Assumer les conséquences de nos décisions (1)

En tant que non-vaccinés, on nous dit constamment que nous devons assumer les conséquences de nos actions, ce qui revient à présumer que nous refusons de le faire. En ce qui me concerne, je voudrais justement qu’on cesse de m’importuner pour que je me fasse vacciner et qu’on me laisse agir comme l’adulte responsable que je suis. Je suppose que les autres non-vaccinés voient souvent les choses de la même manière. Car dans l’hypothèse où les vaccins pourraient nous procurer un bénéfice significatif compte tenu de notre âge et de notre état de santé, nous sommes prêts à nous passer de cet avantage possible pour ne pas nous exposer aux risques d’effets secondaires qui commencent à nous être connus à court et à moyen terme, et qui nous sont inconnus à long terme.

Mais voilà : cette réponse ne suffit pas à notre gouvernement, aux experts, aux médecins, aux journalistes et à beaucoup de vaccinés. Elle leur déplaît même. De toute évidence, ce n’est pas ce qu’ils entendent par conséquences. Ils reviennent donc à la charge et leur ton menaçant devient plus perceptible. Si nous persistons dans notre refus de nous faire vacciner, nous devrions accepter de nous voir interdits l’accès à plusieurs lieux publics, la participation à plusieurs activités et les déplacements à en avion et en train, à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Dans certains cas, nous devrions accepter d’être suspendus sans solde et d’être congédiés, et aussi privés d’assurance-emploi et d’aide de dernier recours. Certains suggèrent même que nous devrions accepter de ne plus pouvoir louer un logement et entrer dans les supermarchés, et d’être assignés à domicile. D’autres parlent même de faire comme en Autriche, et de nous mettre à l’amende et de ne nous envoyer en prison. Assumer les conséquences de notre refus d’être vaccinés, ce serait tout ça, et encore bien d’autres choses qu’on pourrait imaginer.

Quand on nous adresse ces paroles lourdes de menaces, on ne réclame pas que nous assumions les effets qui découlent naturellement de notre décision de ne pas être vaccinés. Ce qu’il nous faudrait assumer, c’est tout ce que le gouvernement et les entreprises (en tant qu’employeurs et commerces) ont décidé ou pourraient décider de nous imposer en raison de notre statut vaccinal, avec l’accord de beaucoup d’experts, de médecins, de journalistes et de vaccinés. Il est donc très différent d’assumer cette sorte de conséquences, et d’assumer les effets découlant naturellement et nécessairement de nos actions et décisions. Ce qui n’empêche pas ceux qui réclament cette acceptation de nous d’attribuer ces conséquences sociales et politiques la même nécessité qu’à la causalité naturelle.

Même si cette différence importe, n’appuyons pas trop sur elle. Des conséquences d’ordre social et politique existaient bien avant les efforts faits pour nous contraindre à nous faire vacciner, qu’il s’agisse d’actions précises ou de choix de vie.

Quand je brûle un feu de circulation, je ne prends pas seulement le risque de provoquer un accident de voiture (causalité naturelle), mais je m’expose aussi à des conséquences comme un constat d’infraction accompagné d’une amende et de points d’inaptitude inscrits à mon dossier de conducteur, ce qui découle du Code de la route Il me faut alors accepter de m’exposer à toutes ces conséquences quand je brûle un feu rouge.

Quand j’ai pris la décision de faire une douzaine d’années d’études universitaires dans une discipline où il n’y a presque pas d’opportunités d’emploi et où presque seulement les étudiants opportunistes réussissent à obtenir un poste de professeur-chercheur, j’ai accepté de devoir rembourser d’imposantes dettes à la fin de mes études, avec le risque de ne pas avoir un emploi assez bien rémunéré pour être en mesure de le faire tout en vivant décemment. Ce qui ne veut pas dire que je pousse l’acceptation jusqu’à approuver cet état de fait, puisque je trouve très nuisible que les étudiants doivent s’endetter de cette manière et que les carriéristes dominent le milieu universitaire.

Notons que pour que je puisse faire ces choix en connaissance de cause et en en assumant les conséquences, celles-ci doivent être déjà déterminées et connues, et elles doivent être régulières et stables, c’est-à-dire ne pas être fréquemment sujettes à des changements, provoqués par exemple par les humeurs des autorités ou leur tendance à gouverner au jour le jour, selon l’idée qu’elles croient avoir de l’évolution de la situation. Sans quoi il ne m’est pas possible de les prévoir et donc de les assumer quand je prends des décisions, et de faire en connaissance de cause des plans de vie à long terme ou même à moyen terme.

Voyons comment ces remarques peuvent s’appliquer à l’acceptation des conséquences qu’on réclame de nous, en tant que non-vaccinés.

Ce qui me frappe avec les conséquences dont on nous menace, c’est qu’elles ne sont pas clairement définies, c’est qu’elles ne sont pas fixées une fois pour toutes, c’est qu’elles pourraient se multiplier si nous persistons dans notre refus d’être vaccinés. Non content de restreindre nos déplacements et de nous interdire l’accès à des lieux publics et la participation à certaines activités, le gouvernement nous menace de nous imposer de nouvelles conséquences – qu’il nous faudrait aussi assumer – justement parce que nous avons pris la décision de ne toujours pas nous faire vacciner en préférant assumer ces premières conséquences, au sens où il faut bien nous y conformer. Le tout alors qu’il n’y a pas d’obligation de nous faire vacciner, et que nous sommes tout à fait dans notre bon droit de refuser, malgré les inconvénients et les recommandations réitérées du gouvernement qui tend à s’imaginer qu’il y a obligation dès qu’il adresse des recommandations à la population.

C’est comme si, après avoir constaté qu’on brûle des feux rouges malgré les sanctions prévues au Code de la route, les autorités menaçaient les contrevenants qui s’acquittaient de l’amende de nouvelles sanctions, sans préciser exactement lesquelles, en se gardant par exemple la possibilité de leur retirer du jour au lendemain leur permis de conduire, de saisir leur véhicule et de leur faire faire un bref séjour en prison. Le tout alors qu’il s’agit d’une simple infraction et pas d’un délit.

C’est comme si, après avoir constaté que des jeunes étudient des disciplines où ils ne pourront pas faire carrière, en acceptant de s’endetter et d’être fauchés pour le reste de leur vie, le gouvernement et les autorités universitaires menaçaient de prendre de nouvelles mesures pour les empêcher de faire des choix de vie jugés mauvais pour eux et la société, par exemple en leur faisant payer des frais de scolarité supplémentaires, en réduisant le montant des prêts qu’ils obtiennent, en révoquant leur éligibilité à ces prêts et même en les expulsant de l’université ou entravant leur intégration au marché du travail. Le tout alors qu’il n’est pas interdit d’étudier ces disciplines à l’université.

Dans toutes ces situations, il ne s’agit pas de demander aux personnes concernées d’assumer les conséquences de leurs décisions, mais de les punir justement parce qu’elles persistent à ne pas adopter le comportement qu’on attend d’eux, en assumant justement les conséquences de leurs décisions. Ce dont il s’agit alors, c’est de punir ceux qui n’ont pas le comportement jugé approprié par les autorités et qui décident de supporter les conséquences de leurs choix, c’est d’ajouter de nouvelles conséquences à assumer en guise de punition, afin que ces mauvais sujets finissent par obtempérer.

Une logique aussi arbitraire, aussi coercitive et aussi punitive n’a pas sa place dans un État de droit où sont censées vivre des personnes libres. Elle s’apparente à ce que font les gardiens d’un camp de prisonniers pour obtenir coûte que coûte des détenus le comportement adéquat et leur collaboration, en usant du pouvoir arbitraire qu’ils détiennent afin de leur infliger toutes sortes de vexations devant les faire capituler.

Que les vaccinés ne s’imaginent pas que ce n’est pas leur affaire, et que cette logique carcérale ne saurait être appliquée qu’aux non-vaccinés, en se disant que ça leur apprendra. Car le tour des vaccinés viendra, à supposer que ce ne soit pas déjà commencé. Quand une telle logique s’immisce dans une société et commence à s’y enraciner, allez savoir où ça s’arrêtera. Les vaccinés devront alors assumer les conséquences de leurs choix, à savoir leur décision d’obtempérer et d’adhérer au nouveau mode de gouvernance qui nous est imposé par notre gouvernement depuis presque deux ans. Grand bien leur fasse !

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