Raisons pour les personnes vaccinées d’être contre le passeport vaccinal

Depuis que notre directeur national de la Santé publique a déclaré publiquement, il y a un mois, que les avantages du passeport vaccinal sont généralement surestimés et qu’il y a des risques éthiques, et que ce n’est pas la priorité du ministère de la Santé et des Services sociaux pour l’instant, les journalistes et la population parlent rarement de ce dispositif et presque seulement de la poursuite de la vaccination massive et de l’assouplissement des mesures sanitaires que l’atteinte des objectifs vaccinaux permettrait au gouvernement d’accorder à la population. Mais comme je l’ai déjà dit dans un billet, on ne doit surtout pas en conclure que cela ne changera pas dans quelques mois, par exemple à l’automne. Des experts pourraient entre-temps publier des études dans lesquelles ils concluraient que, finalement, les avantages du passeport vaccinal (ou de manière plus large, du passeport sanitaire, qui donnerait la possibilité de présenter un résultat négatif à un test de dépistage ou une preuve de rétablissement) sont plus grands que les inconvénients. Et il serait plus facile pour notre gouvernement d’implanter ce dispositif quand une forte proportion de la population active aura reçu ses deux doses de vaccin, puisque ce serait seulement la minorité des personnes qui refusent d’être vaccinées qui se verrait exclue des lieux de loisirs, de certains commerces (peut-être tous, à terme) et du travail en présentiel dans certains milieux de travail (peut-être tous, à terme), puisque le gouvernement pourrait compter sur la complicité, le consentement ou l’indifférence de la majorité vaccinée quant à l’imposition de toutes sortes de contraintes à la minorité non vaccinée, dont elle se dissocierait en se disant que ça ne la concerne pas.

Mais c’est faire comme si le statut de vacciné était permanent, ce qui n’est évidemment pas le cas. C’est clair non seulement depuis le début de la campagne de vaccination, mais même depuis le début de la recherche sur les vaccins. Les experts, le département des relations publiques des sociétés pharmaceutiques et les journalistes nous ont répété plusieurs fois que la durée de l’immunité supposément procurée par l’inoculation des deux doses de vaccin n’est pas encore connue. D’après les données rendues disponibles par les laboratoires pharmaceutiques après les essais cliniques, cette immunité aurait une durée d’au moins quelques mois. Certains experts estiment que cette immunité devrait durer au moins six mois, d’autres l’estiment plutôt à une année, voire à une année et demie. Ce qui revient à dire que personne ne le sait, et que l’on fait seulement des conjectures plus ou moins raisonnables, dans lesquelles peuvent bien sûr intervenir des facteurs comme les intérêts économiques des sociétés pharmaceutiques, par exemple à propos des doses de rappel qu’on envisage d’injecter à la population canadienne en 2022 :

« Néanmoins, la planification pour 2022 est en cours, plusieurs experts ayant la certitude que des injections de rappel seront nécessaires, soit pour activer le système immunitaire ou pour contrer les variants du coronavirus qui causent la COVID-19.

Au moins deux fournisseurs de vaccins au Canada, Pfizer et Moderna, procèdent déjà à des tests de nouvelles versions de vaccins contre divers variants. De plus, Santé Canada a établi un protocole permettant l’approbation de vaccins de rappel sans devoir franchir toute la panoplie de tests exigés pour les vaccins originaux, un peu comme on le fait chaque année pour le vaccin contre l’influenza. »

(« Ottawa négocie l’achat de doses de rappel pour 2022 », La Presse, 22 avril 2021. C’est moi qui souligne.)

Je rappelle que le protocole devant assurer l’innocuité des vaccins originaux a déjà été simplifiée en vue d’accorder rapidement une autorisation d’utilisation d’urgence, puisqu’elle s’est appuyée seulement sur des essais cliniques de quelques mois. Et on voudrait encore simplifier ce protocole, comme s’il s’agissait de vaccins contre l’influenza, qui utilisent des technologies plus conventionnelles.

Cela n’empêche pas le gouvernement canadien de planifier l’approvisionnement de doses de rappel jusqu’en 2024 en concluant un contrat avec Pfizer :

« Le gouvernement du Canada garantit l’accès à des vaccins contre la COVID-19 sûrs et efficaces, maintenant et dans l’avenir. Canada a réservé des vaccins contre la COVID-19 auprès de Pfizer pour 2022 et 2023, avec des options de prolongation jusqu’en 2024.

En plus de fournir des doses de rappel, l’entente prévoit une certaine souplesse pour l’achat de nouvelles adaptations du vaccin contre la COVID-19 de Pfizer, telles que celles destinées à protéger contre les mutations ou les variants préoccupants et les vaccins mis au point pour les jeunes.

Dans le cadre de l’entente avec Pfizer :

- Pour 2022, le Canada a obtenu un accès garanti à 35 millions de doses de vaccins contre la COVID-19 de Pfizer-BioNTech, avec des options permettant d’obtenir jusqu’à 30 millions de doses supplémentaires

- Pour 2023, le Canada a obtenu un accès garanti à 30 millions de doses, avec des options permettant d’obtenir 30 millions de doses supplémentaires

- Pour 2024, une option peut être exercée. Si elle l’est, le Canada aura accès à un autre 30 millions de doses, avec des options permettant d’obtenir 30 millions de doses supplémentaires

Ces doses s’ajoutent aux 48 millions de doses du vaccin contre la COVID-19 de Pfizer-BioNTech qui arriveront avant la fin du mois de septembre 2021 dans le cadre de l’entente existante avec le Canada.

(« Achat de vaccins contre la COVID-19 », site du gouvernement du Canada, consulté le 29 mai 2021.)

La population canadienne étant d’environ 38 millions, cela revient à vacciner presque la totalité de la population tous les ans. La vaccination contre la COVID saisonnière est donc en voie de devenir une réalité pour les prochaines années, voire davantage, avec la menace des mesures sanitaires qui plane si la population ne collabore pas suffisamment. Mais le désir d’en finir définitivement avec les mesures sanitaires a pour effet qu’on n’accorde pas l’importance qu’il faudrait à ce qui se pointe à l’horizon. Et quand on en vient à envisager la vraisemblance de la vaccination annuelle contre la COVID-19, on la banalise souvent : ce serait comme la vaccination contre la grippe. C’est oublier qu’on ne déclare pas l’état d’urgence sanitaire pour la grippe saisonnière, qu’on ne confine pas une société sous prétexte de lutter contre elle, qu’on ne fait pas de la vaccination de toute la population une condition nécessaire de l’assouplissement des mesures sanitaires, qu’on n’exige pas de preuve de vaccination contre la grippe pour voyager à l’étranger, et qu’on n’envisage pas d’utiliser un passeport vaccinal pour interdire aux personnes non vaccinées l’accès à certains lieux et la participation à certaines activités, avec le risque d’aller toujours plus loin dans cette direction, ce qui pourrait revenir à rendre obligatoire la vaccination, puisqu’il deviendrait très difficile, voire impossible, pour ces personnes de subsister, alors que la conjoncture économique s’annonce mauvaise.

(Soit dit en passant, il est étrange de comparer maintenant la COVID-19 à une grippe saisonnière, alors qu’on a cherché jusqu’à maintenant à éviter ce parallèle entre les deux maladies. On ne peut pas faire la comparaison de la vaccination annuelle contre la COVID avec celle contre la grippe saisonnière en faisant abstraction du fait qu’on la considère comme bien pire que cette dernière, qu’on adopte toutes sortes de mesures sanitaires contraignantes et désastreuses pour les individus et la société pour lutter contre elle, et que les pressions pour être vacciné sont par conséquent beaucoup plus grandes, individuellement et collectivement.)

Revenons-en au passeport vaccinal ou au passeport sanitaire, dont la principale composante serait vaccinale. Si ce dispositif entre en vigueur au Québec et au Canada, et pas seulement en ce qui concerne les déplacements à l’étranger (c’est déjà beaucoup), les personnes vaccinées auraient tort de considérer que les assouplissements aux mesures sanitaires que le gouvernement consentirait à leur accorder seraient des droits acquis, et que les restrictions qu’on imposerait avec plus ou moins de radicalité (on peut la craindre croissante) aux personnes non vaccinées ne les concerneraient pas, elles qui sont vaccinées. En fait, les personnes complètement vaccinées quand entrerait en vigueur le passeport sanitaire se retrouveraient à peu près dans la même situation que les personnes non vaccinées si elles refusaient de se faire vacciner à nouveau quand les experts et le gouvernement détermineraient que l’injection d’une dose de rappel est nécessaire pour maintenir l’immunité des personnes vaccinées à un niveau assez élevé ou pour les protéger contre un nouveau variant contre lequel les vaccins précédents ne seraient pas assez efficaces. Les libertés retrouvées et les exemptions aux mesures sanitaires qui s’appliqueraient spécifiquement aux personnes non vaccinées (car il n’est pas certain qu’elles seraient exemptées de toutes les mesures sanitaires, surtout en cas de nouvelles vagues et de nouveaux variants) seraient conditionnelles au fait de se faire vacciner de manière périodique. Bref, les personnes vaccinées deviendraient captives de la vaccination périodique, leurs libertés retrouvées pourraient leur être retirées et les restrictions visant les personnes non vaccinées pourraient les viser. Ce qu’elles ont toléré, en croyant que ça s’appliquerait seulement aux autres, pourrait s’appliquer à elles si, ne serait-ce qu’une fois, elles ne consentaient pas à être vaccinées quand le gouvernement l’exige d’elles.

J’ose croire que ce n’est pas ainsi que la plupart des personnes qui ont été vaccinées ou qui se feront vacciner d’ici l’automne se représentent la fin de la « crise sanitaire ». C’en serait plutôt la perpétuation, accompagnée de la pérennisation de certaines mesures sanitaires ou, à tout le moins, de la menace de ces mesures. Il est plausible que la solution vaccinale tant vantée comme la seule manière de sortir de la « crise sanitaire » soit en définitive assez décevante et assez limitée, en ce qu’elle serait toujours à recommencer, à chaque automne ou à chaque hiver, pour toute la population. Si bien que nous devrions envisager plus sérieusement l’utilisation de traitements peu coûteux et facilement accessibles pour soigner les personnes malades (Réinfocovid), qui ont été balayés du revers de la main au profit de la solution vaccinale, certainement plus profitable pour les sociétés pharmaceutiques, surtout si toute la population doit se refaire injecter des doses de rappel chaque année, sous la menace d’être reconfinée, individuellement ou collectivement.

Certains diront que ce n’est qu’une petite piqûre à recevoir tous les ans pour garder le virus sous contrôle, pour éviter une reprise « pandémique » et l’obligation de reconfiner, et pour conserver notre liberté. Outre le fait qu’il est discutable qu’on soit vraiment libre quand cette liberté n’est pas acquise, mais sujette à se faire imposer périodiquement des conditions par le gouvernement, rappelons que les effets secondaires à court terme des vaccins ne sont pas négligeables. Les morts suspectes sont 60 fois plus fréquentes après la vaccination avec le Pfizer et l’AstraZeneca qu’après la vaccination contre la grippe, et 400 fois plus fréquentes après la vaccination avec le Moderna qu’après la vaccination contre la grippe (Réinfocovid). Et il y a les effets secondaires à moyen terme et à long terme qui sont pour l’instant mal connus ou inconnus, mais qui pourraient être mieux connus d’ici quelques années. Les risques seraient vraisemblablement aggravés par la vaccination périodique. Qui plus est, les vaccins utilisés au cours des prochaines années ne seraient pas soumis à un protocole aussi rigoureux pour assurer leur innocuité, alors que ce protocole a pourtant déjà été assoupli pour autoriser l’utilisation d’urgence des premiers vaccins expérimentaux contre la COVID-19. Il se peut donc que les personnes déjà vaccinées ou qui le seront bientôt réévaluent le rapport des bénéfices et des risques, pour conclure que les risques sont plus grands que les bénéfices escomptés, notamment parce que la vaccination est toujours à recommencer, ce qui veut dire que l’immunité procurée serait moins avantageuse, alors que les risques augmenteraient en raison de la vaccination à répétition, avec des produits dont on aimerait faire croire qu’ils n’ont plus à être soumis à des protocoles aussi rigoureux pour assurer leur sécurité.

Alors quoi ? Parce qu’elles ont consenti à l’implantation du passeport sanitaire en s’imaginant que ça ne pourrait pas se retourner contre elles, voilà que les personnes vaccinées sont prises à la gorge. Impossible d’agir conformément à leur nouvelle évaluation, mieux éclairée, des avantages et des inconvénients de la vaccination contre la COVID-19, sans perdre du même coup la liberté conditionnelle que le gouvernement a consenti à leur rendre. Les voilà dans l’obligation de s’exposer à des risques plus grands que prévu initialement en continuant de se faire vacciner, ou d’être privées de cette liberté en refusant d’être vaccinées et de s’exposer à ces risques, exactement comme les personnes non vaccinées dont elles se sont dissociées jusque-là.

Ne serait-il pas plus sage, pour les personnes vaccinées ou désireuses de l’être, de s’opposer à l’utilisation d’un passeport sanitaire afin de se garder la possibilité de changer d’idée à la lumière de nouveaux faits pour l’instant inconnus ou douteux, sans avoir à supporter de grands inconvénients ? Ou bien ont-elles pris une décision une fois pour toutes, quoi qu’il arrive d’ici quelques années, en supposant que les experts, le gouvernement, les journalistes et les sociétés pharmaceutiques qui leur recommandent très fortement de se faire vacciner sont infaillibles et parfaitement intègres ?