Sortes d’empoisonneurs et d’hypocrites

Les contempteurs de la vie :

« La vie est une vallée de larmes. Nous sommes en ce monde pour souffrir. Dieu a condamné l’homme à travailler à la sueur de son front et la femme à enfanter dans la douleur. Vous dites que la vie n’est pas que souffrance et qu’il existe aussi des plaisirs. Mais ce sont là des plaisirs de la chair, des plaisirs matérialistes et sensibles, des plaisirs vils et trompeurs, des plaisirs qui vous dégradent et qui vous avilissent, des plaisirs qui vous détournent du rachat du péché originel et qui sont de nouveaux péchés pour lesquels il vous faudra payer, des plaisirs qui sont des pièges et qui vous rendront indignes de la félicité éternelle. Il n’y a qu’un remède à tous ces maux, qu’une manière pour vous d’être sauvés : placer votre destin dans nos mains, nous les prêtres, et obéissez-nous au doigt et à l’œil. Ne vous contentez pas seulement de rendre vos actes conformes à notre volonté : rendez-y aussi conformes vos pensées et vos sentiments. Faites pénitence. Mortifiez votre chair, votre esprit et votre orgueil. Portez le cilice. Flageolez-vous. Ne forniquez pas. N’ayez pas de pensées impures. Pratiquez le jeûne. Mangez tout juste ce qui vous est nécessaire pour subsister et continuer à racheter vos fautes. Ainsi pourrez-vous gagner votre ciel et mériter la vie éternelle après votre mort. Ainsi cette quête donnera un sens à votre existence autrement absurde et vicieuse. »

 

Les exploiteurs :

« Nous devons tous satisfaire nos besoins. La vie n’est rien d’autre qu’un rude combat pour satisfaire nos besoins. C’est la là condition nécessaire de notre existence. Heureusement il y a un remède : le travail. C’est pourquoi il vous faut gagner votre vie par le travail. C’est ce que nous vous permettons de faire en vous employant. Nous vous donnons un salaire en échange de votre peine. Plus vous serez laborieux, plus votre salaire sera élevé, plus vous pourrez satisfaire vos besoins. Vous pourrez vous reposer et parfois même vous payer du bon temps. Mais ne vous y trompez pas : cela vous est permis pour refaire vos forces et retourner au travail afin de pouvoir continuer à gagner votre vie. Il ne faut pas lâcher : un jour vous pourrez prendre votre retraite. Mais il vous faut d’abord mériter votre retraite par des décennies de travail assidu. Tel est l’ordre des choses. Pour avoir quelque chose, il faut travailler. Plus vous travaillerez dur, plus votre retraite sera bonne. Mais si vous êtes paresseux, vous aurez une retraite misérable et vous devrez peut-être continuer à travailler pendant vos vieux jours. Ça sera bien fait pour vous, car ça sera la signe que vous avez été oisifs pendant votre jeunesse et dans la force de l’âge. Il vous faudra payer tôt ou tard le prix de votre paresse. »

 

Les créanciers :

« Votre dette collective ne cesse de s’accroître. Il vous est difficile de payer les intérêts. Quant à l’argent que nous vous avons généreusement prêté, il ne faut même pas penser à le rembourser. Vous vivez collectivement tellement au-dessus de vos moyens que les déficits annuels se suivent et se ressemblent, et que vous devez constamment nous emprunter de nouvelles sommes. Mais il y a tout de même des limites. Comprenez-nous bien : ce n’est pas que nous ne voulons plus vous prêter de l’argent. Seulement, nous sommes dans l’obligation de le faire à certaines conditions si nous voulons récupérer un jour les sommes que nous vous prêterons. D’ailleurs, c’est aussi pour votre bien que nous vous imposons ces conditions, lesquelles vous permettront de redresser les finances publiques et de relancer l’économie. Heureusement, il y a un remède à tout, même aux pires maux. Voilà de quoi il s’agit. D’abord, il s’agit d’augmenter les impôts sur le revenu des particuliers et les taxes sur la consommation afin d’augmenter les revenus de l’État. L’État tirant aussi une partie de ses revenus de la vente d’électricité et de gaz naturel, les coûts devront être augmentés. Il faudra adopter des exigences plus rigoureuses pour avoir accès au filet social – qui devra être un dernier recours – et encourager les paresseux à travailler. Ensuite, il faut attirer les capitaux étrangers en offrant aux grandes multinationales des avantages fiscaux et en les autorisant à acheter les terres agricoles et à exploiter sans redevances les ressources minières et forestières. Cela va créer de l’emploi. Mais pour que ça fonctionne vraiment, il faudra assouplir le Code du travail afin de rendre plus simples les relations entre employés et employeurs et de faciliter l’embauche et la gestion des ressources humaines. C’est dans votre intérêt d’accepter ces conditions. Nous attendons votre réponse pour débloquer les sommes nécessaires pour vous empêcher de faire un défaut de paiement. »

 

Les envahisseurs :

« Croyez-nous : nous sommes les premiers à vouloir rapatrier nos troupes. Nous le ferions si nous pouvions. Nous sommes venus ici pour détrôner le méchant tyran qui régnait sur vous avec une poigne de fer et qui représentait une grave menace pour notre sécurité nationale parce qu’il avait en sa possession des armes de destruction massive qu’il utilisait d’ailleurs parfois contre vous. Voilà, c’est fait. Mais l’instabilité qui s’en est suivie dans tout le pays nous empêche de ramener nos troupes à la maison. Non seulement les groupes armés radicalisés qui se sont formés constituent un grave danger pour le nouveau gouvernement et la population, mais ils déstabilisent toute la région et menacent d’organiser des attentats chez nous. Nous avons l’obligation morale de ne pas abandonner nos alliés et la population aux représailles des organisations terroristes, et de veiller à notre sécurité nationale en luttant contre elles. Soyez assurés que nos troupes partiront quand elles auront vaincu le terrorisme et stabilisé le pays et la région. Faites-nous confiance. »

 

Les forces anti-terroristes :

« Les attentats terroristes d’une violence incommensurable qui ont été commis au cours des derniers mois nous montrent qu’un ennemi particulièrement sournois et vicieux est établi à l’intérieur de nos murs. C’est un ennemi invisible et diabolique qui est prêt à tout pour ébranler notre démocratie. C’est pourquoi il nous faut prolonger l’état d’urgence pour prévenir efficacement les attentats terroristes et vaincre le terrorisme. Nous avons le devoir de faire tous front commun contre cet ennemi invisible et d’accepter certaines restrictions à nos droits et à nos libertés. N’écoutez pas ces personnes dépourvues de tout patriotisme et de tout sens moral qui exigent la fin de l’état d’urgence. Nous avons le devoir d’accepter ces restrictions justement pour défendre nos droits et nos libertés, et empêcher les terroristes de commettre des attentats à l’occasion de grands rassemblements que nous sommes dans l’obligation d’interdire pour assurer la sécurité de la population, par exemple les manifestations. Soyez assurés que la surveillance, l’arrestation et la détention préventives des personnes soupçonnées d’activités terroristes seront soumises aux standards éthiques les plus élevés et auxquels doivent se conformer les agences de renseignement et les brigades policières spécialisées dans la lutte contre le terrorisme. Vous n’avez rien à craindre si vous n’êtes pas des terroristes. Enfin, nous nous engageons à mettre fin à toutes ces mesures exceptionnelles dès que la situation sécuritaire le permettra. Vous avez notre parole d’honneur. »

 

Les confinateurs :

« Il y a des complotistes au cerveau tellement fêlé qui délirent au point de s’imaginer que nous vous cachons des choses, que nous prenons plaisir à exercer de manière tyrannique les pouvoirs exceptionnels que met à notre disposition l’état d’urgence sanitaire, et même que nous avons de sombres desseins à l’égard de la population. Comme si nous n’avions pas montré à de multiples reprises que nous sommes seulement motivés par la protection de la santé de la population, et surtout celle des plus vulnérables d’entre nous. Si la situation n’était pas aussi dramatique, il faudrait simplement en rire. Mais le moment n’est pas à la plaisanterie. La situation est critique, très critique. Le variant Delta menace de s’abattre sur nous, à moins que ce ne soit le variant Delta+. Les trois premiers confinements que nous avons été obligés d’imposer – en l’absence de traitements efficaces et sécuritaires et d’une couverture vaccinale suffisante – pour protéger la santé de la population et éviter le débordement du système hospitalier ont dangereusement ébranlé notre économie. Nombreuses sont les petites et les moyennes entreprises qui sont aux abois. Un quatrième confinement leur casserait littéralement les reins et ça en serait fait de la relance économique. C’est pourquoi nous nous verrons dans l’obligation d’avoir recours au passeport sanitaire pour ne pas reconfiner toute la population et pour permettre aux commerces non essentiels de rester ouverts, si et seulement si la situation sanitaire l’exige. Nous espérons ainsi inciter ceux qui hésitent toujours à se faire vacciner à passer enfin à l’acte. Car le temps presse pour atteindre l’immunité collective. Quant à ceux qui, malgré les appels réitérés à la raison, persisteraient dans leur refus de se faire vacciner, leur choix sera respecté, bien que nous le désapprouvions fortement. Mais qu’ils ne viennent surtout pas prétendre qu’on les prive de leur liberté. C’est justement parce que nous respectons leur liberté que nous tolérons que, contre tout bon sens, ils refusent d’être vaccinés. Et c’est aussi en vertu de leur liberté qu’ils doivent assumer les conséquences de leur décision, à savoir une réduction de leur liberté. Pour ce qui est de la majorité adéquatement vaccinée, elle disposera d’une plus grande liberté à condition de présenter une preuve de vaccination et de s’identifier pour avoir accès aux commerces et aux services non essentiels. Nous comprenons que ces contrôles sembleront étranges au début, mais en cas de reprise de la propagation, c’est le seul moyen de ne pas reconfiner toute la population, de ne pas refermer les commerces et de continuer d’avoir une vie quelque peu normale. Le passeport vaccinal est évidemment une mesure temporaire qui ne s’appliquera jamais aux services et aux commerces essentiels, et qui ne devra pas devenir l’occasion de discrimination dans les milieux de travail. Aussitôt que la situation sanitaire se sera stabilisée, il sera envisagé de suspendre l’utilisation du passeport vaccinal. Car notre but n’est pas d’imposer aux personnes vaccinées ou non vaccinées des mesures sanitaires abusives, mais seulement de protéger la santé de la population, notre économie et notre système de santé, quand la situation sanitaire l’exige. Et ce, dans notre intérêt collectif. »