Renversements moraux pour la période des Fêtes

Pour ceux d’entre nous qui sont individualistes, qui sont fiers de l’être et qui sont allergiques à l’esprit de troupeau, la période des Fêtes est souvent une source d’irritation. À moins d’avoir réussi à repousser définitivement toutes les personnes envahissantes que nous devons côtoyer ou qui croient avoir des obligations envers nous en raison des liens de parenté et avoir le droit de réclamer en retour la même chose de nous, on nous propose, parfois avec insistance, des rassemblements non sollicités, quand notre employeur ne profite pas de son emprise sur nous pour essayer de nous les imposer. Il nous faut refuser catégoriquement ces rassemblements, ou à tout le moins ce qu’ils comportent de plus stupides et de plus dégradants. Car les Fêtes ne sont, pour beaucoup de nos concitoyens, qu’une occasion de retomber en enfance ou de s’abêtir en groupe. Gardons-nous bien de nous dégrader et de nous abaisser en communiant avec des personnes avec lesquelles nous n’avons pas d’affinités, auxquelles nous sommes opposés sur une infinité de points, et qui pourraient cesser d’exister ou n’avoir jamais existé sans que ça nous dérange, bien au contraire ! La vie est trop courte pour perdre notre temps ainsi. Il est si rare que nous ayons un peu de temps libre à cause des études ou du travail, ou à cause des études et du travail. Employons notre temps mieux qu’à des festivités tapageuses, stupides et enfantines avec des personnes que nous n’aimons pas, que nous n’estimons pas et que nous méprisons même, par exemple en lisant, en écrivant, en réfléchissant, en faisant des promenades ou en banquetant et en discutant avec de vrais amis. Foin de tous les autres !

Ce dont il s’agit dans ce billet, c’est de peindre des manières de repousser cavalièrement ces groupes d’envahisseurs qui voudraient profiter de l’esprit des Fêtes pour nous assimiler. Nous n’avons pas de comptes à leur rendre. Nous n’avons pas à nous excuser ou à inventer des raisons quand nous déclinons leurs invitations ou quand nous refusons de participer à leurs activités. Nous avons même intérêt à les repousser avec front quand ils croient avoir le droit de réclamer notre présence et notre participation, quand ils nous adressent des reproches et quand ils essaient d’exercer des pressions morales sur nous. Ou bien, si nous nous justifions, il faut le faire avec impertinence. Ils y penseront deux fois avant de récidiver.


Eux : « Tu fais comme si nous n’existions pas. Nous sommes pourtant ta famille. Pourquoi refuses-tu nos invitations aussi froidement, alors que nous voulons seulement passer du bon temps avec toi, comme quand tu étais un enfant ? Tu es devenu bien indépendant ! »

Nous : « Si en me reprochant d’être indépendant, vous me reprochez de ne pas être dépendant de vous, je suis effectivement indépendant et je suis fier de l’être. Je ne vois pas ce que je gagnerais à être dépendant comme un enfant. »


Eux : « Tu ne vas jamais manger au restaurant avec nous, tes collègues. Tu pourrais au moins faire un effort pour le souper de Noël ! On dirait que tu ne te soucies pas le moins du monde de la cohésion d’équipe. Tu es bien sauvage ! »

Nous : « Je le reconnais : il y a effectivement quelque chose de sauvage en moi. Mais je ne vois pas ce que cela a de mauvais. J’aime beaucoup mieux être sauvage que domestiqué. »


Eux : « Tu ne viens jamais manger au restaurant avec nous ou prendre un verre avec nous après le travail. Tu ne participes pas à nos activités d’équipe quand on te donne la possibilité de ne pas être là. Et quand tu n’as pas le choix, nous voyons que c’est à contrecœur que tu es là et tu râles au lieu de participer. Tu ne fais rien pour cultiver de bonnes relations de travail. »

Nous : « Au contraire, je me soucie beaucoup des relations de travail. Je me soucie même seulement des relations de travail. C’est par professionnalisme que je refuse de participer à ces activités qui n’ont rien à voir avec le travail et qui exigent une attitude incompatible avec la rigueur et le sérieux que le travail exige. »


Eux : « Pourquoi refuses-tu de participer ? Ce jeu te permettra de mieux connaître tes collègues et leur permettra de mieux te connaître. Tu boudes comme un enfant. Tu es comme un grand bébé qui fait sa crise. Fais donc preuve d’un peu de maturité ! »

Nous : « C’est précisément parce que je ne suis pas immature que je refuse de jouer à ce petit jeu d’enfant. Ceux d’entre nous qui sont vraiment des adultes n’ont pas besoin d’être ainsi pris en charge, comme des enfants pendant une fête d’anniversaire. Si vous vous souciez vraiment de maturité, laissez-nous socialiser comme des adultes. »


Eux : « Pourquoi refuses-tu de participer à nos activités et de jouer à nos jeux ? S’ils sont assez bons pour nous, ils sont assez bons pour toi. On dirait que tu te penses meilleur que nous ou que tu te crois supérieur à nous !  »

Nous : « Ce n’est pas moi qui me crois supérieur à vous quand je refuse de participer aux petites activités et aux petits jeux auxquels vous acceptez de participer et de jouer. C’est plutôt vous qui vous croyez inférieurs à moi quand vous acceptez de participer à ces activités et à ces jeux auxquels je refuse de participer et de jouer. »