Pour un calcul raisonné des avantages et des inconvénients

Le passeport vaccinal est à nos portes. Nous ne savons pas encore quelle forme il prendra quand il entrera en vigueur, et encore moins quelles autres formes il pourrait prendre plus tard, à l’automne et à l’hiver. Mais nous devons quand même nous demander jusqu’où nous sommes prêts à aller pour ne pas nous faire vacciner et – c’est peut-être là le plus important – ne pas nous plier à l’utilisation du passeport vaccinal. Je dirais même qu’il faut nous poser ces questions d’autant plus que nous ne savons pas à quoi nous en tenir avec ce passeport vaccinal.

J’adopterai un point de vue que je crois partager avec la plupart des lecteurs de ce blog. Si nous étions convaincus de l’efficacité et de l’innocuité des vaccins, si nous pensions gagner individuellement et collectivement quelque chose à nous faire vacciner, nous nous serions déjà précipités sur les doses de vaccin que notre gouvernement a généreusement mises à notre disposition. Or ce n’est pas le cas. La propagande gouvernementale et journalistique, bien qu’efficace pour beaucoup de nos concitoyens, nous inspire de la méfiance. Les médecins et les scientifiques qu’on appelle en renfort nous semblent être incompétents ou les laquais du gouvernement et de l’industrie pharmaceutique. L’absence de véritable discussion sur l’efficacité et l’innocuité des vaccins ne nous semble pas être due à un consensus scientifique et médical, mais au fait qu’on fait taire les scientifiques et les médecins qui sont d’un autre avis, soit en déchaînant contre eux les journalistes, soit en les menaçant de sanctions disciplinaires s’ils expriment publiquement un point de vue qui est opposé à celui du gouvernement et de l’industrie pharmaceutique. Ensuite, les démonstrations des médecins et des scientifiques dissidents français, américains et allemands qui ont le courage de diverger publiquement nous semblent beaucoup plus crédibles que ce que nous répètent ceux qui sont à la solde du gouvernement ou de l’industrie pharmaceutique ou qui répètent sans réfléchir les idées reçues sur la pandémie. Enfin, le fait que les gouvernements et les sociétés pharmaceutiques ne rendent pas publiques les données brutes des études soi-disant scientifiques, espérant ainsi les soustraire à la critique des autres scientifiques, c’est vraiment la cerise sur le gâteau ! L’insistance avec laquelle on exige de nous la foi nous fait justement douter et même nous rebute. Et le fait qu’on veuille nous inciter à nous faire vacciner en nous privant d’une partie de notre liberté – je parle du passeport vaccinal – a sur nous un effet dissuasif.

Ceci dit, l’entrée en vigueur annoncée du passeport vaccinal change la donne. Il n’est plus simplement question de savoir si la protection que nous procureraient les vaccins compenserait les risques d’effets secondaires à court terme, à moyen terme et à long terme. Pour nous, la réponse à cette première question est négative, ce qui a pour effet que nous nous posons cette autre question : les inconvénients que la vaccination et l’obtention d’un passeport vaccinal nous permettraient d’éviter compenseraient-ils le risque d’effets secondaires dus à la vaccination, lesquels nous sont d’ailleurs mal connus, surtout à long terme ?

Avant d’essayer de répondre à cette question, insistons sur le fait que les avantages et les inconvénients du passeport vaccinal, pour les personnes vaccinées et non vaccinées, sont appelés à évoluer en fonction de l’extension que l’on donnera à ce dispositif de contrôle. Il est à craindre que le gouvernement profitera du retour à une sorte de normalité prévu à compter de l’automne pour imposer progressivement de nouvelles restrictions et conditions qui ne sont pas annoncées, mais qui peuvent très bien être planifiées, indépendamment de ce qui se passera, ou en fonction de l’évolution de la situation. Ce serait donc simpliste de tenir compte seulement des avantages et des inconvénients, dans la situation actuelle, quand le gouvernement fera son annonce.

S’il s’agissait seulement de nous priver d’entrer dans les restaurants, dans les bars et dans les cafés, il y aurait certainement de quoi protester vivement, mais certainement pas de quoi nous faire vacciner. Plusieurs d’entre nous n’y sont pas allés depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, ne trouvant pas intéressant de fréquenter ces lieux avec toutes les mesures sanitaires et l’obligation de s’identifier à l’entrée et d’y donner leurs coordonnées. Alors pourquoi ces personnes accepteraient-elles de se faire vacciner pour avoir le privilège d’y entrer en présentant leur passeport vaccinal ? Le gouvernement sait très bien que pour elles il n’obtiendra rien en s’y prenant de cette manière. C’est pourquoi il pourra invoquer la prétendue aggravation de la situation épidémique – le nombre de « cas » continuera à augmenter, et il y aura peut-être une cinquième « vague » après la quatrième, et une sixième après la cinquième – pour nous priver de toutes sortes de services dits non essentiels : plus le droit d’aller à la bibliothèque, dans les musées et dans tous les commerces jugés non essentiels, c’est-à-dire tous ceux qui ont été fermés pendant les trois confinements que nous avons connus. Encore là, nous pourrions nous en passer, toujours en protestant vivement contre la discrimination à notre égard. Raison pour laquelle le gouvernement pourrait aller encore plus loin, en faisant par exemple porter l’interdiction sur les cours en présentiel, qui ont été suspendus en grande partie depuis mars 2020, ce qui montre bien qu’aux yeux du gouvernement (des philistins de premier ordre, à commencer par le ministre de l’Éducation et la ministre de l’Enseignement dit supérieur), ils ne font pas partie des « services » essentiels. Mais ce ne sera pas assez pour forcer plusieurs d’entre nous à se faire vacciner, surtout s’ils ne sont pas étudiants et professeurs. Le gouvernement, qui semble viser la vaccination de toute la population – à part peut-être les policiers, sauf s’ils désirent être vaccinés –, n’abandonnera pas la partie. À ce stade, toutes les personnes non vaccinées sans raison médicale seront considérées comme de méchants récalcitrants complotistes radicalisés représentant un danger pour la santé des autres et étant un obstacle pour un retour à une vie « normale ». Il est plausible que le gouvernement décrète alors que ce qui est essentiel pour elles diffère de ce qui est essentiel pour les personnes vaccinées ou pour nous tous pendant les confinements. Ainsi les personnes non vaccinées pourraient se voir interdits les transports en commun intra-urbains – où l’on exigerait le passeport vaccinal –, ce qui pourrait rendre à plusieurs d’entre elles difficile de se rendre au travail, ou du moins beaucoup plus coûteux (si elles doivent utiliser une voiture) ou plus long (si elles doivent se rendre à pied ou à vélo au travail). Dans un contexte économique instable, ces personnes pourraient hésiter à acheter une voiture ou à faire d’importantes dépenses en essence. Et dans certains cas, il serait impossible de se déplacer à pied ou à vélo tous les jours, en raison de la distance, de l’emplacement des lieux de travail ou du temps hivernal. Puisqu’on s’en prendrait indirectement aux moyens de subsistance, plusieurs se verraient dans l’obligation de céder et de se faire vacciner pour aller travailler et continuer à « gagner leur vie ». Enfin, le gouvernement pourrait cibler certaines catégories de travailleurs en exigeant la présentation d’une preuve de vaccination pour aller travailler ou l’obligation de se soumettre régulièrement à des tests de dépistage préventifs, comme cela se produit déjà pour le personnel soignant. Je pense par exemple aux enseignants et aux professeurs, aux fonctionnaires et à toutes les personnes qui travaillent avec le public. Rendu à ce point, peu d’entre nous pourraient encore résister longtemps, surtout s’ils sont endettés et s’ils ont des enfants. Et même ceux qui persisteraient à résister, après avoir perdu leur emploi, ne pourraient pas tenir le coup indéfiniment, et se retrouveraient tôt ou tard à se faire vacciner pour trouver un autre emploi probablement moins bon, pour ne pas se retrouver à la rue et mourir de faim. Alors à quoi aurait servi cette lutte ? Ceux qui l’auraient mené jusqu’au bout se verraient finalement obligés à consentir à la vaccination, après avoir perdu leurs économies et dans l’obligation de devoir accepter un emploi passable ou minable. Certains d’entre nous pourraient donc se dire : « Si c’est pour en arriver là, à quoi bon résister ? Aussi bien se faire vacciner tout de suite, ne pas se mettre dans une situation économique encore plus précaire et attirer l’attention des autorités sur soi ? »

C’est effectivement ce que nous pourrions nous dire si notre manière de résister ou, peut-être encore plus, de ne pas résister n’était pas susceptible d’aggraver la situation. Il se pourrait bien que l’annonce prochaine du passeport vaccinal soit une sorte de ballon d’essai. On commencera par nous dire que c’est seulement pour certains services non essentiels (les restaurants, les bars, les cafés et les salles de spectacle, par exemple) et que c’est temporaire, mais sans nous donner de critères précis ou réalistes pour qu’on cesse d’y avoir recours ou qu’on le suspende. Selon la réaction de la population vaccinée et non vaccinée – car on peut être vacciné tout en étant radicalement contre le passeport vaccinal –, le gouvernement pourrait décider s’il doit procéder avec prudence pour étendre le champ d’application du passeport vaccinal, ou s’il peut y aller à fond de train sans risquer de se heurter à une forte résistance, semblable à celle rencontrée en France et dans d’autres pays. Si beaucoup de ceux qui jusqu’à maintenant ont refusé de se faire vacciner prennent rendez-vous pour recevoir la première dose dès qu’on leur interdit l’accès à ces services non essentiels, en prévision d’autres interdictions et restrictions qui viendront probablement plus tard, le gouvernement pourra aller très vite en affaires pour généraliser l’utilisation du passeport vaccinal et exercer des pressions croissantes sur les derniers récalcitrants, en l’appliquant même aux services indiscutablement essentiels (les supermarchés et les hôpitaux) et aux milieux de travail, en laissant tout au plus la possibilité de passer régulièrement des tests de dépistage (peut-être payants) pour avoir accès à ces services et aller travailler. Nous pouvons nous attendre à ce qu’il utilise son plan de retour à la « normalité » dans les écoles, les cégeps, les universités, les organismes publics et les entreprises comme levier pour contraindre les non-vaccinés à se faire vacciner, en changeant les règles du jeu cet automne et cet hiver, alors que nous serons déjà bien engagés dans nos activités professionnelles ou éducatives. Si les personnes non vaccinées cèdent alors, si les personnes vaccinées ne les appuient pas dans la défense de la liberté vaccinale, alors le gouvernement aura la voie libre pour étendre le passeport vaccinal à la quasi-totalité de la société, et peut-être aussi pour s’ingérer dans notre vie privée. Le passeport vaccinal s’appliquerait alors à tous les aspects de notre vie (je pourrais donner quelques exemples, mais je ne veux pas répandre de mauvaises idées qui pourraient être reprises par des idéologues) et ce, de manière permanente ou à tout le moins cyclique, au gré des nouvelles « vagues », des nouveaux variants et des nouveaux vaccins. Car le gouvernement pourrait en venir assez rapidement à décréter que pour continuer à être considéré comme adéquatement vacciné et bénéficié des « privilèges » qui y sont associés, il ne suffit plus seulement d’avoir reçu les deux doses des vaccins de première génération, des doses de vaccins de deuxième ou de troisième génération étant dorénavant requises pour garder son passeport vaccinal. Puisque son utilisation aura peut-être été étendue à l’ensemble de la société et à notre vie, la résistance devient alors très difficile parce que trop tardive. Pour cette raison même, notre gouvernement pourrait décider d’imposer d’autres conditions à l’obtention du passeport, qui ne seraient plus sanitaires, mais qui pourraient être ouvertement idéologiques. Question de vraiment nous mettre au pas. Car il se pourrait bien que le passeport vaccinal ne serve pas tant à nous contraindre à la vaccination, que la vaccination serve à nous inciter à accepter ce dispositif de surveillance et de contrôle.

En ce qui me concerne, la perspective de vivre dans un tel monde ne me dit rien qui vaille. Ça me fait même peur, mais surtout ça me dégoûterait fortement. J’essaie de me résoudre à résister aussi longtemps que possible et de convaincre les autres à en faire autant, étant persuadé que l’absence de résistance soutenue a pour principal inconvénient de faciliter la venue de cette nouvelle « normalité » qui semble être en train de prendre forme et que je refuse catégoriquement. Ainsi le fait de la retarder un peu en résistant, et de gagner un peu de temps dans l’espoir d’un retournement et d’un grand réveil, c’est déjà un gain comparativement au fait de ne pas résister. J’aurais d’ailleurs honte de ne pas résister, même si ma résistance s’avérait inefficace, tant je rejette cette nouvelle « normalité ». Si jamais elle venait à se réaliser, si je voyais que mes concitoyens semblent s’accommoder définitivement d’elle et consentent à vivre dans la servitude qui leur convient, si la situation devenait vraiment désespérée, je pourrais toujours m’expédier, ayant trouvé une manière sûre et rapide de le faire, et m’étant déjà procuré ce qu’il faut pour passer à l’acte.

Mais je n’en suis pas encore rendu à ce point. Le fait de disposer de cette porte de sortie – si jamais il devenait absolument suffoquant de vivre dans notre société – m’aide à me résoudre à résister autant que me le permettent mes faibles moyens, quitte à m’exposer à perdre mon emploi et à sacrifier mon confort, que je considère dénué de toute valeur s’il n’est pas accompagné de la liberté, et lequel on pourrait d’ailleurs facilement m’enlever si j’acceptais simplement la servitude, comme beaucoup le feront certainement. Et la résistance, même individuelle et à petite échelle, sera toujours plus belle et plus noble que la capitulation, que l’acceptation passive de la nouvelle « normalité », que le consentement à la servitude et que la collaboration avec nos maîtres autoproclamés. Mais il serait beaucoup mieux que nous nous liguions – nous qui ne voulons pas consentir à la vaccination et au passeport vaccinal ou à quelque autre forme d’obligation vaccinale, et encore moins à la nouvelle « normalité » – pour résister plus efficacement et pour nous soutenir les uns les autres en cas de problème. Peut-être nos concitoyens, même s’ils sont déjà vaccinés, finiront-ils pas ouvrir les yeux et se révolter, comme cela est arrivé chez nos cousins les Français.