La priorité : sauver des vies

Les mesures prises par le Gouvernement du Québec, depuis le dépistage des premiers cas d’infection, ont pour objectif de sauver des vies, nous dit-on. Si on ordonne la fermeture des garderies, des écoles primaires et secondaires, des cégeps et des universités, et peu à peu d’une foule d’entreprises, si on interdit les visites dans les résidences de personnes âgées et les rassemblements intérieurs et extérieurs, c’est pour ralentir la propagation du Virus et préparer le système de santé à accueillir ceux qui auront besoin d’être hospitalisés et éviter qu’il ne soit littéralement débordé ; bref, c’est pour réduire le nombre de décès. C’est la priorité du Gouvernement dans la crise actuelle. Et c’est pour cette raison que c’est le directeur national de la Santé publique qui a décidé des mesures déjà prises ou qui les a recommandées à la ministre de la Santé ou au premier ministre. C’est aussi pourquoi les ministres des Finances et de l’Économie, pour ne nommer qu’eux, se retrouvent de fait subordonnés au directeur national de la Santé publique et à la ministre de la Santé, la pandémie étant avant tout considérée comme une affaire de santé. Le rôle de ces autres ministres est alors de fournir aux autorités sanitaires les moyens nécessaires à la mise en œuvre de leurs décrets, et d’atténuer les effets collatéraux de ces décrets sur l’économie, par exemple grâce à des programmes d’aide aux entreprises en difficulté, de même qu’à ceux des nombreux travailleurs massivement mis à pied qui ne sont pas éligibles à l’assurance-emploi ou à la prestation d’urgence du Gouvernement fédéral. Et on dira que c’est dans l’ordre des choses : les vies humaines ne doivent pas être sacrifiées aux finances de l’État et à l’économie. C’est plutôt l’argent de l’État qui doit servir à sauver des vies. Quant aux inconvénients économiques des mesures prises pour lutter efficacement contre la propagation du Virus, ils ne sauraient être mis dans la balance avec les vies sauvées. Autrement dit, la santé et la vie sont plus importantes que l’argent. Comme on dit, la vie n’a pas de prix.

Mais posons maintenant quelques questions. Pourquoi ce principe, qui s’impose comme une évidence dans la situation exceptionnelle que représente la pandémie, a-t-il été négligé, ignoré ou nié dans beaucoup de politiques portant sur la santé et l’économie au cours des dernières décennies ? Qu’on considère combien sont coûteux certains médicaments qui ne sont pas couverts par le régime d’assurance-maladie public, par exemple ceux pour traiter certains types de diabète ; le manque d’ambulanciers pour répondre efficacement aux urgences dans certaines régions ; au nombre de patients qui attendent une chirurgie cardiaque, par exemple en raison du manque de personnel médical ; aux infirmières dont la charge de travail est excessive, et qui finissent par s’épuiser et par tomber malades ; et au nombre de lits disponibles aux soins intensifs par rapport au nombre d’habitants (les mêmes lits dont on veut aujourd’hui augmenter le nombre pour sauver des vies) ; etc. Et comment un même État, prétendument si soucieux de la vie et de la santé de sa population, comme tant d’autres en Occident, peut-il en toute cohérence tolérer ou même encourager la production de masse d’aliments où l’on trouve des traces d’insecticide pouvant à la longue causer des cancers ou d’autres maladies, ainsi que le mode de vie qui résulte de l’obligation, pour beaucoup de personnes, de travailler 35 ou 40 heures par semaine pendant des décennies, et qui a pour effet une augmentation des maladies qui dégradent la santé ou qui finissent par entraîner la mort, par exemple les maladies cardiovasculaires ? Laissons de côté la question de savoir si c’est l’argent dépensé pour le secteur de la santé qui manque pour offrir à la population de meilleurs soins de santé, ou si c’est l’utilisation inadéquate de l’argent dépensé par l’État, dans le domaine de la santé. Laissons aussi de côté la question de savoir si la santé de la population est simplement sacrifiée aux profits des entreprises agroalimentaires, ou si ce sacrifice sert la prospérité de toute la société, puisqu’on ne pourrait pas nourrir toutes ces personnes sans consacrer une partie importante des forces de travail à la production de nourriture, et sans les détourner d’autres activités économiques. Laissons aussi de côté la question de savoir si l’on exige l’assiduité des travailleurs durant la plus grande partie de leur vie pour mieux permettre à leurs employeurs de les exploiter, ou si l’obligation de travailler tout ce temps a pour raison la prospérité du plus grand nombre. Pour toutes ces questions, il est évident, dans un cas comme dans l’autre, que la santé est subordonnée à l’économie, que l’argent n’est pas un moyen de procurer la santé et de sauver ou de prolonger des vies, et qu’on ne s’en soucie guère. On dira même que c’est dans l’ordre des choses. Ainsi, quand quelqu’un remet en question le primat de l’économie sur la santé dans ces cas et dans d’autres semblables, on a tôt fait – ou du moins avait-on tôt fait, il n'y a pas si longtemps – de le qualifier d’idéaliste et de rêveur qui n’a pas les pieds sur terre et qui ne comprend pas la dure réalité économique qui est la nôtre.

Posons maintenant la question contraire : n’est-il pas étrange, voire suspect, dans le contexte de la pandémie, de prétendre faire maintenant tant de cas de la santé et de la vie, au point d’être prêt à paralyser presque entièrement l’activité économique pendant des semaines ou même des mois, avec tous les effets que cela peut avoir sur les finances de l’État, sur la survie des entreprises et sur la situation financière des particuliers ? Qu’on y réfléchisse.

Avant de continuer, clarifions quelque chose d’important. Une certaine prospérité économique – pas seulement celles des entreprises, des actionnaires et des banquiers, mais aussi celles des travailleurs – est un facteur déterminant quant à la santé et à l’espérance de vie des individus, alors qu’inversement la pauvreté et la misère, avec leur lot de maux et de soucis, ont tôt fait de miner la santé et d’abréger les vies. Il serait donc simplificateur de considérer que l’argent peut contribuer à la santé et éviter des morts seulement quand il est utilisé pour financer le système de santé, et qu’on contribue nécessairement à protéger la vie et la santé de la population en paralysant l’activité économique pendant des semaines ou des mois sous prétexte d’endiguer la propagation du Virus. Autrement dit, on pourrait aussi bien affirmer sauver des vies en refusant de paralyser l’activité économique pendant des semaines ou des mois. La question que nous avons intérêt à nous poser est donc celle-ci, dans l’hypothèse qu’il ne faille pas aussi prendre en compte autre chose que la santé et la vie de la population : protège-t-on davantage la santé et la vie de la population en paralysant l’économie le temps que la pandémie soit chose du passé, ou bien en refusant de le faire, quitte à essayer de trouver d’autres moyens de mettre fin à la pandémie et de réduire la propagation du Virus et les décès ?

On dira que la paralysie imposée à l’économie est temporaire et que la vie reprendra normalement après la pandémie, peut-être pas immédiatement, mais petit à petit. Ce n’est qu’une période difficile à travers laquelle il faut passer. Par opposition, les décès dus au Virus, eux, sont irréversibles. Mais sait-on combien de temps durera cette paralysie temporaire ? Notre ministre des Finances reconnaît lui-même qu’il n’en a pas la moindre idée, que ce n’est pas son affaire de le savoir, et se contente de dire que c’est une affaire de santé publique. Quant à notre ministre de la Santé et à notre directeur national de la Santé publique, ils ne semblent pas en mesure de répondre à cette question, si on en juge à leur manière d’adopter des mesures de lutte contre la propagation du Virus, c’est-à-dire de prolonger l’état d’urgence tous les quatorze jours et de multiplier et de radicaliser les mesures de distanciation sociale de jour en jour, sans qu’on sache de quelle manière devrait évoluer la situation pour qu’on décide de mettre fin à l’état d’urgence sanitaire. Ou, si du moins notre ministre de la Santé et notre directeur national de la Santé publique savent approximativement combien de temps devraient durer l’état d’urgence sanitaire et les mesures qui l’accompagnent, ils se gardent bien de le dire au public, malgré les exercices de communication publique auxquels ils s’adonnent tous les deux, presque quotidiennement. Voilà qui devrait suffire à nous inquiéter, que ce soit de l’ignorance de nos dirigeants, ou de leur manque de transparence.

Compte tenu de l’ignorance dans laquelle nous, simples citoyens et profanes, sommes à ce sujet, et que nos décideurs et experts partagent peut-être avec nous, faisons la conjecture que l’état d’urgence sanitaire durera au minimum quelques mois, voire davantage. Et il y a tout lieu de croire que sa prolongation, de même que les nouvelles mesures visant à ralentir la propagation qui seront adoptées dans la foulée, auront pour effets une diminution encore plus grande de l’activité économique, et par conséquent l’augmentation du nombre d’entreprises menacées de faillite et du nombre de travailleurs mis à pied. Qu’on considère par exemple les entreprises dont les employés ont pu sans trop de problèmes faire du télétravail durant les premiers mois de l’état d’urgence sanitaire, disons de petites et moyennes entreprises œuvrant dans le domaine de l’informatique : que se passera-t-il quand leurs principaux clients, qui sont des entreprises, devront fermer leurs portes ou réduire leurs activités en raison du brusque ralentissement de l’activité économique ? Les employés de ces entreprises seront eux aussi progressivement mis à pied, et peut-être un jour ces entreprises décideront-elles d’interrompre leurs activités ou même de fermer leurs portes, afin de ne pas poursuivre des activités déficitaires ; ce qui aura forcément des effets sur les autres entreprises qui n’auront pas encore cessé leurs activités, et qui ont pour clients ces entreprises d’informatique ou leurs employés ; ce qui aura bien entendu des répercussions sur l’activité économique d’autres entreprises ; etc.

À partir de ce point, imaginons deux scénarios : l’un optimiste, l’autre pessimiste.

Le scénario optimiste se résume ainsi : les gouvernements canadiens et québécois, en assouplissant les conditions d’admissibilité à l’assurance-emploi et en créant des programmes d’aide aux travailleurs qui ne sont pas admissibles à cette dernière, réussiront à offrir une aide financière suffisante aux millions de nouveaux chômeurs, ce qui leur permettra de ne pas tomber dans la misère aussi longtemps que durera la pandémie ; et, en créant des programmes d’aide financière aux entreprises menacées de faillite, permettront à ces dernières de survivre à la période de paralysie économique qui accompagnera la pandémie. Les revenus en impôts et en taxes des deux paliers de gouvernements diminueront considérablement durant cette période, alors que leurs dépenses augmenteront de manière significative, d’autant plus qu’il aura fallu dépenser de grandes sommes d’argent pour garder sur le pied de guerre tout le système de santé pendant quelques mois, que ce soit pour acquérir du matériel médical (de nouveaux lits d’hôpital, des respirateurs artificiels et des ventilateurs très coûteux, par exemple), pour payer aux médecins les actes médicaux accomplis à distance, pour rémunérer le personnel médical retraité qu’on a appelé en renfort, ou pour financer une campagne de dépistage massif de la population. Autrement dit, ils feront un déficit, dont l’importance dépendra du nombre de mois que durera l’état d’urgence sanitaire. Supposons aussi que les banques, bien que fragilisées par cette période de paralysie économique, ne fassent pas faillite ou n’aient pas besoin d’être renflouées par l’État pour éviter la faillite. En pareilles circonstances, il est probable que l’État, après avoir mis fin aux programmes d’aide créés à l’occasion de la pandémie, voudra à la fois alléger le fardeau fiscal des entreprises pour relancer l’économie, et renflouer ses coffres ; et ce, aux dépens des particuliers, en tentant d’accroître ses revenus grâce à l’augmentation des impôts sur le revenu, à l’augmentation des taxes sur la consommation déjà existantes, ou à la création de nouvelles taxes de cette espèce et de nouveaux frais pour avoir accès à l’éducation supérieure ou à des soins de santé ; et en essayant de diminuer les dépenses liées au système d’éducation et au système de santé, en se désengageant de ce qui a relevé jusqu’à maintenant de l’État pour le céder dans une certaine mesure au secteur privé, en repoussant l’âge de la retraite, et en rendant plus sévères les conditions d’accès à l’assurance-emploi et à l’aide financière de dernier recours, tout en réduisant les prestations ou en cessant de les indexer au coût de la vie. Le fait que ces politiques puissent en fait nuire à la relance de l’économie et, du même coup, nuire aux finances des gouvernements canadiens et québécois, ne signifient pas qu’on ne les adoptera pas, comme en témoignent les politiques d’austérité adoptées dans de nombreux pays suite à la crise économique qui a commencé en 2008. Et comme à la pénurie de main-d’œuvre que nous connaissions il y a à peine quelques semaines, se substituera une pénurie d’emplois, la situation sera aggravée par le fait que les grandes entreprises pourront imposer aux candidats qui répondent à leurs offres d’emplois des salaires souvent plus bas que ceux qui nous connaissions jusqu’à très récemment et en mettant la hache dans les avantages sociaux, au point de s'en tenir parfois au strict minimum, à savoir les normes du travail (que l’État pourrait d’ailleurs décider d’assouplir pour redonner confiance aux investisseurs et donner un coup de main aux entreprises), sous prétexte que les travailleurs ne manquent pas et que les emplois qu’elles offrent trouveront vite preneurs, et aussi que la situation économique déplorable ne leur permet pas de leur offrir davantage. Ce qui veut dire que de nombreuses personnes gagneront à peine de quoi vivre, alors que d’autres ne pourront même pas en dire autant, et devront avoir recours à l’assurance-emploi ou à l’aide de dernier recours, si elles y sont admissibles, le tout pour obtenir des prestations qui souvent ne seront pas suffisantes pour se nourrir et se loger. Quant aux personnes qui ne peuvent même pas avoir accès à ces formes d’aide financière, elles deviendront des sans-abris et dépendront de la charité pour trouver de quoi se nourrir tous les jours et un toit sous lequel dormir toutes les nuits. Il est inutile de dire, dans ces circonstances, que ceux qui ont la chance d’avoir un emploi devront souvent se tuer à l’ouvrage pour le garder, en obtenant en échange à peine de quoi subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, manquant parfois d’argent pour s’acheter régulièrement de la viande, des fruits et des légumes frais ; que ceux qui dépendront de l’assurance-emploi et de l’aide de dernier recours devront consentir, bon gré, mal gré, à toutes sortes de privations susceptibles de miner peu à peu leur santé et même à les rendre malades, alors même que les soins de santé seront moins accessibles et que le système de santé public sera en train de se désagréger ; et que les autres mourront parfois de faim ou de froid, s’ils ne se suicident pas pour mettre un terme à la misère à laquelle ils sont réduits. Voilà donc pour le scénario optimiste.

Passons maintenant au scénario pessimiste, qui consiste en ceci : la pandémie et l’état d’urgence sanitaire se prolongeant, et le nombre de chômeurs et d’entreprises dépendant de l’aide offerte par l’État pour passer à travers la crise ne cessant d’augmenter, les gouvernements canadiens et québécois – privés d’une partie considérable de leurs revenus provenant des taxes et des impôts, et devant dépenser d’importantes sommes d’argent dans le domaine de la santé – en viennent à ne plus disposer des fonds nécessaires pour les soutenir. Il ne s’agit pas de dire que l’État cessera tout d’un coup, comme s’il n’avait pas vu la chose venir, de soutenir tous les chômeurs et toutes les entreprises en difficulté. Plutôt, au fur et à mesure que les ressources financières de l’État se feront de plus en plus rares, le nombre de chômeurs et d’entreprises auxquels il pourra venir en aide diminuera. Pour les chômeurs, cela signifie qu’ils se retrouveront réduits à la pauvreté et à la misère, avec les mêmes conséquences qui ont été décrites dans le scénario optimiste, à la différence que cela se produirait alors que la pandémie et l’état d’urgence sanitaire dureraient toujours, ce qui pourrait aggraver la situation. En effet, la pauvreté et la misère ne manqueraient pas d’affaiblir ces personnes et de les rendre plus vulnérables en cas d’infection, ce qui pourrait augmenter le nombre d’hospitalisation et aussi le taux de mortalité, si l’on a raison de craindre que le système de santé soit débordé, surtout dans un contexte où l’État pourrait difficilement débourser des sommes d’argent supplémentaires pour augmenter encore le nombre de lits disponibles et soigner simultanément un plus grand nombre de malades, comme il lui serait déjà difficile de continuer de garder opérationnel le système de santé, à moins que les professionnels de la santé, vraisemblablement surmenés, consentent à des diminutions de salaire ou à d’autres formes d’exploitation, ou à moins qu’on ne les leur impose, en raison de l’état d’urgence sanitaire. Même dans l’hypothèse où la pauvreté et la misère croissantes n’auraient pas pour effet d’aggraver la pandémie et la pression exercée sur le système de santé, elles pourraient, comme on l’a vu dans le scénario optimiste, provoquer chez toutes ces personnes pauvres ou misérables une détérioration de la santé, des maladies, des décès et des suicides en quantité non négligeable, pendant la pandémie et l’état d’urgence sanitaire, ou au cours des années qui suivraient.

Ajoutons à cela que les banques pourraient éprouver d’importantes difficultés s’il leur était impossible d’obtenir le remboursement de leurs créances auprès des particuliers (principalement les hypothèques et les prêts étudiants) et des entrepreneurs aussi longtemps que durera l’état d’urgence sanitaire, et aussi après la fin de cet état d’urgence sanitaire, en raison de la situation lamentable de l’économie, du taux de chômage très élevé et de la faillite de tous les particuliers et de toutes les entreprises, petites ou grandes, que l’État ne pourrait plus soutenir, et qui n’auraient plus ou presque plus de revenus. Ainsi pourrait-on voir des banques faire faillite comme cela s’est produit pendant la crise des subprimes, ce qui voudrait dire que les placements des particuliers et l’argent déposés dans des comptes de transactions ou d’épargne s’envoleraient en fumée, et que de nombreuses d’entreprises connaîtraient un sort semblable, avec tous les effets désastreux que cela aurait pour les personnes directement concernées, mais aussi sur l’économie en général : baisse de la consommation, faillite de nouvelles entreprises, augmentation du taux de chômage (et aussi de la pauvreté et de la misère), baisse des revenus de l’État, etc. Et l’intervention de l’État, qui déciderait de renflouer les banques ou de les autoriser à s’approprier une partie de l’argent des dépositaires ou de ceux qui ont des placements, ne ferait que de déplacer le problème ou, dans le meilleur des cas, que de le retarder ou de l’atténuer, ce qui pourrait rendre plus difficile à l’État d’assumer le service de la dette et de ne pas faire un défaut de paiement (ce qu’il essaierait de faire en cherchant à diminuer de beaucoup ses dépenses les plus importantes, notamment dans le domaine de la santé, de l’éducation et des transports, ce qui aurait encore des effets néfastes sur l’économie), et aux particuliers et aux entreprises qui ne sont pas encore ruinés de rembourser leurs dettes auprès des banques. On pourrait donc voir se produire, dans ce contexte, une grave crise économique de laquelle il ne serait pas facile de sortir, qui entraînerait une dégradation généralisée de la qualité de vie de la majorité de la population, de même que des morts, sans compter une dissolution progressive de l’ordre social tel que nous le connaissons, ce qui ne voudrait certainement pas dire qu’il naîtrait de ces cendres un autre ordre social plus juste et plus équitable envers les travailleurs.

On dira peut-être que ce scénario pessimiste est tout à fait outré. Mais qu’on veuille bien faire un petit effort de mémoire pour se souvenir ce qui s’est passé, dans différents pays, pendant la crise économique qui a commencé en 2008, et un petit effort de réflexion pour comparer cette crise avec la situation actuelle, en se demandant par exemple s’il est alors arrivé à beaucoup d’endroits de voir doubler le nombre de chômeurs en l’espace d’une semaine, et d’assister à une réduction aussi radicale et aussi rapide de l’activité économique. Par conséquent quelque chose de semblable pourrait se produire si l’état d’urgence sanitaire dure tant soit peu. Et même si ce n’est pas le cas, le scénario dit optimiste suffirait tout de même à éveiller notre méfiance à l’égard des mesures prises pour ralentir la propagation du Virus, et dont les effets pourraient être pires et plus durables que le mal qu’on s’efforce de combattre grâce à elles, notamment en causant plus de morts et en détruisant plus de vies que les présentes mesures permettraient d’en éviter ou d’en sauver.