de temps supplémentaire obligatoire, nous n’en serions pas là.

Si le réseau de la santé ne gérait pas sans cesse à la petite semaine en surtaxant les employés réduits à des équipes qui ne suffisent pas à la tâche, nous aurions probablement pu nous passer des plus délirants de nos soignants, en cet automne 2021, nous aurions peut-être pu nous passer de ceux qui refusent encore de se faire vacciner. »

Autrement dit : si le réseau de la santé avait géré humainement les bons soignants, c’est-à-dire ceux qui acceptent de se faire vacciner, il serait maintenant possible de traiter les mauvais soignants qui délirent et qui refusent de se faire vacciner comme des numéros jetables et faciles à remplacer, en les suspendant sans solde ou même en les congédiant.

 


 

VI. Le maniement de la carotte et du bâton selon la Mère Hachey

Dans un article manifestement écrit en réaction à celui du Père Lagacé (« Il fallait éviter le pire », La Presse, 13 octobre 2021), la Mère Hachey tente de justifier la volte-face du Pape Christian aux yeux de l’armée croisée : il fallait éviter le pire (la fermeture de lits, l’engorgement du système de santé, le délestage des soins, les ruptures de services, etc.), il ne faut pas voir ce report de la date butoir comme une simple victoire des antivaccins, il ne faut pas jouer aux dés avec la santé des Québécois, etc. Après quoi elle livre le message de réconciliation du Pape, prêt à accorder son pardon aux travailleurs de la santé non vaccinés qui mettront à profit le nouveau délai auquel on aurait généreusement consenti, par bonté de cœur :

« Le ministre veut donner « une dernière chance » aux non-vaccinés du réseau de la santé. Il leur donne un mois de grâce, jusqu’au 15 novembre, pour obtenir leurs doses. « Nous vous tendons la main et nous espérons sincèrement que vous allez la saisir. »

Pourquoi le feraient-ils ?

Maintenant que le ministre a montré son jeu, prouvant à la face du monde qu’il n’était pas du genre à mettre ses menaces à exécution, pourquoi diable se feraient-ils vacciner ? »

Là n’est pas la question, quoi qu’en dise la Mère Hachey. Pourquoi les travailleurs de la santé non vaccinés accepteraient-ils de prendre la main qu’on leur tend alors qu’on continue à réclamer d’eux exactement la même chose, en reportant seulement la date butoir afin d’obtenir les moyens de mettre à exécution les menaces de suspension ? La Mère Hachey sait très bien de quoi il retourne, puisqu’elle a écrit, quelques paragraphes plus haut, ceci :

« Vous me direz, avec raison, que laisser des préposés non vaccinés nourrir et laver des résidants, voilà ce qui risque de provoquer un incendie dévastateur, du genre de ceux qui ont ravagé les CHSLD au printemps 2020.

Mais la froide réalité, c’est qu’il n’y a pas de solution de rechange, pour l’instant.

Pour l’instant, il vaut mieux avoir des préposés non vaccinés que pas de préposés du tout. »

Le Pape Christian, s’il avait pu le faire sans provoquer de manière trop évidente l’engorgement ou même l’effondrement du réseau de la santé pendant l’hiver, aurait certainement suspendu sans solde et sans le moindre regret tous les soignants qui persistent dans leur refus de se soumettre à l’obligation vaccinale. Et c’est ce qu’il fera probablement quand les renforts qu’il tâche d’obtenir seront arrivés, le 15 novembre ou plus tard. C’est comme si l’armée croisée, après s’être rendue maître d’une ville, tâchait de faire croire aux habitants qui ne respectent pas les obligations vaccinales, qu’elle leur tend charitablement la main parce que, après s’être aperçue qu’on ne peut pas mettre les menaces d’expulsion aussi facilement à exécution, elle a décidé de reporter cette expulsion le temps que les colonisateurs vaccinés arrivent, en exhortant les infidèles à se convertir entre-temps. Ce n’est pas une main tendue, ce sont des menaces différées adressées à tous ceux qui refusent de se conformer à l’obligation vaccinale réitérée. Toute tentative de prétendre le contraire n’est qu’enfumage.

La Mère Hachey ne s’en cache même pas, la carotte étant une arme au même titre que le bâton pour obtenir le résultat voulu, à savoir un réseau de la santé purgé des soignants non vaccinés :

« Il faut « avoir de l’empathie » pour eux, laisser à leurs collègues le temps de leur parler, a dit le ministre.

D’accord. Brandissons la carotte encore un peu, puisqu’on n’a pas d’autre choix. Puisons à nouveau dans nos courtes réserves d’empathie, si c’est ce qui fonctionne…

Mais bientôt, on aura convaincu tous ceux qui pouvaient encore se laisser convaincre. Espérons alors que le réseau sera assez solide pour qu’on puisse brandir le bâton. Et l’utiliser sans fléchir. Après 19 mois de pandémie, si vous refusez le vaccin, votre place n’est pas dans un hôpital ni dans un CHSLD. »

Nous pouvons répliquer à la Mère Hachey qu’après 19 mois de propagande envahissante et agressive, si elle persiste à se rendre coupable de dogmatisme et de bigoterie, elle devrait abandonner le journalisme. Car sous les airs de modération et d’ouverture qu’elle affecte, c’est bien de ça qu’il s’agit. Autrement elle ne parlerait pas ainsi des soignants non vaccinés et, indirectement, des autres personnes non vaccinées :

« Peut-être parce que les travailleurs de la santé non vaccinés ne sont pas tous les antivaccins enragés qu’on imagine.

Peut-être parce qu’ils ne sont pas tous des complotistes irrécupérables, intoxiqués aux théories débiles qui polluent les réseaux sociaux. Sûrement pas, en fait.

Il y en a parmi eux qui hésitent pour toutes sortes de (mauvaises) raisons. Ils se sentent invulnérables. Ils ont une peur bleue des aiguilles ou des effets secondaires. Ils sont frustrés par leurs conditions de travail et ne veulent plus se faire dire quoi faire… »

Comme si la Mère Hachey et les autres prêcheurs de croisade étaient moins intoxiqués par l’idéologie sanitaire que diffusent les médias traditionnels, que ne le seraient les « complotistes irrécupérables » par des théories débiles qui circulent ou circuleraient sur les réseaux sociaux. Comme si on pouvait seulement avoir de mauvaises raisons de ne pas se faire vacciner, parce que le Vrai et le Bon, ce serait la Vaccination pour tous, comme toutes les personnes intelligentes et bonnes le sauraient. Comme si le fait d’en avoir assez de se faire dire quoi faire – par un gouvernement de plus en plus autoritaire et intrusif, qui semble vouloir prolonger indéfiniment l’état d’urgence sanitaire, qui gouverne par décrets et qui abuse des pouvoirs exceptionnels qu’il s’est accordés à lui-même – ne pouvait pas être une bonne raison de refuser la vaccination.

Mais soyons réalistes et revenons sur la réplique faite à la Mère Hachey quelques paragraphes plus haut : le métier de journaliste et celui de prêcheur de croisade tendant de plus en plus à se confondre, elle est tout à fait à sa place, hélas ! Il n’en demeure pas moins vrai que nous pouvons nous demander, en retournant le titre tapageur d’un article écrit par d’autres plumitifs (« Le cerveau des antivaccins fonctionne-t-il différemment ? », La Presse, 13 octobre 2021), si le cerveau des croisés fonctionne différemment du nôtre, d’après les drôles d’idées qui sortent de leur boîte crânienne ou qui y pénètrent pour y trouver un terreau fertile. Car s’il y a effectivement d’importantes différences de fonctionnement entre nos cerveaux, il se pourrait bien que les débiles, ce soient eux.