« Vaccination » et orchestration

Voilà, c’est à peu près décidé : nous en avons encore pour au moins deux mois avant d’avoir un peu de répit et un semblant de retour à la « normale ». Notre premier ministre – lui-même qui nous a proposé un pacte moral pour la période des Fêtes et qui l’a résilié juste après, lui-même qui nous a déconfiné pour nous reconfiner juste après – sait déjà comment évoluera la situation épidémiologique jusqu’à l’été. C’est que le Virus ou plutôt les variants lui ont soufflé à l’oreille ce qu’il en sera. Ou bien les experts qu’il consulte ont leurs entrées chez lui. Quoi qu’il en soit, ce qui se passera d’ici la fin du mois de juin m’a tout l’air d’être planifié ou orchestré, peut-être de longue date.

Cela aura au moins la vertu de rendre la situation encore plus claire : les mesures sanitaires qu’on nous impose ne découlent pas de la situation épidémiologique. Celle-ci n’en est que le prétexte. Bien que j’ignore ce qui se passe dans les cercles du pouvoir, on peut difficilement voir une preuve de rigueur et de bienveillance à notre égard dans le fait de nous imposer des mesures qui anéantissent notre liberté en s’appuyant sur des projections alarmistes qui ne semblent pas encore devoir se réaliser, si on en juge d’après les décès. Qu’on nous laisse donc respirer au lieu de nous imposer de nouvelles mesures, comme le port obligatoire du masque en tout temps dans tous les milieux de travail, quelles que soient les circonstances. Rappelons-nous de la deuxième « vague » estivale qu’on nous a annoncée à grands cris dès le début du déconfinement en mai 2020, et qui n’a été produite qu’à l’automne et à l’hiver, à grands coups de dizaines de milliers de tests PCR par jour. Si on avait écouté ces prophètes de malheur, nous aurions passé l’été 2020 confinés comme le printemps.

Ce qui me pousse à me poser cette question : pourquoi notre gouvernement écoute-t-il ces prophètes de malheur et nous reconfine-t-il cette année, alors qu’il a fait le contraire dans une situation fort semblable l’année dernière ?

La première différence, c’est évidemment les fameux variants dont on nous dit qu’ils seraient plus contagieux et plus dangereux, surtout pour les jeunes qui jusqu’à maintenant ont été épargnés par le virus.

La deuxième différence, c’est la campagne de « vaccination » de toute la population qui est en cours. Rien de tel l’an dernier. La campagne en arrive à un point tournant : il s’agit de moins en moins de « vacciner » des personnes qui sont considérées vulnérables. Bientôt viendra le tour des personnes qui appartiennent à des groupes d’âge qui ont connu beaucoup moins d’hospitalisations (surtout dans des unités de soins intensifs) et de décès que les personnes âgées. Il faudrait donc faire la course contre les variants en « vaccinant » les personnes plus jeunes dont la vie et la santé seraient maintenant gravement en danger (cela tombe à point), si on en croit les experts, les journalistes et nos dirigeants.

Seulement, ce n’est guère convaincant pour l’instant, surtout en ce qui concerne les décès. Il faut donc plus.

S’il est vrai qu’il existe certainement chez le gouvernement un désir de contrôler la population (surtout les jeunes et les personnes d’âge moyen) et que la crainte des nouveaux variants sert sans doute les fins du gouvernement, les mesures sanitaires qu’on a resserrées dernièrement servent aussi à donner l’impression à une partie de la population que la situation se dégrade vraiment, car sinon le gouvernement ne prendrait pas ces mesures en suivant les recommandations des experts. D’où l’importance – car il y a urgence ! – d’aller se faire « vacciner » au plus vite, penseront certains.

Mais il y a plus : ce resserrement opportun des mesures sanitaires peut aussi servir à forcer le consentement des groupes d’âge beaucoup moins vulnérables et moins disposés à se faire « vacciner ». Car ce sont précisément ces personnes qui sont surtout visées par plusieurs de ces mesures, notamment la fermeture des commerces non essentiels et des écoles dans plusieurs des régions les plus peuplées du Québec, le port du masque en tout temps dans tous les milieux de travail qui sont encore ouverts, et le couvre-feu. Ce sont ces personnes jeunes ou d’âge moyen qui se retrouvent à ne plus pouvoir travailler, à être dans une situation économique inquiétante, à devoir s’occuper de leurs enfants tout en faisant du télétravail et à être accoutrés comme des chirurgiens même dans des milieux de travail peu occupés et où les chances de contamination sont fort faibles, et à ne pas pouvoir profiter à leur aise de l’arrivée des belles soirées printanières après une journée de travail, sur place ou à distance.

Il est donc vraisemblable que le gouvernement cherche à accroître notre anxiété due à notre précarité économique, notre découragement, nos tendances à la déprime, notre épuisement, notre ennui, notre écœurement, notre impatience d’un retour à la « normale », pour nous faire consentir à être « vaccinés », même si nous savons que le virus et les méchants variants ne sont pas particulièrement dangereux pour nous.

Ce n’est pas un hasard si la date à partir de laquelle le gouvernement pourra envisager un retour à la « normale » est à peu près la même que la date butoir d’injection de la première dose de vaccin pour tous adultes du Québec (ceux qui le désirent, dit-on). C’est donc un message que le premier ministre adresse aux Québécois : faites-vous « vacciner » en grand nombre et après on pourra commencer à penser à un retour à la « normale », quel qu’il soit. C’est là le prix à payer pour que notre gouvernement consente à nous laisser vivre « normalement ». Peu s’en faut qu’il s’agisse d’une prise d’otages en règle.

Et à partir de la fin du mois de juin, que risque-t-il de se passer ? Je rappelle les propos du ministre de la Santé et des Services sociaux à propos du passeport « vaccinal » : sa réflexion à ce sujet est déjà avancée et l’implantation d’un tel dispositif lui semble normale. À quoi son attachée de presse a ajouté, peu après, que les travaux se poursuivent et que les autorités politiques et sanitaires seront transparentes à chacune des étapes. Enfin, notre premier ministre a déclaré, quand il s’est fait « vacciné » publiquement, que c’est le passeport pour la liberté. Ce qu’il faut en conclure : qu’il est vraisemblable que le gouvernement fasse preuve de « transparence » en nous annonçant, mettons en juin ou en juillet, l’implantation prochaine du passeport « vaccinal ».

L’implantation de ce dispositif se fera probablement progressivement, comme cela a déjà commencé à se faire, en Israël (ça y est déjà très avancé) et dans certains pays européens. Pour éviter un rejet de la population, le gouvernement pourrait d’abord imposer l’usage du passeport « vaccinal » seulement pour voyager à l’étranger et pour participer à certaines activités (concerts de musique, événements sportifs, etc.) et accéder à certains lieux (restaurants, cafés, bars, etc.). Les personnes déjà « vaccinées » seraient pour beaucoup en faveur de cet accroissement de leurs libertés (pour l’instant réduites à bien peu de chose) et donc disposées à voir dans ce dispositif un passeport pour la liberté. Quant aux personnes non « vaccinées », ces petits privilèges accordés aux personnes « vaccinées » seront un incitatif supplémentaire à se faire « vacciner ». Plus il y aura de personnes « vaccinées », plus on pourra étendre sans trop de problème et rapidement l’usage du passeport « vaccinal ». Pour assister à des cours en présentiel, pour entrer dans les commerces (éventuellement même les supermarchés), pour utiliser les transports en commun, pour occuper certains emplois (éventuellement n’importe quel emploi), pour aller à l’hôpital, etc.

En refusant de vous faire « vacciner », vous ne refusez pas seulement les « vaccins », mais aussi ce dispositif de contrôle et de surveillance de la population et de restriction de la liberté. Si nous ne savons pas d’avance exactement où veut en venir notre gouvernement et – de manière plus générale – la classe politique québécoise et canadienne et celle des autres pays, l’usage généralisé d’un tel dispositif permettrait assurément de collecter une foule de données sur tous nos déplacements et toutes nos actions, et nous habitueraient à être soumis à une surveillance et à un contrôle incessants dans tous les aspects de notre vie. En plus de donner un grand pouvoir sur nous aux autorités, ce dispositif produirait déjà en lui-même des effets indésirables sur nous. Le fait de sentir nos actions constamment surveillées, contrôlées et réglementées réduirait encore plus ou achèverait d’anéantir chez nous la capacité à agir librement et à en avoir même le désir. Puisque ce que nous pensons est fortement déterminé par nos actions et l’environnement dans lequel nous vivons, c’est aussi notre liberté de pensée qui serait en péril. C’est pourquoi le passeport « vaccinal », en plus d’être un dispositif de contrôle et de surveillance à grande échelle, en est aussi un de dressage. Qui en viendrait à considérer comme tout à fait normal d’être soumis à cette surveillance et à ces contrôles n’en serait que plus disposé à accepter toutes sortes de contraintes que pourraient lui imposer les autorités politiques et son employeur (en profitant de la conjoncture économique très mauvaise), de même que l’accroissement du pouvoir qu’ils exercent sur lui.

Heureusement, les dernières mesures sanitaires adoptées par le gouvernement ont contribué à accroître l’insatisfaction d’une partie de la population, et même de certains journalistes et de membres de l’opposition. Toutefois, nous sommes encore loin d’une révolte contre l’état d’urgence sanitaire et les mesures autoritaires qui l’accompagnent. C’est pourquoi il faut alimenter cette insatisfaction et même essayer de la transformer en colère. Mais nous ne voulons pas non plus d’une colère aveugle : nous devons profiter du fait que certains de nos concitoyens sont mieux disposés maintenant à comprendre des choses dont ils n’auraient pas voulu entendre parler il y a quelques mois ou même quelques semaines. Autrement dit, la colère doit résulter d’une meilleure compréhension de ce qui est en train de se passer et de ce qui se prépare.

L’heure de vérité approche. Serez-vous les complices de vos geôliers ? Ou aurez-vous assez de tonus pour défendre votre liberté et celle de vos concitoyens ?


Post-scriptum. Certains penseront peut-être que ma méfiance est exagérée et diront même que je suis complotiste. Selon eux, l’actuelle campagne de « vaccination » massive n’aurait pas d’autre objectif que de procurer une immunité collective à la population, ce qui aurait pour effet une diminution de la fréquence des complications, des hospitalisations et des décès, et peut-être aussi une diminution de la propagation du Virus. Quant au passeport « vaccinal », son implantation ne serait assurément pas l’objectif véritable de la campagne de « vaccination ». Si jamais un tel dispositif venait à être implanté, ce serait toujours pour protéger la population : après la « vaccination », il faudrait déconfiner avec prudence et ne pas exposer les personnes non « vaccinées » au risque d’être contaminées, d’où la pertinence du passeport « vaccinal ». Selon l’évolution de la situation épidémiologique après la « vaccination », le gouvernement pourra décider de maintenir ce dispositif ou de l’abolir s’il ne semble plus nécessaire et si tout confirme que l’immunité collective a été atteinte.

Je demande à ces personnes de considérer ce qui suit. Si le but de la campagne de « vaccination » massive était vraiment de procurer une immunité durable à la population et de réduire la fréquence des complications et des décès, pourquoi reporte-t-on indéfiniment l’injection de la deuxième dose de « vaccin » aux groupes d’âge les plus vulnérables, pour « vacciner » le reste de la population, qui jusqu’à preuve du contraire ne sera pas décimé par cette troisième vague d’affreux variants ? Non seulement il risque d’être trop tard pour administrer la deuxième dose, mais l’immunité procurée par la première dose disparaîtra peut-être rapidement, car d’après les fabricants de « vaccins » eux-mêmes, l’immunité garantie serait de six mois après avoir reçu les deux doses. Il se pourrait que ce soit un peu plus longtemps, mais nous ne sommes pas en mesure de le savoir pour l’instant. (Et même si on administrait cette deuxième dose à toutes les personnes âgées vulnérables, ne se pourrait-il pas que nous redevions tout recommencer dans six mois ou un an ?)

Il est donc fort étrange de croire que l’on pourrait, à moyen terme, atteindre l’immunité collective tant désirée grâce à la « vaccination » de personnes non vulnérables alors que l’immunité procurée aux personnes les plus vulnérables est déjà compromise ou pourrait l’être bientôt. Alors pourquoi cette course pour « vacciner » la population non vulnérable, dont on s’efforce à faire croire qu’elle est maintenant devenue vulnérable ? J’espère qu’on conviendra que cela est suspect et qu’il est légitime de se poser des questions sur les objectifs véritables de la campagne de « vaccination » massive qui est en cours. Ne se pourrait-il pas que la course contre la montre dont le gouvernement et les journalistes nous parlent tous les jours ait en fait pour but d’atteindre la masse critique nécessaire pour implanter le fameux passeport « vaccinal » ? Cela devient encore plus louche compte tenu de ce qu’on appelle la stratégie de la suppression maximale, selon laquelle toute la population mondiale devrait être « vaccinée » pour que prenne fin la pandémie et que n’apparaissent pas de nouveaux variants contre lesquels les « vaccins » ne seraient pas efficaces. Ce qui est une manière de reconnaître qu’un retour à une certaine vie normalité n’est pas pour demain, si même un tel retour est possible. Ainsi l’entêtement avec lequel on continue de défendre la solution « vaccinale » comme la seule voie possible manifeste peut-être moins un désir de mettre fin à la crise sanitaire mondiale, qu’un désir de la faire durer indéfiniment. C’est dans ce contexte, me semble-t-il, qu’il faut juger du dispositif de surveillance, de contrôle et de dressage qu’est le passeport « vaccinal ».