Protection de la santé et du système de santé, incitatifs à la vaccination ou punitions ?

Voici un chef à l’allure entrepreneuriale
qui fait plus de mal que de bien.
Le bien qu’il fait, il le fait mal.
Le mal qu’il fait, il le fait bien.
 

Le gouvernement annonce toutes sortes de mesures visant spécialement les non-vaccinés. À l’interdiction d’entrer dans toutes sortes de lieux publics et de participer à toutes sortes d’activités, ainsi que de voyager en train et en avion, les non-vaccinés devront vraisemblablement payer une « contribution santé » qu’on dit considérable, et se verront bientôt interdits l’entrée dans tous les commerces non essentiels de 1 500 m² et plus, ce qui pourrait à terme s’étendre à tous les commerces non essentiels et même aux commerces essentiels qui livrent à domicile, sans parler d’un couvre-feu qui pourrait s’appliquer seulement à eux, et du possible retrait du droit à l’assurance-emploi, pour éventuellement en arriver à la vaccination obligatoire de toute la population que des membres du gouvernement disent être le seul moyen d’en finir avec cette horrible pandémie.

Nos gouvernements cumulent donc toutes sortes de mesures contre les non-vaccinés. Mais ce qui se cumule aussi, ce sont les raisons qu’il donne pour justifier ces mesures. Il s’agirait de protéger la santé des non-vaccinés et le système de santé ; d’inciter les non-vaccinés à se faire enfin vacciner ; et de serrer la vis pour les punir de ne pas obéir. C’est toute une salade qu’on essaie de nous vendre. Mais il est fort douteux qu’on puisse réussir à faire tout ça en même temps, avec les mêmes mesures.

Examinons d’abord si on peut protéger la santé des non-vaccinés et le système de santé grâce à ces mesures. En plus d’imposer pour une durée indéterminée aux non-vaccinés les mesures qui se sont appliquées de manière épisodique à l’ensemble de la population, on essaie de les attaquer dans leurs revenus en leur faisant payer un impôt supplémentaire pour la santé et en menaçant de les priver du filet social s’ils perdent leur emploi, alors qu’ils ont pourtant contribué au régime d’assurance-emploi pendant des années ou des décennies. Nous savons tous d’expérience que de telles conditions de vie ne sont généralement pas bonnes pour la santé physique et psychologique, surtout quand elles sont accompagnées de pertes de revenus. Et les menaces du gouvernement et des journalistes n’améliorent certainement pas les choses. Il est fort probable que la santé des non-vaccinés se détériorera en raison d’un tel traitement. Parfois privés de travail, devant passer le plus gros de leurs temps libres dans leur domicile parfois exigu, exclus de tous les lieux d’agrément et tenus à l’écart de la société, susceptibles d’être privés de revenus alors que l’inflation est galopante et que la situation économique est instable, se trouvant très limités quant aux sports qu’ils peuvent pratiquer, il est fort probable que cette vie sédentaire de reclus fera augmenter la fréquence des problèmes de santé chez les non-vaccinés traités comme des parias. Obésité, hypertension, maladies cardiaques, dépression, tendances suicidaires, surconsommation d’alcool et de drogues, voilà un aperçu des problèmes de santé auxquels sont exposés les non-vaccinés en raison des mesures en vigueur ou annoncées. Et la situation s’aggrave généralement en fonction de l’âge et si on a déjà une santé chancelante. Il s’ensuit qu’en raison de ce mode de vie malsain que le gouvernement leur impose sous prétexte de protéger leur santé et le système de santé, les personnes non vaccinées tomberont plus souvent malades, se rétabliront moins souvent et moins vite et devront consulter des médecins et être hospitalisés plus souvent et plus longtemps, pour la COVID-19 ou pour d’autres maladies. Bien drôle d’idée que d’imposer aux non-vaccinés un mode de vie qui dégrade leur santé et qui augmente le risque d’hospitalisation, sous prétexte de protéger leur santé et le système de santé. En fait, même la santé des vaccinés pourrait être affectée, en ce que les non-vaccinés pourraient se retrouver, du moins pour certains groupes d’âge, encore plus souvent à l’hôpital, pour la COVID-19 ou pour d’autres raisons, et ainsi accroître les pressions exercées sur le système de santé et rendre plus fréquentes le report des examens médicaux et des chirurgies.

Mais on dira que ces restrictions imposées aux non-vaccinés sont des incitatifs à se faire vacciner, et que c’est en tant qu’incitatifs qu’elles peuvent contribuer à protéger directement la santé des non-vaccinés et, indirectement, le système de santé et la santé des vaccinés. Néanmoins on peut se demander si ces incitatifs, qui sont privatifs, ont de bonnes chances de produire rapidement les effets escomptés, ce qui est loin d’être certains, puisque le ton du gouvernement et des journalistes, et l’accumulation des mesures contre les non-vaccinés, ont pour effet que ces derniers les percevront, non sans raison, comme des punitions. Plusieurs d’entre eux se cabreront et refuseront donc de céder aussi longtemps qu’ils ne seront pas acculés. Ce qui aura certainement de très mauvais effets sur leur santé, capables d’annuler les effets bénéfiques présumés de la vaccination, et d’exercer des pressions sur le système de santé. De tels incitatifs pourraient donc s’avérer contre-productifs, aussi bien pour la santé des non-vaccinés qui résisteraient, et que pour le système de santé et les autres personnes qui l’utilisent.

La ligne est bien mince entre les incitatifs qui consistent à priver des personnes de quelque chose pour obtenir le comportement désiré, et les punitions qu’on leur inflige parce qu’ils n’ont pas le comportement qu’on exige d’eux. Par opposition à ce qu’il se passe avec des incitatifs qui proposent des avantages positifs à ceux qui ont le comportement jugé utile socialement, le gouvernement peut, en ayant recours à des incitatifs punitifs, s’engager sur une pente glissante où il s’agira de moins en moins d’atteindre des objectifs utiles pour la société en faisant adopter le comportement voulu à ceux qui résistent, mais où il sera plutôt question de se venger de leur refus d’adopter ce comportement, et ce, au détriment des intérêts des résistants, des personnes qui obéissent et de toute la société. L’enjeu de ces mesures coercitives et punitives peut facilement se déplacer de la vaccination des non-vaccinés et de ses effets bénéfiques présumés, vers le châtiment et la soumission des désobéissants. Car on ne saurait désobéir impunément au gouvernement.

Il faut de grandes vertus morales pour ne pas se mettre à agir de manière tyrannique quand on se retrouve, du jour au lendemain, en position de faire la pluie et le beau temps dans une province entière, et ce, depuis presque deux ans. Des vertus comme un sens de la retenue et de la mesure, une bonne capacité d’autocritique, de la tolérance en cas de désaccord, la capacité de voir les choses de plusieurs manières et de corriger ses erreurs, et la force de ne pas succomber à la vanité et de ne pas considérer toute forme d’opposition ou de résistance comme un affront à son autorité. Nos chefs politiques, et tout particulièrement notre premier ministre, sont entièrement dépourvus de ces vertus. Ou s’ils ont déjà eu dans une certaine mesure certaines de ces vertus, le fait de pouvoir disposer selon leur bon plaisir de la vie des individus et de toute la société pendant tout ce temps a eu pour effet de les anéantir. Et il se passerait vraisemblablement la même chose si d’autres membres de la classe politique se retrouvaient à détenir le même pouvoir presque sans bornes, après les élections provinciales prévues à l’automne 2022.

L’acharnement dont notre gouvernement fait preuve contre les non-vaccinés semble donc s’expliquer, au moins en partie, par son désir d’affirmer son autorité à l’ensemble de la population en obtenant par tous les moyens l’obéissance et la soumission de la frange de population qui continue de lui résister. C’est d’une démonstration de force qu’il s’agit. Il veut montrer qu’il est prêt à tout pour venir à bout des irréductibles, même s’il assaisonne son autoritarisme de prétextes sanitaires pour le rendre acceptable à la majorité de la population.

L’enjeu de la lutte qui oppose le gouvernement aux non-vaccinés dépasse largement l’augmentation de la couverture vaccinale et les autres raisons sanitaires. Il s’agit de montrer que le gouvernement a le pouvoir de disposer à son gré des personnes. Car on peut difficilement trouver plus intrusif que de contraindre les gouvernés que nous sommes à se faire injecter contre leur volonté un produit pharmaceutique dont l’efficacité et la sécurité leur paraissent pour le moins dire fort douteuses. Dans l’hypothèse où le gouvernement réussirait à réduire aux dernières extrémités les résistants non vaccinés et à obtenir leur capitulation inconditionnelle, il aurait réussi à étendre et à consolider les pouvoirs excessifs dont il dispose, dont il jouit et dont il ne veut manifestement pas se départir, bien au contraire. Et sa victoire sur les résistants et la résistance serait d’autant plus grande et décisive si la majorité de la population se rangeait de son côté. À partir de ce point, il serait à craindre que le gouvernement actuel pourrait n’en faire qu’à sa tête et pourrait imposer autoritairement toutes sortes de politiques invasives – sanitaires ou non – aux sujets soumis et vaincus. Tout comme les gouvernements à venir, dont les futurs membres convoitent déjà ces pouvoirs excessifs, malgré les accusations d’autoritarisme qu’ils adressent parfois au gouvernement actuel. Car ce n’est pas contre ces pouvoirs excessifs qu’ils en ont, mais c’est plutôt contre le fait que ce ne sont pas eux qui en disposent.

Même si les bénéfices sanitaires étaient bien réels, il faudrait prendre en considération les grands inconvénients et même les grands risques politiques des moyens pris pour les obtenir, qui contrebalanceraient à mon avis amplement ces bénéfices sanitaires présumés. Chose certaine, après une telle victoire gouvernementale, le retour à la normale qu’on nous promettrait serait assurément un retour à une autre normale où il serait établi que le gouvernement peut s’ingérer dans tout, et jusque dans ce que les individus ont de plus propre.

Je sais que, pour ma part, que je ne veux absolument pas d’une telle normalité, dont nous pourrions attendre tout et n’importe quoi. Elle me répugne au plus haut point. Je crois même que je serais incapable d’y vivre.

Tous les non-vaccinés devraient se demander s’ils veulent de cette nouvelle normalité, et si en reculant ils ne perdraient pas encore plus qu’en résistant. Même les vaccinés devraient se demander s’ils ne s’exposent pas à toutes sortes de vexations en se rangeant du côté du gouvernement contre les non-vaccinés, ou en restant simplement à l’écart, en s’imaginant que le gouvernement les laissera tranquilles s’ils ne se font pas remarquer, alors que quand il sera venu à bout de la minorité non vaccinée, il disposera de tout son temps pour s’occuper d’eux.

Je conclus en m’adressant plus particulièrement à ceux qui, vaccinés ou non vaccinés, pourraient continuer à penser que les enjeux de la campagne du gouvernement contre les non-vaccinés sont seulement ou avant tout sanitaires, en admettant ou non que le gouvernement puisse se tromper sur ce qu’il faut espérer de la solution vaccinale. À ces doutes, je réponds par les questions suivantes. Si les enjeux de cette campagne étaient vraiment sanitaires, ne serait-il pas normal que le gouvernement se montre de moins en moins agressif vis-à-vis des non-vaccinés au fur et à mesure que la couverture vaccinale augmente et que la population et le système de santé seraient mieux protégés ? Pourtant n’est-ce pas exactement le contraire qui se produit, le gouvernement devenant de plus en plus impérieux et menaçant au fur et à mesure que les personnes qui ne sont pas vaccinées deviennent moins nombreuses ? On n’exagère à peine en disant que, si toute la population québécoise moins une personne était vaccinée, le gouvernement ne lâcherait pas cette personne non vaccinée et prendrait des mesures très dures pour qu’elle se conforme à ses volontés et fasse enfin ce que tous les autres ont fait, même si cela n’aurait pas le moindre effet notable sur la santé de la population et sur les pressions que subit le système de santé. Comment croire alors qu’il s’agit d’une lutte contre le virus, et non contre les non-vaccinés qui refusent de se soumettre à l’autorité abusive du gouvernement ?