Renversements sur l’absolutisme

Faisons ici abstraction de tout ce qui pourrait être dit pour remettre en question l’idée selon laquelle les mesures sanitaires servent à protéger notre santé. Voyons ce que nous pouvons répondre à ceux qui, parce que nous défendons nos droits et nos libertés contre les nombreuses atteintes qu’on leur a faites depuis 18 mois et qu’on continue de leur faire, laissent entendre que nous ferions de la liberté une sorte d’absolu moral, pour nous répondre que la liberté n’est pas une valeur absolue, aussi bien moralement que politiquement et juridiquement, que celle-ci se voit imposer des limites, en temps normal et encore plus en temps de crise. Par exemple quand la santé et la sécurité de la population sont menacées, comme c’est le cas dans une pandémie.

Qui a dit le contraire ? Qui a fait de la liberté un absolu parmi ceux qui s’opposent aux mesures sanitaires ? Personne, d’après ce que j’en sais, à part peut-être quelques toqués non représentatifs de la majorité des non-conformistes. Il est vrai que les entorses faites à nos libertés et à nos droits donnent parfois lieu à des réactions d’irritation, à des exagérations et même à des vociférations. Mais quand même, dire que l’on fait dans l’absolutisme tout simplement parce qu’on n’adhère pas aux impératifs sanitaires qu’on nous impose, et qu’on l’exprime de manière tranchée ou brute, c’est un peu fort. Il y a même de quoi se demander si ce n’est pas là une exagération tirant elle-même sur l’absolutisme. Car il arrive que les intégristes, quand ils se heurtent à une résistance que leur zèle contribue à renforcer, accusent ceux qui leur résistent d’être des dogmatiques et même des fanatiques, par une sorte d’inversion accusatoire. C’est ce que faisaient, d’une manière beaucoup plus visible et violente, les missionnaires espagnols chargés de convertir les Morisques quand ceux-ci refusaient de se laisser assimiler.

Mais je ne veux pas moi nous plus tomber dans une exagération qu’on pourrait essayer de retourner contre moi, en faisant d’elle un signe de dogmatisme et d’absolutisme. Nous n’en sommes pas encore là et espérons que les promoteurs de la vaccination massive n’en viendront jamais à faire du porte-à-porte pour convertir les non-vaccinés ou les contraindre à se faire administrer le merveilleux sérum, pour rejoindre la grande communauté des vaccinés.

Revenons à la question des limites que l’on pourrait de bon droit imposer à nos droits et à nos libertés, qui n’ont pas une valeur absolue, au nom de la santé et de la sécurité de la population. Où faut-il tracer la ligne ? À partir d’où un risque pour la santé ou la sécurité peut-il rendre légitime de restreindre nos droits et nos libertés, de les suspendre temporairement ou même de nous en priver de manière plus durable ? D’après quel principe et quel critère prend-on cette décision ? On ne saurait dire. On ne semble pas s’être posé la question. Plusieurs d’entre nous seraient portés à répondre : « Dans tous les cas où la liberté met en danger la santé et la sécurité, il faut la restreindre jusqu’à ce que le risque disparaisse ou devienne très faible, voire insignifiant, quitte à interdire, réglementer ou encadrer fortement les comportements à risque. » Ce qui reviendrait à dire que la santé et la sécurité sont des absolus, auxquels nos libertés et nos droits seraient subordonnés. Si l’on peut blâmer la défense de la liberté parce qu’elle sombrerait dans l’absolutisme, pourquoi en serait-il autrement de la santé et de la sécurité ?

Plusieurs se récrieront : « Nous n’allons pas jusque-là ! La santé et la sécurité ne sont pas des absolus et elles ont elles aussi une valeur relative. »

Je suis content de l’entendre. Alors que ces personnes veulent bien répondre à cette question, dans laquelle je retourne contre eux ce qu’on dit ou ce qu’ils disent elles-mêmes de la liberté : « Si la santé et la sécurité ne sont pas des valeurs absolues, aussi bien moralement que politiquement et juridiquement, n’est-il pas juste que celles-ci devraient se voir imposer des limites, en temps normal et encore plus en temps de crise ? Par exemple quand les droits et libertés de la population sont menacés, comme c’est le cas quand l’état d’urgence dure depuis 18 mois, quand on n’en voit pas la fin et quand le gouvernement fait la pluie et le beau temps et s’ingère dans tous les aspects de la vie sociale et même dans notre vie personnelle. » (Question qui implique qu’on se pose aussi toutes les autres questions que j’ai posées deux paragraphes plus haut dans la perspective de ceux qui priorisent la santé et la sécurité au détriment de nos droits et de nos libertés, mais cette fois-ci à propos de la liberté dans la perspective de ceux qui la défendent.)

Il devient manifeste, quand on se donne la peine d’adopter le point de vue de ceux pour qui leurs droits et leurs libertés sont la priorité, que ce sont la santé et la sécurité qui apparaissent comme des absolus. D’autant plus quand ils n’essaient pas d’imposer la valeur de la liberté aux autres – ils n’en ont d’ailleurs pas les moyens –, quand ils désirent seulement vivre en fonction de ce choix moral et quand on veut les empêcher de le faire, même quand ils exposent à des risques réels ou imaginaires pour la santé ou la sécurité, seulement ou surtout celle des personnes qui ont fait le même choix moral qu’eux.