Sur l’assistance mutuelle des pays membres de l’OTAN en cas d’attaque armée

Étant donné que la Pologne, avec le soutien des États-Unis, envisage peut-être d’intervenir militairement dans l’ouest de l’Ukraine, et que les Russes ont menacé d’anéantir les troupes étrangères qui pourraient pénétrer sur le territoire ukrainien, la guerre en Ukraine pourrait connaître une escalade. D’autres pays occidentaux, dont le Canada, pourraient se retrouver entraînés dans cette guerre où nous n’avons rien à gagner et tout à perdre, et dont l’intensification et la prolongation seraient très néfastes pour le peuple ukrainien. Puisque la Pologne est un pays de l’OTAN, nous devons nous demander si l’attaque de l’armée russe contre l’armée polonaise, une fois qu’elle serait en Ukraine, pourrait être considérée comme une attaque armée au sens du traité de l’Atlantique nord, au nom de laquelle la Pologne pourrait réclamer l’assistance militaire des autres pays membres de l’OTAN contre la Russie. C’est pour cette raison qu’il nous faut lire les articles de ce traité qui portent sur ce point, pour que nos gouvernements, emportés par la fureur guerrière et comptant sur notre ignorance de ce traité, ne nous trompent pas pour intervenir dans cette guerre, en présentant cette intervention comme une obligation en vertu de ce traité.

Quand on parle de l’assistance mutuelle que les pays de l’OTAN se devraient les uns les autres en cas d’attaque armée, c’est à l’article 5 qu’on se réfère :

« Article 5

Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique nord.

Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales. »

(C’est moi qui souligne.)

Le fait qu’une attaque armée contre un des pays membres de l’OTAN constitue une attaque contre tous les autres pays membres implique qu’en pareil cas, les pays membres doivent assister le pays attaqué et intervenir pour assurer leur défense collective. Ce qui pouvait faire sens quand les pays de l’Atlantique nord faisaient bloc contre les pays du pacte de Varsovie, à la tête desquels était l’URSS. Mais ce qui fait assurément moins sens aujourd’hui, 31 ans après la dissolution du pacte. Quoi qu’il en soit, le traité de l’Atlantique nord est toujours en vigueur et l’article 5 n’a pas été abrogé ou amendé.

Remarquons toutefois que l’article 5, bien qu’il autorise l’emploi de la force armée, ne l’exige pas. C’est là seulement l’un des moyens qui peuvent être utilisés pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique nord. Et si ce moyen ne permettait pas de rétablir et d’assurer la sécurité, mais au contraire aggravait la situation par l’escalade des hostilités, on devrait lui en préférer d’autres. Car il ne s’agit pas de faire la guerre pour faire la guerre, ou pour vaincre coûte que coûte un ennemi honni, en ne se souciant pas de la sécurité des pays impliqués et de celle de leurs populations. Advenant que l’intervention militaire de la Pologne en Ukraine soit considérée comme un acte qui mettrait en péril la paix et la sécurité internationales, en ce qu’il serait la cause de l’attaque de l’armée russe contre la partie de l’armée polonaise qui intervient dans le conflit opposant la Russie et l’Ukraine en entrant sur le territoire de cette dernière, on voit mal comment l’intervention militaire des autres pays n’aggraverait pas une situation déjà tendue et pouvant dégénérer en une guerre mondiale très dévastatrice pour tous les pays impliqués. Enfin, il est douteux qu’un pays qui, de sa propre initiative, intervient inconsidérément dans un conflit militaire opposant d’autres pays puisse être considéré comme l’innocente victime d’une attaque contre les troupes qu’il a engagées dans cette guerre par le seul fait d’entrer sur le théâtre de cette guerre, même si c’est en prétendant apporter la paix et la sécurité, et puisse réclamer l’assistance militaire des autres pays membres de l’OTAN pour lutter contre l’un des belligérants.

L’article 6 précise ce qu’il faut entendre par attaque armée dans le contexte de ce traité :

« Article 6

Pour l’application de l’article 5, est considérée comme une attaque armée contre une ou plusieurs des parties, une attaque armée :

- contre le territoire de l’une d’elles en Europe ou en Amérique du Nord, contre les départements français d’Algérie, contre le territoire de la Turquie ou contre les îles placées sous la juridiction de l’une des parties dans la région de l’Atlantique nord au nord du Tropique du Cancer ;

- contre les forces, navires ou aéronefs de l’une des parties se trouvant sur ces territoires ainsi qu’en toute autre région de l’Europe dans laquelle les forces d’occupation de l’une des parties étaient stationnées à la date à laquelle le traité est entré en vigueur, ou se trouvant sur la mer Méditerranée ou dans la région de l’Atlantique nord au nord du Tropique du Cancer, ou au-dessus de ceux-ci. »

(C’est moi qui souligne.)

Si l’armée polonaise traversait la frontière ukrainienne et était attaquée par l’armée russe, ce ne serait pas une attaque armée au sens où on l’entend dans ce traité. Ce ne serait pas une attaque contre le territoire de la Pologne, les troupes attaquées étant en Ukraine. Et ce ne serait pas non plus une attaque contre des troupes qui se trouvent dans les zones d’occupation des armées occidentales en 1949, au moment de la signature du traité, l’Ukraine étant alors sous le contrôle des Soviétiques. Et on ne peut pas raisonnablement considérer l’Ukraine comme faisant partie de la région de l’Atlantique nord.

Il en serait autrement si la Pologne faisait des frappes aériennes contre l’armée russe et si cette dernière répliquait en détruisant avec des missiles des bases aériennes polonaises pour éviter que ça ne se reproduise. Mais, étant donné que l’article 5 n’exige pas nécessairement l’usage de la force armée, les pays membres de l’OTAN pourraient aussi bien assister la Pologne, et essayer de rétablir la paix et la sécurité, en travaillant à la désescalade d’un conflit que la Pologne ne pourrait que perdre et qu’elle aurait elle-même provoqué, et en essayant de fournir des garanties de sécurité à la Russie, à supposer que celle-ci puisse encore faire confiance aux gouvernements occidentaux.

Tout ce que je veux montrer ici, c’est que le traité n’oblige pas les pays membres de l’OTAN à s’engager dans un conflit armé contre la Russie simplement parce que la Pologne, sous influence américaine, fait une bêtise. Si les gouvernements des pays membres de l’OTAN décidaient de s’engager dans cette guerre, ce ne serait pas parce que le traité les y oblige, mais parce que la réplique russe à l’intervention militaire de la Pologne en Ukraine leur fournirait un prétexte pour s’engager dans cette guerre, et ce, même si cette intervention militaire constituait une grave menace pour la paix et la sécurité dans la région de l’Atlantique nord. Ou bien ces gouvernements agiraient ainsi pour se conformer à la volonté des États-Unis, sous le contrôle desquels l’OTAN est.

Les pays membres auraient donc intérêt à se retirer dès que possible de ce traité et à sortir de cette organisation qui n’assure pas la paix et la sécurité internationales, mais qui au contraire justifie son existence en aggravant les tensions internationales et en fomentant des guerres. L’article 13 les y autorise :

« Article 13

Après que le traité aura été en vigueur pendant vingt ans, toute partie pourra mettre fin au traité en ce qui la concerne un an après avoir avisé de sa dénonciation le gouvernement des États-Unis d’Amérique, qui informera les gouvernements des autres parties du dépôt de chaque instrument de dénonciation. »

Les citoyens des pays membres, au lieu de se laisser entraîner par la propagande de guerre, devraient réclamer avec insistance de leurs gouvernements le retrait de ce traité. Cela vaudrait mieux pour les pays membres et les pays non membres de l’OTAN.