La comparaison avec le nazisme est-elle outrancière ?

Je reprends ici la traduction publiée sur le blogue de Jean-Dominique Michel d’un petit texte de Don Wilson, un juriste albertain, dans lequel il compare le traitement spécial réservé aux personnes non vaccinées, considérées comme impures par l’idéologie sanitaire, à certaines des mesures discriminatoires prises contre les Juifs, considérés comme impurs par l’idéologie nazie. Car le nazisme, ce n’est par seulement les camps de concentration et les chambres à gaz.

Une telle comparaison tend à choquer, puisque nous avons pris l’habitude de faire du nazisme une sorte de mal absolu avec lequel les politiques de nos autorités et les comportements des personnes respectables que nous sommes ou croyons être ne pourraient, par définition, avoir rien de commun. Une telle manière de concevoir le nazisme a le double désavantage, d'un côté, de faire des Allemands de l’époque des monstres inhumains et de nous dispenser d’essayer de comprendre comment le nazisme a pu se former et se répandre ; et, de l’autre, de nous rendre aveugles à la propagation d’idéologies semblables en certains points.

Voilà le texte en question, dans lequel on me semble décrire des mesures appliquées dans plusieurs pays, au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande :

« Beaucoup de gens s’offusquent de voir leur conduite pendant le Covid comparée à celle d’Allemands ayant soutenu la montée du nazisme. 

Récapitulons. 

Un cinquième de la population était légalement considéré comme impur. Ils étaient interdits d’accès à la plupart des lieux publics, y compris les théâtres, les restaurants, les films, les pubs, les clubs, les piscines, les événements sportifs, les concerts, les conventions, etc. 

Pour accéder aux lieux publics, les personnes devaient porter sur elles une marque numérique afin que les autorités puissent confirmer qu’elles n’étaient pas impures. 

Les personnes impures étaient licenciées et exclues de la plupart des emplois : éducation, soins de santé, tribunaux – tous les emplois du secteur public, la plupart des emplois syndicaux importants et un grand nombre d’employeurs privés importants. Lorsqu’ils étaient licenciés, les impurs se voyaient refuser l’assurance-emploi, le raisonnement étant qu’ils avaient été licenciés pour un motif valable en raison de leur impureté. 

Les impurs sont interdits de voyage en train, en avion et en bateau. Ils n’ont aucun moyen légal de quitter le pays. Même s’ils le voulaient, ils ne pouvaient pas fuir le pays qui les haïssait manifestement. Il est devenu illégal de fréquenter des personnes impures. Ils n’avaient pas le droit d’assister à des mariages ou à des enterrements, ni de rendre visite à des parents ou à des amis malades à l’hôpital. 

Des lois spéciales ont été élaborées pour les impurs, les soumettant à une assignation à résidence s’ils se trouvaient à proximité d’une personne ayant récemment subi un test PCR positif. Les personnes impures devaient continuer à se couvrir le visage en public lorsque le port du masque universel a été abandonné. 

Il est devenu socialement acceptable de souhaiter la mort aux personnes impures dans les médias sociaux et dans les grands organes de presse. Des personnalités de la santé publique et d’autres politiciens ont donné des conférences de presse pour faire honte et insulter les personnes impures. Le public a développé des noms péjoratifs communs pour les désigner et s’est délecté à insulter les personnes impures. 

Les médias publiaient régulièrement des sondages demandant si les personnes impures devaient être arrêtées ou condamnées à une amende. Des personnalités publiques ont ouvertement et fièrement parlé de refuser aux impurs les soins médicaux nécessaires – de les laisser mourir. Les personnes impures ont été retirées des listes de transplantation d’organes, condamnées à une mort quasi certaine. 

Aucune date de fin de ces mesures n’a jamais été suggérée, aucun calendrier n’a été donné. Au contraire, ces mesures ont été qualifiées de « nouvelle normalité ». 

Le fait de critiquer l’une ou l’autre de ces évolutions faisait de vous un paria social et vous faisait probablement perdre la plupart de vos amitiés et de vos relations familiales, voire votre emploi. 

La leçon de l’Holocauste – et du covid – n’est pas que les Allemands, les Albertains ou les gens du XXIe siècle sont exceptionnellement crédules ou mauvais. C’est que pour la plupart des gens, la « moralité » n’est pas une question de principe, mais plutôt d’adoption de ce qu’ils perçoivent comme l’idéologie dominante du groupe – même si cette idéologie est marquée par l’irrationalité gratuite ou l’inhumanité brutale. 

En effet, comme dans certaines sectes ou gangs, la brutalité ou l’irrationalité des actes ou des croyances nécessaires pour signaler l’inclusion dans le groupe enracine les gens dans l’idéologie, plutôt que de les repousser ; une sorte de sophisme pervers des coûts irrécupérables. 

Donc, oui, si vous êtes une personne typique – albertaine, canadienne ou autre – il est très probable que vous auriez été un nazi si vous étiez né dans l’Allemagne nazie. Si vous avez encouragé les fermetures, les passes et les obligations, cette probabilité s’approche de la certitude. »

Mais toute comparaison a ses limites. L’impureté des Juifs était considérée par l’idéologie nazie comme indélébile, car inscrite dans leur chair et dans leur sang. C’était une souillure héréditaire qui aurait été transmise aux Juifs par leurs ancêtres, qui serait transmise à leurs descendants et qui n’aurait pu disparaître qu’avec l’élimination des principaux concernés. Selon l’idéologie sanitaire, les non-vaccinés pouvaient au contraire se laver de leur impureté en consentant enfin à se faire vacciner, comme les autorités politiques et sanitaires l’exigeaient d’eux. S’ils demeuraient impurs, c’était par leur refus d’obtempérer à l’impératif vaccinal. Sur ce point, la situation des non-vaccinés s’apparentait davantage à celle des personnes qui, sans être juives, refusaient ouvertement d’adhérer à l’idéologie nazie, qui étaient exclues de certaines fonctions et qui s’exposaient à des mesures répressives graves, car en plus d’être suspectes politiquement, elles auraient constitué une sorte d’impureté idéologique dangereuse au sein même de la race allemande.

Le nazisme n’a d’ailleurs pas le monopole de telles pratiques. Dans les sociétés très religieuses des siècles passés, ceux qui avaient la réputation d’être des athées, des mécréants, des infidèles ou des hérétiques étaient souvent traités comme des êtres impurs qu’il fallait fréquenter le moins possible, exclure des fonctions importantes ou prestigieuses, tenir à l’écart de la société, tuer socialement, convertir par toutes sortes de pressions et, au besoin, éliminer pour protéger la pureté de la foi et de la société. Il est probable que ceux d’entre nous qui ont soutenu les mesures soi-disant sanitaires, notamment celles qui visaient spécialement les non-vaccinés, auraient été des croyants intolérants et peut-être même fanatiques s’ils étaient nés dans ces sociétés.