La santé mentale de nos autorités

C’est l’usage, depuis que l’état d’urgence sanitaire a été déclaré, de nous inquiéter de la santé mentale des enfants, des jeunes, des parents, des professionnels de la santé et des personnes qui habitent seules, qui éprouvent des difficultés économiques ou qui sont âgées ou vulnérables. Certains de nos concitoyens ou de nos proches, pour qui nous sommes des complotistes, se soucient aussi de notre santé mentale. Mais les grandes oubliées, dans toute cette histoire, ce sont nos autorités politiques et sanitaires. On en vient presque à oublier qu’elles aussi, elles sont des êtres humains. Puisqu’elles s’investissent entièrement dans la lutte contre le Virus et qu’elles donnent sans compter pour protéger la santé de toute la population, elles tendent à s’oublier. C’est donc notre devoir, en tant que citoyens, de faire preuve de la même bienveillance envers nos autorités. Ne soyons pas ingrats. Montrons-leur toute notre reconnaissance en nous souciant de leur bien-être mental. C’est d’ailleurs dans notre intérêt de le faire, tout comme c’est dans leur intérêt de se soucier de notre bien-être mental. Nous n’avons pas plus envie d’être gouvernés par des autorités qui souffrent de troubles psychologiques, qu’elles ont envie de gouverner une population qui est instable psychologiquement. Cela est d’intérêt public, car de tels troubles pourraient avoir des effets dévastateurs sur l’ensemble de notre société.

Voyons quels sont les facteurs de risques associés à la situation dans laquelle se trouvent nos autorités. Compte tenu des grandes responsabilités qui pèsent sur leurs épaules depuis un an, et du fait qu’elles sont toujours sous le regard des citoyens, des partis d’opposition et des journalistes, il est vraisemblable :

  • qu’elles soient exposées à un niveau de stress très élevé et soutenu ;

  • qu’elles souffrent régulièrement d’insomnie ;

  • qu’elles soient surmenées et peut-être même au bord de l’épuisement ;

  • qu’elles soient obsédées par une idée fixe, à savoir la guerre contre l’ennemi invisible et insidieux qu’est le Virus.

Nous savons tous, par expérience, que ces facteurs peuvent altérer nos sentiments et nos capacités intellectuelles. Mais pour nos autorités – les pauvres ! –, cela prend probablement une intensité et des proportions que nous pouvons difficilement concevoir. Être responsables de la santé et de la sécurité de 8 millions de personnes, ce n’est pas rien. Il est donc fort possible qu’elles aient beaucoup de difficulté à évaluer adéquatement la situation dans laquelle nous nous trouvons, à calculer froidement les avantages et les inconvénients des pistes de solutions qui se présentent à elles, et à prendre assez de recul pour soumettre à la critique leurs sentiments, leurs idées et leurs déclarations publiques.

Je précise qu’il ne s’agit pas de dénigrer nos autorités : je reconnais volontiers que la plupart d’entre nous, s’ils se trouvaient à leur place, éprouveraient les mêmes difficultés. Mais on ne doit pas pour autant en conclure que la situation dans laquelle nous nous trouvons cesse de poser problème. Bien au contraire, nous ne pouvons pas expliquer simplement ces difficultés par des faiblesses psychologiques des personnes qui occupent ces positions d’autorités. C’est la situation dans laquelle elles se trouvent, et dans laquelle pourraient se trouver d’autres personnes, qui est à l’origine de ces faiblesses et de ces difficultés.

Les choses ne s’améliorent décidément pas quand nous considérons d’autres aspects de la situation de nos autorités. Alors que notre vie a été bouleversée par la venue du Virus et les mesures sanitaires décrétées par les autorités politiques et sanitaires, et que nous nous sentons impuissants face à la situation, ces autorités disposent pour leur part de pouvoirs accrus depuis un an et ont par conséquent acquis un sentiment de la puissance qui leur est dévolue. Ce n’est pas une petite affaire que de pouvoir enfermer presque toute la population du Québec à la maison ; de pouvoir autoriser certaines activités et en interdire d’autres selon l’idée que l’on se fait de la situation épidémiologique ; de pouvoir ordonner la fermeture de secteurs entiers de l’économie ; de pouvoir obliger beaucoup de travailleurs et d’employeurs à favoriser le télétravail ; de pouvoir contraindre de nombreux enseignants et élèves, et de nombreux professeurs et étudiants, à donner ou à suivre des cours à distance ; de pouvoir déterminer à quelles conditions les entreprises, les commerces, les restaurants, les bars et les écoles peuvent ouvrir leurs portes. Ne nous le cachons pas : une telle concentration de pouvoir peut monter à la tête des personnes qui l’exercent, surtout quand l’état d’exception qui l’a rendu possible semble s’éterniser et ne semble pas devoir prendre fin dans un avenir rapproché. Ce n’est pas pour rien que les monarques – à plus forte raison s’ils croyaient tenir leur couronne de Dieu lui-même – ont eu assez souvent des épisodes de folie et opté pour des politiques désavantageuses pour eux et leurs sujets, par opposition à leurs sujets de condition médiocre qui tendaient plus souvent à agir de manière raisonnable et sobre. Mais les monarques avaient au moins la chance, dans certains cas, de recevoir une éducation qui les préparait à l’exercice d’un pouvoir aussi démesuré (qui était le principe même de beaucoup de monarchies), contrairement à nos autorités qui n’ont pas été préparées à gouverner comme des sortes de monarques. Un tel pouvoir risque donc plus fréquemment de griser nos autorités et de troubler leur esprit.

Le fait que nos autorités agissent ou croient agir pour de bonnes raisons ne change rien à l’affaire. On peut même craindre que ce soit pire, car alors elles pourraient se croire investies d’une mission. Même si l’État québécois est censé être laïc depuis une cinquantaine d’années, des relents de christianisme persistent assurément. Il n’est pas dit que nos autorités, quand elles exercent le pouvoir politique et bureaucratique, ne se voient plus comme des sortes de bergers dont la mission est de guider et de protéger les troupeaux, bien que le salut visé ne soit plus celui du christianisme. À l’occasion d’une crise véritable ou fantasmée, il est même possible que ces autorités soient atteintes du syndrome du sauveur, sous une forme proportionnée aux grands pouvoirs dont elles disposent. Alors que les simples particuliers atteints de ce syndrome tyrannisent leurs proches pour les « sauver » et se valoriser, nos autorités politiques et sanitaires – si elles sont bien atteintes de ce syndrome – pourraient tyranniser toute la population québécoise pour la « sauver » du Virus et se croire indispensables. À l’échelle d’un État, les conséquences de ce syndrome peuvent être catastrophiques. La tyrannie, les persécutions, les révoltes et les guerres civiles qui ont généralement résulté des tentatives de « sauvetage » des monarques qui se sont cru investis d’une mission divine (imposer une nouvelle foi à leur peuple, purger leur royaume de l’hérésie, convertir les fidèles des autres religions, etc.) le montrent bien. Même si la situation actuelle diffère, il est plausible qu’il ne résultera rien de bon du syndrome du sauveur dont semblent souffrir nos autorités. Même si elles n’en viennent pas aux mêmes abus et à la même répression que les monarques investis d’une mission divine, les autorités atteintes de ce syndrome pourraient faire beaucoup de mal à notre société, ne serait-ce que par leur désir de continuer à jouer indéfiniment le rôle de sauveurs, ce qui rendrait douteux un retour à la « normale » d’avant le Virus, même après la « vaccination » massive de toute la population québécoise. Plus de COVID, plus de sauveurs. Et nos autorités, si elles sont atteintes de ce syndrome, ont besoin que la population ait besoin d’elles ou croient avoir besoin d’elles.

Nous ne pouvons toutefois pas nous en tenir à des considérations aussi générales sur des facteurs de risques pour diagnostiquer nos autorités de ce syndrome ou d’autres troubles psychologiques. Ce sont les comportements et les déclarations de nos autorités qui sont déterminantes.

L’acharnement avec lequel nos autorités entendent nous sauver malgré nous, ou nous faire croire qu’elles nous sauveront, depuis le début de la « crise sanitaire », peut être interprété comme un signe de syndrome du sauveur. En effet, on ne cesse de nous dire que le Virus n’épargne personne et qu’il faut par conséquent prendre toutes sortes de mesures sanitaires très contraignantes pour protéger la santé de tous. Pourtant il est notoire, d’après les statistiques officielles, que le Virus n’entraîne que rarement des complications et des décès chez la majorité de la population. La majorité des personnes qui ont de graves complications ou qui décèdent des suites d’une infection par le Virus ont déjà atteint ou dépassé l’espérance de vie et ont souvent d’importants problèmes de santé. Les autorités, éprises de leur rôle de sauveurs, n’en martèlent pas moins que c’est nous tous qui devons être sauvés par les mesures décrétées, individuellement et collectivement. D’ailleurs, ne sommes-nous pas considérés comme atteints de la maladie à coronavirus même quand nous serions seulement porteurs du Virus, sans avoir le moindre symptôme ? Ainsi nos autorités nous confinent tous plus ou moins intégralement alors qu’il serait plus raisonnable, s’il s’agissait vraiment de réduire la fréquence des complications graves et des décès, d’isoler seulement les personnes à risques, qui sont facilement identifiables (par exemple les résidents des CHSLD). Mais ne décide pas de ne pas être sauvé qui veut. Tous doivent être sauvés ! C’est précisément pour cette raison que nos autorités se sont mises dans la tête de tous nous « vacciner » pour nous protéger d’un mal qui est minime pour beaucoup d’entre nous, en allant même jusqu’à reporter l’injection de la deuxième dose censée procurer une immunité presque totale aux personnes âgées et vulnérables. C’est aussi pour cette raison que notre premier ministre a déclaré publiquement que tous les Québécois recevront une première dose de « vaccin » d’ici la fin du mois de juin, sans tenir compte du fait que beaucoup d’entre nous pourraient ne pas vouloir être « vaccinés ». Ce qui montre qu’à ses yeux, nous sommes la chose du gouvernement, qui peut disposer à son gré de nos personnes, dans le cadre de sa mission salvatrice. Ce qui donne aussi à notre premier ministre une occasion supplémentaire de se lancer à lui-même des fleurs et de vanter sa gestion de la « crise sanitaire », et laisse entrevoir un certain désordre de personnalité narcissique très répandu chez les personnes qui occupent des positions d’autorité et qui sont constamment exposées aux feux de la rampe.

L’entêtement avec lequel nos autorités interprètent l’évolution de la situation épidémiologique comme étant des effets des mesures sanitaires salvatrices, ou comme étant des effets du manque d’adhésion de la population à ces mesures, semble confirmer que la compréhension qu’elles ont de la réalité est fortement déterminée par la fiction de rédemption dans laquelle elles jouent le rôle principal et qui pourrait prendre le pas sur la science. Comme si la « pandémie » ne pouvait pas avoir aussi sa dynamique propre et être affectée par d’autres facteurs qui n’ont rien à voir avec les mesures sanitaires et le manque d’adhésion présumé de la population.

Quant à la tendance des autorités à personnifier le Virus (« il est sournois et traître et peut nous planter un couteau dans le dos si nous ne nous méfions pas ») et à personnifier la science (« la Science dit telle chose ou a montré telle chose », « ceci n’est pas conforme à ce que dit la Science », etc.), elle peut s’expliquer par une tentative d’en faire des personnages pouvant être incorporés à cette fiction de sauvetage, où les forces du bien (les partisans de la Science) affrontent les forces du mal (le Virus et tous ceux qui n’adhèrent pas aux révélations de la Science, y compris de nombreux médecins et scientifiques, dont certains de réputation internationale). Il en va de même des efforts faits pour faire sentir la menace présumée des variants du Virus, comparés à des requins nageant sous une mer en apparence calme par la plus haute autorité en santé publique de la province. Il en va aussi de même de la sûreté des « vaccins », proclamés depuis un an comme la voie de la rédemption : la Science aurait prouvé qu’ils ne sont pas susceptibles d’avoir des effets secondaires fréquents à moyen ou à long terme grâce à des études cliniques de quelques mois…

Enfin, il est à craindre que nos autorités aient développé une forte dépendance psychologique à cette fiction de sauvetage de la population québécoise. Si c’est bien le cas, rien ne nous assure qu’elles désirent un retour à la « normale d’avant le Virus » après la « vaccination » massive de la population québécoise. Pour être nos sauveurs, elles ont besoin du Virus comme les prêtres ont besoin du diable et du péché pour continuer à veiller au salut de leurs ouailles qui, si elles étaient sauvées une fois pour toutes, pourraient cesser d’être dans leur dépendance. Voilà qui expliquerait pourquoi, alors qu’elles insistent sur l’efficacité des « vaccins », nos autorités ne cessent de nous rappeler que la « vaccination » massive de la population n’entraînera pas immédiatement la fin des mesures sanitaires, que certaines d’entre elles sont là pour « rester un certain temps », qu’on ignore la durée exacte de l’immunité procurer par les « vaccins », que celle-ci serait tout au plus de quelques années (peut-être seulement d’une année), que le Virus pourrait devenir endémique et saisonnier, et que de nouveaux variants résistants aux « vaccins » actuels pourraient apparaître. Voilà qui expliquerait aussi pourquoi nos autorités politiques et sanitaires se gardent bien de nous dire quelles conditions doivent être réunies pour qu’elles mettent fin à l’état d’urgence sanitaire.

Si je vois juste, nos sauveurs ne sont pas près de nous libérer, car ils semblent concevoir le sauvetage comme un processus perpétuel prétendument justifié par une menace persistante à notre santé et à notre sécurité.


Il est vrai que je ne suis pas psychiatre. C’est pourquoi j’en appelle aux spécialistes de cette discipline pour qu’ils soumettent à un examen psychiatrique rigoureux les autorités politiques et sanitaires qui nous gouvernent comme des monarques depuis un an et, au besoin, les déclarent inaptes à occuper ces fonctions plus longtemps. Il en va du salut de la collectivité et des individus. Les psychiatres devraient ensuite prendre en charge ces personnes et leur faire suivre une thérapie dans laquelle on leur apprendrait à ne plus jouer aux sauveurs, à pratiquer le lâcher-prise et à se concentrer sur elles-mêmes, comme on le fait généralement pour les simples particuliers qui sont atteints du syndrome du sauveur. Au lieu de se vexer de ce traitement, nos autorités devraient y voir une marque de bienveillance des psychiatres à leur égard, puisque ceux-ci agissent de la sorte parce qu’ils se soucient de leur santé mentale et veulent leur bien.

Je conseille aussi aux psychiatres d’étudier la question suivante : est-ce que les pouvoirs que confère l’état d’urgence sanitaire aux autorités constituent un facteur de risques de troubles psychologiques suffisamment importants pour exposer la collectivité à des maux encore plus grands que ceux que permettrait d’éviter cette concentration du pouvoir ? Si tel était le cas, les psychiatres devraient présenter un mémoire à l’Assemblée nationale, non seulement pour lui demander de révoquer l’état d’urgence sanitaire, mais pour abroger les articles de la Loi sur la santé publique qui le concernent. Car ce serait de la folie de donner autant de pouvoir à des personnes qui deviennent psychologiquement vulnérables en raison de ce pouvoir même.

S’il s’avérait impossible d’abroger cette loi de cette manière, les psychiatres devraient à tout le moins recommander qu’on y inscrive que les autorités qui déclarent l’état d’urgence sanitaire soient automatiquement placées sous haute surveillance psychiatrique, compte tenu des importants facteurs de risques associés aux pouvoirs accrus qui leur sont ainsi conférés, du stress important lié à la situation sanitaire et de la gravité des conséquences des troubles psychologiques pour la collectivité. Qui plus est, cela dissuaderait les autorités de déclarer à la légère l’état d’urgence sanitaire ou de le prolonger indûment.