Privatisation du réseau public de santé et des autres services publics * modifié *

Lors de la publication de ce billet (plus tôt aujourd’hui sous un autre titre), j’ai oublié de tenir compte du fait que la privatisation du réseau de la santé aurait vraisemblablement pour effet un rôle plus important des assurances privées, individuelles ou collectives, dans le nouveau système de santé privé. J’ai donc ajouté un court développement à ce sujet à la fin de ce billet.


Ayant fait, dans les billets du 30 septembre et du 2 octobre 2022, plusieurs critiques de la manière dont les taxes et impôts que nous payons ne sont pas utilisés pour servir nos intérêts et servent à exercer sur nous une certaine forme de contrôle, aussi bien quand nous les payons et que quand nous utilisons les services publics mis à notre disposition grâce à cet argent, certains pourraient se dire qu’il faut que l’État cesse d’intervenir dans plusieurs domaines et qu’il se mêle de ses affaires, et qu’il faut privatiser plusieurs services publics. Du même coup, nous aurions à payer beaucoup moins de taxes et d’impôts, et la libre concurrence nous permettrait de choisir de meilleurs services à moindre prix.

Les choses ne sont probablement pas aussi simples. En effet, il est fort douteux que l’argent que nous pourrions payer aux entreprises privées qui prendraient le relais de l’État serait davantage utilisé pour servir nos intérêts, et que les services qui nous seraient offerts et la manière dont on nous les ferait payer ne seraient pas des moyens d’exercer un contrôle sur notre comportement et de nous assujettir aux grandes corporations et sociétés d’investissement qui contrôlent directement ou indirectement une partie très importante de l’économie, qui s’ingèrent les affaires publiques, et qui profiteraient du vide provoquée par le retrait de l’État pour accroître leur emprise sur certains secteurs de l’économie et, ce faisant, sur nous. En fait, nous pouvons même nous demander si la corruption des institutions publiques, la dégradation des services publics et la dilapidation des fonds publics n’ont pas pour fonction de préparer le terrain à une privatisation rapide ou même sauvage de ce qui a relevé, jusque-là, en grande partie de l’État, et de nous disposer à accepter ou même à réclamer cette transition.

Pour ne pas nous en tenir à des considérations générales, intéressons-nous au cas de la santé. Si les choses vont si mal dans le réseau public de la santé, ce n’est pas seulement à cause des maux inhérents aux bureaucraties publiques, mais c’est aussi à cause de l’influence et même de l’ingérence de l’industrie pharmaceutique dans les affaires sanitaires et de la corruption des institutions publiques qui s’occupent de santé. Ou encore : cette influence et cette ingérence font partie des maux inhérents aux bureaucraties publiques, et on voit mal comment un système de santé privé ou plus privatisé que le système actuel serait moins exposé à cette influence et à cette ingérence. En fait, ça serait probablement pire, puisque le secteur privé et le nec plus ultra de l’élite économique pourraient nous imposer encore plus directement et ouvertement ses intérêts.

Dans le réseau public de santé, notre santé n’est pas la fin visée. Les médecins ne sont pas libres de prescrire les traitements qu’ils désirent, au meilleur de leurs connaissances, car ils doivent se conformer aux protocoles médicaux en vigueur, qui leur font accomplir des actes médicaux pour lesquels ils sont généreusement rémunérés, et qui tendent à favoriser l’utilisation des produits souvent coûteux de l’industrie pharmaceutique. Et gare à ceux qui ne sont pas assez dociles ou qui osent critiquer les protocoles médicaux et les politiques sanitaires en vigueur ! La bureaucratie sanitaire aura tôt fait de leur imposer des sanctions disciplinaires, par exemple la suspension ou l’interdiction de pratiquer la médecine. Et tout ça avec l’argent qui vient de nos impôts et de nos taxes ! Mais qu’en serait-il si nous allions plutôt nous faire soigner dans des hôpitaux privés qui facturaient des frais en fonction de l’usage que nous ferions de leurs services, lesquels seraient partiellement payés par l’État ou non ? Outre les coûts qui pourraient être prohibitifs, qui pourraient donner accès à des soins inégaux en fonction de la fortune, et qui pourraient même les rendre inaccessibles, les administrations de ces hôpitaux privés ou de ces réseaux d’hôpitaux privés n’hésiteraient pas à imposer aux médecins qu’ils emploient une discipline tout aussi contraignante et incompatibles avec notre santé. Il faut être un benêt de première classe pour croire que de telles entreprises, qui feraient partie de l’industrie de la maladie au même titre que les grandes sociétés pharmaceutiques, n’essaieraient pas de nous soutirer autant d’argent que possible, pour des soins souvent peu efficaces, parfois mauvais pour la santé, le tout contre des maladies parfois imaginaires ou avec lesquelles nous pourrions très bien vivre. Ce qui serait aggravé par les partenariats ou la collusion entre les hôpitaux privés et l’industrie pharmaceutique qui deviendraient encore plus fréquents et qui pourraient se dérouler au grand jour. Des hôpitaux privés pourraient être financés par des grandes compagnies pharmaceutiques, par exemple Pfizer. Ces compagnies pourraient aussi accorder à ces hôpitaux des tarifs préférentiels pour les inciter à acheter leurs produits pharmaceutiques au détriment d’autres produits moins coûteux, plus sûrs et plus efficaces, ce qui aurait pour effet d’augmenter les profits réalisés par tous les acteurs impliqués, et d’aggraver le surdépistage et le surdiagnostic de certaines maladies pour donner à des clients en bonne santé des traitements qui ne sont pas sans inconvénients ou sans risques pour eux, et faire d’eux la chose des systèmes de santé privatisés. Il est même imaginable que les grandes sociétés pharmaceutiques profitent de la débâcle du réseau public de santé pour fonder des chaînes d’hôpitaux qui utiliseraient surtout ou seulement les produits mis en marché par la compagnie maîtresse, et qui auraient recours à toutes sortes de pratiques déloyales pour venir à bout de leurs concurrents, surtout les cliniques et les hôpitaux indépendants qui refuseraient de jouer le jeu, et ainsi contrôler une part plus importante du marché de la maladie. Dans ce contexte, nous pourrions assister à une déréglementation de la médecine et de la pharmacie par l’État, ce qui permettrait aux grandes sociétés pharmaceutiques d’imposer librement des protocoles médicaux et pharmaceutiques aux médecins et aux autres professionnels de la santé employés, lesquels pourraient être congédiés s’ils ne se conformaient pas à l’orthodoxie médicale et pharmaceutique ou osaient le critiquer. Enfin, puisque la privatisation des hôpitaux n’implique pas nécessairement un abandon des agences sanitaires de réglementation, il se pourrait aussi que les acteurs du complexe médicalo-pharmaceutico-industriel continuent d’avoir recours à ces institutions publiques pour financer leurs recherches (toujours avec nos taxes et nos impôts), faire approuver en vitesse leurs nouveaux produits, pour interdire les produits concurrents, pour obtenir un quasi-monopole et pour punir les contrevenants.

Il résulte de tout cela que la privatisation des hôpitaux ne favoriserait pas la libre-concurrence des différentes formes de médecine et des différents traitements, mais favoriserait plutôt une réglementation contrôlée par les réseaux d’hôpitaux privés et ceux qui les contrôleraient. Il faut avoir une conception très naïve de la libre-concurrence pour croire qu’elle n’exige pas certaines conditions, et qu’une intervention moindre du gouvernement ne laisserait pas le champ libre à une intervention plus directe et plus nuisible des sociétés pharmaceutiques, qui feraient des hôpitaux privés des points de vente de leurs propres produits, encore plus que maintenant.

Cette main-mise de l’industrie pharmaceutique sur les hôpitaux privés permettrait aussi d’exercer un contrôle encore plus grand sur nous, que nous soyons malades ou bien portants. Nos gouvernements pourraient difficilement interdire à certaines catégories de personnes, par exemple les non-vaccinés, l’accès partiel ou total à des soins de santé, et réclamer d’eux des contributions supplémentaires au réseau public de santé, sans s’exposer à de nombreuses critiques et à un fort mécontentement, même chez ceux qui n’appartiennent pas à ces groupes. Puisque les soins médicaux ne seraient plus un service public, il en irait autrement si les administrations d’hôpitaux privées décidaient d’imposer aux non-vaccinés des tarifs supplémentaires, refusaient de les soigner, ou leur imposaient des conditions devant les dissuader d’aller à l’hôpital ou les inciter à se conformer à l’obligation vaccinale. En effet, les administrations de ces hôpitaux privés pourraient toujours dire, si ces clients refusent de se conformer aux conditions qu’on exige d’eux, que c’est leur choix et qu’il faut le respecter : ces personnes seraient libres d’à aller se faire soigner ailleurs. Mais cela pourrait s’avérer difficile, puisque les autres hôpitaux privés auraient souvent des exigences semblables, et pourraient se passer le mot à ce sujet. Sous prétexte qu’il serait toujours possible d’aller se faire soigner ailleurs, les hôpitaux privés pourraient aller beaucoup plus loin dans le contrôle qu’ils exerceraient sur leur clientèle ; et, grâce à l’argent que le complexe médicalo-pharmaceutico-industriel obtiendrait d’elles, de vastes campagnes de relations publiques pourraient être menés afin de faire consentir à ce contrôle et même d’obtenir que la vile populace à laquelle nous appartiendrons le réclame.

Alors que les institutions publiques craquent de partout et que les finances publiques se portent très mal, alors qu’une portion importante de la population est insatisfaite d’elle (ceux qui croient ou ne croient pas à la propagande sanitaire sont insatisfaits, mais pour des raisons différentes et même opposées), il est important de ne pas nous laisser séduire par la privatisation ou la liquidation du réseau public de santé et des autres services publics, sous prétexte qu’ils seraient devenus irrémédiablement pourris, inefficaces et contraires à nos intérêts. Ce serait à jouer le jeu des grands oligarques, qui rêvent vraisemblablement de s’emparer de ce qui relève actuellement du secteur public, de s’enrichir encore plus, et d’accroître leur contrôle sur les grands enfants ou les êtres inférieurs que nous sommes à leurs yeux. Voulons-nous que de grandes corporations, parfois plus riches et plus puissantes que nos gouvernements actuels, encore plus corrompus qu’eux, et dotées d’intérêt encore plus incompatibles avec les nôtres, se mettent à réglementer nos vies, sans avoir pour entraves des restrictions qui s’appliquent ou devraient s’appliquer aux gouvernements ?

Tâchons d’envisager ce que cette privatisation des services publics pourrait donner, pas seulement dans le domaine de la santé, mais aussi dans d’autres domaines, par exemple l’éducation. Imaginons l’éducation que pourraient recevoir les enfants, les adolescents et les jeunes adultes dans des écoles, des collèges et des universités privés qui seraient financés ou contrôlés par de grandes sociétés d’investissement comme BlackRock ou Vanguard, qui sont des actionnaires importants des grands laboratoires pharmaceutiques et des géants des technologies de l’information. Ce seraient de véritables camps d’endoctrinement où on inculquerait aux enfants l’application aveugle des consignes sanitaires, l’austérité qu’exigerait la lutte contre les changements climatiques, le conformisme, l’obéissance, la docilité, le dogmatisme, l’intolérance et la bigoterie ; et ce, à un degré bien supérieur à ce qui est fait dans nos institutions d’enseignement depuis quelques années ou depuis quelques décennies. De telles écoles, à part quelques exceptions, il ne sortirait que des serfs.

Concluons en envisageant rapidement une possibilité complémentaire : l’affaiblissement et le retrait des gouvernements nationaux qui résulteraient de leur désengagement en matière de services publics ne libéreraient pas seulement un terrain où les grandes corporations pourraient étendre leurs tentacules. Cela ferait aussi de la place pour les grandes bureaucraties supranationales qui sont en pleine croissance, qui échappent encore plus à notre contrôle que nos gouvernements, et qui sont encore plus noyauté par les grandes corporations et les grands oligarques. En plus de l’Organisation mondiale de la santé, d’autres organismes semblables pourraient être en train de prendre en forme, pourraient déjà exister, sous une forme moins apparente que l’Organisation mondiale de la santé, et pourraient vouloir appliquer à tout l’Occident une approche « une seule éducation », « un seul climat » ou « une seule sécurité », semblable à l’approche « une seule santé », promue par l’Organisation mondiale de la santé.

Alors que faire si la privatisation des services publics contribueraient vraisemblablement à aggraver les maux que nous désirons éviter ou atténuer, c’est-à-dire le mépris de nos intérêts et le contrôle auquel est de plus en plus soumis tous les aspects de notre vie ? Nous devons nous demander quelles réformes des institutions publiques pourraient nous permettre d’obtenir les résultats désirés, et ce qu’elles exigeraient pour avoir une chance de fonctionner. Si jamais nous en venions à conclure que ces institutions ont atteint un degré de corruption et de pourriture tellement grand qu’elles seraient irrécupérables, nous devrions aborder la possibilité de créer des associations d’un nouveau genre, indépendantes à la fois du secteur public et du secteur privé. Mais leur existence ne serait probablement pas tolérée très longtemps par les gouvernements nationaux qui pourraient devenir encore plus autoritaires, et pas davantage par les grandes corporations, les grands oligarques et les bureaucraties supranationales qui cherchent à accroître leur emprise sur notre existence. La survie de telles associations serait donc une lutte de tous les jours, même si elles étaient clandestines.

Addition sur les assurances privées

Advenant que le réseau public de santé se retrouvait à être rapidement ou progressivement privatisé (comme cela se produit déjà depuis quelques décennies), les compagnies d’assurances privées individuelles ou collectives (c’est-à-dire obligatoires) portant sur les soins de santé et les médicaments nous soutireraient sous la forme de prestations les sommes d’argent ce que peut-être nous ne paierions plus sous la forme d’impôts sur le revenu, de taxes et de contributions diverses. En fait, ces sommes exigées de nous pourraient être plus grandes que celle que nous payons à nos gouvernements actuellement, et on obtiendrait que nous les payions en entretenant chez nous la crainte de tomber gravement malades et de ne pas avoir de quoi payer les soins devant nous sauver, grâce à des campagnes publicitaires. En raison du copinage de ces compagnies avec les hôpitaux privées et l’industrie pharmaceutique, ces compagnies d’assurance pourraient décider de rembourser seulement les actes médicaux et les médicaments les plus coûteux ou les plus rentables, et exiger de nous le paiement de prestations plus élevés afin de ne pas entamer leurs marges de profit. Sans doute cela se fait-il déjà et pourrait être fait encore plus au fur et à mesure que le réseau de santé serait privatisé. Des pénalités pourraient être exigées des personnes qui auraient des comportements jugés malsains ou risqués, par exemple les personnes dont la vaccination ne serait pas à jour, desquelles on pourrait exiger des prestations plus élevées, et auxquelles on pourrait refuser de rembourser, en partie ou en totalité, des frais liés à des soins, à des traitements ou à hospitalisations. Les actuaires pourraient s’en donner à cœur joie pour trouver toutes sortes de nouvelles manières de saigner les clients des compagnies d’assurances et de ne pas donner suite à leurs réclamations, à partir des fables qui circuleraient sur les facteurs de risques et qui seraient cultivées par les départements de marketing des hôpitaux privées et des grandes sociétés pharmaceutiques. C’est de cette manière que les compagnies d’assurances pourraient nous nuire encore plus qu’elles ne le font actuellement, et pourraient exercer un contrôle encore plus grand sur ce que nous faisons.

À première vue, nous pourrions toutefois penser qu’il ne serait pas dans l’intérêt des compagnies d’assurances que les hôpitaux privés dépistent et déclarent malades des personnes bien portantes, leur donnent des traitements dont elles n’ont pas besoin, qui sont souvent coûteux, et qui sont parfois expérimentaux et dangereux pour la santé de leurs clients. Ces compagnies ne devraient-elles pas débourser encore plus d’argent et ne deviendraient-elles alors moins rentables. Cela serait vrai seulement si elles n’ajustaient pas à la hausse les prestations payables par leurs clients, ou si cette augmentation leur faisait perdre trop de clients. Au contraire, si leurs clients étaient maintenus dans la peur constante d’être gravement malades par d’intenses campagnes de relations publiques ou de propagande, cette augmentation de leurs dépenses pourrait être une occasion d’accroître les sommes d’argent qui devraient leur être payées par leurs clients, et aussi de recruter de nouveaux clients qui, jusque-là, n’avaient pas pris peur.

Malgré tout le mal que nous pouvons penser de notre réseau public de santé très corrompu, il serait donc naïf de croire que la situation s’améliorerait si on continuait de privatiser ce réseau.