L’hydroélectricité bientôt sur le gril ?

Nous sommes habitués d’entendre dire – par les scientifiques, par les militants écologistes, par les politiciens et par les journalistes – que les gaz à effet de serre émis en raison de notre consommation d’hydrocarbures vont provoquer un grave réchauffement climatique, ou encore des changements climatiques ; et que, si nous ne faisons rien pour réduire cette consommation, nous sommes condamnés à crever à petit feu et à détruire la planète. Depuis que des sanctions économiques visant les exportations russes de gaz naturel et de pétrole ont été imposées par beaucoup de pays occidentaux, et que le secteur énergétique russe se détourne de plus en plus de l’Occident pour se réorienter vers l’Orient (c’est de bonne guerre), la propagande environnementaliste s’est intensifiée. Nous en venons à nous demander si cette propagande sert à faire passer les pénuries d’hydrocarbures qui en résultent pour un bien ou du moins mal nécessaire, ou si ces sanctions et leurs conséquences énergétiques sont instrumentalisés pour imposer aux pays occidentaux un virage énergétique « vert » et ainsi sauver la planète et l’humanité. Quoi qu’il en soit, nous qui sommes Québécois nous sentons moins concernés que Européens, puisque notre alimentation en électricité ne dépend pas d’un approvisionnement régulier en gaz naturel, mais plutôt de nos barrages hydroélectriques. Autrement dit, ce serait surtout le secteur des transports qui serait touché par les difficultés d’approvisionnement et la hausse des prix du pétrole, et le problème pourrait être résolu par une électrification des transports, rendue possible chez nous par la construction de nouveaux barrages hydroélectriques, puisque l’hydroélectricité est une forme d’énergie renouvelable, qui aurait de surcroît l’avantage d’être propre.

Nous pourrions bientôt déchanter. Les scientifiques s’intéressent de plus en plus aux émissions de gaz à effet de serre qui seraient causées par les barrages électriques. Quant aux journalistes, ils relaient ces informations et défendent l’énergie éolienne et, dans une moindre mesure, l’énergie solaire.

Par exemple, un article de La Presse (8 septembre 2022) nous informe qu’un professeur de l’UQAM – Yves Prairie, membre du GRIL (Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie) et titulaire de la Chaire Unesco en changements environnementaux à l’échelle du globe – a fait une étude qui montrerait que d’importantes émissions de CO2 se produiraient longtemps après la construction des barrages hydroélectriques :

« Pour obtenir un barrage hydroélectrique, il faut créer un réservoir en inondant un territoire. Or, cette opération provoque une rapide décomposition des matières organiques qui s’y trouvent, entraînant du même coup une hausse des émissions de CO2. Celles-ci sont plus importantes dans les 20 années suivant la construction d’un barrage, avant de décliner par la suite, explique Yves Prairie, qui est également titulaire de la Chaire UNESCO en changements environnementaux à l’échelle du globe de l’UQAM. L’étude a permis d’établir que c’est en 1987 que les émissions de dioxyde de carbone issues des grands réservoirs ont atteint leur maximum. Une conclusion logique quand on sait que la majorité des grands barrages dans le monde ont été érigés dans les années 1950 à 1970. Le professeur Prairie rappelle néanmoins que ces émissions, même si elles diminuent, demeurent stockées dans l’atmosphère pendant plusieurs décennies. Un peu à l’image d’une baignoire : même si on ralentit le débit d’eau, celle-ci continue de se remplir. »

Et il y aurait aussi des émissions de méthane :

« Les émissions globales de CO2 des grands réservoirs seraient comparables aux émissions annuelles du secteur des déchets ou celui de la production de solvants, très loin derrière les grands émetteurs comme l’énergie, les transports ou l’agriculture. Une des variables dont il faut aussi tenir compte, selon Yves Prairie, c’est le type de territoire qui est inondé. « Si le territoire est très pentu ou s’il est plat, le résultat ne sera pas le même. » La quantité de matière organique qui se trouve inondée varie en effet selon la topographie. Mais l’étude intitulée Reservoir CO2 and CH4 emissions and their climate impact over the period 1900-2060 s’intéresse également au méthane, gaz à effet de serre jusqu’à 80 fois plus puissant que le carbone bien que sa durée de vie dans l’atmosphère soit beaucoup plus courte. Et les résultats sont plus inquiétants. »

S’il est vrai que le chercheur précise que la production de méthane est plus élevée dans les pays chauds, et aussi qu’il propose des ajustements pour réduire les émissions du méthane, les barrages hydroélectriques pourraient devenir le prochain ennemi à abattre des fanatiques de la lutte contre les changements climatiques, lesquels ne sont pas reconnus pour leurs positions nuancées et réfléchies. Nous, qui dépendons de l’hydroélectricité, ne perdons peut-être rien pour attendre. Le tour de cette forme d’énergie pourrait venir bien assez vite, ainsi que le nôtre. Et il est douteux que des parcs d’éoliennes construits sur tout le territoire du Québec pourrait satisfaire la consommation en électricité du Québec, ou même seulement suffire pour les hausses à prévoir au cours des prochaines décennies, dues notamment à l’électrification des transports. Il en résulterait alors une baisse de l’énergie proportionnellement à la population, une augmentation des coûts énergétiques, et une baisse généralisée du pouvoir d’achat et du niveau de vie de la population québécoise.