Usage interne de la politique étrangère canadienne vis-à-vis de la Russie

Pour bien comprendre les raisons qui motivent les actions militaires de la Russie contre l’Ukraine, il faudrait au moins remonter jusqu’en 2013, pour suivre les étapes de la révolution ukrainienne et de la guerre civile qu’elle a provoquée, c’est-à-dire :

  • quand les manifestations ont commencé à Kiev à la suite du refus du président Ianoukovytch de signer un accord d’échange économique désavantageux avec l’Union européenne (auquel il a préféré un accord avec la Russie) avec l’occupation de la place Maïdan par des émeutiers où étaient fortement représentés des groupes ultranationalistes ou néo-nazis (rien à voir avec nos gentils camionneurs canadiens, dont on aimerait nous faire croire qu’ils sont des extrémistes) et qui ont été impliqués dans de violents affrontements avec les berkouts, ce qui n’a pas empêché les pays occidentaux (dont le Canada) d’exprimer leur soutien aux émeutiers et de condamner la violence des autorités ukrainienne de l’époque ;

  • quand le président Ianoukovytch a été destitué et a fui en Russie et quand un gouvernement par intérim plus favorable aux intérêts des pays occidentaux et de l’OTAN a été mis en place (février 2014) ;

  • quand la Rada (le parlement ukrainien) a décidé de retirer au russe son statut de langue officielle, alors qu’il y a une forte population russophone dans l’est et le sud du pays ;

  • quand le Parlement de Crimée a voté le rattachement à la Russie, ce qui a été rendu possible par le fait qu’il s’y trouvait déjà une base militaire russe en vertu d’un accord avec l’Ukraine (mars 2014) ;

  • quand les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk ont été proclamées (mai 2014), dans un contexte où il y avait des affrontements entre les militants pro-russes et des groupes ultra-nationalistes, et où une opération anti-terroriste venait d’être déclenchée (avril 2014) par le gouvernement ukrainien par intérim et a été poursuivi sous la présidence du Porochenko (à partir de juin 2014), avec l’aide de mercenaires et d’instructions étrangers (dont les soldats canadiens) et de l’équipement militaire létal et non létal fourni par les pays de l’OTAN, alors que les milices des deux nouvelles républiques s’organisaient pour résister, avec l’aide de volontaires et d’instructions militaires étrangers, principalement russes, mais aussi européens et même américains ;

  • quand le vol MH17 a été abattu alors qu’il survolait la zone de conflit (juillet 2014), ce dont on a voulu tenir responsable la Russie sous prétexte qu’un système de défense anti-aérien Bouk aurait été utilisé, sans tenir compte du fait que l’Ukraine, qui est une ancienne république soviétique, dispose elle aussi de systèmes Bouk ;

  • quand les bataillons ultranationalistes ukrainiens et l’armée ukrainienne ont attaqué les deux républiques, pour finalement être repoussés, ce qui mène à la signature du protocole de Minsk II par le gouvernement ukrainien et les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk (février 2015) ;

  • quand les escarmouches se poursuivaient quand même, avec des tirs ukrainiens sur les républiques, et des répliques des milices populaires sur les positions ukrainiennes, alors que le gouvernement ukrainien faisait tout pour saboter l’application des accords de Minsk II, sans parler des opérations de sabotage sur le territoire des deux républiques, du bombardement récurrent des maisons, des stations de pompage et des infrastructures électriques, et de l’assassinat du Chef de la République populaire de Donetsk, Alexandre Zakhartchenko, peut-être avec la participation ou le soutien de certaines puissances occidentales (août 2018) ;

  • quand trois navires de guerre ukrainiens ont pénétré dans le détroit de Kertch et ont été capturés par la Russie, ce qui a mené à la déclaration de la loi martiale pendant 30 jours en Ukraine (novembre 2018) ;

  • quand les négociations de paix ont repris après l’élection du président Zelensky (avril 2019) qui s’était engagé à mettre fin à la guerre civile ukrainienne, mais sans y parvenir, compte tenu des tentatives des Ukrainiens d’inverser les étapes du protocole de paix de Minsk II, bien qu’on ait pu observer une certaine désescalade et l’échange de prisonniers ;

  • quand, après une période de relative détente (2020), les choses se sont envenimé après que l’Ukraine a manifesté à nouveau de désir de collaborer étroitement avec l’OTAN et d’en devenir membre, et que la Russie s’est opposée catégoriquement à ce que l’OTAN continue son expansion près de ses frontières, en Ukraine ou ailleurs ;

  • quand l’Ukraine a redéployé une partie importante de ses troupes dans le Donbass (décembre 2021), alors que les puissances atlantistes disaient observer d’importants mouvements de troupes russes près des frontières ukrainiennes dans le but d’intervenir militairement en Ukraine, ce qu’ont pourtant démenti les autorités ukrainiennes à quelques reprises (janvier et février 2022) ;

  • quand la Russie a reconnu l’indépendance des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et a conclu avec elles un accord de coopération militaire, ce qui a eu pour effet l’adoption de sanctions économiques contre la Russie (dont la suspension du protocole de certification du gazoduc Nord Stream 2 par l’Allemagne) et une intensification des bombardements des deux républiques par les Ukrainiens, ce qui a eu aussi pour effet la décision russe d’intervenir militairement en Ukraine (fin février 2022), pour « la démilitariser et la dénazifier ».

Et il y aurait encore beaucoup de choses à dire quant à la guerre civile ukrainienne et aux événements internationaux qui ont conduit à l’intervention militaire de la Russie en Ukraine. Tout ce que je veux montrer, c’est qu’on ne saurait se contenter de dire que cette intervention est motivée par les visées impérialistes du méchant Vladimir Poutine, que les autorités et forces armées ukrainiennes sont d’innocentes victimes, et que les puissances occidentales sont toutes propres dans cette affaire. En fait, si on se donne la peine d’envisager la situation du point de vue de la Russie, on en vient à s’étonner de la patience des autorités russes vis-à-vis de la mauvaise foi des autorités ukrainiennes, de leurs attaques contre la population russophone, et de l’implication des pays atlantistes dans ce conflit. C’est sans doute cette patience qui a trompé plusieurs analystes, qui ne croyaient pas que la Russie interviendrait, du moins aussi longtemps que les milices populaires des Républiques de Donetsk et de Lougansk résisteraient aux assauts des forces armées ukrainiennes.


Revenons à ce qui se passe au Canada, qui a réitéré son soutien à l’Ukraine, qui a lui a donné et prêté des centaines de millions de dollars, qui a augmenté le nombre d’instructeurs militaires présents en Ukraine, qui lui livre des armes, et qui a adopté des sanctions économiques contre des membres du gouvernement russe et de grandes entreprises russes, qui a suspendu des permis d’exportation en Russie et qui se dit favorable à l’exclusion de la Russie du système de paiement SWIFT. Mais nous devrions nous demander ceci : si les autorités russes craignaient les sanctions économiques occidentales, elles n’auraient pas exigé des pays occidentaux la fin de l’expansion de l’OTAN, elles n’auraient pas reconnu l’indépendance des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk et elles n’auraient pas ordonné une intervention militaire en Ukraine après l’intensification des attaques contre ces républiques. En fait, les sanctions des pays occidentaux contre la Russie depuis 2014 ont été beaucoup plus nuisibles pour les pays occidentaux (surtout les pays européens) que pour la Russie, qui a restructuré son économie pour devenir plus autonome et qui a établi des liens commerciaux plus étroits avec d’autres pays, notamment la Chine. La Russie n’a donc que faire des sanctions économiques du Canada, qui a l’air d’un chihuahua qui aboie après un ours. Le Canada n’est pas assez puissant économiquement et militairement pour influer sur la politique étrangère d’une superpuissance comme la Russie. Que peut-il gagner par cette attitude de confrontation avec la Russie ? Rien du tout. Mais il a assurément beaucoup à perdre, si le gouvernement russe finissait par en avoir assez des aboiements de nos autorités, et décidait de nous donner un bon coup de patte pour nous faire taire et nous inciter à nous mêler de nos affaires. Espérons que les autorités russes nous considèrent trop impuissants pour être dignes de leur attention. C’est le mieux que nous pouvons espérer de la politique étrangère canadienne à l’égard de la Russie.

Nos gouvernements et les journalistes insistent beaucoup sur les risques de cyberattaques en provenance de la Russie, surtout depuis quelques mois, les cibles pouvant être les systèmes informatiques gouvernementaux ou les infrastructures vitales, par exemple Hydro-Québec, qui fournit en électricité l’ensemble de notre province. Mettons que l’un ou plusieurs de ces systèmes ou de ces infrastructures soient la cible d’une cyberattaque qu’on attribue à tort ou à raison aux Russes. Si les conséquences de cette attaque sont importantes, ou si le gouvernement canadien réussit à donner l’impression qu’elles le sont, pourrait-il profiter de l’occasion pour invoquer encore une fois la Loi sur les mesures d’urgence, en déclarant l’état de guerre ?

Voici ce que dit l’article 38 de la partie IV de cette loi sur la déclaration d’état de guerre :

« Proclamation

38 (1) Le gouverneur en conseil peut par proclamation, s’il croit, pour des motifs raisonnables, qu’il existe un état de guerre justifiant en l’occurrence des mesures extraordinaires à titre temporaire et après avoir procédé aux consultations prévues par l’article 44, faire une déclaration à cet effet.

Contenu

(2) La déclaration d’état de guerre comporte une description de la situation de crise dans la mesure où, de l’avis du gouverneur en conseil, il est opportun de la décrire sans nuire aux mesures extraordinaires qui sont envisagées pour faire face à la crise. »

Le gouverneur général ne détenant pas de pouvoir effectif, cela veut dire que le premier ministre du Canada peut, exactement comme il a déclaré l’état d’urgence pour étouffer le Freedom Convoy, déclarer l’état de guerre qu’on définit comme suit :

« Guerre ou autre conflit armé, effectif ou imminent, où est partie le Canada ou un de ses alliés et qui est suffisamment grave pour constituer une situation de crise nationale. »

D’après ce que j’en sais, le Canada n’a pas signé de traité d’alliance avec l’Ukraine. Il n’est donc pas tenu d’entrer en guerre quand elle est attaquée, pas plus qu’elle est tenue d’intervenir militairement en cas d’agression militaire du Canada. Le problème est que le Canada et ses alliés de l’OTAN ont envoyé des soldats en Ukraine sous prétexte d’entraînement, et qu’ils ont déployé des troupes en plus grand nombre dans les pays voisins. En cas d’affrontement entre les troupes russes et les troupes canadiennes ou alliées, nous pourrions nous retrouver en état de guerre, peu importe qui serait l’instigateur de ces affrontements. À cela il faut ajouter qu’une cyberattaque, ou ce qui pourrait sembler en être une, qu’on attribuerait aux Russes pourrait aussi être considérée comme une agression, même si ce n’est pas avec des armes conventionnelles. Outre le fait que les conséquences d’une guerre contre la Russie pourraient être désastreuses pour le Canada, le gouvernement canadien pourrait nous imposer des mesures extraordinaires en restant très flou quant à la situation de crise dont il s’agirait de sortir (article 38 (2)), le tout pour se donner des pouvoirs dont les limites ne sont pas définies :

« 40 (1) Pendant la durée de validité de la déclaration d’état de guerre, le gouverneur en conseil peut, par décret ou règlement, prendre toute mesure qu’il croit, pour des motifs raisonnables, fondée ou opportune pour faire face à la crise. »

Tout au plus la conscription est-elle interdite :

« (2) Les décrets et règlements d’application du paragraphe (1) ne peuvent être appliqués de façon à obliger des personnes à servir dans les Forces canadiennes. »

Et pour obtenir notre obéissance à ces mesures extraordinaires dont nous ne savons pas ce qu’elles pourraient être, on pourrait nous imposer des amendes et nous emprisonner, à la suite d’une procédure sommaire ou par voie de mise en accusation :

« (3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, en cas de contravention aux décrets ou règlements d’application du paragraphe (1), fixer les peines qui peuvent être imposées ; ces peines sont :

a) une amende maximale de cinq cents dollars et un emprisonnement maximal de six mois ou l’une de ces peines, dans le cas d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire ;

b) une amende maximale de cinq mille dollars et un emprisonnement maximal de cinq ans ou l’une de ces peines, dans le cas d’une déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation. »

S’il est vrai que le Parlement peut abroger la déclaration d’état de guerre, il se peut qu’il soit plus facile de rallier les partis d’opposition et les provinces contre les méchants Russes que contre les camionneurs et les autres manifestants. Par exemple, l’Assemblée nationale du Québec a adopté une motion à l’unanimité contre l’application des mesures d’urgence dans la province, et a adopté une autre motion à l’unanimité pour exprimer son soutien au peuple ukrainien.

D’un autre côté, il se peut que le fait d’avoir recours encore une fois à des mesures d’exception irritent davantage les partis d’opposition.

Le gouvernement fédéral pourrait aussi avoir recours à la déclaration d’état de crise internationale, lequel on définit ainsi :

« Situation de crise à laquelle sont mêlés le Canada et un ou plusieurs autres pays à la suite d’actes d’intimidation ou de coercition ou de l’usage, effectif ou imminent, de force ou de violence grave et qui est suffisamment grave pour constituer une situation de crise nationale. »

En comparaison de l’état de guerre, les conditions sont encore plus faciles à remplir, puisqu’il peut s’agir seulement d’intimidation ou de coercition ciblant des pays auxquels le Canada n’est pas allié.

En cas de déclaration d’état de crise nationale, le gouvernement dispose de nombreux pouvoirs, mais qui sont mieux définis que lors de l’état de guerre :

« 30 (1) Pendant la durée de validité de la déclaration de crise internationale, le gouverneur en conseil peut, par décret ou règlement, prendre dans les domaines suivants toute mesure qu’il croit, pour des motifs raisonnables, fondée en l’occurrence :

a) le contrôle ou la réglementation d’une industrie ou d’un service spécifié, y compris l’usage de matériel, d’installations et de stock ;

b) la réquisition, le contrôle, la confiscation et l’aliénation de biens ou de services, ou leur usage ;

c) l’autorisation et la conduite d’enquêtes relatives aux contrats de défense et aux matériels de défense au sens de la Loi sur la production de défense, au stockage, à la vente à prix excessif, aux opérations de marché noir et autres opérations frauduleuses à l’égard de denrées rares, y compris l’attribution de pouvoirs prévus à la Loi sur les enquêtes à une personne autorisée à mener ces enquêtes ;

d) l’habilitation à pénétrer et à perquisitionner dans les maisons d’habitation, locaux, moyens de transport ou lieux ainsi que la fouille de quiconque s’y trouve à la recherche d’éléments de preuve utiles dans une enquête visée à l’alinéa c), ainsi que la saisie et la rétention de ces éléments ;

e) l’habilitation ou l’ordre donnés à une personne ou à une personne d’une catégorie de personnes compétentes en l’espèce de fournir des services essentiels, ainsi que le versement d’une indemnité raisonnable pour ces services ;

f) la désignation et l’aménagement de lieux protégés ;

g) la réglementation ou l’interdiction du déplacement à l’étranger des citoyens canadiens ou des résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ainsi que de l’entrée et du séjour d’autres personnes au Canada ;

h) le renvoi hors du Canada de personnes autres que les personnes suivantes :

(i) les citoyens canadiens,

(ii) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

(iii) les personnes protégées au sens du paragraphe 95(2) de cette loi à la condition qu’elles n’aient pas été interdites de territoire :

(A) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour grande criminalité au titre de cette loi,

(B) pour criminalité parce qu’elles ont été déclarées coupables d’une infraction à une loi fédérale qui a été sanctionnée par une peine d’emprisonnement de plus de six mois ou qui était punissable d’un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans ;

i) le contrôle ou la réglementation au Canada des éléments internationaux d’activités financières désignées ;

j) l’autorisation, pour faire face à un état de crise internationale, de dépenses supérieures à la limite fixée par le Parlement ainsi que l’établissement d’une limite de ces dépenses ;

k) l’habilitation d’un ministre à s’acquitter sur le plan international de responsabilités d’urgence désignées, ou de prendre des mesures politiques, diplomatiques ou économiques désignées pour faire face à la crise ;

l) en cas de contravention aux décrets ou règlements d’application du présent article, l’imposition, sur déclaration de culpabilité :

(i) par procédure sommaire, d’une amende maximale de cinq cents dollars et d’un emprisonnement maximal de six mois ou de l’une de ces peines,

(ii) par mise en accusation, d’une amende maximale de cinq mille dollars et d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou de l’une de ces peines. »

L’énoncé k) n’étant pas très clair, on en vient à se demander si les mesures politiques, diplomatiques ou économiques que peut prendre le ministre habilité, selon son bon plaisir, concernent seulement la politique étrangère, ou peuvent nous concerner directement. La formulation du même énoncé en anglais nous permet de supposer le recours à de telles mesures en politique intérieure :

« (k) the authorization of any minister of the Crown to discharge specified responsibilities respecting the international emergency or to take specified actions of a political, diplomatic or economic nature for dealing with the emergency »

On impose néanmoins des limites à ces mesures, ou du moins on veut en donner l’impression :

« (2) Les décrets et règlements d’application du paragraphe (1) et les pouvoirs et fonctions qui en découlent :

a) sont appliqués ou exercés :

(i) sans que soit entravée la capacité d’une province de prendre des mesures en vertu d’une de ses lois pour faire face à une crise sur son territoire,

(ii) de façon à viser à une concertation aussi poussée que possible avec chaque province concernée ;

b) ne peuvent servir à censurer, interdire ou contrôler la publication ou la communication de tout renseignement, indépendamment de sa forme ou de ses caractéristiques. »

Ce qui revient à dire que les mesures prises par les gouvernements provinciaux pourront s’ajouter à celles prises par le gouvernement fédéral, de manière concertée, et porter encore plus atteinte aux libertés et droits des citoyens canadiens ; et qu’il suffira de dire qu’une communication ou une publication est de la désinformation, et qu’elle trompe au lieu de renseigner, pour la censurer ou l’interdire, et peut-être même punir ses auteurs. À noter que cette limite n’apparaissant pas dans la partie sur la déclaration de l’état de guerre, ce serait probablement pire dans ce cas.


J’en viens donc à me demander si la politique étrangère du Canada vis-à-vis de la Russie ne s’explique pas en partie par sa politique intérieure, c’est-à-dire le renforcement des tendances autoritaires du gouvernement, au détriment des droits et des libertés de la population canadienne. Même si le gouvernement fédéral ne déclarait pas l’état de guerre ou l’état de crise internationale, l’intervention de la Russie en Ukraine, les discours de nos politiciens, les sanctions imposées à la Russie et la couverture médiatique de tout ça fournissent une excellente diversion au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux. Pendant ce temps, ils continuent de magouiller avec l’industrie pharmaceutique, de préparer l’identité numérique qui pourra se combiner avec le passeport vaccinal dont l’usage a seulement été suspendu, de reporter la fin de l’état d’urgence sanitaire et de l’obligation de porter le masque (surtout au Québec, où notre nouvelle devise est « On continue de se protéger ») et de pérenniser certaines mesures sanitaires et certains pouvoirs extraordinaires en les faisant inscrire dans des lois. Sans compter qu’il serait possible de tenir les Russes responsables de l’inflation et de la dégradation de la situation économique et du niveau de vie dans les pays occidentaux, qui sont en fait principalement dues aux mesures dites sanitaires, même si les sanctions économiques entre ces pays et la Russie pourraient certainement aggraver la situation, notamment quant à l’inflation et des difficultés d’approvisionnement dans le secteur énergétique.

Mais si l’état de guerre ou d’urgence internationale en venait à être déclaré, nos gouvernements pourraient s’accorder à eux-mêmes de nouveaux pouvoirs extraordinaires, accroître la surveillance et le contrôle de ce que nous faisons (en ligne et en chair et en os) sous prétexte de nous protéger contre les hackers et les agents russes, pourraient écraser des mouvements d’opposition sous prétexte qu’ils seraient soutenus par la Russie, etc. Les mesures d’urgence qu’on a décrétées pour chasser les camionneurs et les manifestants du centre-ville d’Ottawa, saisir leurs véhicules et geler leurs comptes bancaires pourraient être de la petite bière en comparaison de ces autres mesures extraordinaires. C’est pourquoi la Loi sur les mesures d’urgence, qui permet au gouvernement de s’accorder à lui-même des pouvoirs extraordinaires, devrait être revue en totalité.