Le rôle des écoles dans la résistance à l’autoritarisme gouvernemental et aux tendances totalitaires

Étant donné le dressage sanitaire des enfants, des adolescents et du personnel enseignant et non enseignant qui a eu lieu dans les écoles en 2020, en 2021 et en 2022, il peut sembler irréaliste et même absurde d’essayer de faire des écoles des lieux où on résisterait à l’autoritarisme et aux tendances totalitaires du gouvernement, et où on cultiverait les capacités de résistance des enfants et des adolescents. En effet, il y a peu d’endroits où la discipline sanitaire – la désinfection compulsive des mains, le dépistage et l’isolement préventif, la distanciation sociale, le port du masque, les « bulles-classes » et la promotion des fameux vaccins – a été appliquée avec autant de rigueur que dans les écoles. Cela s’explique par le fait que, comme les hôpitaux, ces établissements sont directement sous l’autorité du gouvernement, et que les administrateurs scolaires et les enseignants sont dans l’obligation d’appliquer ces règles, sous peine d’être sanctionnées par le gouvernement. Beaucoup ne se font d’ailleurs par priés et sont des collaborateurs zélés. Et cela ne s’applique pas seulement à l’idéologie sanitaire, mais aussi à l’idéologie climatique et à l’idéologie « woke » qui ont été intégrées, sous une forme plus ou moins dogmatique, aux programmes éducatifs en vigueur dans les écoles publiques. Alors comment pouvons-nous raisonnablement espérer faire des écoles des lieux de résistance alors qu’elles sont des lieux de dressage et d’endoctrinement ?

Dans mon billet du 5 février 2023, j’ai essayé de montrer les limites du rôle de la famille dans la résistance. Je pense même avoir montré que des parents endoctrinés et bien dressés sont tout à fait capables de servir de courroie de transmission à la propagande sanitaire du gouvernement et de dresser les enfants, et de quelle manière la vie familiale contribue à faire des adultes de grands enfants disposés à laisser le gouvernement décider ce qui est bon pour eux, en matière sanitaire ou à propos d’autre chose, et à inculquer par leur exemple cette sujétion à leurs enfants. Il en résulte que, si nous abandonnons l’idée de faire des écoles des lieux de résistance contre l’autoritarisme et les tendances totalitaires du gouvernement, nous ne pouvons pas davantage compter sur les familles pour constituer une forme de résistance efficace. Alors, que faire ?

Ce ne serait certainement pas une tâche facile d’intervenir dans l’éducation familiale – qui deviendrait plus importante en raison des défaillances de l’éducation dispensée dans les écoles – afin de s’assurer que les parents qui s’accommodent fort bien du dressage et de l’endoctrinement scolaires soient à la hauteur. Et il faudrait faire la même chose aussi pour les autres parents, car c’est une chose de mal supporter ce dressage et cet endoctrinement, et c’en est une autre de développer les capacités de résistance de leurs enfants et de ne pas simplement les dresser et les endoctriner d’une autre manière. Mais qui pourrait faire ce contrôle de l’éducation familiale ? Le gouvernement en aurait peut-être les moyens, ou pourrait les avoir, mais nous ne serions pas plus avancés, puisqu’il en profiterait pour s’ingérer dans ce qui se passe dans les domiciles privés, et pour en faire des lieux d’endoctrinement et de dressage, comme les écoles – ce qui aurait non seulement des effets sur les enfants, mais aussi sur les adultes.

Même sans cette ingérence du gouvernement, la plus grande importance que nous pourrions vouloir accorder à l’éducation familiale, afin de compenser pour les défaillances de l’éducation scolaire, aurait des effets négatifs importants pour les enfants. Elle favoriserait la transmission des croyances religieuses héréditaires, quelles qu’elles soient, parfois sous une forme dogmatique, alors que l’éducation donnée dans les écoles laïques a ou devrait avoir pour effet une prise de distance à l’égard de ces croyances religieuses et la formation d’une attitude plus tolérante, ce qui est favorable à la démocratie. De plus, l’éducation familiale joue un rôle important dans la reproduction des inégalités sociales et économiques, qui s’aggravent à cause des confinements des dernières années, des plans de relance économique, des politiques écologiques et des sanctions économiques contre la Russie, qui ont pour effet un appauvrissement généralisé de la population, alors que les puissantes élites économiques s’enrichissent de plus en plus, notamment grâce aux fonds publics dépensés pour produire et acheter des centaines de millions de doses de vaccins inefficaces et à l’innocuité douteuse, pour effectuer le virage énergétique vert, et pour fournir de l’équipement militaire à l’Ukraine et la soutenir financièrement. L’éducation scolaire, pour sa part, a ou devrait avoir l’avantage de dégager dans une certaine mesure les enfants de leur milieu socio-économique d’origine, de les exposer à d’autres influences, de développer chez eux des aptitudes intellectuelles qui y sont absentes, sous-développées ou dévalorisées, et de leur fournir des conditions d’apprentissage plus favorables que celles qui existent dans beaucoup de domiciles familiaux.

Ce n’est donc pas pour rien que les classes sociales les plus puissantes et les plus riches se sont efforcées d’exclure, pendant des siècles, la majorité des classes populaires des écoles, par les tarifs exigés, ou par l’incapacité d’arrêter de trimer dur pour étudier. Le peuple, ou la « canaille », était alors facile à maintenir dans la pauvreté, la sujétion, l’obéissance et l’ignorance, et était plus facile à embobiner. Les classes dominantes consolidaient ainsi leur suprématie. Et c’est ce que les classes dominantes continuent de faire en envoyant leurs enfants faire leurs classes dans des écoles privées inaccessibles aux enfants qui viennent de milieux pauvres, modestes ou moins riches, alors qu’elles bousillent le système d’éducation public quand elles sont ministres ou hauts fonctionnaires. C’est pour cette raison qu’il n’est pas raisonnable de croire que les écoles actuelles, qui sont bel et bien des lieux d’endoctrinement et de dressage des enfants et des adolescents, puissent jouer un rôle important dans la résistance à l’autoritarisme et aux tendances totalitaires du gouvernement et des puissantes élites économiques dont il sert les intérêts. Mais n’oublions que si ces écoles ne sont pas à la hauteur de leur fonction démocratique, c’est précisément parce qu’elles n’arrivent pas à faire ce que la famille n’est pas capable de faire, et n’arrivent pas davantage à compenser les inconvénients des milieux familiaux, qu’elles sont de mauvaises écoles. Ainsi les parents, à moins d’avoir les capacités et les moyens de ne pas travailler pour fournir à eux seuls une éducation complète à leurs enfants, doivent bien se garder de s’imaginer que l’éducation familiale est la solution, surtout dans un contexte où les milieux familiaux s’appauvrissent et deviennent de plus en plus défavorables à l’éducation des enfants.

Il va sans dire que les écoles où sont éduqués les enfants et les adolescents doivent être radicalement transformées afin de ne pas leur inculquer des superstitions d’État, compatibles ou incompatibles avec celles qu’on inculque dans les milieux familiaux, et de ne pas reproduire ou renforcer les inégalités liées aux origines sociales. Pour ce faire, ce sont les principes de l’éducation publique qui devraient être changés, car de petits ajustements ne sauraient être suffisants.

Voici dix propositions auxquelles il nous faudrait réfléchir et que je développerai peut-être plus tard, dans d’autres billets.

  1. Les enseignants ne devraient pas être les produits plus ou moins uniformes de la bureaucratie universitaire, presque tous diplômés de programmes d’enseignement semblables. Au lieu de ces exécutants de l’enseignement bien stylés et disposés à appliquer des programmes éducatifs, il faudrait ouvrir la profession à toutes les personnes qui réussiraient une épreuve d’habilitation, laquelle pourrait prendre plusieurs formes, afin d’éviter l’uniformisation des aptitudes intellectuelles et des qualités morales chez les enseignants.

  2. Ayant réussi cette épreuve d’habilitation qui devrait être assez exigeante pour écarter les candidats ignorants, inaptes et stupides, nous devrions considérer que les enseignants ont fait leurs preuves quand ils réussissent cette épreuve. Il en résulte qu’ils devraient bénéficier d’une grande autonomie dans l’exercice de leur profession, et ne pas être contraints de se conformer à des méthodes pédagogiques et à des programmes éducatifs élaborés par des bureaucrates du ministère de l’Éducation et de soi-disant experts de la pédagogie ou de la didactique. Il devrait tout au plus y avoir quelques grandes lignes et quelques grands principes, lesquels auraient justement pour fonction d’assurer une grande liberté d’enseignement, au lieu de l’entraver. Sans cette autonomie dans la pratique de l’enseignement, comment les enseignants pourraient-ils cultiver l’autonomie intellectuelle et morale des enfants et des adolescents, pour qu’ils soient à la hauteur du rôle de citoyen ?

  3. Les enseignants devraient discuter régulièrement avec leurs collègues de leurs expériences d’enseignement et les soumettre à la critique. Pour ce faire, ils pourraient assister régulièrement au cours de leurs collègues et observer les différentes pratiques d’enseignement. Cette approche critique de l’enseignement favoriserait la diversité et l’amélioration de l’enseignement donné aux enfants et aux adolescents. Elle protégerait aussi les élèves contre l’endoctrinement et le dressage, et aussi les enseignants, car on peut très bien s’endoctriner et se dresser soi-même, individuellement et collectivement, en endoctrinant et en dressant les élèves.

  4. Les enseignants devraient avoir moins d’heures de cours à donner et moins d’élèves dans chaque classe, afin qu’ils aient le temps de préparer leurs cours, de s’intéresser à l’apprentissage de chacun de leurs élèves et de réfléchir et de discuter de leurs pratiques d’enseignement.

  5. Le nombre de devoirs et d’évaluations préparés et corrigés par les enseignants devrait être progressivement diminué au fur et à mesure que les élèves grandissent et deviennent autonomes. Non seulement cela permettrait aux enseignants de ne plus passer un temps fou à faire des corrections, mais cela permettrait aussi aux élèves de prendre progressivement en main leur cheminement éducatif et de juger eux-mêmes de leur apprentissage, au lieu de dépendre presque entièrement des évaluations récurrentes pour savoir s’ils sont sur la bonne voie. Voilà qui préparerait les étudiants aux études supérieures et à la formation autodidacte.

  6. Pour rendre possible cette autonomie aussi bien du côté des enseignants que des élèves, ces derniers devraient être soumis à des épreuves de fin d’année pour chacune des disciplines enseignées. Il serait dans l’intérêt des enseignants et des élèves qu’on n’hésite pas à faire échouer les élèves qui ratent ces épreuves, et qu’on regroupe dans de mêmes classes les élèves ayant obtenus des résultats comparables pour une discipline donnée, afin qu’ils bénéficient de cours adaptés à leurs capacités respectives.

  7. En plus de leurs cours, les enseignants pourraient organiser des ateliers auxquels sont admis seulement les élèves qu’ils sélectionnent (souvent les plus doués) en fonction de critères qu’ils sont libres de choisir. Le caractère sélectif de ces ateliers devraient provoquer l’émulation chez les élèves. Il est néanmoins possibles, pour les enseignants qui le désirent, d’organiser des ateliers seulement pour les élèves qui ont davantage de difficulté, pour essayer de trouver des formes d’apprentissage pouvant leur convenir.

  8. Les enfants provenant de familles riches devraient fréquenter les mêmes écoles que les enfants provenant de familles moins riches, modestes ou pauvres. Contrairement à ce qui se passe maintenant parce que les riches envoient leurs enfants dans des écoles privées, les chefs politiques, les hauts bureaucrates et les autres riches auraient alors intérêt à user de leur pouvoir et de leur influence pour que les écoles publiques soient assez bonnes pour leurs enfants, ce qui aurait pour effet qu’elles deviendraient meilleures pour les autres enfants que le sont les écoles publiques actuelles.

  9. Afin d’atténuer les désavantages dus au hasard d’être né dans un milieu familial plus ou moins défavorisé et peu cultivé (ce qui arrivera de plus en plus souvent étant donné le renforcement rapide des inégalités économiques auquel nous assistons), et aussi de favoriser le mélange des classes sociales, les écoles devraient devenir des milieux de vie où les élèves demeureraient après les cours, même pour y dormir, en ne retournant chez leurs parents seulement pendant les fins de semaine. On peut imaginer des séjours de quelques semaines ou de quelques mois, à condition que les écoles soient adaptées en conséquence et qu’elles offrent aux élèves toutes sortes d’activités intéressantes, organisées par des enseignants ou d’autres personnes habilitées à éduquer les enfants autrement qu’en leur donnant des cours. La cohabitation d’enfants provenant de milieux sociaux très différents et le partage d’un même milieu de vie auraient pour effet que la réussite scolaire serait beaucoup moins déterminée par les origines sociales, mais le serait plutôt par les aptitudes de chaque enfant (selon son mérite, si on préfère) ; et que les classes sociales héréditaires, au lieu de se reproduire ou de se renforcer, s’atténueraient, notamment par le fait que les enfants des familles riches ne passeraient pas leur enfance et leur adolescence à l’écart des enfants des autres familles, ce qui les dispose actuellement à s’imaginer que ces derniers appartiennent à une sorte de « race inférieure » qu’ils apprennent à mépriser.

  10. Les écoles devraient être des lieux où les intérêts des enfants et des adolescents sont ce qui est le plus important. Après tout, ils sont les futurs citoyens et l’avenir de notre société. Il faudrait donc formellement interdire qu’on y impose aux élèves des consignes ou une discipline, sanitaires ou autres, au nom des intérêts, du bien ou de la sécurité des enseignants, de leurs parents, des personnes âgées ou des autres personnes jugés plus vulnérables. Bref, l’éducation doit être la priorité dans les écoles, et elle ne saurait être sacrifié à un besoin maladif de sécurité ou de discipline.

Je ne prétends pas faire ici le tour de la question. Non seulement ces principes éducatifs sont discutables et doivent même être soumis à la critique, mais il est sans doute possible de proposer d’autres principes, compatibles ou non avec eux.

Ceci dit, il ne faut pas nous imaginer que nos chefs politiques, les bureaucrates du ministère de l’Éducation, les administrations scolaires et les enseignants participent à cette discussion et se montrent ouverts à l’application de tels principes éducatifs. Si cela pouvait se produire, la situation dans les écoles publiques serait déjà beaucoup moins désespérée. Bien au contraire, nous pouvons nous attendre à ce que la majorité de tout ce beau monde à qui nous confions l’éducation des enfants et des adolescents s’opposent avec vigueur à une réforme de l’éducation qui entrerait en conflit avec les grandes tendances pédagogiques actuelles et qui pourrait s’opposer efficacement à l’endoctrinement et au dressage, ainsi qu’à l’autoritarisme et les tendances totalitaire du gouvernement. Il nous faut donc espérer qu’une occasion se présente d’appliquer certains de ces principes, ou essayer de créer cette occasion, malgré l’opposition de tout ce beau monde et des puissantes élites économiques dont il sert, à son insu ou non, les intérêts. Ce qui est un tour de force.