Assumer les conséquences de nos décisions (2)

Le gouvernement, les experts et les journalistes exigent des personnes non vaccinées qu’elles assument les conséquences de leur décision de ne pas être vaccinées. J’ai montré, dans le billet précédent, qu’il ne s’agit évidemment pas, pour ces personnes, d’accepter d’être privées de la protection que les vaccins procureraient contre le virus. Les conséquences qu’on leur demande d’accepter, ce sont les restrictions que le gouvernement leur impose et pourrait plus tard leur imposer, jusqu’à ce qu’il finisse par obtenir leur obéissance, à force de vexations. Ce qui n’a rien à voir avec le comportement responsable attendu de personnes libres et, à plus forte raison, de citoyens. Cela relève plutôt du traitement que peuvent imposer les gardiens d’un camp de détention aux prisonniers en raison du pouvoir arbitraire dont ils disposent.

Ceci dit, nous pouvons nous poser une autre question : le gouvernement assumera-t-il un jour les conséquences des décisions qu’il a prises depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, en mars 2020 ? Les mesures qu’il nous a imposées et qu’il continue de nous imposer seront-elles enfin examinées en fonction de leur efficacité, de leur proportionnalité et de l’existence d’autres solutions possibles ? Finira-t-il par faire preuve de plus transparence quant à ce qui a motivé toutes ses décisions et quant aux données brutes qui pourraient nous permettre de comprendre l’évolution de la situation dans les hôpitaux, dans les CHSLD et les RPA et dans les différentes villes et régions du Québec ? Nous rendra-t-il enfin des comptes ? Et dans le cas où il serait jugé qu’il a erré, qu’il n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités et qu’il a même abusé des pouvoirs exceptionnels qu’il s’est accordés à lui-même, assumera-t-il les conséquences des mauvaises décisions qu’il a prises ou le contraindrons-nous à les assumer ?

Pourquoi le principe moral selon lequel il faut assumer les conséquences de nos décisions devrait seulement s’appliquer aux simples particuliers que nous sommes tous, et ne devrait pas s’appliquer à nos chefs politiques et à la haute direction bureaucratique qui gouvernent et administrent la province dans laquelle nous vivons ? N’est-il pas encore plus important que ce principe s’applique à eux dans toute son extension, puisque leurs décisions, quand elles sont mauvaises, ont des effets désastreux à l’échelle de toute la société, ce qui n’a aucune mesure avec les hospitalisations qui pourraient résulter de la décision de ne pas se faire vacciner contre une maladie qui envoie une faible proportion des personnes infectées à l’hôpital, surtout quand on a moins de 70 ans et quand on est en bonne santé ? Et si notre gouvernement, sous prétexte d’urgence sanitaire, prétendait continuer à se soustraire à cet examen et à cette reddition de comptes, presque deux ans après la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, pourrions-nous nous demander si l’un des prérequis de la démocratie a été suspendu ? Si notre gouvernement, et plus particulièrement, nos chefs politiques et la haute direction de la bureaucratie de la santé, n’ont rien à cacher ou à se reprocher, pourquoi chercheraient-ils à se défiler ou à reporter indéfiniment cet examen et cette reddition de comptes ? Loin d’y voir une mauvaise chose, ils devraient au contraire se réjouir de cette occasion de montrer au grand jour toute la rigueur de leur prise de décisions, toute l’efficacité et toute la légitimité des mesures prises pour lutter contre le virus, tous les maux qui ont pu être évités et tous les bienfaits qui en ont résulté pour la population. Cette dernière pourrait alors exprimer en connaissance de cause toute sa reconnaissance pour les bienfaits dont le gouvernement l’a accablée ; les doutes que certains ont à l’égard de la « gestion de la pandémie » seraient dissipés ; on clouerait le bec aux opposants et aux « complotistes » ; et le gouvernement jouirait d’une cote de confiance et de popularité sans précédent, ce qui lui permettrait d’accroître ses chances d’être réélu et de veiller encore mieux à la défense de nos intérêts et à la protection de notre santé.

Le gouvernement devrait donc appeler de tous ses vœux le débat public et ne devrait donc pas s’offusquer que des scientifiques, des médecins, des experts, des intellectuels et des citoyens le questionnent et lui demandent de fournir des informations manquantes et de s’expliquer sur tel point ou tel point. Tout refus de participer à cet exercice de transparence et de favoriser le débat public, de la part du gouvernement et des grands médias, pourrait donner l’impression à la population qu’on cherche à lui cacher quelque chose, affaiblir son adhésion aux décisions prises par le gouvernement et même apporter de l’eau au moulin des « complotistes ». Il est donc dans l’intérêt du gouvernement de se prêter du mieux qu’il peut à cet exercice et de rappeler aux grands médias que leur mission n’est pas d’entraver le débat public, mais plutôt de le favoriser. Encore une fois, si notre gouvernement n’a rien à cacher et à se reprocher, pourquoi refuserait-il d’accepter les conséquences de ses décisions et de sa gestion de la crise sanitaire, dont il a dit plusieurs fois qu’elle est impeccable ? Si ces décisions et cette gestion sont justifiées, pourquoi craindrait-il les conséquences, qui alors devraient forcément être bonnes ? Pourquoi rater une si belle occasion de donner le bon exemple à la population en soumettant ce qu’il a fait et décidé au débat public, et en acceptant d’en assumer les connaissances ? Pourquoi ignorer ou étouffer la voix des plus critiques, quand on donne droit de parole à des avocats du diable avant de sanctifier quelque saint personnage, qui en sort purifié par le feu de la critique ?

Voici quelques-unes des questions qui pourraient être discutées dans ce débat public :

  1. La forte peur suscitée, au printemps 2020, chez le personnel soignant par le gouvernement a-t-elle permis de réduire le nombre de décès dans les CHSLD et les RPA en raison des précautions supplémentaires prises ou l’a-t-elle plutôt augmenté en raison de l’absentéisme qu’elle a provoqué ?

  2. L’isolement systématique des travailleurs de la santé positifs mais asymptomatiques a-t-il eu un effet positif ou négatif sur le problème de pénurie de personnel dans les hôpitaux, sur le délestage de certaines activités et sur le nombre de décès dus à la COVID-19 ou à d’autres maladies ?

  3. Les confinements successifs décrétés en raison de la surcharge des capacités hospitalières ont-ils favorisé la recherche d’une solution au problème de pénurie de personnel soignant en évitant l’effondrement du système de santé et en procurant du temps pour examiner les différentes possibilités et mettre la meilleure en place, ou ces confinements, s’imposant comme solution en cas de surcharge des capacités hospitalières, ont-ils détourné les décideurs de la recherche et de la mise en place d’une véritable solution au problème de pénurie de personnel soignant ?

  4. Faut-il voir dans la surcharge des capacités hospitalières qu’annoncent actuellement le gouvernement et les journalistes une preuve que les mesures prises jusqu’à maintenant (dépistage massif de la population, vaccination massive de la population, confinement, port du masque, distanciation sociale) sont efficaces et nous permettront ultimement de sortir de cette crise sanitaire si nous continuons sur la même voie, ou faut-il nous demander si jamais nous nous en sortirons si nous persistons à avoir recours à ces mesures vraisemblablement inefficaces ?

  5. Les confinements successifs, malgré la dégradation de la situation économique et des conditions d’existence de presque toute la population, ont-ils et continuent-ils de lui être globalement bénéfiques en raison d’une diminution importante des complications et des décès dus au virus, ou lui nuisent-ils en raison de la dégradation généralisée de son état de santé, ce qui la dispose à développer des maladies et à avoir plus souvent des complications, notamment en cas d’infection par le virus ?

  6. Le maintien de l’état d’urgence sanitaire depuis mars 2020 a-t-il été avantageux politiquement en ce qu’il a permis au gouvernement de disposer, pendant tout ce temps, des pouvoirs absolument nécessaires pour gérer la crise sanitaire (même l’été), ou bien a-t-il été nuisible en ce qu’il a entravé la libre recherche des meilleures solutions, a miné la santé de nos institutions démocratiques et a privé indûment les citoyens de certains de leurs droits et libertés ?

  7. Etc.