Sur la création d’un Conseil des universitaires indépendants proposée par Patrick Provost

Dans ce billet, je veux discuter la création d’un Conseil des universitaires indépendants (CUI) proposée par Patrick Provost, ce professeur de l’Université Laval dont j’ai parlé dans mon billet du 4 juillet 2022. Ce qui motive principalement cette décision, c’est un désir de contrecarrer l’influence des groupes d’intérêt privés sur la prise de décision de nos gouvernements. La crise que nous connaissons depuis deux ans, et qui n’est pas encore finie, nous a permis de constater à quel point le lobby pharmaceutique est puissant dans les pays occidentaux, pour discréditer les traitements très abordables, imposer l’utilisation massive de nouveaux produits pharmaceutiques coûteux et sous brevet, et nous faire croire qu’ils sont efficaces et sécuritaires. Et ce n’est vraisemblablement que la pointe de l’iceberg, puisque les lobbyistes sont toujours à l’œuvre quand il y a de l’argent à faire.

Voyons en quoi pourrait consister le Conseil des universitaires indépendants, pour faire connaître l’idée, pour évaluer quels sont ses avantages, pour préciser la forme que le Conseil pourrait prendre et pour poser des problèmes qu’il faudrait résoudre, en prenant pour point de départ la lettre ouverte de Patrick Provost publiée sur le site de Libre Média le 11 juin 2022.

« Il serait temps d’utiliser l’expertise, les connaissances et le jugement de nos universitaires indépendants, que l’on garde, pour la plupart, enfermés dans leur tour d’ivoire, pour les mettre au service du gouvernement provincial. »

Tout à fait d’accord pour utiliser l’expertise, les connaissances et le jugement des universitaires indépendants. Je me demande toutefois dans quelle mesure la tour d’ivoire universitaire existe encore. Il est de plus en plus difficile pour les personnes qui ont terminé un doctorat de faire leur place dans le milieu universitaire si elles tiennent à garder leur indépendance.

Pour les étudiants de deuxième et de troisième cycles en sciences, il est fréquent de participer à des recherches en partie ou en totalité financées par des entreprises privées, soit qu’ils obtiennent directement d’eux des bourses de recherche, soit qu’ils participent aux recherches des groupes de recherche dont font partie les directeurs de recherche et qui sont financés par des entreprises privées. Et la même situation se produit souvent pour les professeurs-chercheurs, qui ne sont pas indépendants vis-à-vis des intérêts privés, mais qui orientent leurs recherches et parfois mêmes les résultats de ces recherches en fonction de ces intérêts, pour obtenir du financement ou conserver le financement qu’ils ont déjà. Même les subventions de recherche accordées par les organismes de financement public, dans la mesure où elles peuvent être orientées pour servir les intérêts de certains secteurs de l’industrie, peuvent compromettre l’indépendance des chercheurs qui obtiennent ou essaient d’obtenir ces subventions.

Dans le domaine des sciences humaines et sociales et de la philosophie, il est de bon ton de devenir une sorte de spécialiste d’objets de variétés sans portée critique (« l’évolution du commerce du curcuma de 1990 à 2010 dans le Cachemire indien » ou « l’Être et le Néant »), ou de devenir des experts dans des domaines à la mode (la laïcité ouverte, le multiculturalisme, les accommodements dits raisonnables, le complotisme, l’hésitation vaccinale, etc.) et pour lesquels nos gouvernements demandent des avis à des universitaires pour justifier leurs politiques et leurs décisions. Dans le premier cas, l’expertise et les connaissances des universitaires sont inoffensives et inutiles, et leur jugement n’est pas meilleur que celui de leurs concitoyens et des élus moins scolarisés en ce qui concerne la politique. Dans le deuxième cas, ce sont les attentes des gouvernements qui orientent et façonnent l’expertise, les connaissances et le jugement des universitaires, lesquels on ne peut pas alors les considérer comme indépendants. Bien au contraire, s’il est vrai qu’ils peuvent alors être au service du gouvernement provincial, c’est dans un tout au sens que ce que désire M. Provost : ils servent le gouvernement au détriment des intérêts des citoyens du Québec, en travaillant ainsi à leur avancement professionnel et à leur réussite académique, notamment en procurant de savantes justifications aux orientations politiques déjà décidées par le gouvernement, ou, si on préfère, en leur servant d’idéologues.

Je ne vais pas jusqu’à prétendre que tous les professeurs-chercheurs qui ont réussi à faire carrière dans une université sont subordonnés aux intérêts privés, perdent leur temps à accumuler et à propager des savoirs pédants, creux, inutiles et inoffensifs, ou s’abaissent sans vergogne à faire de la propagande pour le gouvernement. Cependant, ce sont de tels comportements qui sont souvent encouragés dans les universités québécoises, et la situation s’aggrave à un rythme inquiétant depuis quelques décennies, surtout que nous n’avons jamais eu, ici au Québec, une tradition universitaire forte et libre capable de ralentir ce mouvement, l’éducation supérieure s’étant seulement émancipée de l’autorité de l’Église lors de la Révolution tranquille, à supposer qu’une véritable révolution puisse être tranquille. Ceux qui ne font pas preuve de docilité et qui entendent jouer leur rôle d’intellectuels et faire preuve d’esprit critique à l’égard de notre ordre social et politique – ce qui ne doit pas être confondu avec les petites critiques moralisantes convenues qui permettent à cet ordre de continuer sa décomposition – sont de plus en plus marginalisés, sanctionnés ou simplement exclus du milieu universitaire. Ceux qui occupent un poste universitaire et qui sont encore capables d’esprit critique doivent prendre toutes sortes de précautions pour diffuser leurs idées et s’attendre à des représailles. M. Provost en sait quelque chose.

Ce serait donc sous-estimer la gravité du problème de croire que la formation d’un Comité universitaire indépendant suffirait pour que le gouvernement provincial puisse être mieux conseillé et prendre des décisions plus conformes à l’intérêt des citoyens. Non seulement il est douteux que le gouvernement prendrait en considération des conseils donnés par des universitaires s’ils allaient à l’encontre de sa politique, mais les universitaires et les diplômés québécois nous ont montré que leur désir et leur capacité d’opposition sont bien moindres que ceux de leurs concitoyens qui appartiennent à des milieux plus populaires et moins scolarisés, qu’ils n’ont souvent rien trouvé de mieux à faire que de mépriser ouvertement, dans un effort de se distinguer de la vile populace qui n’obéit pas au gouvernement parce qu’elle ne comprendrait pas. Le problème, ce n’est pas seulement la pourriture de notre gouvernement et l’influence qu’ont sur lui des entreprises privées, mais c’est aussi le milieu universitaire et ceux d’entre nous qui y occupent un poste ou qui y ont obtenu des diplômes. Dans l’état actuel des choses, nous pouvons donc douter de la capacité et du désir des universitaires de bien conseiller le gouvernement.

Ceci dit, il y a certainement une différence entre le fait de conseiller ouvertement et avec transparence le gouvernement et le fait d’être consulté par lui derrière les portes closes, souvent sans que les citoyens soient au courant, à moins que les universitaires consultés et le gouvernement ne produisent pour eux des déclarations officielles qui diffèrent sensiblement des avis qui ont été donnés à l’écart des projecteurs. Il y aurait alors un discours pour les gouvernants et un autre pour les gouvernés, ce qui est bien sûr incompatible avec les principes fondamentaux de la démocratie.

M. Provost a raison de proposer qu’on remplace ces consultations privées à propos des affaires publiques par des avis et des prises de position publics et officiels :

« Des universitaires sont déjà consultés de manière confidentielle (“off the record”) par nos élus, entre autres, pour donner leur opinion sur leurs politiques ou leur avis sur une loi éventuelle. Pourquoi ne pas rendre le tout officiel et l’étendre à toutes les sphères d’activités de nos universitaires, telles que le droit, l’éducation, la sociologie, la philosophie, la santé publique ? […]

Au niveau de l’organigramme, le CUI jouerait un rôle aviseur directement au premier ministre par le biais de rapports rendus publics simultanément afin de favoriser la transparence et la reddition de compte, et permettre aux électeurs de bien saisir le fondement des décisions politiques. »

Une telle transparence aurait pour effet que les universitaires qui conseillent le gouvernement sentent que le regard des citoyens est braqué sur eux et qu’ils pourraient s’exposer à des jugements sévères s’ils ne sont pas à la hauteur de leurs fonctions et se comportent comme les créatures du gouvernement. À l’inverse, il est plus difficile et plus coûteux politiquement pour le gouvernement de n’en faire qu’à sa tête, et de prendre des décisions qui s’opposeraient diamétralement aux avis et aux prises de position des membres du CUI, sans daigner s’expliquer, en s’appuyant sur des avis d’experts qu’ils refusent de rendre publics et dont les citoyens ignorent même l’existence, ou en publiant des avis d’experts qui, loin d’être dépendants, dépendent directement ou indirectement d’eux.

Il nous faut néanmoins tenir compte du fait que notre gouvernement – comme les autres gouvernements occidentaux – manifeste de moins en moins de scrupules à nous gouverner de manière autoritaire et arbitraire, à nous fournir des justifications « bidon », ou à ne pas nous en fournir du tout. Quant aux « experts » de toutes sortes, nous avons pu constater qu’ils s’accommodent fort bien de l’autoritarisme et de l’arbitraire qui les élèvent au-dessus de la plèbe à laquelle nous appartenons et à laquelle ils sont prêts à raconter n’importe quoi, même des absurdités, si cela est conforme aux attentes du gouvernement. En ce qui concerne les citoyens, beaucoup agissent, pensent et sentent en fait comme des sujets et s’accommodent donc assez bien de la manière dont les traitent le gouvernement et les « experts » mercenaires. Peut-être avons-nous atteint, en tant que société, un stade tellement avancé de corruption ou de pourriture que le gouvernement et les « experts » peuvent se permettre impunément presque tout.

Mais ne nous laissons pas aller au découragement : depuis le début de l’année 2022, c’est de moins en moins une hérésie de critiquer les autorités politiques et sanitaires. Ceux de nos concitoyens qui se méfient du gouvernement, qui le critiquent ou qui en ont simplement ras-le-bol qu’il réglemente leur existence, sont plus nombreux. Et un retour des mesures soi-disant sanitaires à l’automne ou à l’hiver pourrait contribuer à accroître leur nombre.

Demandons ce qu’il faudrait faire de plus pour que le CUI soit en mesure de favoriser cette évolution. Pour que le CUI soit vraiment transparent, il faudrait non seulement que les avis et les rapports soient rendus publics, mais aussi qu’il soit formellement interdit à ses membres de formuler des avis ou de conseiller le gouvernement derrière des portes closes. S’il peut être certainement pertinent que ces conseillers rencontrent des ministres ou des administrateurs publics pour discuter de vive voix, ces rencontres doivent être diffusées en direct, de la même manière que les commissions parlementaires, sans que les vidéos soient ensuite éditées ou tronquées. Ainsi les membres de notre gouvernement et du CUI, s’ils s’avéraient avoir en tête bien d’autre chose que nos intérêts et la recherche de la vérité, ils devraient s’adonner à une comédie qui pourrait leur être très difficile à jouer et se retrouver à perdre publiquement la face. Et gare à ceux qui essaieraient de contourner cette interdiction. Tout membre du CUI reconnu coupable d’avoir enfreint ce règlement ou d’avoir été complice de cette infraction devrait être exclu sur-le-champ, devrait ne plus pouvoir faire partie du CUI et devrait payer une forte amende. Une enquête policière, semblable à celle contre la corruption, devrait être ouverte pour faire connaître aux citoyens la nature des rencontres privées et le nom des personnes impliquées au sein du CUI et du gouvernement, en fournissant le plus de détail possible.

Ensuite, les membres de CUI ne seraient pas tenus de donner seulement leur avis ou d’écrire un rapport quand le gouvernement leur demanderait, en leur imposant une question ou un cadre de pensée qui pourrait étouffer la critique dans l’œuf et orienter grandement les réponses, en mettant arbitrairement des présupposés à l’abri de la critique. Ils devraient être au contraire libres de donner n’importe quand des avis non sollicités par le gouvernement, et même de lui proposer des projets de loi ou des projets politiques. Le débat public pourrait ainsi être élargi et enrichi, alors qu’il est maintenant contrôlé par le gouvernement, les partis politiques, les journalistes et les experts prostitués.

Enfin, pour que le CUI soit à la hauteur de ses fonctions, le choix de ses membres est très important. Même si M. Provost insiste sur le fait que la constitution du CUI doit être discutée et que les propositions qu’il fait à ce sujet n’ont certainement pas la prétention de résoudre tous les problèmes, ou justement pour cette raison, je juge important d’insister sur leur insuffisance :

« Les universitaires (p. ex., professeurs) intéressés seraient « prêtés » par leurs employeurs (p. ex., les universités) pour un terme fixe (p. ex., 2 ans, renouvelable une fois). Le nombre de membres du CUI – dépourvus de tout conflit d’intérêts avec le secteur privé – avoisinerait la vingtaine afin d’assurer la représentation des différentes disciplines universitaires dans les différents dossiers gouvernementaux.

Un prérequis pourrait être, outre l’intérêt, d’avoir réalisé des actions concrètes visant à défendre le bien commun, la santé et/ou le bien-être de la population. »

Étant donné que les institutions universitaires, dans leur état actuel, tendent à favoriser la réussite des individus conformistes, accommodants, dociles et arrivistes, et qu’à l’inverse elle tend à écarter ceux qui ont une pensée qui sort des sentiers battus, qui cherchent avec rigueur la vérité, qui sont capables de résistance, et pour lesquels la pratique de leur science ou de leur art est plus importante que la carrière universitaire qui exige toutes sortes de compromis, de compromissions et de génuflexions, je ne vois par pourquoi seulement des professeurs d’université devraient faire partie du CUI. Au contraire, on gagnerait à y inclure, au moins pour certaines disciplines, des personnes qui ont obtenu un doctorat, dont les universités n’ont pas voulues en raison d’intérêts de recherche et d’une démarche intellectuelle atypiques, de leur esprit critique (notamment vis-à-vis des universités) et de leur force d’opposition. Je reconnais volontiers, dans le domaine des sciences de la santé et des sciences pures et appliquées, qu’il est très difficile, voire impossible, de conserver les aptitudes intellectuelles acquises sans bénéficier de laboratoires seulement disponibles dans les centres de recherche universitaires et les entreprises privées qui font aussi de la recherche. Si bien que le scientifique indépendant, qui ne travaillerait ni dans une université ni dans une telle entreprise, a quelque chose d’invraisemblable. Il en va autrement en philosophie, en sociologie et en histoire, par exemple, pour autant qu’on soit passionné par sa discipline intellectuelle, qu’on trouve un emploi laissant suffisamment de disponibilité intellectuelle, et qu’on fasse preuve d’inventivité pour mettre à profit des expériences et des observations qu’il n’est pas possible de faire dans les milieux universitaires.

L’idée de eprésenter les différentes disciplines par une seule personne au sein du CUI me semble problématique. Chaque universitaire serait alors l’expert de sa discipline, dans laquelle il y aurait de fait un consensus au sein du CUI. Une telle organisation ne serait pas favorable au débat. On risquerait d’y reproduire ce qui se passe dans des groupes de recherche multidisciplinaires à l’université, où les chercheurs se divisent le travail et se cantonnent dans leur spécialité, sans qu’il n’y ait de véritables débats. Étant donné la fonction politique du CUI, il est donc important d’éviter ce consensus illusoire et d’avoir au sein du CUI plus d’une personne qui pratique la même discipline. On augmente ainsi les chances que des représentants d’une discipline ne fassent pas preuve de complaisance, de docilité ou de mollesse à l’égard du gouvernement, et que le CUI suscite un débat dans les milieux universitaires et dans le reste de la société. Pour ce faire, il serait important que le CUI n’impose pas à ses membres d’en arriver à une position commune pour conseiller le gouvernement, et ce, même s’il était atteint de manière transparente, en rendant accessibles aux citoyens la discussion qui y aurait mené. Si une majorité de membres du CUI désirait faire une déclaration commune, il serait souhaitable que les membres qui n’adhèrent pas à cette déclaration s’expriment publiquement en publiant des avis divergents ou en critiquant la déclaration commune, ce qui pourrait donner lieu à une réplique des auteurs de la déclaration commune et ainsi générer un débat public. La fonction du CUI ne serait donc pas seulement de procurer au gouvernement des avis plus éclairés sur des problèmes sociaux, politiques, culturels et scientifiques, mais de mettre en œuvre une attitude intellectuelle très différente du dogmatisme qui est à l’œuvre dans les milieux de pouvoir. Toutefois, je comprends que le CUI peut difficilement être constitué de centaines de membres, ce qui serait nécessaire pour qu’y soient exprimées plusieurs positions divergentes à l’intérieur de chaque discipline, et que s’y manifestent plusieurs démarches intellectuelles concurrentes. C’est pourquoi il devrait être permis aux universitaires non membres du CUI, aux intellectuels francs-tireurs et aux citoyens cultivés de soumettre des propositions, des essais et des mémoires, lesquels seraient publiés sur le site internet du CUI. De cette manière, leurs auteurs pourraient attirer l’attention des membres du CUI sur certains problèmes et proposer des solutions, ou encore répondre aux écrits publiés par ces membres, lesquels pourraient ensuite en tenir compte ou leur répondre. Le CUI ne conseillerait pas seulement le gouvernement, mais il favoriserait le débat public et ouvert et y participerait activement.

Malgré cet élargissement de la fonction du CUI, la sélection des membres de cette institution demeure très importante, ceux-ci se trouvant dans une position stratégique et pouvant, selon le cas, favoriser ou entraver le débat public. Le critère moral de sélection proposé par M. Provost, dans le passage cité plus haut, me semble très problématique. Qui déterminera ce que sont ces actions concrètes visant à défendre le bien commun, la santé et le bien-être de la population ? Et à partir de quels critères ? Ce qu’il faudrait faire pour défendre le bien commun, la santé et le bien-être de la population n’est-il pas justement l’objet du débat public que le CUI devrait chercher à favoriser ? Je comprends le désir de M. Provost d’exclure du CUI les universitaires qui servent d’idéologues au gouvernement et aux entreprises privées, et qui sacrifient le bien commun et le bonheur de leurs concitoyens aux bénéfices pécuniaires et professionnels qu’ils obtiennent de cette manière. Le problème, c’est que ce critère de sélection, en s’appuyant sur la morale ambiante ou dominante, peut permettre à ces arrivistes d’obtenir une place au CUI, et aussi servir à exclure les personnes qui prennent leurs distances vis-à-vis de cette morale, qui la critiquent ouvertement ou qui réalisent des actions concrètes qui leur semblent servir le bien commun, mais qui n’en sont pas moins opposées à cette morale et souvent condamnées en conséquence. Donc, un chercheur universitaire qui s’est impliqué pour réclamer le durcissement des mesures soi-disant sanitaires, pour étudier les causes du non-respect de ces mesures et de l’hésitation vaccinale, et pour proposer au gouvernement et aux entreprises privées des manières de lutter contre ces fléaux, pourra passer pour un bon intellectuel grâce à ces manifestations de vertu ostentatoire. À l’inverse, un chercheur universitaire qui critique la campagne de « vaccination » massive de toute la population, et plus particulièrement la « vaccination » des enfants qui ne sont pas menacés par le virus, et qui remet en question les fondements scientifiques des mesures soi-disant sanitaires, apparaîtra comme un méchant auquel il faut imposer des sanctions disciplinaires, comme M. Provost l’a constaté à ses dépens. C’est pourquoi je crois préférable, surtout dans le contexte actuel, d’écarter ce critère moral de sélection. Si nous pouvions prendre un tel critère pour former le CUI, la situation actuelle serait beaucoup moins critique qu’elle ne l’est en fait.


Demander la création du CUI, quelle qu’en soit la forme, c’est là attendre beaucoup de notre futur gouvernement, qu’il s’agisse d’un autre gouvernement caquiste ou d’un gouvernement d’un autre parti politique, après les élections qui auront lieu cet automne. Le prochain gouvernement, quel qu’il soit, ne créera probablement pas un CUI. Et s’il le faisait, ce serait vraisemblablement sous une forme aussi inoffensive que possible pour lui, voire modifiée pour fournir à ses politiques la sanction des universitaires. Ce gouvernement ne créera pas un CUI indépendant et ne le lui permettra pas de jouer un rôle important dans la délibération politique, à moins d’y être contraints par de fortes pressions. Nous n’en sommes évidemment pas là, et il reste encore beaucoup de chemin à faire. Si nous disposions de ce pouvoir, les choses n’iraient pas si mal que nous le croyons et nous ne serions pas à ce point inquiets pour l’avenir de notre société.

Est-ce à dire que le fait d’élaborer, de raffiner et de propager l’idée d’un CUI est inutile ? Je ne crois pas. Cette idée fournit un point de comparaison grâce auquel nous pouvons voir à quel point la prise de décision est actuellement opaque et incompatible avec la démocratie dans notre gouvernement. Si nos dirigeants persistent à nous gouverner de manière autoritaire et arbitraire, comme il est raisonnable de le croire, cette idée peut alimenter chez plusieurs de nos concitoyens un certaine insatisfaction vis-à-vis du mode de gouvernance actuel et le désir de quelque chose de mieux qu’il faudrait concevoir et pour la réalisation duquel il faudrait être prêt à lutter.

Mais le temps presse. Notre gouvernement et presque toute la classe politique sont en train de détruire ce qui reste de nos institutions démocratiques, pour n’en conserver que les façades. Ce sont non seulement nos droits et nos libertés qui sont menacés, mais aussi nos conditions d’existence et, dans une certaine mesure, notre civilisation.