La colonisation des peuples occidentaux

Il est convenu de penser et de dire que ce sont les pays occidentaux, depuis environ 500 ans, qui colonisent les autres pays. Presque personne, du moins dans la bonne société, n’envisage sérieusement l’idée que les pays occidentaux pourraient un jour être colonisés, seraient en train de l’être, ou le seraient déjà. Et ceux qui le font ouvertement sont généralement rappelés à l’ordre, au nom de la « rectitude politique ». Malgré tout ce qui va mal dans les pays d’Amérique du Nord et d’Europe, malgré l’appauvrissement et la dégradation des conditions de vie des populations occidentales, malgré l’autoritarisme de plus en plus affiché des gouvernements et des grandes corporations dont les dirigeants qui frayent ensemble, on ne saurait raisonnablement comparer, dit-on, ce qui se passe actuellement avec les effets du colonialisme occidental des derniers siècles et du néo-colonialisme qui lui a succédé. Comment osons-nous, nous qui appartenons aux peuples colonisateurs et privilégiés qui continuent à profiter de la misère et de la servitude des peuples colonisés, nous comparer à ces peuples colonisés ! C’est tout à fait scandaleux ! Surtout quand nous laisserions entendre que ce sont les peuples colonisés qui sont en train de nous coloniser !

Essayons d’envisager les choses froidement.

Tout d’abord, l’indignation – justifiée, je ne le nie pas – à l’égard des actions tyranniques et barbares des conquérants et des colonisateurs occidentaux à l’égard d’autres peuples qu’ils considéraient comme des sous-hommes ou des bêtes sauvages, ne changera rien, hélas ! aux événements passés. Il n’est même pas certain, si elle devient l’essentiel ou une fin en elle-même, qu’elle contribue à empêcher que des événements semblables se reproduisent.

Ensuite, les peuples occidentaux ne croiraient-ils pas appartenir à une race supérieure s’ils s’imaginaient que seuls les peuples non occidentaux peuvent être colonisés, et qu’eux ne sauraient l’être ? Ne serait-ce pas s’accorder à eux-mêmes un statut exceptionnel, du seul fait qu’ils sont des Occidentaux ou des Blancs, ou qu’ils seraient les élus du Bon Dieu ou de la Nature ? Ne serait-ce pas du même coup déclarer l’infériorité des autres peuples ou des autres races, justifier le colonialisme passé et renforcer le néo-colonialisme actuel, qu’on prétend pourtant condamner ?

Enfin, quand nous parlons de la colonisation des peuples occidentaux, nous ne parlons pas simplement de la colonisation des personnes d’ascendance européenne ou blanches, mais de tous les citoyens et de tous les résidents permanents des pays occidentaux (y compris les immigrants nouvellement arrivés), lesquels appartiennent aux peuples occidentaux, indépendamment de leurs origines ethniques ou culturelles ou de la couleur de leur peau, à condition d’avoir été intégrés dans leur société d’accueil, sans perdre pour autant toutes leurs particularités. Car il ne s’agit pas de la colonisation d’un groupe ethnique ou culturel ou d’une race par d’autres groupes ou d’autres races. Il est plutôt question de la colonisation des peuples occidentaux par une élite économique supranationale de plus en plus riche et puissante, dont les membres en sont venus à se considérer comme une classe à part, et à nous considérer comme des êtres humains inférieurs qu’il leur faut diriger, ou même comme des animaux domestiques qu’il leur faut dresser. Alors pourquoi exclure que les techniques utilisées à l’étranger au cours des derniers siècles par les colonisateurs occidentaux, et aussi utilisées par ces élites économiques par l’intermédiaire des grandes corporations qu’elles contrôlent et des gouvernements qu’elles se sont subordonnés, puissent aussi être utilisées contre nous, en étant adaptées aux pays occidentaux ? N’est-il pas temps de comprendre que ce qu’elles ont fait aux autres peuples, ces élites sont prêtes à nous le faire si cela leur permet de s’enrichir encore plus et d’accroître leur pouvoir ? Pourquoi donc nous accorderaient-elles un traitement de faveur, puisqu’à leurs yeux nous sommes de la racaille au même titre que ces autres peuples ?

Plus concrètement, se peut-il que les élites économiques occidentales et leurs valets s’efforcent de mettre au pas les populations occidentales en utilisant ou en introduisant des superstitions de toutes sortes, comme la crainte d’un virus diabolique et l’annonce d’une apocalypse climatique, comme à d’autres époques ou ailleurs elles ont utilisé certains aspects des religions préexistantes ou imposé la conversion au christianisme, qui est assurément une religion d’esclave ? Se peut-il qu’elles soient en train de nous priver de notre indépendance économique, de nous appauvrir et de nous imposer un nouveau mode de vie, comme elles ont détruit l’économie locale des pays colonisés, et entravé ou interdit des modes de subsistance et de vie qui y existaient, pour rendre dépendants et contrôler les colonisés, pour s’accaparer des ressources naturelles et humaines, et pour écouler leurs marchandises de pacotille ? Se peut-il qu’elles aient contribué considérablement à la montée au pouvoir de politiciens autoritaires devant nous gouverner d’une main de fer, comme elles ont orchestré la prise de pouvoir par une junte militaire ou des dictateurs dans les pays colonisés, ou les ont soutenus ? Se peut-il qu’elles trouvent toutes sortes de raisons pour relocaliser des populations étrangères dans les pays occidentaux afin d’y dissoudre l’identité nationale et le tissu social par un flux continu d’immigrants trop nombreux pour être intégrés à leur société d’accueil, comme jadis elles envoyaient des colons (qui n’avaient certainement pas toujours la vie facile) et des esclaves dans les pays colonisés, afin de réduire l’importance relative de la population colonisée ou même la remplacer par une population étrangère ? Ne leur arrive-t-il pas de monter les uns contre les autres certains groupes sociaux ou culturels des pays occidentaux afin de pouvoir régner sur eux, comme jadis elles alimentaient et instrumentalisaient la haine entre les peuples ou les tribus qui occupaient les territoires convoités ou conquis ? N’essaient-elles pas maintenant sur les populations occidentales des médicaments expérimentaux qui ravagent leur santé, comme elles ont fait des expériences médicales sur les peuples colonisés, et parfois même répandu volontairement parmi eux des maladies contre lesquelles ils n’avaient pas d’immunité ? Ne nous imposent-elles pas toutes sortes d’obligations morales ou légales dont elles se considèrent de plus en plus ouvertement exemptes, comme les gouverneurs des territoires colonisés et leurs sbires le faisaient à l’égard des peuples conquis et soumis, ce qui était une manière de manifester leur supériorité et l’infériorité de ces peuples ? Enfin, ne prétendent-elles pas faire cela pour notre bien, pour nous protéger et nous sauver, comme les autorités colonisatrices prétendaient jadis accomplir une mission civilisatrice, en apportant le progrès aux peuples colonisés, arriérés, incapables de se gouverner eux-mêmes et devant donc être indéfiniment mis sous tutelle ?

Voilà des questions auxquelles nous devrions essayer de répondre, en comparant des pratiques colonisatrices concrètes, afin de mieux comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement, ainsi que la direction dans laquelle nous allons. S’il est vrai qu’il y a certainement des différences entre notre situation et celle des peuples étrangers colonisés, et que nos autorités sont moins ouvertement ou moins directement violentes à notre égard, nous ne devons pas en conclure que nous ne faisons pas l’objet d’un processus de colonisation servant les intérêts des élites économiques occidentales. Car cela pourrait bien signifier que le processus dont nous sommes l’objet est moins visible et n’est pas compris pour ce qu’il est, et qu’il est donc plus insidieux.