La vulnérabilité et la faute des jeunes

Les jeunes, « nouveaux vulnérables »

Ils sont les « nouveaux vulnérables ». Si le Québec connaît le même scénario que l’Europe, les jeunes seront les plus durement touchés par la troisième vague de la COVID-19. Une catastrophe annoncée pour le système de santé, mettent en garde des experts. (La Presse, 27 mars 2021)

Les marchands de « vaccins » doivent se frotter les mains de contentement ! Mais, en fait, cela ne leur apprend rien, ils étaient depuis longtemps au courant, puisque certains d’entre eux prennent de l’avance et en sont même à mettre au point son vaccin pour les enfants et les adolescents (les « vaccins » actuellement autorisés pouvant seulement être utilisés pour des personnes de 16 ans ou plus). Le Virus leur a sans doute soufflé à l’oreille qu’il ne ménagera pas les enfants et les adolescents à l’occasion de la quatrième ou de la cinquième « vague ». Ainsi leur tour viendra bien assez vite !

Mais n’anticipons pas. Nous voilà donc partis pour une troisième « vague », si on en croit cette journaliste et les experts qu’elle a consultés. Cette fois-ci les jeunes ne seront pas épargnés, nous dit-on. Comme cette nouvelle tombe à point alors qu’on devrait justement commencer, d’ici quelques semaines, la « vaccination » des groupes d’âge jugés jusqu’à maintenant moins vulnérables, et que nos autorités politiques et sanitaires luttent justement contre la réticence « vaccinale » !

On aurait tort de croire que, parce qu’ils seraient soudainement devenus vulnérables, on cessera de s’acharner sur les jeunes et d’en faire des boucs émissaires responsables de la propagation du Virus, du reconfinement et de l’engorgement du système de santé. Pourtant ne seraient-ils pas devenus d’innocentes victimes du Virus, comme le sont les personnes âgées ? Il semblerait que non, aux yeux de cette journaliste et d’un « expert ».

Ils sont plus téméraires, ils ont de grands cercles sociaux et ils ne sont pas vaccinés. Les jeunes pourraient être les prochains à subir les ravages du nouveau coronavirus. « C’est un groupe d’âge qui n’est pas inquiet de nature, qui se croit invincible », fait remarquer le Dr François Marquis, chef des soins intensifs de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Pour les jeunes, la troisième vague serait un « comportement à risque », comme les excès de vitesse au volant. Les accidents peuvent arriver, mais ils paraissent si improbables qu’ils sont rarement pris en compte.

Pourtant, face à la montée des variants, plus contagieux que la souche originale, le risque est bien réel. Le Dr Marquis parle d’une simple équation mathématique.

« Plus il y aura de jeunes infectés, plus, nécessairement, dans le lot, il y aura des cas de maladie extrêmement sévères. »

Ainsi les variants ne seraient pas plus létaux pour les jeunes. Ils seraient seulement plus contagieux : plus de jeunes pourraient être infectés et donc avoir des complications et mourir. Leur insouciance, leur imprudence et leur témérité n’en seraient que plus coupables. Si bien qu’on trouve toujours à redire, même quand ils seraient en train de crever.

Le Dr François Marquis s’inquiète de l’engorgement du système de santé par cette jeune clientèle.

« Un jeune aux soins intensifs a beaucoup plus de résistance qu’un patient âgé. À maladie égale, il va toujours encaisser plus », explique le Dr François Marquis. Le jeune patient est malade plus longtemps et consume une quantité phénoménale de ressources. En additionnant cette situation à la pénurie de personnel soignant, le Dr Marquis craint le pire. Un triage avancé. « Ça, ce serait une catastrophe. Faire du triage avec des mères et des pères de famille, ça fait encore plus mal. Il y a un risque réel de dérapage », prévient-il.

Étrangement on semble présumer que le jeune qui serait malade et hospitalisé dans une unité de soins intensifs perdrait son combat, alors qu’on pourrait aussi bien supposer qu’en raison de sa plus grande résistance, il a plus de chances de se remettre rapidement et de libérer le lit qu’il occupe. Mais il est plus commode – même si on fait mine de se désoler de sa mort –, pour pouvoir mieux blâmer la négligence qui l’aurait rendu malade, de lui reprocher de prendre plus de temps à crever, d’occuper plus longtemps un lit d’hôpital et d’accaparer une « quantité phénoménale de ressources » hospitalières, surtout en situation de pénurie de personne médical. Et même si ce jeune survivait à l’attaque du Virus, il n’en accaparerait pas moins beaucoup de ressources pour guérir. Bref, c’est toujours la faute des jeunes, qui trouvent le moyen d’engorger le système de santé en crevant trop lentement et en se rétablissant. À l’inverse, les personnes âgées, elles, lutteraient moins longtemps contre le Virus, accapareraient moins de ressources et libéreraient plus rapidement les lits qu’elles occupent, où d’autres personnes âgées pourraient leur succéder et finir leur vie de la même manière. Ce qui serait assurément meilleur pour le bilan quotidien des décès, grâce auquel on cloître toute la population du Québec depuis un an.

Mais du calme ! Ne prêtons pas des pensées cyniques au bon docteur, pour lequel ce serait une catastrophe d’avoir à faire du triage avec des mères et des pères de famille. Ce qui devrait inciter tous ceux d’entre nous qui n’ont pas d’enfants, ou qui sont trop jeunes pour en avoir, à se montrer très prudents pour ne pas se retrouver dans l’unité de soins intensifs qu’il dirige (ou que l’un de ses semblables dirige), s’y voir refuser des soins afin de le dispenser de choisir entre telles mères et tels pères de famille, et être traités comme des êtres humains de deuxième ou de troisième ordre.


Revenons rapidement sur l’affirmation du bon docteur Marquis – selon laquelle les jeunes accapareraient beaucoup plus de ressources que les personnes âgées – pour citer quelques exemples de personnes âgées dont on a parlé dans les médias pour nous sensibiliser au danger que représenterait le Virus :

Je doute fort que les jeunes puissent faire beaucoup mieux que leurs aînés. Soit le bon docteur raconte n’importe quoi, soit la couverture journalistique de ce qui se passe dans les hôpitaux est non représentative de la situation et les docteurs laissent faire ou ont leur part de responsabilité.

À noter que les journalistes et les médecins, quand il s’agit de personnes âgées, se gardent bien de faire toute allusion à la quantité phénoménale de ressources qui a certainement été « consumée » par elles, pour plutôt mettre l’accent sur la persévérance du personnel soignant et des « miraculés » tout au long de ce dur combat contre le Virus. Car il y a des choses qu’on peut impunément dire des jeunes, et qu’on ne peut pas dire des vieux sans s’attirer la réprobation générale.


Revenons à l’article qui déclare que les jeunes seraient vulnérables aux variants et particulièrement menacés par la troisième « vague » qui commencerait, pour examiner la déclaration d’une médecin qui travaille dans une aile où sont soignés des malades du Virus et qui a ouvert ses portes aux journalistes, après leurs demandes réitérées pour voir ce qui se passe sur le terrain.

Pour la Dre Amélie Boisclair, ce n’est qu’une question de temps avant que la vague frappe son unité des soins intensifs à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne. En quelques jours, tous ses lits se sont remplis. Par des patients plus jeunes et très malades. « Au début, les personnes étaient malades parce qu’elles étaient vieilles, puis parce qu’elles avaient des comorbidités. C’est difficile d’accepter que des jeunes soient aussi malades. Tout le monde a le réflexe de se protéger », raconte-t-elle au bout du fil, au terme d’une autre journée difficile.

Bien entendu, j’ignore ce qui se passe exactement dans cette unité de soins intensifs, avant aussi bien qu’après avoir lu cette déclaration. Que veut-on dire exactement par des patients « plus jeunes » ? Plus jeunes que des personnes qui étaient vieilles ? Ce qui veut dire qu’ils sont dans la soixantaine, dans la cinquantaine, dans la quarantaine, dans la trentaine ou dans la vingtaine ? Allez savoir !

La Dre Boisclair ne daignant pas être plus précise quant au nombre de patients qui auraient rempli tous les lits de son unité de soins intensifs, et la journaliste ne se sentant pas d’attaque pour un petit travail de recherche, référons-nous aux données de l’INSPQ par région, qui nous apprennent que six admissions ont eu lieu aux soins intensifs dans la région de Lanaudière, du 17 au 22 mars 2021.

Source : INSPQ)

Le bilan quotidien pour la région de Lanaudière du 26 mars 2021 nous apprend pour sa part qu’il y a 8 personnes hospitalisées dans les unités de soins intensifs.

Puisque l’hôpital Pierre-Le Gardeur dessert environ 300 000 personnes, puisque la région de Lanaudière compte 494 796 habitants, il y a lieu de se demander si l’occupation soudaine de tous les lits de son unité de soins intensifs réservés au Virus ne serait pas en fait causé par le manque de lits et non par un excès de jeunes patients très malades. Ou bien notre bonne doctoresse dispose de plus de lits pour le Virus et elle s’est fait un devoir d’exagérer la situation pour sensibiliser la population québécoise, et plus particulièrement les jeunes, aux dangers du Virus. Quoi qu’il en soit, on peut difficilement juger de l’évolution générale de l’épidémie au Québec et déclarer le début d’une troisième « vague » de variants qui toucherait durement les jeunes à partir de 8 hospitalisations dans une seule unité de soins intensifs, alors qu’il y a 373 hospitalisations régulières et 108 hospitalisations en soins intensifs au Québec. Ce nombre est trop petit, absolument et proportionnellement, pour donner une idée juste de l’évolution de la situation.


Pour tirer la chose au clair, j’ai compilé les données de l’INSPQ sur les nouvelles hospitalisations dans les unités de soins intensifs pour toute la province depuis le début de l’année 2021. Les données sur les hospitalisations en cours à telle date, qu’il aurait peut-être été préférable d’utiliser pour tenir compte de la durée des séjours dans les unités de soins intensifs, ne sont malheureusement pas disponibles, sauf pour une très courte durée, sur le site du gouvernement consacré au Virus.

Au premier coup d’œil, nous remarquons la grande variabilité des hospitalisations pour chaque groupe d’âge d’une semaine à l’autre. Il importe donc de ne pas tirer hâtivement des conclusions d’une hausse ou d’une baisse soudaine des nouvelles hospitalisations. Nous pouvons néanmoins remarquer certaines tendances générales en calculant la variation des nouvelles hospitalisations par groupe d’âge, en comparant les troisièmes dernières semaines de la période étudiée avec ses trois premières semaines.

Il résulte de ces différentes variations par groupe d’âge une augmentation, une diminution ou une relative stabilité de la proportion des nouvelles hospitalisations, au cours de la période étudiée, comme on peut le voir dans ce tableau où les données sont organisées en quatre périodes de trois semaines.

Ou, si l’on préfère, dans cet autre tableau où les données sont organisées par semaine.

Peu importe comment on organise les données, la chose qui s’apparente le plus à une hausse des hospitalisations des jeunes aux soins intensifs est une augmentation de la proportion des nouvelles hospitalisations pour les 60-69 ans (qu’on ne peut certainement pas considérer comme des jeunes), pour les 40-49 ans (qui ne sont plus tout à fait jeunes non plus) et peut-être les 30-39 ans (qu’on pourrait à la rigueur considérer comme des jeunes), si du moins on évalue la situation en organisant les données en périodes des trois semaines, car aucune personne qui appartient ce groupe d’âge n’a été hospitalisée aux soins intensifs au cours de la dernière semaine.

Compte tenu que les hausses des proportions observées pour ces groupes d’âge ne sont pas pour l’instant accompagnées d’une hausse du nombre d’hospitalisations aux soins intensifs, nous pouvons faire l’hypothèse que cela est dû, au moins en partie, à une diminution plus importante des hospitalisations dans d’autres groupes d’âge, surtout les 70-79 ans, les 80-89 ans et les 90 ans et plus.

Quant aux causes de cette diminution des hospitalisations dans ces groupes d’âge, il faut faire preuve de prudence et ne pas l’attribuer sans réflexion à la « vaccination » massive de nos aînés, comme seraient peut-être portés à le faire des journalistes et nos autorités politiques et sanitaires. Rappelons que la « vaccination » massive des 70-79 ans a commencé au début du mois de mars (vers le 10 mars, avec des particularités en fonction des régions), sans compter que l’immunité qui serait donnée par les « vaccins » n’est pas immédiate. Dans le cas du « vaccin » de Pfizer, 21 jours seraient nécessaires après la première dose.

Une piste à explorer serait de comparer les données actuelles sur les hospitalisations aux soins intensifs avec celles de la fin de la première « vague », en faisant l’hypothèse que les fins de « vague » épidémiologique pourraient provoquer une baisse subite des hospitalisations chez les 70-79 ans, qui sont plus vulnérables au Virus, et qui en raison de leur nombre contribuent considérablement à ces hospitalisations, par opposition au 80-89 ans et au 90 ans et plus, qui sont moins nombreux bien que plus vulnérables. Autrement dit, quand la situation s’améliore, ce serait surtout pour ce groupe d’âge, ce qui pourrait augmenter la proportion des hospitalisations d’autres groupes d’âge moins vulnérables, et donner à certains l’impression que le Virus s’en prend maintenant plus souvent à eux.


Concluons en revenant sur les propos alarmistes qui annoncent une troisième « vague » qui menacerait tout particulièrement les jeunes, et sur les sermons moralisateurs qu’on recommence déjà à leur adresser, puisque pour beaucoup, c’est toujours de la faute des jeunes. Aucun indicateur, dans les statistiques que le gouvernement met à la disposition du public, ne semble annoncer une troisième vague particulièrement dévastatrice pour les jeunes, surtout si on entend par là les moins de 30 ans ou les moins de 40 ans. Alors inutile d’essayer de leur faire peur et de les accuser par anticipation d’engorger les hôpitaux. D’autant plus que l’été dernier, des « experts » nous annonçaient que la deuxième « vague » allait frapper de plein fouet les jeunes, ce qui s’est avéré faux. Et si l’on a des données à l’effet qu’une troisième « vague » frapperait durement les jeunes en Europe, que nos journalistes et nos experts daignent se donner la peine de nous présenter ces données et de les analyser, au lieu de se fier à leurs compères de l’endroit, qui ne font pas forcément du meilleur travail qu’eux, et qui souvent se contentent de colporter ce qu’ils entendent dire et ce qu’il est convenu de dire. En attendant, qu’ils laissent les jeunes respirer et vivre, au lieu de s’acharner sur eux.

Enfin, il y a toujours un danger à faire des déclarations publiques sans s’appuyer sur des données et les analyser. Quand bien même ces déclarations s’avéraient justes, elles n’auraient aucun crédit aux yeux de tous ceux d’entre nous qui doutent. Même le fait de fournir des données et de faire des analyses par la suite ne résout pas le problème, puisqu’on aura alors l’impression que ces nouvelles informations et analyses ont été fabriquées et bidouillées après coup pour justifier ces déclarations. On ne parvient alors qu’à se discréditer encore plus aux yeux des personnes qu’on voudrait justement convaincre. À moins qu’il ne s’agisse tout simplement de continuer à jeter de la poudre aux yeux à tous les naïfs, qui sont légion, hélas !