Réplique à la prise de position de plusieurs universitaires belges en faveur de l’obligation vaccinale

Plusieurs universitaires belges ont pris publiquement position en faveur de l’obligation vaccinale dans une sorte d’article intitulé « Opter pour l’obligation vaccinale est un choix de société » par ses auteurs, mais rebaptisé par la rédaction du journal où elle a été publiée, qui associe dans un gros titre tapageur égoïsme et effondrement de la société. Mais laissons là la rédaction de ce journal, et contentons-nous de répondre à ces universitaires.

D’abord un mot de remerciement à ces universitaires – principalement spécialisés en médecine et en science – pour avoir admis que l’obligation vaccinale est un choix de société, et d’avoir donc accepté d’entrée de jeu que ce n’est pas là une simple question de médecine ou de science, mais bien une question de politique et de morale, entre autres. Du même coup il leur faut bien reconnaître qu’ils ne détiennent pas d’expertise particulière sur cette question, ou du moins pas sur son aspect moral, social et politique. Je ne veux pas dire par là qu’ils devraient simplement se taire, mais seulement qu’ils ne doivent pas s’attendre à ce que nous les croyions sur la parole, comme ça arrive malheureusement trop souvent aux médecins et scientifiques qui, habitués d’avoir avec eux l’autorité de la médecine et de la science, entendent décider ce que nous devons faire et comment nous devons vivre, individuellement et collectivement. Je me sens donc tout à fait habilité – moi qui ai fait des études universitaires et des recherches en philosophie morale, sociale et politique, et dans une moindre mesure en sociologie et en histoire, à leur faire la réplique, puisqu’il est vraisemblable que mes aptitudes en ce qui concerne les questions de morale et de politique dépassent les leurs. Mais je ne veux pas décliner mes diplômes et mes publications, pas plus que je ne m’attends à ce que ces médecins et ces scientifiques, et aussi mes lecteurs me donnent raison pour si peu. Je veux seulement qu’ils considèrent mes arguments, et qu’ils jugent s’ils sont meilleurs que les leurs, tout en me laissant la liberté de m’aventurer un peu sur le terrain de ce qui passe pour des vérités scientifiques établies, non pas pour prétendre à quelque expertise dans ce domaine, mais seulement pour montrer que le consensus dont on parle n’existe pas, et que même s’il existait, on n’en serait pas moins faillible, ce dont il faudrait tenir compte avant de réclamer l’obligation pour toute la population de se faire vacciner.

Ceci dit, entrons en matière.


« En ce début d’hiver 2021, alors que l’on compte officiellement plus de 5 millions de victimes de la Covid-19 et qu’une augmentation dramatique des infections par le variant delta du virus SARS-CoV-2 est enregistrée dans toute l’Europe, beaucoup persistent à relativiser ou même à nier le problème. »

Je laisse de côté le débat sur la manière dont on attribue les décès à la COVID-19, qui ne fait certainement pas l’unanimité, qui peut différer entre les pays et à l’intérieur d’un même pays, et dont on ne peut pas traiter en quelques lignes. Je signale plutôt que, contrairement à l’usage en ce qui concerne les décès liés à des maladies virales respiratoires, on n’a pas recommencé le décompte cet automne, ni l’automne 2020, et qu’on cumulera bientôt les décès de trois saisons hivernales. Le total de décès ainsi obtenu est certainement impressionnant. Mais quand on y réfléchit froidement, force est de reconnaître que la COVID-19, qui ferait des ravages sur toute la planète depuis bientôt deux ans, serait responsable de la mort de moins d’un millième de la population mondiale, sans compter que les personnes décédées avaient pour beaucoup atteint l’espérance de vie. Il est donc pertinent de ne pas se mettre à paniquer parce qu’il y a une augmentation des infections, et de relativiser le problème, c’est-à-dire de le remettre en perspective, au lieu d’essayer de l’amplifier. La question qu’il importe de se poser, en Belgique, ailleurs en Europe, et aussi au Québec, c’est de savoir si les personnes infectées sont vraiment malades, si elles sont hospitalisées fréquemment à cause de la COVID-19, et si on peut observer une hausse de la mortalité toutes causes confondues comparativement aux autres années, pour l’ensemble de la population et pour chaque groupe d’âge. Sans cela, nous sommes incapables d’avoir une idée claire de la situation. Les cris de panique des journalistes, des politiciens, des médecins, des scientifiques et des universitaires n’y changeront rien.

J’en viens maintenant à ce qui m’intéresse vraiment :

« Les manifestations contre les mesures de distanciation sociale se radicalisent. Et l’idée d’une vaccination obligatoire déclenche de vives réactions et débats. On voit surtout s’affronter deux postures difficilement conciliables sur le fond : l’individualisme, refusant toute prise de risque et atteinte à la liberté de choix, et le collectivisme, faisant de l’intérêt général une priorité. »

Le portrait de cette opposition entre l’individualisme et le collectivisme, et où le collectivisme a assurément beau jeu, n’est pas simplement descriptif. Déjà dans cette manière de présenter les choses il y a une prise de position en faveur du collectivisme contre une certaine représentation de l’individualisme, laquelle s’avère étrange même dans la perspective du collectivisme. Ne reproche-t-on pas justement aux opposants de ces mesures de ne pas prendre des risques pour eux, pour les autres et pour toute la société ? C’est justement pourquoi, dans la perspective des adhérents à ces mesures, on leur reproche d’être des individualistes. En fait, la différence entre les deux positions porte sur l’évaluation des différents risques (leurs bénéfices et leurs inconvénients), et sur le droit pour les individus de décider quels risques ils prennent. Les collectivistes refusent de prendre le risque de la propagation du virus, préférant prendre le risque des mesures de distanciation sociale, de la vaccination obligatoire, de la suspension indéfinie de plusieurs de leurs droits et libertés, et des pouvoirs exceptionnels dont le gouvernement bénéficie ; les individualistes acceptent de courir le risque de la propagation du virus, et refusent de prendre les risques associés aux mesures dites de distanciation sociale, à l’injection des vaccins ou à l’obligation de se les faire injecter, à la suspension de plusieurs de leurs droits et liberté, aux pouvoirs exceptionnels dont le gouvernement bénéficie et s’opposent à ce que le gouvernement décrète, sans débat public, quels risques doivent être assumés par les individus et la société.

S’il est vrai que les opposants aux mesures dites sanitaires et à la vaccination obligatoire valorisent certainement plus la liberté des individus que ceux qui y consentent ou les réclament, il ne faut en conclure qu’ils ne soucient pas de l’intérêt général, qui pour eux dépend grandement de la protection de la liberté des individus et de la limitation du pouvoir que le gouvernement peut exercer sur eux, notamment pour leur faire prendre, individuellement et collectivement, des risques dont ils auront principalement à faire les frais et dont les avantages et les inconvénients peuvent avoir mal été évalués ou présentés de manière trompeuse. Ce sont donc deux conceptions de l’intérêt général et de la vie collective qui s’opposent ici. On ne peut donc pas parler simplement d’une opposition entre individualisme et collectivisme. Il est plus juste de dire qu’il s’agit d’une opposition entre une conception libérale et une conception autoritaire de la vie en société. Pour peindre cette opposition à grands traits, on peut dire que, dans la conception libérale, c’est l’autoritarisme qui constitue la principale menace pour la société et les individus ; et que, dans la conception autoritaire, c’est la liberté des individus qui constitue la principale menace pour la société.

Il est aussi important de comprendre que les individus et groupes d’individus qui défendent, sous une forme ou une autre, une conception libérale de la société ne s’opposent pas à toute atteinte à la liberté des individus et à toute limitation des choix qu’ils peuvent faire. Beaucoup de ces personnes comprennent l’importance des lois dans l’existence d’une société, notamment pour défendre les libertés individuelles qui leur sont chères et qu’il faut protéger dans l’intérêt général, et pour empêcher les dérives autoritaires où les membres du gouvernement, les bureaucrates et les experts (qui sont comme vous et moi des individus ou des groupes d’individus) prennent la liberté d’imposer unilatéralement, sans discussion et sans utilité véritable, les choix qu’ils font pour les individus et la société.

(Je précise que ces deux positions ne se trouvent presque jamais sous une forme pure, mais que ce qui les caractérise existe à des degrés variables chez différentes personnes et différents groupes. Il arrive même que ces positions se mélangent chez une même personne ou un même groupe, par exemple quand un opposant à la vaccination obligatoire s’oppose au droit des femmes de se faire avorter. Il n’en demeure pas moins vrai que ces positions existent sous des formes assez marquées pour s’opposer vivement, sur des points particuliers, ou de manière plus générale)

Ces universitaires belges ont la franchise de reconnaître que l’opposition entre l’individualisme et le collectivisme (ou, selon moi, l’opposition entre le libéralisme et l’autoritarisme) ne concernent pas seulement la vaccination obligatoire, et donc que le collectivisme (ou l’autoritarisme) au nom duquel on prive les individus de leur liberté n’est pas une parenthèse sur le point de se refermer :

« Ce débat dépasse largement la problématique de l’obligation vaccinale, et risque de se poser fréquemment à l’avenir. Il est donc crucial de ne pas l’esquiver en le réduisant à sa dimension technique, scientifique ou juridique, comme c’est le cas actuellement dans les médias.

Les crises sanitaires et environnementales rendent indispensable une rupture du mode de gouvernance. »

(Dans cette citation comme dans les suivantes, ce sont les auteurs qui ont mis certains passages en gras. C’est moi qui souligne.)

Ce dont il s’agit, c’est de faire de l’état d’urgence – sanitaire, environnementale ou autre – la nouvelle normalité politique, avec les dérives autoritaires que ça implique :

« Le changement climatique, la pollution et la chute de la biodiversité, vont avoir un impact socioéconomique croissant sur nos sociétés. Réduire cet impact en agissant sur les causes et s’y adapter nécessitera de prendre des mesures qui, à n’en pas douter, n’auront rien d’agréable. Certains comportements ou activités, banals aujourd’hui, devront être interdits ou lourdement pénalisés. Notre futur dépendra donc de la capacité des décideurs politiques à faire appliquer des décisions impopulaires dans l’intérêt du plus grand nombre. »

Ce n’est peut-être pas tant le changement climatique, la pollution et la chute de la biodiversité qui auront un grave impact socioéconomique, que les mesures prises sous prétexte de lutter contre ces problèmes écologiques ; tout comme ce n’est pas tant la propagation du virus qui détruit l’économie, que les mesures prises sous prétexte de lutter contre sa propagation. Les auteurs de cet article appuient avec tant d’insistance sur ce qu’il nous sera interdit de faire, qu’il y a de quoi nous demander si on nous laissera encore faire du sport, puisque cela augmente nos émissions de CO2 et entraîne des dépenses inutiles d’énergie et la consommation excessive de nourriture. Et ce sont peut-être des décisions impopulaires de cette nature que nos décideurs politiques – qui savent et veulent notre bien – devront nous appliquer, en prenant les moyens qui s’imposent. La fameuse rupture dont on nous a déjà parlé plus haut, c’est la fin de la démocratie. C’est vraisemblablement l’une des décisions impopulaires que nos décideurs devront appliquer « dans l’intérêt du plus grand nombre » :

« Le retour de l’état régulateur dans un contexte de crise sanitaire et de changement climatique va s’accompagner d’une profonde rupture du mode de gouvernance. Sur ces problématiques, la légitimité des décisions ne pourra reposer sur une simple compétition d’opinions. Car le processus démocratique mène généralement à privilégier les mesures les plus acceptables par le plus grand nombre. Et les mesures adoptées contre la Covid-19 en Europe, bien que très timides par rapport à celles imposées en Asie ou dans certains pays comme la Nouvelle-Zélande, ont profondément divisé la population. »

Ce que les auteurs nous disent, c’est que sur ces questions dont dépendrait la survie de nos sociétés, rien de bon ne peut sortir du débat public et du processus démocratique. Car il ne faut pas confondre les mesures « acceptables par le plus grand nombre » et « les mesures prises dans l’intérêt du plus grand nombre », les premières étant populaires, les autres étant impopulaires. Ce qui revient à dire que ce sont nos décideurs politiques qui doivent décider et nous imposer ce qui est bon pour nous, puisque nous serions incapables de le savoir et d’agir en conséquence. Comme des enfants. Et nos chefs politiques seraient alors des parents qui auraient assez de courage et de fermeté pour ne pas céder à nos caprices puérils.

Notons que si nos décideurs doivent avoir le courage de prendre des décisions qui seront impopulaires pour le plus grand nombre, il est difficile de concevoir comment ils pourraient être élus ou garder le pouvoir très longtemps, en raison du mécontentement du plus grand nombre. Et on peut difficilement considérer de tels décideurs comme des représentants de la population, puisqu’au lieu de mettre en œuvre les désirs qu’elle a exprimés, ils lui imposent des décisions contraires à ses désirs. S’ils restaient malgré tout au pouvoir, ce pourrait difficilement être par des voies démocratiques.

Les auteurs de cet article, qui perçoivent qu’on peut les accuser de tendre de vers l’autoritarisme, et qui assument peut-être même cette tendance dans le for intérieur, préfèrent parler d’interventionnisme de l’État, tout en reconnaissant son caractère liberticide :

« Certains veulent voir dans le retour de l’état interventionniste l’avènement d’une dictature sanitaire ou écologique. Mais rappelons que, par nature, les mesures de santé publique font partie des premières missions de l’État : assurer la sécurité et la santé des citoyens. Ces missions, qui ont contribué à la prospérité de nos sociétés, sont nécessairement liberticides et normatives. Elles privent l’individu de certains choix et favorisent des comportements dont on estime, sur base des évidences scientifiques disponibles, qu’ils concourent au bien commun. »

S’il n’est certainement pas question de nier que l’État doit assurer la sécurité et la santé des citoyens, c’est autre chose de faire de cette mission protectrice la finalité ultime de l’État, comme semble le faire les auteurs de l’article. La santé et la sécurité ne sont à mon sens que des moyens pour réaliser des idéaux de société supérieurs. Par exemple les idéaux démocratiques, qui peuvent difficilement se réaliser sans le développement des aptitudes morales et intellectuels des individus qui sont citoyens. À l’inverse, ce serait une société très moche qui aurait pour idéal le fait que les personnes ne se blessent pas, ne tombent pas malades et meurent le moins possible, surtout quand les décideurs leur interdisent les activités et les comportements que rendent possibles la santé et la sécurité, sous prétexte de protéger la santé et la sécurité. On pourrait difficilement parler de la santé et de la sécurité des citoyens dans ce contexte, puisqu’il serait plutôt question d’humains domestiqués.

J’ajoute qu’il y a une différence entre, d’un côté, priver les individus de certains choix et de favoriser certains comportements (ce qui arrive immanquablement, les sociétés n’étant pas neutres et ne pouvant pas l’être) et, de l’autre d’user de contraintes, de menaces, de châtiments pour intensifier et étendre le plus possible ces pressions positives ou négatives, afin d’obtenir le comportement désiré chez les adultes comme chez les enfants, en fonction de ce que les scientifiques jugent favorables au bien commun, en substituant leur expertise à la délibération politique et au début public. Ce qui confère une grande valeur, une grande influence et une grande autorité aux experts et aux scientifiques, parmi lesquels comptent pour la plupart les auteurs de l’article. Leur prise de position n’est peut-être donc pas motivée par la défense de l’intérêt du plus grand nombre, mais par leurs intérêts égoïstes, en tant qu’individus et ou groupes d’individus, grâce à une rupture radicale du mode de gouvernance.

Les auteurs de l’article essaient ensuite de nous convaincre que d’obligation de porter la ceinture de sécurité en voiture – qui serait acceptée par tous – partage la même logique que l’obligation vaccinale, et qui si on accepte la première obligation, il faudrait bien aussi accepter la deuxième obligation :

« Prenons un exemple simple et qui ne prête pas à polémique. Nul ne conteste aujourd’hui le bien-fondé de l’obligation de la ceinture de sécurité pour tous les passagers d’un véhicule. Pourtant, cette mesure est liberticide, elle ne réduit pas le nombre d’accidents et son efficacité à protéger les passagers est loin d’atteindre les 100 %. En cherchant bien, on peut même trouver de très rares exemples où le port de la ceinture a aggravé les conséquences d’un accident. Si cette obligation s’est imposée, c’est parce qu’on a démontré qu’elle réduit significativement le coût global des accidents de la route pour la société.

La proposition d’une obligation vaccinale contre la Covid-19, qui soulève aujourd’hui de nombreuses protestations indignées, suit pourtant la même logique. La vaccination n’empêche pas l’infection par le variant delta du SRAS-CoV-2 mais réduit très significativement ses conséquences. Son efficacité n’est pas de 100 % et elle peut, dans de très rares cas, occasionner des effets secondaires graves. Néanmoins, son bénéfice pour la collectivité est indéniable. »

Sans vouloir m’attarder sur ce point, je signale qu’on peut avoir de bonnes raisons de s’opposer à l’obligation de porter la ceinture de sécurité en voiture, et qu’il n’est pas nécessaire, pour ce faire, d’invoquer une liberté sacrée à laquelle il ne faudrait jamais porter atteinte. Même si la liberté intervient dans l’objection que je vais faire, ce n’est pas en ce qu’elle serait une valeur absolue, c’est plutôt en ce qu’elle a des effets avantageux pour la société, lesquels pourraient compenser la réduction du coût global des accidents de la route, et pour toutes sortes d’autres coûts, car il ne s’agit pas seulement de la ceinture de sécurité. En imposant ou en interdisant toutes sortes de comportements jugés dangereux pour que la société n’ait pas à en assumer les coûts, on habitue la population à ne plus juger elle-même des risques et on la rend incapable de prendre des risques intelligemment et de vivre avec un certain danger. Ce qui a certainement des effets moraux et politiques. Le gouvernement évaluant les dangers et décidant à la place des individus ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire, comment ces mêmes individus – qu’on traite comme des enfants – seraient aptes à juger correctement des dangers et des risques en matière politique, lesquels ne concernent pas seulement leur propre personne et leur entourage immédiat, mais l’ensemble de leurs concitoyens et les institutions qui constituent et qui façonnent la société dont ils font partie ? Autrement dit, comment pourraient-ils être des citoyens à la hauteur de leurs responsabilités politiques ? Dépourvus de l’occasion d’exercer leur jugement sur les petits et les grands dangers qui les menaceraient, et aussi de vivre avec un certain degré de risques, ils seraient tout à fait inaptes à évaluer intelligemment les risques qui concernent l’ensemble de la société, soit qu’ils croient les exagérations des autorités politiques et sanitaires et des journalistes à propos de risques faibles ou modérés, soit qu’ils ne remarquent même pas l’existence de risques véritables, modérés ou forts, que les autorités politiques et sanitaires passent sous silence et minimisent. Voilà qui est très favorable aux dérives autoritaires, par exemple grâce à un danger sanitaire exagéré par les autorités politiques et sanitaires et par les journalistes, lequel peut servir à justifier toutes sortes de politiques qui détruisent la vie en société, les institutions démocratiques, l’économie et le niveau de vie des individus. Ramollis et peureux, beaucoup peuvent être menés par le bout du nez. Et s’ils en venaient à y comprendre quelque chose, ils seraient dépourvus du courage le plus élémentaire et ils seraient donc incapables de s’opposer au gouvernement avec fermeté et de vivre avec les risques que ça implique. Bref, n’oublions pas que le bien de la société ne se réduit pas à la protection de la santé et de l’environnement ; et que, sous prétexte de protection de la santé et de l’environnement, on peut mettre en péril ou pervertir les institutions démocratiques et on peut dégrader les conditions d’existence du « plus grand nombre », sans même obtenir les résultats visés grâce à des mesures draconiennes et liberticides.

J’en reviens à la comparaison de la vaccination obligatoire avec l’obligation de porter la ceinture de sécurité en voiture pour mettre en évidence que ces deux obligations diffèrent beaucoup. Il n’a jamais été question, dans le cas du port de la ceinture de sécurité, d’exclure les individus qui refusent de plusieurs lieux publics, de les empêcher d’exercer leur profession, de leur interdire l’accès à l’université, de décréter un confinement qui s’appliquent seulement à eux, et de les menacer d’amendes récurrentes de quelques milliers d’euros ou d’un mois de prison s’ils persistent dans leur refus, comme en Autriche. Il y a donc obligation et obligation.

On pourrait certainement m’objecter que le coût global que la société doit assumer à cause de la COVID-19 est très supérieur à celui des accidents de voiture. Par conséquent, les pénalités que devraient subir les personnes qui refusent de se faire vacciner devraient être beaucoup plus grandes. Alors que dans le premier cas il s’agit d’une infraction à la réglementation routière (comme brûler un feu rouge), il s’agit dans le deuxième cas d’un véritable crime contre la collectivité, dira-t-on. Non seulement les personnes non vaccinées qui tombent malades de la COVID-19 seraient responsables de la saturation du système hospitalier, mais elles priveraient les personnes atteintes d’autres maladies des traitements dont elles auraient besoin, sans compter toutes les mesures de distanciation sociale et les confinements que le gouvernement serait obligé d’imposer, bien contre son gré, à cause des non-vaccinés, ce qui détruit l’économie, appauvrit la population et met à mal les fonds publics, aussi bien en raison d’une augmentation des dépenses qu’en raison d’une diminution des revenus.

À cela, je réponds qu’il est plus facile de montrer que la ceinture de sécurité est un moyen efficace d’empêcher les passagers d’une voiture d’être projetés à travers le pare-brise d’une voiture à l’occasion d’un accident, que de montrer que les vaccins sont une manière maîtriser la situation sanitaire. Outre le fait qu’on n’a pas convenu des critères grâce auxquels on pourrait reconnaître que la pandémie est sous contrôle ou terminée, outre le fait que les autorités politiques et sanitaires resserrent les mesures sanitaires pour éviter le pire même où les cibles vaccinales ont été amplement atteintes, plusieurs États où la couverture vaccinale est faible s’en tirent aussi bien ou mieux que des États où la couverture vaccinale est élevée. Il y a donc de quoi douter de l’efficacité de la solution vaccinale qu’on nous propose – on nous dit que c’est la meilleure parce que c’est la seule –, alors qu’il n’y a pas eu de débat scientifique digne de ce nom à propos d’autres solutions, par exemple les traitements précoces abordables. Le fait que le lobby vaccinal et pharmaceutique est beaucoup plus puissant que le lobby de la ceinture de sécurité y est vraisemblablement pour quelque chose.

À cette objection je réponds aussi que le risque qu’on fait courir au « plus grand nombre » en les vaccinant est plus difficile à évaluer et possiblement beaucoup plus grand qu’en les obligeant à boucler leur ceinture de sécurité quand ils sont en voiture. En ce qui concerne la ceinture de sécurité, nous savons à quoi nous en tenir : en cas d’accident violent, nous pouvons avoir les hanches fracturées, les côtes cassées et les organes perforés, ce qui vaut probablement mieux que d’être projetés à dix mètres et de se fracasser le crâne contre l’asphalte. C’est autre chose avec les vaccins contre la COVID-19. Alors que dans le cas de la ceinture de sécurité, il ne peut arriver rien de nuisible tant qu’il n’y a pas d’accident de voiture, les vaccins peuvent avoir des effets secondaires dès qu’ils sont administrés. Pas nécessaire pour nous d’être infectés et de tomber malades pour que ça se produise. Autrement dit, ce sont les accidentés qui profiteraient de la protection de la ceinture de sécurité et qui seraient aussi exposés aux risques de blessures qu’elle peut causer ; mais ce sont seulement les personnes atteintes de la COVID-19 qui profiteraient de la protection que procureraient les vaccins, alors que ce sont toutes les personnes vaccinées qui sont exposées à d’éventuels effets secondaires. Ce déséquilibre est aggravé par le fait que les risques d’avoir des complications graves dues à la COVID-19 est très variable en fonction de l’âge et de l’état de santé. Pour les personnes qui ne sont pas vieilles (à plus forte raison les adolescents et les enfants) et qui sont en bonne santé, le virus ne constitue généralement pas une menace. Les bénéfices de la vaccination sont pour ces personnes beaucoup plus faibles, voire inexistants, alors que les risques d’effets secondaires sont bien réels. Ce qui veut dire que si, dans la plupart des cas, cette catégorie de personnes retirent peu de bénéfices de la vaccination parce qu’elles sont très rarement hospitalisées à cause de la COVID-19 (et pas avec), la société ne peut pas en retirer de grands bénéfices non plus, le coût direct ou indirect de ces complications n’étant pas considérables. À l’inverse, les complications et les maladies pouvant découler – à court terme, à moyen terme et à long terme – représentent un coût que la société devra assumer (comme chacun d’entre nous, en tant que membres de cette société) et qu’il est présentement difficile d’évaluer, en raison du manque de recul sur les effets de ces vaccins, du contrôle qu’exercent les sociétés pharmaceutiques sur les données brutes des essais cliniques, sur les anomalies qui ont été signalées dans les rapports publiés, et de la tendance des sociétés pharmaceutiques à dissimuler les effets secondaires des produits qu’elles commercialisent, leur principal souci étant de faire des affaires et d’enrichir leurs actionnaires, au détriment de la santé des malades ou des bien-portants, si c’est nécessaire.

Il importe aussi, quand on évalue les bénéfices supposés de la vaccination pour la société, de ne pas attribuer à la COVID-19 et aux personnes non-vaccinés qui pourraient tomber malades, les effets nuisibles des mesures sanitaires prises par le gouvernement sur la situation économique et sur les conditions d’existence du « plus grand nombre ». Pour illustrer cette idée, qu’on me permette de prolonger la comparaison entre l’obligation vaccinale et l’obligation de porter la ceinture de sécurité en voiture.

Revenons dans le passé, avant l’instauration de cette dernière obligation. Imaginons que l’organisme public responsable des accidents de voiture (la Société de l’assurance automobile au Québec), à la suite de l’apparition d’une nouvelle sorte de glace très glissante et invisible, déclare qu’il y a une pandémie de blessures graves causées par des accidents de voiture. Les morts sont nombreux, les familles doivent être dédommagées, les blessés encombrent les lits dans les hôpitaux publics, les mutilés et invalides doivent vivre à la charge de la société, etc. Puisque la ceinture de sécurité n’a pas encore été inventée, le gouvernement déclare l’état d’urgence routier pour arrêter cette hécatombe et éviter le débordement du système de santé. En vertu des pouvoirs exceptionnels que lui confère cet état d’urgence, le gouvernement décrète l’interdiction, pour toute la population, d’utiliser sa voiture, sauf pour assurer les services essentiels et pour les déplacements essentiels, et ce, jusqu’à la fin de l’hiver, quand les routes ne seront plus glacées et enneigées.

De nombreuses personnes ne peuvent plus aller travailler, de nombreuses entreprises ne reçoivent plus ou n’expédient plus les marchandises dont elles ont besoin ou qu’elles produisent, de nombreux services sont interrompus. La situation financière de la population se dégrade et des centaines de milliers de petites ou moyennes entreprises sont menacées de faillite. Le gouvernement accorde une prestation d’urgence aux personnes qui sont privées de leurs moyens de subsistance et s’entend avec les institutions financières pour que des prêts soient accordés aux entreprises en difficulté.

Le printemps arrive enfin et le gouvernement assouplit l’interdiction de voiturage avec beaucoup de prudence, en imposant notamment des limites de voitures sur les routes et en réduisant la limite de vitesse de 20 km/h partout, ce qui permet du même coup de réduire la consommation d’essence et de protéger l’environnement. En même temps, on lance les premiers essais sur les prototypes de ceinture de sécurité, une solution miracle qui devrait permettre une reprise du covoiturage quand elle sera appliquée à la majorité des véhicules.

Mais l’hiver est bien vite de retour, et avec lui la détérioration de l’adhésivité des routes et le retour de la glace ultra-glissante et sournoise. Compte tenu de la hausse des décès, des blessures et des hospitalisations causés par le retour de la neige et du gel et mettant en grave danger la santé publique et la sécurité de la population, les restrictions sur le voiturage sont progressivement remises en place pour toute la saison hivernale. La situation économique des particuliers et des entreprises continue de se détériorer, mais le gouvernement maintient ses programmes d’aide, en collaboration avec les institutions financières.

Il y a de la lumière au bout du tunnel : quelques modèles de ceinture de sécurité ont été approuvés par le gouvernement et celui-ci lance une campagne de pose massive de ceintures de sécurité pour tout le parc automobile national, en commençant par les véhicules de déneigement, les véhicules qui circulent sur des routes isolées et moins bien entretenues et déneigées, et les véhicules dont les freins et les pneus sont en mauvais état. Cependant on ne permet pas pour autant à leurs propriétaires de reprendre la route immédiatement. L’interdiction de voiturage est maintenue, car la situation n’est pas assez bonne et le deviendra seulement quand la couverture ceinturale sera suffisamment élevé, les experts établissant qu’une ceinturation d’environ 70 % ou 75 % devrait mettre fin à la pandémie de blessés ou décédés d’accidents de la route.

Des ceinturés demandent alors qu’on les laisse reprendre la route, puisque leurs chances de subir de graves blessures en cas d’accident sont maintenant beaucoup plus faibles. Ne pourrait-il pas contribuer à la relance de l’économie ? Ce que le gouvernement refuse, puisque le port de la ceinture de sécurité peut entraîner un sentiment exagéré de sécurité, ainsi que des accidents entre automobilistes ceinturés, surtout quand leur véhicule est en mauvais état ou quand les routes sur lesquelles ils conduisent sont mal entretenues et insuffisamment déneigées durant la saison hivernale. D’où l’importance de maintenir une faible circulation sur les routes jusqu’au printemps.

Les récalcitrants réclament quant à eux la fin immédiate de l’interdiction de voiturage. Les plus vulnérables ayant déjà été ceinturés, et tous les autres qui le désirent pouvant être ceinturés, pourquoi prolonger de mesures sécuritaires qui détruisent l’économie et qui privent les personnes de leurs droits et de leurs libertés ? Pour combattre ce fléau, le gouvernement organise une grande campagne de sensibilisation au port altruiste de la ceinture de sécurité en finançant des experts en politiques de santé et de sécurité, des économistes et des physiciens spécialisés en balistique. Ces bureaucrates s’affairent à montrer au public que si l’État soigne gratuitement les accidentés de la route et paie une rente aux invalides et aux mutilés, il a le droit d’établir à quelles conditions la population peut utiliser les voitures responsables des vagues hivernales de blessures et de mutilations, afin d’éviter l’encombrement des hôpitaux. Ces économistes entreprennent de vendre à la population l’idée que ce sont en fait les récalcitrants, en refusant d’être ceinturés, qui sont responsables du report de la levée de l’interdiction de voiturage, de la dégradation de la situation économique, et de la suspension de certains droits et de certaines libertés. Ces physiciens s’ingénient à prouver scientifiquement que les accidentés non ceinturés peuvent être projetés à travers le pare-brise de leur voiture et celui de la voiture avec laquelle ils sont entrés en collision, et ainsi infliger à d’autres personnes de graves blessures contre lesquelles la ceinture de sécurité ne peut pas les protéger.

Puisque les récalcitrants refusent d’entendre raison et demeurent imperméables à ces arguments pourtant décisifs, on en vient donc à envisager la ceinturation obligatoire.

Mais laissons cette fable – non sans rapport avec la réalité – pour revenir à l’article que nous analysions, où on en vient à qualifier de « passagers clandestins » les personnes qui n’adhèrent pas à la conception autoritaire et dogmatique du bien commun défendu par les auteurs :

« Conséquence d’un siècle de luttes sociales, un grand nombre de pays européens jouissent aujourd’hui d’une organisation qui peut être qualifiée de collectiviste. Au sens où les frais d’éducation et de santé sont largement mutualisés et où l’État intervient fréquemment pour limiter les effets des catastrophes naturelles. Cette mutualisation des biens et des risques assure un niveau enviable de justice sociale et contribue à une plus grande résilience des sociétés face aux crises. Elle n’est cependant possible sur le long terme que par l’acceptation d’un certain niveau de sacrifice individuel.

L’étude des sociétés humaines et non humaines (animales et microbiennes) montrent que l’accroissement du nombre d’individus adoptant des comportements égoïstes, ceux que l’on nomme en économie les « passagers clandestins », qui bénéficient des biens communs d’une société sans y contribuer, mène à l’effondrement de celle-ci. Or, on assiste depuis plusieurs décennies à une banalisation des comportements individualistes, quand ce n’est pas à leur glorification, et à un rejet de la notion même d’intérêt commun. »

J’ai presque l’impression que les auteurs de cet article et nous ne vivons pas dans le même monde. Qu’est-ce qu’on demande aux individus depuis presque deux ans sinon des sacrifices considérables et continus ? Les membres de nos sociétés n’ont probablement pas été autant mobilisés depuis longtemps, par exemple en temps de guerre. Et malgré tous les sacrifices consentis, nous serions toujours en situation d’urgence sanitaire, ce que reconnaissent ceux mêmes qui nous ont demandé ces sacrifices pour nous en demander d’autres, sous prétexte de bien commun, comme si le bien commun pouvait avoir une existence distincte du bien de tous les individus, comme si on pouvait sacrifier le bien des individus au bien commun sans anéantir ce bien commun. Soit dit en passant, le fait de concevoir ainsi le bien commun ne consiste nullement à le nier. Au contraire c’est lui donner une existence réelle, au lieu de diviniser une chimère sur l’autel de laquelle il faudrait sacrifier les individus, en supposant que ce sacrifice devrait, en échange des maux endurés, procurer des bénéfices pour la collectivité. Il n’est jamais rien sorti de bon de tels sacrifices, bien au contraire.

Le fait qu’on déplore les comportements individualistes, qu’on qualifie d’égoïstes, ne prouvent pas qu’il y a une recrudescence de ces comportements, et encore moins que ce phénomène constitue une grave menace pour la société, mais seulement qu’on a pris en grippe les comportements dans lesquels se manifeste une certaine liberté individuelle, laquelle est certainement constitutive du bien commun, qui n’est pas le bien commun en soi, mais le bien commun des individus.

Je me demande s’il n’est pas possible de retourner l’accusation d’égoïsme contre les auteurs de cet article. Se pourrait-il que les passagers clandestins, ce soient en fait eux ? Car en défendant une conception de la vie en société si autoritaire de la vie, ils en viennent à vouloir imposer un mode de gouvernance incompatible avec la démocratie et capable de mettre aux pas les individus et les empêcher d’être des citoyens. Non seulement cela s’avère nuisible au plus grand nombre, mais cela pourrait s’avérer profitable pour des experts dans leur genre, dont les avis devraient se substituer à la délibération politique et au débat public, sous prétexte d’urgence sanitaire et aussi d’urgence environnementale, ce qui leur procurerait une grande influence et même un pouvoir considérable, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne pourraient pas en venir tôt ou tard à subir les conséquences de la politique qu’ils défendent. Il se pourrait que les scientifiques, les médecins et intellectuels qui s’opposent ouvertement à ce saccage de l’économie, de la société et de la démocratie, sous prétexte d’urgence sanitaire, contribuent beaucoup plus qu’eux à la société et acceptent un certain niveau de sacrifice individuel pour défendre la liberté des individus et le bien communs, en s’exposant à des représailles, à des sanctions et à des campagnes médiatiques de dénigrement. Même chose pour les manifestants qui s’exposent à recevoir des amendes, à être arrêtés, à être fichés, à être matraqués ou à être dispersés avec des canons à eaux ou par des tirs de balles caoutchouc ou de balles réelles (comme à Rotterdam). Par opposition, les auteurs et les signataires de cet appel à la vaccination obligatoire et à la grande mobilisation pour lutter contre le virus soutiennent l’autoritarisme du gouvernement et abondent dans le même sens que les grands médias. Ce qui est incompatible avec la rigueur intellectuelle et la liberté d’esprit qu’on est en droit d’attendre d’eux et avec la fonction critique qui devrait être celles des universitaires. Ce qui fait même d’eux des opportunistes, comme il en existe toujours pendant les dérives autoritaires et sous les régimes autoritaires. En fait, c’est quand de tels idéologues, c’est quand de tels parasites occupent des places importantes dans les institutions où l’on est censé valoriser la liberté et la pensée critique qu’une société ou une civilisation est menacée d’effondrement.

Je termine l’analyse de cet article en répliquant aux affirmations faites dans la conclusion, où on prétend que la vaccination obligatoire est un choix qui s’impose. Je dirais plutôt que c’est un choix que les autorités politiques et sanitaires des différents pays veulent nous imposer, et donc que ce n’est certainement pas un choix de société de notre point de vue, puisque nous n’avons pas notre mot à dire et qu’il n’y a pas de débat public où peuvent s’exprimer librement les positions divergentes.

« La vaccination du plus grand nombre constitue la mesure la plus simple et efficace, la moins discriminante et coûteuse, pour limiter les effets de la pandémie de SARS-CoV-2. »

Avant de se prononcer aussi catégoriquement en faveur de la vaccination, il faudrait que les scientifiques et les médecins qui sont d’un autre avis puissent être entendus des autorités politiques et sanitaires et qu’un véritable débat public ait lieu.

« Elle ne peut être uniquement un choix individuel, car ses effets ne concernent pas que les individus atteints de Covid-19. La saturation des hôpitaux qui entraîne le report de certains soins de santé, tout comme le coût des hospitalisations, des tests, de l’absentéisme professionnel, ainsi que des mesures de confinement, est assumé par l’ensemble de la population. Le coût global, déjà considérable, de la pandémie de Covid-19 va durablement affaiblir la capacité financière de l’État à assumer ses missions d’intérêt public. Dans l’intérêt de tous, il est donc urgent d’adopter toutes les mesures raisonnables susceptibles de réduire les effets néfastes de cette crise. »

Il faudrait nous demander si ce qu’on présente ainsi comme de simples effets de la COVID-19, que la vaccination de toute la population pourrait limiter considérablement, ne serait pas en grande partie dû à la politique sanitaire inappropriée, inefficace et même nuisible adoptée par le gouvernement, défendue par les médias, avec la collaboration d’idéologues médecins, scientifiques et intellectuels. Il est donc loin d’être certain que ces mesures soient raisonnables, contrairement à ce qu’affirment péremptoirement les auteurs de l’article.

« Les vaccins contre la Covid-19 ne constituent cependant pas la solution technologique ultime à cette crise. L’expérience d’autres épidémies (grippe, Ebola, etc.) a démontré que la disponibilité d’un vaccin ne permet pas de se passer complètement des mesures conventionnelles de dépistage et d’isolement. »

Ce qui revient à dire que la vaccination de toute la population ne mettra pas vraiment fin à la crise, surtout s’il faut nous faire vacciner une ou deux fois toutes les années, sous prétexte d’empêcher l’immunité de s’affaiblir et de se protéger contre un nouveau variant qu’on dit plus résistant.

« Une réforme structurelle est aussi indispensable. La privatisation progressive des services de santé prônée par l’Europe a fragilisé ceux-ci et démotivé le personnel soignant. Il est urgent de faire sortir les services de santé de la logique de marché et de la gestion managériale qu’on leur impose aujourd’hui pour en revenir à un véritable service public capable de faire face aux futures crises sanitaires. »

Bien sûr qu’une réforme structurelle des systèmes de santé occidentaux est nécessaire. Mais je ne vois comment la situation pourrait s’améliorer si on donne pour but principal aux institutions de santé d’être capables de lutter contre les futures crises sanitaires, les méthodes utilisées pour « gérer la pandémie » étant justement le produit de l’esprit managérial sous une forme exacerbée. Le fait de contrecarrer le mouvement de privatisation de la santé ne saurait suffire si on conserve ou reproduit dans les institutions publiques les modes de gestion qui sont à l’origine de la crise sanitaire et qui font partie intégrante d’elle.

« Un choix doit être fait. Nous pouvons, pour des raisons très honorables, privilégier la liberté individuelle et le refus de toutes normes contraignantes et discriminantes. Mais dans ce cas nous devons accepter de progresser vers un système libéral à l’américaine où l’individu assume seul les coûts de la vie et de ses choix. Les conséquences de ce système compétitif en matière d’inégalité et de précarité ont été bien documentées. L’alternative est la défense de l’idéal d’un État social mutualisant les coûts et risques, mais exigeant en contrepartie certains sacrifices, justifiés sur une base rationnelle et scientifique. »

C’est là un faux dilemme. Le financement public de la santé et sa prise en charge par l’État pourraient servir à procurer une grande liberté aux individus quant aux traitements préventifs ou curatifs qu’ils désirent recevoir, tout comme aux professionnels de la santé dans l’exercice de leurs fonctions. Prétendre que, parce que les coûts de santé sont assumés par l’État, il faudrait accepter des sacrifices assez importants quant à notre liberté en matière de santé, revient à dire que parce qu’État assume, en partie ou en totalité, les coûts de l’éducation primaire et secondaire et de l’enseignement supérieur, les enseignants et les professeurs doivent enseigner ce que décide le gouvernement au nom du bien public, ou du moins n’aient pas le droit d’enseigner ce qu’il considère comme contraire au bien public.

« Cette voie nous permettrait de renouer avec l’idéal des Lumières d’une gouvernance œuvrant dans l’intérêt du plus grand nombre et fondée sur la raison. »

Sornettes ! Cette voie n’a rien à voir avec l’idéal des Lumières. Elle y est radicalement opposée, car elle mène à l’autoritarisme, à l’arbitraire, à la servitude et à l’obscurantisme.