Portrait des décès et des hospitalisations dans les unités de soins intensifs en juillet 2022

J’ai fait remarquer, à la fin de mon billet du 21 juillet 2022, qu’il est bizarre que les journalistes et les experts consultés, avec le manque de suite dans les idées qu’on leur connaît, déclarent qu’en raison d’un nouveau variant ou sous-variant de la souche Omicron qui déjouerait « l’immunité vaccinale », les décès attribués à la COVID-19 seraient plus élevés cet été que pendant les étés 2020 et 2021, et qu’en raison de la protection que procureraient les « vaccins », il y aurait relativement peu d’hospitalisations pour ou avec la COVID-19 dans les unités de soins intensifs, malgré le nombre anormalement élevé d’hospitalisations hors soins intensifs. Si les « vaccins » protègent contre les complications graves qui résultent en des hospitalisations dans les unités de soins intensifs, ne devraient-ils pas aussi protéger dans des proportions semblables contre les complications graves qui provoquent des décès ? À l’inverse, si le variant ou sous-variant du moment déjoue « l’immunité vaccinale » et est à l’origine d’un nombre anormalement élevé de décès pendant l’été, ne devrait-il pas aussi être à l’origine d’un nombre proportionnellement plus élevé de complications graves qui conduisent les personnes infectées aux soins intensifs et parfois à la mort ?

À partir des données disponibles sur le site web de l’INSPQ, je mettrai à l’essai certaines des hypothèses faites à la fin du billet auquel j’ai fait allusion, afin d’essayer d’expliquer cette bizarrerie. Toutes les données utilisées portent sur la période du 1er au 19 juillet 2022 et ont été extraites le 21 juillet 2022. Par conséquent, il se peut que certains écarts soient apparus ou apparaissent en raison d’ajustements faits dans les bases de données du gouvernement. Les données qui ne se trouvent pas sur la page principale sont sur les pages des données des décès et des hospitalisations par groupe d’âge.

Le tableau 1 présente le nombre de décès et le nombre de nouvelles hospitalisations par groupe d’âge durant la période de référence.

Un simple coup d’œil permet de remarquer un fort nombre de décès par rapport au nombre de nouvelles hospitalisations dans les unités de soins intensifs pour les groupes d’âge des 50-59 ans, 60-69 ans, 70-79 ans, et un excédent important de décès par rapport aux hospitalisations aux soins intensifs pour les groupes d’âge des 80-89 ans et 90 ans et plus, qui à eux deux représentent 67 % des décès pour seulement 22 % des hospitalisations aux soins intensifs.

Toutes ces personnes avaient à peu près atteint ou dépassé leur espérance de vie et devaient avoir au minimum quelques comorbidités, ne serait-ce que l’hypertension artérielle ou du diabète. Si bien que leurs décès, s’ils peuvent certainement peiner les proches de ces personnes, ne devraient pas être considérés comme scandaleux et susciter l’émoi dans les journaux et dans toute la province. Car aucun être humain n’échappe à la mort, même si tous les journalistes et tous les experts de la planète s’agitaient, et même si toute la population terrestre se faisait vacciner trois fois par jour, portait à l’extérieur quatre masques superposés avec des lunettes protectrices et une visière, et restait confinée toute l’année et toute sa vie.

Dans la mesure où les données de l’INSPQ sont fiables, nous pouvons conclure avec certitude de ce tableau qu’une très forte proportion des personnes (surtout pour les 90 ans et plus) ne sont pas mortes dans les unités de soins intensifs. Dans des proportions moindres, cela s’applique probablement aussi aux groupes d’âge plus jeunes, ou plutôt moins vieux, qui comportent plusieurs décès.

Précisons qu’il n’est pas possible de penser que ces personnes ont été hospitalisées hors soins intensifs parce que les unités de soins intensifs auraient été pleines à craquer, puisque les journalistes de La Presse (20 juillet 2022), en se référant à des publications de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), affirment le contraire :

« Au total, l’Institut s’attend à une « stabilisation des lits réguliers occupés par des patients COVID », pour atteindre un nombre situé entre les niveaux 3 et 4 définis par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), soit environ 1900 lits. Dans le meilleur scénario, on atteindrait 1688 hospitalisations d’ici deux semaines et dans le pire, 2139.

Dans les unités de soins intensifs, l’INESSS anticipe également « une stabilisation des lits » occupés par des patients COVID. Leur nombre devrait demeurer « bien en deçà du niveau 1 » du MSSS, l’équivalent de 40 lits, avec un intervalle de 36 à 46. »

Tout se passe tellement bien dans les unités de soins intensifs qu’il serait possible d’y transférer les malades auxquels des lits réguliers auraient suffi, si jamais on venait à en manquer.

Nous devons donc nous demander où sont mortes ces personnes âgées qui n’ont pas été hospitalisées dans les unités de soins intensifs.

Le tableau 2 présente le nombre de décès selon le milieu de vie pour la période de référence. Il est important de ne pas confondre les milieux de vie avec les lieux de décès, les premiers étant les endroits où vivaient normalement les personnes décédées, et les seconds étant les lieux où elles se trouvaient au moment de la mort.

Nous voyons immédiatement que la plupart des personnes décédés n’habitaient pas dans une sorte de résidence et de centre hospitalier pour personnes âgées, mais habitaient dans une maison, un condominium ou un appartement, ou plus rarement dans un lieu qui n’a pas pu être déterminé et dont nous ne pouvons donc pas parlé.

Faisons comme si toutes les personnes décédées qui habitaient dans les résidences destinées aux personnes âgées (y compris les ressources intermédiaires) et les centres hospitaliers (51 personnes) appartenaient aux groupes d’âge des 80-89 ans et 90 ans et plus (110 décès), ce qui veut dire qu’il en reste 59 qui continuaient à vivre dans leur maison ou dans leur appartement, de manière relativement autonome.

Nous ignorons quelles étaient les proportions des milieux de vie des personnes de 80 ans et plus qui comptent parmi les 27 personnes admises dans les unités de soins intensifs. Chose certaine, plusieurs des 51 personnes qui ne vivaient pas dans leur propre domicile n’ont pas été admises aux soins intensifs, c’est-à-dire au moins 24 personnes. Et nous pouvons donc supposer que plusieurs des personnes très malades (de la COVID ou d’autre chose en ayant été déclarées porteuses du virus) qui habitaient dans des CHSLD ou qui étaient déjà hospitalisées dans des centres hospitaliers pour y recevoir des traitements qui demandent beaucoup de temps, n’ont pas été dans les unités de soins intensifs. Certaines de ces personnes âgées ont probablement déclaré par écrit leur refus de l’acharnement thérapeutique, et le personnel soignant et la famille ont alors respecté leur volonté. Dans d’autres cas, quand ce n’est pas la COVID-19 qui menaçait leur vie, mais d’autres maladies ou une dégradation générale de la santé contre lesquelles des soins intensifs n’auraient guère été efficaces, c’est alors le personnel soignant de l’établissement qui a décidé de ne pas infliger un séjour pénible aux soins intensifs à des personnes mourantes. Enfin, il y a aussi les personnes qui peuvent mourir subitement avec le virus (mais pas de la COVID-19), en l’espace de quelques heures, voire moins.

Nous pouvons faire des remarques semblables pour les personnes très âgées qui vivaient de manière plus autonome, dans leur maison ou leur appartement, ou dans une résidence pour personnes en perte d’autonomie. Beaucoup de ces 59 personnes, c’est-à-dire au moins 32, n’ont pas été admises aux soins intensifs avant de mourir. Si elles habitaient seules, il se peut qu’elles soient mortes subitement d’un infarctus (sans que personne soit présent et puisse les ranimer), et qu’on leur ait fait passer un test de dépistage pour voir si, à tout hasard, le virus n’y serait pas pour quelque chose, afin d’établir la cause des décès. Il se peut aussi que ces personnes et leurs proches, voyant que la fin était proche et que la maladie (une autre que la COVID-19) était mortelle, aient refusé l’admission dans une unité de soins intensifs en pleine « pandémie », ce qui est une mort fort déplaisante, pour le moins dire. Je sais que cela arrive parfois, mon grand-père étant décédé chez lui il y a quelques années, accompagné par ma grand-mère et mes parents, alors qu’il était en phase terminale d’un cancer. J’imagine qu’en pareils cas, des médecins zélés pourraient faire passer aux morts des tests post-mortem pour pouvoir dire que le virus a contribué d’une manière ou d’une autre à la mort des cancéreux. Enfin, il se peut que quelques-unes de ces personnes soient vraiment mortes de la COVID-19 à la maison, parce qu’elles n’ont pas de proches qui s’informent régulièrement de leur santé et qu’elles ont laissé dégénérer la maladie au point de ne plus être en mesure d’appeler l’ambulance. Mais j’incline à croire que ces personnes, si elles existent, constituent une petite partie des personnes de 80 ans ou plus disposant toujours de leur domicile qui seraient mortes de la COVID-19 sans avoir été admises dans une unité de soins intensifs.

J’arrête ici ces conjectures. Ce que je veux montrer, c’est qu’il y a un rapport assez lâche entre les personnes admises dans les unités de soins intensifs et les décès attribués à tort ou à raison au virus. J’y vois un indice que ce n’est pas actuellement la lutte à mort contre le virus. Dans beaucoup de cas, ces décès pourraient très bien n’avoir rien ou presque rien à voir avec le virus, mais être simplement ou avant tout causés par le vieillissement, l’accumulation de conditions sous-jacentes, d’autres maladies bien plus mortelles que la COVID-19, des choix de vie, et le refus de se battre jusqu’à son dernier souffle pour faire durer aussi longtemps que possible une vie que plusieurs ne trouvent plus digne d’être vécue, le tout combiné avec le zèle des médecins à inscrire ce soi-disant fléau sur les certificats de décès.

Si je ne peux évidemment pas être certain de ce qui est en train de se passer, il me semble que ceux qui croient à l’existence de cette « septième vague » estivale de COVID-19 doivent faire des hypothèses plus vraisemblables que les miennes pour expliquer la bizarrerie signalée au début de ce billet, qu’ils passent sous silence, le tout en nous fournissant des éléments de preuve, s’ils en ont, puisque ce sont généralement eux qui travaillent dans le réseau de la santé et qui ont accès à des données dont nous ne disposons pas. C’est eux qui ont le fardeau de la preuve, car en cas de doute, nous n’avons pas à prendre au sérieux leur présentation de cette « septième vague » et à tolérer leur travail de relations publiques pour réimposer les mesures sanitaires.