Mise en garde sur le sabotage dans les organismes publics

Je n’ai jamais travaillé dans un organisme public. Tout ce que j’en connais, c’est par l’intermédiaire de ce que m’en ont dit des fonctionnaires qui font partie de mon entourage élargi et qui ne me disent pas tout ce qu’ils savent, et aussi par l’intermédiaire des documents bureaucratiques mis en ligne. C’est pourquoi j’ai tendance, quand j’incite au sabotage de manière générale, à ne pas tenir assez compte des caractéristiques et du contexte propres aux organismes publics. Malgré un appel à la prudence dans mon billet du 27 novembre 2023, j’ai l’impression de ne pas avoir assez insisté et de ne pas avoir été assez précis.

C’est qu’il y a des actes de sabotage que nous pouvons réaliser sans hésitation et sans regret dans des entreprises privées, mais qui ont des effets nuisibles qu’il faut éviter ou atténuer dans les organismes publics. Quand le sabotage a pour cible une entreprise privée qui nous nuit de toutes sortes de manières, c’est bien fait pour ses propriétaires, ses actionnaires, ses investisseurs, ses gestionnaires, ses clients et ses partenaires. Tant mieux s’ils perdent de l’argent, si cette entreprise n’atteint pas ses objectifs, si elle déçoit ses partenaires et leurs clients de toutes sortes, si elle acquiert une mauvaise réputation, si elle devient déficitaire et si elle finit par faire faillite. C’est justement là un des buts visés par les saboteurs. Mais la situation est différente dans un organisme public. Quand un organisme public est à ce point corrompu qu’il nous nuit beaucoup plus qu’il ne nous est utile, c’est l’argent que le gouvernement nous soutire qu’on jette par les fenêtres ou qu’on utilise pour nous nuire. Si des saboteurs profitaient de la pénurie de main-d’œuvre pour bien se positionner au sein de la fonction publique et s’ils visaient des projets gouvernementaux nuisibles en y renforçant ou y provoquant des pratiques inefficaces qui engendreraient d’importantes pertes d’argent sans obtenir de résultats significatifs, c’est encore notre argent qu’on dépenserait stupidement. Le fait que ces saboteurs entraveraient la réalisation de la transition énergétique qui doit nous appauvrir et de l’identité numérique qui doit nous rendre plus faciles à surveiller et à contrôler ne change rien à l’affaire : ce serait toujours l’argent des taxes et des impôts que nous payons qui serait dépensé de cette manière, et le gouvernement nous en soutirerait encore plus en augmentant les taxes et les impôts, afin de se donner les moyens de mettre les bouchées doubles et d’atteindre ces objectifs nuisibles pour nous. Nous nous appauvririons, la dette publique augmenterait et on ferait des coupures dans les services publics encore utiles pour réallouer les fonds ainsi libérés à des projets moins utiles ou nuisibles. Les bonnes intentions des saboteurs et les effets positifs obtenus grâce à leurs actes n’empêcheraient pas les effets négatifs de cette forme de sabotage de se produire et de s’ajouter aux effets nuisibles des actions des puissants parasites pour qui l’État est une vache à lait qu’on doit traire pour appauvrir le peuple et pour enrichir encore plus l’oligarchie grâce aux contrats publics généreusement accordés aux grandes entreprises des secteurs de la construction, de l’énergie, des télécommunications, de l’informatique, de la santé, de la sécurité et de la guerre.

Même si les politiciens, les bureaucrates et les oligarques disent déplorer la perte de confiance des citoyens ou des contribuables, il ne faut certainement pas prendre au pied de la lettre ces déclarations. Ne le nions pas : ils aimeraient sans doute que nous les croyions tous sur parole. Il serait alors tellement plus facile de nous gouverner. Mais il serait très naïf de croire que le discrédit dans lequel tombent les organismes publics ne peut pas leur être utile. Quand ce discrédit va jusqu’au cynisme chez beaucoup de nos concitoyens – même ceux qui croient aux changements climatiques, aux pandémies et à la menace du complotisme –, les politiciens et les bureaucrates peuvent vaquer tranquillement à leurs occupations, sans avoir trop souvent dans les pattes des citoyens qui ne veulent pas leur déléguer ou leur abandonner les affaires publiques. Quant aux oligarques, ce discrédit, quand il prend la forme d’une aversion pour les affaires publiques, leur permet de faire plus facilement leurs magouilles avec les politiciens et les bureaucrates, loin des regards indiscrets des citoyens qui pourraient encore prendre aux sérieux les organisations publiques. Que les saboteurs qui œuvrent au sein de ces organisations – je veux dire ceux qui valorisent la liberté, et pas les autres qui sabotent pour des raisons moins louables, par exemple pour favoriser la montée de l’autoritarisme – prennent garde, car ils ne doivent pas contribuer à achever de les discréditer aux yeux des citoyens ou des contribuables, qui accepteront ou réclameront même qu’on y mette la hache et qu’on les remplace par des entreprises ou d’autres organisations privées qui seraient plus efficaces et moins nuisibles, mais qui en fait échapperaient encore plus à notre contrôle, qui seraient encore plus autoritaires et qui seraient davantage subordonnées aux intérêts de nos maîtres ou même contrôlées par eux, directement ou indirectement. Une des stratégies utilisées par ceux qui cherchent à nous assujettir et à miner ce qui reste des institutions démocratiques, et qui y parviennent malheureusement, c’est justement de provoquer ou de créer des problèmes et de profiter de la réaction irréfléchie qu’ils suscitent chez nos concitoyens assoupis, naïfs ou décérébrés pour leur proposer des « solutions » qu’ils n’auraient pas acceptées autrement. C’est ce qu’ils ont fait, font ou feront en ce qui concerne les « pandémies » et les politiques de confinement, en ce qui concerne les attentats terroristes et la marche vers un État de plus en plus policier, et en ce qui concerne les changements climatiques, le sauvetage de la planète et les restrictions énergétiques et économiques.

Par conséquent, que les saboteurs qui ont infiltré ou qui pourraient infiltrer les organismes publics réfléchissent bien aux conséquences de leurs actes et prennent des précautions pour ne pas devenir des pions de nos maîtres dans le cadre d’une stratégie qui consisterait à rendre encore plus inefficaces et dépensiers les organismes publics, afin de préparer les esprits à la poursuite de l’ingérence des grandes entreprises privées dans ces organismes et de la privatisation des services publics, dans un contexte où les finances publiques se portent de plus en plus mal et où nos concitoyens sont disposés à croire que le gouvernement est le seul responsable de la diminution accélérée de leur pouvoir d’achat, de leur endettement croissant et de la dégradation accélérée de leurs conditions de vie. La situation est délicate et ceux qui désirent pratiquer le sabotage dans des organismes publics doivent en tenir compte s’ils valorisent vraiment la démocratie et la liberté et s’ils ne cherchent pas seulement à provoquer des perturbations, indépendamment des effets négatifs ou positifs pour eux et leurs concitoyens et de la manière dont pourraient en profiter nos adversaires et nos maîtres.


Pour ne pas vendre la mèche, j’expose ici rapidement quelques propositions générales pour guider la pratique du sabotage dans les organismes publics, en invitant les saboteurs à trouver des manières de les appliquer à leur situation et aussi à trouver d’autres idées de sabotage.

Les saboteurs du secteur public pourraient opter pour des formes de sabotage qui réduisent les dépenses associées à des projets gouvernementaux nuisibles au lieu de les augmenter, et qui n’en entravent pas moins l’avancement. Par exemple, ils pourraient sous-estimer les effectifs, les moyens technologiques et les fonds nécessaires pour réaliser un tel projet et convaincre leurs supérieurs, qui dépendent souvent d’eux pour ce genre de choses, de faire en conséquence leurs plans et leurs budgets pour les prochaines années. Pour faire faire d’autres économies au gouvernement et ralentir l’exécution de ce projet, il est aussi possible de saboter le processus de dotation ou la description d’emploi pour des spécialistes sans lesquels ledit projet ne peut pas avancer, et de faire la même chose pour des appels d’offres qui ont pour fonction d’obtenir une expertise et des technologies que n’a pas l’organisme public en question et sans lesquelles ce projet peut difficilement avancer. Ces stratagèmes sont encore plus efficaces quand cet organisme public n’a pas la possibilité d’allouer facilement de nouvelles ressources à ce projet ou quand les saboteurs, pour éviter qu’on investisse des ressources encore plus importantes pour reprendre le retard et remédier au plus vite à la situation, réussissent à entretenir longtemps une illusion d’avancement et à donner l’impression qu’il faut seulement faire quelques ajustements pour que ça se mette à avancer à la vitesse voulue.

Il est important de viser de préférence des projets dont les grands médias ne parlent pas et que le grand public ne connaît pas, ou auxquels ce dernier n’accorde pas d’importance ou veut voir échouer ou ne pas aboutir. Autrement, les actes de sabotage auraient pour effet de renforcer leur aversion pour les organismes publics et d’ouvrir la voie à des « solutions » qui serviraient les intérêts de nos maîtres et qui nous nuiraient encore plus.