Tendances expansionnistes des organismes bureaucratiques

Faisons comme si le ministère de la Santé et des Services sociaux et les autres organismes bureaucratiques qui sont impliquées dans la « gestion de la crise sanitaire » n’étaient pas corrompus par l’industrie pharmaceutique, et comme si ce qui s’y fait et ce qui s’y dit n’était pas déterminé par de cyniques calculs politiciens. Même dans ce cas, il y aurait tout lieu de craindre pour la suite de cette histoire, puisque ces organismes bureaucratiques, de par leur nature même, pourraient très bien ne pas vouloir nous lâcher. Voyons pourquoi il pourrait en être ainsi, et quelles pourraient en être les implications pour nous tous.

 

Raisons des tendances expansionnistes bureaucratiques

Il n’est pas nécessaire d’être un complotiste pour penser que les organismes bureaucratiques tendent naturellement à s’étendre et à accroître leur influence et leur puissance, aussi bien sur les personnes qui font partie d’eux que sur le reste de la société. Du moins en est-il ainsi si on ne fait rien pour entraver ou contrôler ces tendances expansionnistes. Et c’est encore pire si le pouvoir politique encourage ces tendances en cédant une partie de son pouvoir aux organismes bureaucratiques et en les finançant généreusement.

Les chefs de service, les directeurs, les directeurs généraux ou les sous-ministres adjoints travaillent tous à faire la promotion des unités administratives qu’ils dirigent au sein de leurs organisations. Leur importance dans ces organisations et dans toute la bureaucratie québécoise et canadienne, ainsi que les budgets qu’ils peuvent obtenir pour développer leur vision d’affaires et leur plan stratégique, dépendent grandement des campagnes de marketing faites auprès des paliers supérieurs de la bureaucratie et du pouvoir politique et des projets d’envergure entrepris ou à réaliser. Et vice versa. Les fonctionnaires, surtout ceux de niveau professionnel, sont mis à contribution pour appuyer les gestionnaires dans ces campagnes promotionnelles auprès des autres hauts dirigeants et aussi des autres unités administratives, et dans la conception et la mise en œuvre de ces grands projets. Leur avancement dans la fonction publique dépend considérablement de leurs aptitudes à ces tâches. Et on ne s’attend pas seulement à ce qu’ils fassent ce qui est demandé par leurs supérieurs, mais aussi à ce qu’ils proposent des innovations, tout en n’entreprenant rien sans avoir d’abord eu l’approbation desdits supérieurs.

La Santé publique, dont on entend parfois dire dans les journaux qu’elle a été l’enfant pauvre du secteur de la santé au cours des dernières décennies, saura probablement profiter de l’occasion en or que la « crise sanitaire » actuelle représente pour elle. Depuis l’arrivée du virus, son haut dirigeant a été propulsé à l’avant de la scène politique, devenant presque l’égal du premier ministre et du ministre de la Santé et des Services sociaux. Il dispose depuis 15 mois d’une influence et d’un pouvoir qu’il n’a jamais connus avant, durant toute sa carrière dans la fonction publique. Il fait partie d’une cellule de crise où il est le seul à avoir une formation en science et en médecine, où il fait peut-être la pluie et le beau temps, et où beaucoup de choses doivent se décider, loin des yeux du public. Et on a certainement décidé de réinvestir massivement dans la santé publique. Cette personnalité publique a donc tout intérêt à ce que la « crise sanitaire » ne prenne pas fin rapidement, et à ce qu’elle se prolonge encore un certain temps, sous une forme ou une autre, sans quoi il se verrait tôt ou tard dans l’obligation de retourner dans l’ombre, probablement à contrecœur.

On peut en dire autant des experts de l’Institut de Santé publique du Québec, des organisateurs des campagnes de vaccination et de dépistage massifs, et des responsables des relations publiques en matière de santé publique, qui gagnent tous à ce que cette crise dure, ou du moins à ce qu’on n’en sorte pas entièrement, en vivant toujours sous la menace du virus, qui pourrait revenir en force sous la forme d’un méchant variant, qui justifierait l’injection de nouvelles doses de vaccin, le maintien du dépistage massif, la réalisation d’enquêtes devant conseiller et éclairer les décideurs, et la poursuite des communications devant informer et sensibiliser la population pour qu’elle adhère aux mesures sanitaires qui n’auront peut-être pas le temps de disparaître totalement avant qu’on décide de les resserrer l’automne ou l’hiver prochain, par zèle sanitaire et sécuritaire intéressé.

Ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux et le premier ministre ne doivent pas regarder d’un mauvais œil, puisque les pouvoirs exceptionnels auxquels ils se sont habitués, et qui leur permettent de gouverner par décrets et presque sans opposition, dépendent de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire. Donc, indépendamment de la corruption de nos dirigeants et de nos institutions par l’industrie pharmaceutique, indépendamment aussi de la possible ingérence de puissances étrangères (pas nécessairement étatiques) dans les affaires du Québec et du Canada, plusieurs facteurs convergent vers une prolongation de la « crise sanitaire », sous une forme atténuée ou avec une véritable reprise à compter de l’automne ou de l’hiver prochain. Dans un certain sens, nos institutions de santé et notre gouvernement sont déjà en eux-mêmes corrompus, en tant qu’ils ont, comme individus et comme entités administratives, des intérêts incompatibles avec ceux de la population qu’ils sont censés servir. Il y a donc une sorte de corruption institutionnelle qui existe indépendamment des influences corruptrices extérieures – celles de l’industrie pharmaceutique, par exemple –, mais qui pourrait certainement être renforcée et orientée par ces influences extérieures.

 

Effets futurs possibles des tendances expansionnistes bureaucratiques

Il en résulte que les organismes responsables de la santé de la population, que les administrateurs et le gouvernement pourraient décider de nous maintenir dans un état d’urgence, de pré-urgence sanitaire ou de post-urgence sanitaire qui leur permet d’accroître ou de consolider les gains faits depuis mars 2020, et qu’un simple retour à la « normalité d’avant » leur ferait perdre.

Il est donc plausible que tout ce beau monde, dès l’automne prochain, profite d’une hausse des « cas de contamination » et des hospitalisations, et de la propagation de nouveaux variants prétendument plus dangereux et contagieux (à laquelle il a peut-être déjà commencé à se préparer depuis le printemps) pour faire passer ses intérêts avant ceux de la population, et pouvoir continuer à faire ce qu’il fait depuis le début de la « crise sanitaire ». On peut même craindre l’adoption de nouvelles mesures dites sanitaires, comme l’implantation rapide ou progressive du passeport vaccinal, qui pourrait justifier l’apparition ou l’expansion d’autres excroissances bureaucratiques, sous prétexte de servir la population et de protéger sa santé. En effet, si les membres des comités qui étudient présentement la question derrière les portes closes émettaient un avis négatif à ce sujet et conseillaient fortement au gouvernement d’abandonner cette idée, et si le gouvernement se rendait à leur avis, ils excluraient la possibilité d’être sollicités à nouveau comme conseillers ou experts et d’être mandatés pour coordonner l’implantation de ce dispositif de surveillance et de contrôle. Il est donc vraisemblable que la seule possibilité, pour eux, d’être mis à contribution dans ce projet jugé très important les dispose à se montrer favorables à son égard, d’autant plus qu’il devrait probablement s’arrimer à moyen terme avec l’identité numérique qui est déjà en cours de préparation, ce qui le rendrait encore plus alléchant pour les bureaucrates, ce qui pourrait s’inscrire dans une tentative de faire du Québec un pionnier du virage numérique intégral. Bref, je ne serais pas surpris que tout soit déjà décidé, qu’on a déjà commencé à travailler dans l’ombre à ce dispositif, et qu’on attend seulement le moment propice pour annoncer la « bonne nouvelle » à la population, peut-être en la prenant de court et en la mettant devant le fait accompli, pour empêcher le débat public.

Outre les effets précis que l’expansionnisme bureaucratique pourrait avoir sur le maintien de l’état d’urgence sanitaire et des mesures associées, et sur la vaccination récurrente et peut-être même en boucle de toute la population, il y a aussi des effets généraux qui ne sont pas attachés à une excroissance bureaucratique en particulier, mais à l’ensemble de l’expansion bureaucratique. En effet, la plus grande emprise de la bureaucratie sur la société et sur nos personnes aurait les effets suivants, entre autres :

  • De plus en plus de décisions susceptibles d’affecter des aspects importants de notre vie seraient prises dans l’ombre par des bureaucrates, sans que le processus de délibération, si délibération il y a, ne soit transparent pour la population. Les citoyens et leurs représentants (les députés) seraient de plus en plus tenus à l’écart des délibérations et de la prise de décisions. Ce qui veut dire une forte sujétion de ceux qu’on continue à appeler citoyens, et d’une forte opacité des nouvelles règles qui organiseraient leur vie, les raisons qui leur sont données n’étant pas forcément celles qui justifient ces décisions aux yeux des bureaucrates, mais pouvant très bien être des raisons conçues spécialement pour obtenir leur consentement.

  • Le pouvoir politique pourrait s’approprier encore plus le mode de gouvernance opaque de la bureaucratie, se mêler encore plus intimement à elle et devenir lui-même un pouvoir avant tout bureaucratique, qui n’a pas à faire preuve de transparence et à rendre des comptes aux citoyens et à ses représentants, qu’il contrôle déjà grâce à la reconnaissance des partis politiques dans notre système politique et dans nos coutumes électorales.

  • Notre vie pourrait devenir encore plus réglementée et normalisée grâce à l’application croissante des procédures bureaucratiques de vérification, de validation et de contrôle à la moindre de nos actions, comme aller au restaurant, utiliser les transports en commun ou faire nos courses.

Si nous nous engageons encore plus sur cette voie en tant que société ou, plutôt, si le gouvernement et la bureaucratie nous y engagent encore plus sans nous consulter ou même en nous manipulant avec l’aide des médias, ce sont nos intérêts et nos libertés qui seront sacrifiés aux intérêts et aux libertés (notamment celle de n’en faire qu’à leur tête) du gouvernement et de la bureaucratie. On aura bien beau nous dire que c’est nécessaire pour retourner à la normalité et pour retrouver notre liberté sans compromettre notre sécurité, il en résulterait que la normalité dont il s’agit serait façonnée et sujette à être transformée régulièrement par les innovations nécessaires à l’expansion bureaucratique continue et aux petites guerres de pouvoir et d’influence qui ont pour terrain les organismes bureaucratiques, que notre liberté serait menacée ou compromise par les fluctuations capricieuses qui en résulteraient, et qu’au lieu d’être en sécurité, nous serions à la merci de ces organismes bureaucratiques détraqués et de leurs dirigeants, lesquels existent ou agissent pour eux-mêmes et certainement pas pour nous.

 

Pistes de solutions

Avec de pareils organismes bureaucratiques, il n’est pas étonnant que la « crise sanitaire » soit devenue une crise sociale, politique et même civilisationnelle. C’est le contraire qui aurait été étonnant. Alors un retour en arrière, qu’il nous faudrait gagner de haute lutte, ne suffirait pas pour consolider nos libertés et nous protéger contre une autre « crise » dans laquelle pourraient nous entraîner ces organismes, à la première occasion. À moins d’une réforme radicale, nous continuerons d’être exposés à ce danger, et vraisemblablement les choses iront de pire en pire pour nous.

Voici quelques pistes de solutions pour lutter contre l’expansionnisme bureaucratique et les maux qui en résultent :

  1. Abroger les articles de loi qui interdisent aux fonctionnaires, sous peine de sanctions, de s’exprimer publiquement sur les affaires des organismes bureaucratiques dont ils font partie sans avoir obtenu préalablement l’accord des gestionnaires.

  2. Ajouter des articles de loi qui exigent des fonctionnaires qu’ils divulguent, en gardant l’anonymat ou non, aux citoyens les tentatives de les priver de certains de leurs droits et de certains de leurs libertés, sous peine d’être considérés comme complices et d’être jugés en conséquence.

  3. Protéger ces lanceurs d’alerte contre les représailles et leur décerner des récompenses honorifiques.

  4. Permettre aux citoyens de faire des stages rémunérés d’au moins quelques mois au sein de la fonction publique, quitte à y faire des tâches subalternes s’ils n’ont pas de compétences spécialisées, afin de se faire une idée du mode de fonctionnement des organismes bureaucratiques et d’atténuer la tendance du monde bureaucratique à se replier sur lui-même quand on y trouve seulement des fonctionnaires ou des consultants qui y font leur carrière.

  5. Soumettre périodiquement les hauts gestionnaires de la bureaucratie à une reddition de comptes publique et les rendre vraiment imputables de leurs actions.

  6. Rendre public et transparent le processus de nomination des gestionnaires de la fonction publique.

  7. Rendre rapidement disponibles aux citoyens des documents actuellement considérés comme internes, ce qui rendrait plus facile de faire des demandes d’accès à l’information précises et ciblées.

  8. Changer le mode de gouvernance bureaucratique pour qu’un plus grand nombre de questions importantes soient débattues publiquement par les gestionnaires, en donnant le droit de poser des questions aux fonctionnaires, le tout diffusé sur internet et accessible aux citoyens.

  9. Faire du foisonnement bureaucratique volontaire ou involontaire un critère de refus d’une promotion et d’avancement d’échelon salarial pour les fonctionnaires. Rendre les gestionnaires imputables de ce foisonnement dans les unités administratives qu’ils dirigent.