Mesures sanitaires et dressage - partie 5 : implications du couvre-feu

À mon sens, le couvre-feu constitue une nouvelle étape dans le processus de dressage de la population québécoise. (Pour les étrangers qui me liraient, je vous signale que nous n’avons jamais eu de confinement intégral ici, que nous n’avons jamais eu à nous justifier avant pour quitter notre domicile, et que nous n’avons jamais été obligés de porter un cache-binette dans la rue. Mais nos autorités travaillent d’arrache-pied pour remédier à la situation. Nous ne perdons rien pour attendre.) Je ne veux pas seulement dire que nos autorités vont plus loin en cumulant ou en radicalisant des mesures sanitaires d’une même nature. Je considère que ce couvre-feu, malgré des ressemblances avec les mesures sanitaires adoptées précédemment, est d’une autre nature. Il nous dresse d’une autre manière, d’une manière plus profonde et plus insidieuse, si je puis dire. Et que nous importe que nos autorités prétendent seulement vouloir protéger notre santé, ou nous imposer une discipline de fer pour protéger notre santé, ou nous dresser pour mieux nous assujettir ! Dans tous les cas, le couvre-feu nous dresse. C’est le principal, car il faut juger à partir des effets des décisions de nos autorités, et non à partir de leurs paroles.

Voyons de quoi il s’agit.

 

Interdiction de quelque chose qui n’a pas d’incidence vraisemblable sur la propagation du Virus

Jusqu’à maintenant, ceux qui croient au narratif officiel des autorités et des médias ont pu se soumettre aux restrictions en croyant qu’elles contribuaient directement à ralentir la propagation du Virus. Le lavage compulsif des mains, les deux mètres de distance entre les personnes qui n’habitent pas à la même adresse, la fermeture des commerces et des écoles, le télétravail et le port obligatoire du cache-binette dans les lieux publics fermés (même si dans ce dernier cas la volte-face des autorités a compliqué l’adhésion de la population, pour finalement réussir à leur faire accepter dans une grande proportion le manque de cohérence des autorités et leur pouvoir arbitraire comme quelque chose de normal) ont prétendument pour but de réduire les risques de contagion par l’intermédiaire de contacts avec des objets ou des personnes infectées, ou par la projection de mini-gouttelettes saturées de Virus. Mais maintenant on leur interdit des choses qui n’ont aucune incidence vraisemblable sur la propagation du Virus : se promener à pied ou en voiture entre 20 heures et 5 heures, seul ou avec des personnes qui habitent à la même adresse, par exemple. Et pour les inciter à l’obéissance, les policiers pourront les interpeller pour leur donner une amende d’au moins 1 546 $.

Oui, je sais : on dit que c’est pour empêcher les rassemblements intérieurs et extérieurs interdits, plus facile à faire à la faveur de l’obscurité. Il n’en demeure pas moins vrai que, ce qu’on vient d’interdire, ce ne sont pas ces rassemblements interdits, qui étaient déjà interdits. Ce sont des choses qui n’ont rien à voir avec la propagation du Virus. Si je suis interpellé par des policiers parce que je fais une promenade ou du jogging après 20 heures, ce n’est pas parce qu’ils ont des preuves que c’est une ruse pour me rendre dans une maison où il y aurait un « party illégal » de 20 personnes. Ils m’interpellent parce que je ne suis pas à mon domicile après 20 heures, et qu’ils veulent vérifier si j’ai une raison valable de ne pas respecter le couvre-feu. Le jogging n’est pas une raison valable. Pourtant nos autorités nous répètent que c’est important de faire de l’activité physique et de rester en bonne santé. Comment le jogging pourrait-il être une activité louable et sécuritaire le jour, et blâmable et dangereuse le soir ou la nuit ? La ventilation à l’extérieur serait-elle moins bonne à ce moment ? Les rues seraient-elles plus achalandées ? Certes non. Et si je portais un couvre-visage réglementaire avec des lunettes de protection et une visière, pour être certain de ne pas infecter quelqu’un que je pourrais croiser, et de ne pas être infecté par lui ? Non, cela ne changerait rien. Ce n’est pas ce dont il s’agit. Il est passé 20 heures, je ne suis pas chez moi et je n’ai pas de raison valable, voilà tout !

Ce n’est pas rien : on nous interdit, au nom de la gravité de la situation épidémiologique, quelque chose qui n’a rien à voir avec cette situation ; on nous impose une interdiction qui, sans l’ombre d’un doute, n’améliorera pas la situation ou ne l’empêchera pas de se dégrader. S’imagine-t-on, en imposant toutes sortes de privations et de restrictions à la population, que le Bon Dieu ou l’univers la récompensera pour ses sacrifices en intervenant dans la « pandémie », ou que le Virus diabolique sera exorcisé par ces actes de renoncement ?

À partir de ce point, deux possibilités : ou bien nous nous habituons à nous voir interdire des choses que nous ne considérons pas nuisibles et nous en acceptons l’arbitraire ; ou bien nous nous mettons à croire que ces choses sont nuisibles puisqu’on nous les interdit et qu’il nous est insupportable de croire que ces interdictions sont inutiles et arbitraires. Je ne sais pas ce qui est pire : dans les deux cas, on corrompt notre cœur et notre esprit. Ce qui nous ramollira tellement que nous en viendrons à tenir plus du ver de terre ou de la limace que de l’être humain.

 

Contrôles policiers même pour ceux qui ont des raisons valables de « violer » le couvre-feu

Même ceux d’entre nous qui ont des raisons valables (se rendre au travail ou en revenir si l’on fait partie des services essentiels, aller à l’hôpital, à la pharmacie ou chez le dentiste, faire une promenade avec son chien pour qu’il fasse « ses besoins », à condition que ce soit à moins d’un kilomètre de son domicile), aux yeux des autorités, de « violer » le couvre-feu pourront être interceptés par les policiers. Car comment ces derniers pourraient-ils savoir qu’ils ont des raisons valables s’ils ne les interceptent pas ? On dira peut-être que c’est est une vérification de routine, une simple formalité dont ne devraient pas se formaliser ceux qui n’ont rien à se reprocher et qui sont en mesure de démontrer qu’ils ont des raisons valables de ne pas être à leur domicile. Ce n’est pas comme si les policiers allaient perdre leur temps à importuner ces personnes. Mais est-il certain qu’elles ne tomberont jamais sur des policiers qui, se sentant investis d’une haute mission sanitaire et humanitaire, ne le retiendrons pas quinze ou trente minutes, voire davantage, sous prétexte de vérifier leurs dires, tout simplement parce que leur tête ne leur revient pas et qu’ils les trouvent suspectes ? Voilà qui serait une expérience fâcheuse, surtout si elle se répétait.

Supposons néanmoins que les policiers feront toujours preuve d’intégrité, d’impartialité et de jugement et que de telles situations ne se produiront jamais. Mais les personnes qui seront interpellées par ces policiers ne peuvent pas savoir d’avance que ces policiers feront toujours preuve d’intégrité, d’impartialité et de jugement, et qu’elles n’auront pas la malchance de tomber sur des zélés imbus de leurs nouveaux pouvoirs. Ainsi le seul fait d’être ou de pouvoir être interpellées comporte déjà quelque chose de déplaisant pour elles, et peut même leur inspirer une certaine crainte. Et la crainte, même si elle n’est pas confirmée par des événements, peut contribuer à les dresser, notamment en ce qui concerne ce qui pourrait les rendre suspectes aux yeux des policiers, qu’il s’agisse de leur tenue vestimentaire négligée, de la coupe de vin qu’elles ont bu en soupant, ou du bric à brac que contient en permanence leur voiture.

Mais un objecteur pourrait dire qu’il en serait ainsi seulement au début. Les personnes qui doivent se déplacer pendant le couvre-feu n’ont pas confiance parce que ces contrôles policiers sont nouveaux pour elles. Mais dans quelques semaines elles verront bien que les policiers n’abusent pas de leur pouvoir. Elles s’habitueront alors à ces vérifications de routine, qui deviendront normales. Je réplique que c’est justement le problème : elles s’habitueront d’autant plus facilement à cette surveillance policière, qu’on ne leur fera jamais ou presque jamais d’ennuis. Elles trouveront normales d’être soumises ou de pouvoir être soumises à des contrôles policiers dont elles n’ont rien à craindre. Elles trouveront normales d’avoir des explications à fournir et des comptes à rendre à des policiers alors qu’elles sont dans leur bon droit. Ce qui constitue déjà une forme de dressage et une diminution de la liberté. Car avant l’occupation de tout le territoire québécois par le Virus, une telle surveillance aurait été inadmissible et même scandaleuse pour beaucoup. Maintenant qu’elle se met sournoisement en place, sous une forme en apparence inoffensive, nous sommes dressés à accepter cette surveillance.

 

L’effet de dressage

Récapitulons pour voir quel est l’effet de dressage qui peut découler du couvre-feu dans les deux cas que nous avons examinés.

D’abord, il y a ceux d’entre nous qui devront rester enfermés chez eux pendant toute la durée du couvre-feu et qui réagiront d’une de ces deux manières: 1) en s’habituant à l’interdiction gratuite et arbitraire de faire des choses qui n’aggravent pas en elles-mêmes la situation épidémiologique, même d’après le narratif officiel des autorités, qui n’a pas besoin de changer pour l’occasion ; 2) ou en se mettant à croire que ces choses qu’on leur interdit gratuitement et arbitrairement sont nuisibles, justement parce qu’on les leur interdit, ce qui pourrait permettre aux autorités d’adapter leur narratif pour faire du Virus une sorte de bonhomme Huit-Heures pour les adultes. Une fois qu’un pas aura été fait dans une direction ou dans l’autre, ces personnes seront toutes disposées à accepter docilement de nouvelles restrictions tout aussi gratuites et arbitraires, soit qu’elles n’aient aucun rapport avec l’évolution de la situation épidémiologique même selon le narratif officiel, soit qu’elles n’aient un tel rapport qu’indirectement, en ce qu’elles faciliteraient la surveillance et l’interpellation par les policiers des personnes qui ne respectent pas des mesures qui, elles, auraient une incidence directe sur la propagation du Virus. La porte est donc grande ouverte à l’adoption d’autres mesures du même acabit, je veux dire encore plus ouvertement gratuites et arbitraires que les précédentes.

Ensuite, il y a ceux qui peuvent parfois circuler malgré le couvre-feu parce qu’ils ont des raisons valables aux yeux de nos autorités, et qui s’habitueront à être surveillés par les policiers pendant leurs déplacements et à leur rendre des comptes. Ce qui revient à dire qu’ils s’habitueront à vivre comme en territoire occupé, car le couvre-feu est une des choses que les armées d’invasion imposent souvent à la population civile pour mieux la surveiller et pour instituer un nouvel ordre et une discipline rigoureuse quant à certains aspects de la vie. Il est vrai que policiers auxquels ils ont affaire ne sont pas des soldats étrangers. Malgré tout, ils sont les agents par lesquels s’impose le nouvel ordre social, sous le signe du Virus, lequel est une entité mystérieuse et diabolique qui n’a rien de commun avec la population. À la limite, c’est encore pire : le territoire est occupé par des agents du Virus qui sont des nôtres, parmi lesquels les policiers sont les moindres, car ils ne font que faire respecter les mesures décidées en haut lieu par les suppôts du Virus. Ceux d’entre nous qui devront se soumettre aux contrôles policiers les accepteront d’autant plus facilement qu’ils ne sont pas faits par des forces étrangères. La porte est donc grande ouverte à la prolifération de l’esprit policier, laquelle va déjà bon train.

Les restrictions à venir peuvent donc s’étendre à des choses qui ne sauraient avoir de lien vraisemblable avec la situation épidémiologique et constituer un moyen de revenir à la normale. Bien au contraire ! La surveillance des récalcitrants ou des délinquants pourrait très bien s’intensifier et devenir un prétexte pour s’ingérer encore plus dans tous les aspects de nos vies, ou ce qu’il en reste. Elle pourrait porter officiellement sur certaines choses, et aussi porter sur d’autres choses qui ne sont pas interdites et qui sont indifférentes ou qui font l’objet de simples recommandations, positives ou négatives. Les esprits sont de plus en plus préparés à ces mesures encore plus arbitraires que les précédentes, ainsi qu’à la surveillance policière (ou autre) nécessaire pour les faire respecter.

 

En guise de conclusion

Si nos autorités adoptent à répétition des mesures sanitaires qui nous rendent plus dociles et plus malléables, et donc qui nous dressent indépendamment de leurs bonnes ou mauvaises intentions à notre égard, nous pouvons nous demander si elles ne désirent pas nous dresser. Il est manifeste qu’elles subordonnent notre liberté à la Santé publique (qu’il ne faut surtout pas confondre avec la santé des individus qui constituent le public) et qu’elles exigent de nous que nous leur obéissions aveuglément et que nous nous mobilisions corps et âme pour venir à bout du Virus. Et l’un des points sur lesquels elles ne nous donnent pas la moindre liberté, c’est justement la manière de concevoir notre propre santé et celle de nos concitoyens.