Promesse électorale de la Coalition Avenir Québec : plus d’autonomie pour les professionnels de la santé

La campagne électorale provinciale ayant débuté il y a une semaine au Québec, le parti politique sortant, la Coalition Avenir Québec (CAQ), nous raconte de belles histoires, ce qui est à l’image de sa « gestion de la pandémie » et de son règne sur la population québécoise depuis 2018. L’une de ses promesses est ainsi formulée : « Plus de médecins, plus de professionnels de la santé, avec plus d’autonomie, pour de meilleurs soins aux Québécois. » (Source : Site électoral de la CAQ)

En lisant le court développement qui suit, nous constatons qu’il ne s’agit plus d’accorder plus d’autonomie aux professionnels de la santé pour qu’ils puissent prodiguer de meilleurs soins, mais pour qu’ils puissent prodiguer plus de soins :

« Le prochain gouvernement de la CAQ investira 400 millions de dollars supplémentaires pour concrétiser plusieurs pistes de solutions identifiées dans le Plan santé. Ces investissements serviront à former et recruter 660 médecins et 5 000 professionnels de la santé de plus. Ils permettront aussi de leur accorder plus d’autonomie et de pouvoirs pour qu’ils puissent prodiguer plus de soins. Ces mesures permettront enfin d’attirer et de retenir les employés en améliorant l’organisation du travail, pour faire du réseau public un employeur de choix. » (C’est moi qui souligne.)

Une citation de Christian Dubé, candidat dans La Prairie et ministre de la Santé et des Services sociaux depuis l’été 2020, ne permet pas de savoir si, finalement, on nous promet de meilleurs soins ou plus de soins. Nous avons l’impression que c’est le deux à la fois, mais sans qu’on se donne la peine d’expliquer en quoi « plus de soins » impliquent de « meilleurs soins », et vice versa. C’est la même rengaine que les politiciens nous répètent depuis des années ou des décennies à propos de l’augmentation du nombre de professionnels de la santé, et à propos de l’autorisation pour d’autres catégories de professionnels de la santé d’accomplir des actes jusque-là réservés aux médecins :

« Notre objectif, c’est que le réseau public de santé devienne un endroit de choix où travailler. On veut que les nouveaux diplômés aient envie de se joindre à nous et que nos employés veuillent rester. On veut aussi que chacun de nos professionnels puisse mettre à profit l’ensemble de ses compétences. Nos pharmaciens, nos infirmières, nos physios, nos paramédics, pour donner quelques exemples, ont un grand éventail de compétences. Et ils veulent les mettre à profit pour les Québécois. On va les aider à le faire. » (C’est moi qui souligne.)

Ce qui est sous-entendu dans ces extraits, c’est qu’en ayant plus d’employés qui ont l’autorisation de faire plus de choses, on prodigue plus de soins, et qu’en prodiguant plus de soins, on prodigue de meilleurs soins, conformément au slogan électoral de la CAQ : « Faire plus. Faire mieux. » Nous pouvons nous demander si plus de soins impliquent nécessairement qu’il s’agisse de meilleurs soins.

Ne nions pas que le fait d’avoir des soins, quand on n’en a pas, c’est forcément avoir de meilleurs soins. Car combien sommes-nous à attendre depuis des mois un rendez-vous avec un cardiologue, un orthopédiste, un endocrinologue, un neurologue ou un ophtalmologue ? Ça serait donc une bonne chose qu’il y ait plus de ces médecins spécialistes, que des médecins généralistes soient habilités à faire des choses que seuls les spécialistes font ou ont le droit de faire actuellement, que les autres professionnels de la santé soient autorisés à accomplir des actes pour l’instant réservés aux médecins, afin que ceux-ci puissent se concentrer sur ce qu’eux seuls peuvent accomplir.

Bien entendu, ce gain suppose que les autorités politiques et sanitaires ne mettent pas sens dessus dessous le réseau de la santé chaque fois qu’il y aurait une nouvelle « vague de COVID-19 », un nouveau variant du virus, une nouvelle souche d’un autre virus ou d’une bactérie, ou une nouvelle maladie supposément mal connue et effrayante pour cette raison ; qu’elles ne privent pas alors les professionnels de la santé des conditions pour bien soigner les malades ; qu’elles ne dissuadent pas la population de se rendre dans les hôpitaux, en lui faisant peur grâce à des discours alarmistes ; qu’elles ne terrorisent pas, par les mêmes discours, le personnel soignant qui déserte alors les CHSLD ; qu’elles n’emploient pas de nombreux professionnels de la santé dans des campagnes de dépistage et de vaccination de toute la population, même ceux qui sont bien-portants ; et qu’elles ne soumettent pas de manière récurrente les professionnels de la santé à des tests de dépistage même quand ils ne sont pas malades, pour les isoler à la maison en cas de résultat positif.

Ce gain suppose aussi que nous n’ayons pas affaire à des professionnels de la santé incompétents ou bornés qui appliquent machinalement les protocoles en vigueur dans les bureaucraties sanitaires, et qu’on n’interdise pas aux professionnels de la santé compétents et consciencieux d’utiliser au meilleur de leur jugement leurs compétences même dans les cas où cela va à l’encontre de la communication gouvernementale diffusée par les médias de masse. À moins de ça, les professionnels de la santé ne sont pas autonomes dans leur travail et leurs compétences ne peuvent pas être mises pleinement au service des Québécois, la rigidité de la bureaucratie sanitaire les en empêchant, ainsi que l’ingérence politique dans la pratique médicale. Il en résulte évidemment une diminution de la qualité des soins que l’augmentation du nombre de professionnels de la santé pourrait aggraver, en prodiguant plus de mauvais soins.

Il est donc important de préciser ce qu’exige l’autonomie des professionnels de la santé, et de ne pas nous satisfaire de belles formules générales et creuses, comme l’aimeraient les candidats et les agents publicitaires de la CAQ. Pour qu’il y ait autonomie dans les professions du domaine de la santé, voici quelques-unes des choses qui devraient être accordées aux professionnels de la santé, inconditionnellement et sans risques de sanctions ou de représailles – ce qui n’est guère compatible avec la déclaration et la reconduction de l’état d’urgence sanitaire :

  1. Les médecins doivent avoir le droit inaliénable de prescrire ce qu’ils jugent pertinent aux personnes qui les consultent ou qu’ils soignent, après avoir informé ces personnes des bénéfices et des risques et obtenu leur consentement ; ce qui engage bien sûr leur responsabilité professionnelle et ne saurait être fait en reprenant simplement les directives ou les recommandations des hautes autorités sanitaires.

  2. Inversement, les médecins doivent avoir le droit de déconseiller les injections expérimentales ou tout autre traitement à partir de l’évaluation de l’état de santé de chaque personne ou catégories de personnes, et du rapport bénéfice/risque pour chacune d’elles, même si cela va à l’encontre des directives et des recommandations des hautes autorités sanitaires.

  3. Tous les professionnels de la santé ne doivent pas être encouragés ou obligés de participer à une médecine en vrac, qui implique un même traitement indépendamment de l’état de santé des personnes visées, ce qui constitue une négation de leur autonomie professionnelle et entraîne l’impossibilité d’utiliser les compétences acquises au cours de leur formation, de leurs recherches et de leurs expériences de travail, dont dépend considérablement la qualité des soins prodigués aux personnes malades.

  4. Tous les professionnels de la santé doivent pouvoir – en étant protégés contre d’éventuelles sanctions de leur ordre professionnel et de leur employeur – informer les citoyens de la situation qu’ils observent dans le réseau de la santé et remettre en question la communication gouvernementale, les politiques sanitaires envisagées, annoncées ou en vigueur et les déclarations des autorités sanitaires sur l’efficacité et la sécurité des traitements et des produits pharmaceutiques promus, ignorés ou écartés.

  5. Tous les professionnels de la santé doivent pouvoir refuser – en étant protégés contre d’éventuelles sanctions de leur ordre professionnel et de leur employeur, et sans s’exposer à une forme de dépistage préventif récurrent – l’administration d’un traitement ou d’un produit pharmaceutique promu par les autorités sanitaires, leur autonomie professionnelle commençant par la prise en charge de leur propre santé, sans laquelle on ne pourrait pas les considérer aptes à s’occuper de la santé des personnes qui les consultent et qu’ils soignent.

  6. Les professionnels de la santé doivent avoir la garantie légale qu’on ne suspendra aucun de ces droits sous prétexte d’urgence sanitaire, puisque ceux-ci sont encore plus nécessaires en temps de crise qu’en temps normal, et que les erreurs pouvant alors être commises par les autorités politiques et sanitaires (qui sont d’être infaillibles) sont susceptibles d’être plus fréquentes et d’avoir des conséquences plus graves.

On l’aura compris, l’autonomie des professionnels de la santé dépend de l’absence d’ingérence des hautes autorités sanitaires et aussi politiques dans le travail des professionnels de la santé, par exemple sous la forme de politiques sanitaires autoritaires et contraignantes et de sanctions en cas de critiques, de désobéissance ou de refus d’appliquer les directives. Ces conditions de l’autonomie des professionnels de la santé supposent un fort de degré d’autonomie du réseau de la santé et de ses dirigeants à l’égard de l’industrie pharmaceutique et des pressions interprovinciales et internationales, qu’il s’agisse d’autres gouvernements ou d’organisations comme l’OMS, qui ont tous la lubie de la standardisation de la pratique médicale.

Si ces conditions ne sont pas remplies et si la CAQ n’en parle même pas et fait comme si elles n’existaient pas, ces promesses à propos de l’autonomie des professionnels de la santé ne sont que du blabla de politicien comme on en entend si souvent en période électorale. Tout au plus ces professionnels continueraient-ils de bénéficier d’une autonomie très limitée, et obtiendraient-ils des pouvoirs supplémentaires pour, en réalité, faire encore plus ce qu’exigent d’eux leurs supérieurs hiérarchiques, les autorités sanitaires régionales ou provinciales, ou les protocoles de soins imposés par ces autorités. Les professionnels de la santé, soumis à une sorte de discipline militaire, seraient la chose du réseau de la santé ou les rouages de ce système. Cela n’est pas sans conséquences pour la qualité des soins, car que pouvons-nous raisonnablement attendre de professionnels de la santé dont la marge de liberté ou d’autonomie est somme toute assez limitée, qui sont trop souvent traités comme de simples exécutants, et qui agissent souvent conformément à ces attentes, en se conformant au rôle qu’on leur impose ?

Cela est très important pour l’ensemble des citoyens québécois, qui devraient maintenant savoir que leur autonomie – en santé comme en toutes choses – dépend grandement de l’autonomie des professionnels de la santé et du réseau de la santé.

Pensez-y bien avant de voter pour la CAQ. Une réélection, surtout majoritaire, serait interprétée comme une approbation de tout ce qui a été fait depuis le printemps 2020, et un encouragement à faire la même chose ou pire dès que l’occasion se présenterait, sous prétexte « de faire plus et de faire mieux ». C’en serait alors fait de l’autonomie des professions de la santé et de la nôtre. C’est comme si nous disions, après avoir un reçu un puissant coup de pied au derrière : « Thank you, sir ! May I have another ? »