Estimation de la proportion des lits COVID-19 occupés par des personnes hospitalisées pour une autre raison

L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) nous fournit une estimation de la proportion de personnes qui occupent des lits hospitaliers pour les malades COVID-19, mais qui en fait ont été hospitalisés parce qu’ils étaient malades d’autre chose. Dans un communiqué de presse du 6 janvier 2022, on signale ceci :

« Rappelons que plusieurs personnes sont hospitalisées pour une raison autre que la COVID mais sont ensuite déclarées positives (diagnostic secondaire) lors de leur admission ou durant leur séjour. Cette proportion pourrait représenter près de 50 % des lits réguliers et plus de 15 % des lits aux soins intensifs. »

Plusieurs personnes, c’est un bien faible mot pour environ la moitié des personnes. L’estimation est un peu plus basse dans les projections sur les besoins hospitaliers publiées le 5 janvier 2022, mais elle demeure tout de même élevée :

« Rappelons que plusieurs personnes sont hospitalisées pour une raison autre que la COVID mais sont ensuite déclarées positives (diagnostic secondaire) lors de leur admission ou durant leur séjour. Cette proportion pourrait représenter près de 40 % des lits réguliers et plus de 15 % des lits aux soins intensifs. »

On ne saurait certainement pas considérer comme une preuve d’excellence des travaux de l’Institut le fait qu’il ignore ce que signifient exactement les données à partir desquelles il fait ses projections. Ou s’il dispose de données plus précises à ce sujet, il ne daigne pas tenir compte de cette différence importante dans ses projections, ce qui n’est guère mieux. Car quand il annonce que bientôt 3000 lits réguliers COVID, ainsi que 400 lits COVID aux soins intensifs, pourraient être occupés d’ici 2 semaines, nous ignorons ce que cela signifie exactement.

Il est donc justifié de faire les remarques suivantes :

  1. Près de 40 % ou de 50 % des hospitalisations que le gouvernement et les journalistes disent être dues à la COVID-19 sont en fait attribuables à d’autres maladies ou même à des accidents. Elles auraient quand même eu lieu si ces personnes n’avaient pas été porteuses du virus.

  2. En rien la vaccination des non-vaccinés et des jeunes enfants, l’injection d’une troisième dose aux personnes déjà « adéquatement » vaccinées et l’imposition de mesures sanitaires plus strictes n’auraient pu contribuer à diminuer le nombre de ces hospitalisations même si la vaccination et ces mesures étaient aussi efficaces qu’on le prétend, à moins peut-être que le virus, contracté après l’admission en milieu hospitalier, n’aggrave parfois l’état de santé de ces personnes et prolonge la durée de leur séjour à l’hôpital.

  3. S’il y a effectivement propagation du virus chez les patients hospitalisés – comme c’est le cas chez le personnel soignant –, plusieurs des nouvelles hospitalisations annoncées ne consistent pas en de nouvelles admissions à l’hôpital, mais s’expliquent plutôt par le fait que des personnes hospitalisées pour une autre raison sont maintenant classées, en vertu d’un « diagnostic secondaire », dans la catégorie « malades COVID » et doivent donc occuper un des lits réservés pour ces malades.

  4. Nous pouvons nous questionner sur l’évolution du taux de patients qui occupent des lits COVID, mais qui sont en fait hospitalisés pour d’autres raisons. Si ce taux augmente, notamment parce que le virus circule en milieu hospitalier et infecte des personnes déjà hospitalisées pour d’autres raisons, un accroissement des hospitalisations COVID (qui ne doit pas être confondu avec un accroissement des hospitalisations toutes causes confondues) ne serait pas nécessairement une mauvaise nouvelle et, en l’absence de complications, pourrait même être une bonne nouvelle, puisque la hausse des hospitalisations toutes causes confondues en cours serait d’autant moins importante.

  5. En l’absence de données régulièrement mises à jour sur le nombre total d’hospitalisations toutes causes confondues dans l’ensemble du Québec, dans les différentes régions et dans les centres hospitaliers qu’on dit saturés, ainsi que de données semblables pour les années précédentes, il n’est pas possible d’évaluer correctement la gravité de la situation actuelle, de juger intelligemment de son évolution, de la comparer à la situation observée au même moment lors des années précédentes et de prendre de bonnes décisions.

Sauf si on me montre que ces remarques sont sans fondement et sans pertinence, j’en conclus que l’Institut, malgré ses prétentions à l’excellence, publie en fait des travaux fort médiocres dont les résultats sont obscurs, peu fiables et inutiles, et qu’ils peuvent même être nuisibles en ce qu’ils pourraient induire en erreur les gestionnaires du réseau de la santé quand ils prennent des décisions, et contribuer à propager dans la population québécoise une représentation partielle, partiale, voire fausse, de la situation dans les hôpitaux.

Jusqu’à ce que l’Institut remédie à la situation et publie des travaux à la hauteur du nom qu’il porte, le gouvernement et les journalistes devraient se garder de s’appuyer sur ses projections pour imposer de nouvelles restrictions à l’ensemble de la population, et plus particulièrement aux non-vaccinés, tout comme ils devraient aussi s’abstenir de les utiliser pour faire du marketing en faveur de la vaccination en tant que solution incontournable à la crise sanitaire.