Transformation numérique et transformation politique (6)

Suite des billets du 26 avril, du 28 avril, du 2 mai, du 4 mai et du 7 mai 2023.

Adoption d’une monnaie numérique centralisée et programmable

Les gouvernements occidentaux seraient en train de préparer l’adoption et l’imposition d’une monnaie numérique centralisée et programmable. C’est là une des choses les plus craintes par les opposants aux tendances autoritaires et totalitaires de nos gouvernements et de nos sociétés. Les cartes de débit et de crédit que nous utilisons pour faire des achats dans des commerces ou en ligne et, parfois, pour soutenir les activités de personnes et d’organisations qui critiquent et qui s’opposent à ces tendances, rendent assez faciles de tracer nos transactions financières et de nous punir si nous participons au financement d’un mouvement d’opposition que nos gouvernements et nos banques déclarent inapproprié, incompatible avec leur conception étriquée ou absurde des valeurs démocratiques, et même dangereux. Une monnaie numérique centralisée et programmable – qui nous serait imposée par nos gouvernements et nos institutions bancaires et qui deviendrait le seul moyen de paiement accepté ou légal – permettrait d’étendre et d’automatiser la surveillance et le contrôle de nos transactions financières et, directement ou indirectement, de surveiller et de contrôler la majorité des choses que nous faisons, qu’elles soient déclarées illégales ou non. Car il serait possible de programmer l’argent que nous avons pour contrôler la manière dont nous le dépensons, pour nous empêcher d’acheter certaines choses ou pour en limiter la quantité pour une période donnée, ou pour nous empêcher de l’accumuler, et pour nous punir automatiquement si nous avons malgré tout un comportement inapproprié. En d’autres termes, l’argent que nous aurions alors ne nous appartiendrait plus vraiment en propre, il continuerait d’être la chose des gouvernements et des institutions financières qui collaborent avec eux, la liberté qu’il nous procurerait serait assez limitée, et il pourrait même servir à réduire notre liberté.

Si nos gouvernements, sous prétexte de transformation numérique, et pour remplacer les devises monétaires qu’ils détruisent par leurs sanctions économiques contre des puissances étrangères, en venaient à adopter et à imposer une monnaie numérique centralisée qui offre ces possibilités de contrôle, les implications politiques seraient importantes :

  1. Nos sociétés prétendument démocratiques seraient divisées en deux catégories de personnes : celles, peu nombreuses, qui décident ou qui contrôlent celles qui décident ce qu’on peut et ne peut pas faire avec son argent, ou ce qu’on peut faire tout court, et quelles sont les conséquences en cas de refus ou d’incapacité d’obtempérer ; et celles qui subissent ces décisions et les conséquences si elles refusent ou ne peuvent pas obtempérer. Jusqu’à un certain point, cette division sociale existe déjà, car il y a déjà des choses que nos dirigeants nous interdisent de faire avec notre argent et pour lesquelles elles nous font payer des amendes ou même faire de la prison, ou des choses pour lesquelles elles nous font payer des taxes importantes, comme le tabac, l’alcool et l’essence. La monnaie numérique centralisée et programmable pourrait permettre, rapidement ou progressivement, de généraliser les interdictions, la réglementation et la taxation des biens et des services que nous achetons, voire de ce que nous faisons. Le fossé entre les deux catégories de personnes se creuseraient donc, au point où il serait évident pour tous que les uns sont les maîtres et que les autres sont leurs serfs ou leurs esclaves. Autrement dit, nous en viendrions à ne plus pouvoir croire que nous vivons dans des sociétés démocratiques, et nos maîtres, qui nous tiendraient la bride serrée, pourraient nous dominer avec toujours plus d’arrogance et étouffer les moindres velléités de désobéissance ou de révolte.

  2. La monnaie numérique centralisée et programmable permettrait à nos maîtres, qui sont démesurément riches, de se remonter encore plus en nous abaissant, car à partir d’un certain point, il devient humainement impossible de jouir pleinement de la fortune accumulée et du pouvoir qu’elle procure. Ce n’est qu’en rendant les autres plus pauvres, plus misérables et plus soumis que les oligarques et leurs protégés pourraient goûter pleinement leur supériorité et même s’enivrer d’elle. Il ne s’agirait pas simplement de nous écraser brutalement, mais plutôt de nous soumettre aux moindres de leurs caprices, en invoquant toutes sortes de prétextes plus ou moins farfelus, comme la guerre contre les méchants virus, la lutte contre les changements climatiques ou les pénuries causées par les sanctions économiques prises contre la Russie et la Chine ou les sanctions qu’elles auraient prises contre nous. Avec l’intelligence artificielle à la rescousse, on pourrait atteindre un grand degré de détail ou de raffinement dans les privations qu’on nous imposerait pour atténuer la propagation du virus et éviter l’effondrement du système de santé, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et ralentir la montée des océans, et pour respecter le rationnement des denrées et de l’énergie et contribuer à l’effort de guerre afin de vaincre nos ennemis maléfiques. Que nous soyons dupes ou non, de telles pratiques auraient en elles-mêmes un effet avilissant, indépendamment des privations, des interdits et de la réglementation pointilleuse qu’on nous imposerait, en les interrompant parfois pour nous donner de petites récompenses. Cela ferait de nous des sous-hommes, du bétail ou des ouailles, et la jouissance qu’il en résulterait pour les « élites » qui nous obligeraient à consentir à ces sacrifices absurdes et inutiles leur donnerait l’impression d’être des dieux qui s’amusent à nos dépens et contre lesquels nous serions aussi impuissants que des fourmis. Et dans la mesure où ils réussiraient à impressionner suffisamment les masses soumises grâce à leur science mystérieuse assistée par ordinateur, ils deviendraient à leurs yeux des dieux qui donnent et qui prennent selon des plans difficilement compréhensibles. Une sorte de théocratie se constituerait alors.

  3. En comparaison des cartes de débit et de crédit que nous utilisons présentement pour faire des transactions, la monnaie numérique centralisée et programmable donnerait la possibilité à nos maîtres d’exercer un contrôle ciblé qui s’appliquerait d’une certaine manière à certaines personnes et autrement à d’autres personnes, en fonction des données collectées grâce à l’identité numérique qui serait utilisée quotidiennement, en ligne et en personne, et de l’analyse qu’on pourrait en faire en s’aidant de l’intelligence artificielle. On donnerait ainsi naissance à une hiérarchie complexe et toujours mouvante au sein des masses assujetties, dont beaucoup de membres rivaliseraient de docilité pour atteindre les échelons les plus élevés au sein de la canaille, et se démarquer des autres serfs, sans jamais songer à se hisser jusqu’à l’élite divine. Les petits avantages qui pourraient, grâce à la monnaie numérique programmable, être accordés à ces serfs de premier rang consolideraient le pouvoir de cette élite, par exemple des tarifs préférentiels pour acquérir certains bien ou services, le droit de les acquérir plus souvent que les serfs des rangs inférieurs, ou un accès exclusif à d’autres biens et services. C’est comme avec les vaccinés et les non-vaccinés, mais avec plus de facteurs à prendre en compte et un plus grand nombre de groupes de personnes ayant de petits privilèges, à la manière de la valetaille des siècles passés. Nos seigneurs pourraient alors profiter de l’envie qui se propagerait chez les larbins, canaliser leur mécontentement vers leurs semblables qui occupent des rangs supérieurs, et ainsi le détourner d’eux. C’est un fait bien connu que les dominés tendent à éprouver plus souvent de la jalousie ou de la haine envers ceux qui leur sont immédiatement supérieurs et qu’ils côtoient quotidiennement, qu’envers des élites lointaines qu’ils ne fréquentent pas et dont ils savent qu’ils ne feront jamais partie.

  4. La monnaie numérique centralisée et programmable, par la prolifération des redevances (taxes, pénalités, suppléments) que les serfs devraient payer sous toutes sortes de prétextes et qui seraient impossibles autrement, permettrait aux grands seigneurs d’entretenir une suite imposante de politiciens, d’administrateurs, d’idéologues et de propagandistes, et une armée de bureaucrates et de sbires qu’ils pourraient utiliser contre les serfs. Paradoxalement, les amendes que devraient régulièrement payer les serfs indociles et récalcitrants constitueraient une contribution supplémentaire à l’entretien des créatures de leurs maîtres.

Conclusion