History doesn't repeat itself, but it often rhymes

Cette conférence de l’historien Jacques Pauwels, qui a eu lieu il y a déjà plusieurs années, nous montre que les élites politiques et économiques américaines n’en sont pas à leurs premières relations de copinage avec des fascistes. Déjà dans les années 1930, les industriels américains (étroitement liés au gouvernement américain, comme maintenant), dont Henry Ford, ne cachaient pas leur sympathie pour le Troisième Reich et son idéologie, lequel leur permettait d’ailleurs de faire d’excellentes affaires grâce la vente de matériel de guerre, fabriqué à des coûts très faibles étant donné l’abolition des syndicats en Allemagne et les mauvaises conditions de travail que les industriels pouvaient imposer aux ouvriers sous le régime nazi. Encore mieux, le Troisième Reich se proposait de faire la guerre à l’URSS, que les élites politiques et économiques américaines considéraient comme la source des mouvements socialistes et communistes qui existaient à l’époque sur le territoire américain et dans lesquels ils voyaient un péril rouge. Ces industriels étaient donc gagnants sur toute la ligne, et le gouvernement américain voyait sans doute d’un bon œil que les oligarques américains réussissent à s’enrichir grâce à la politique d’armement nazie, surtout pendant la Grande Dépression. Et quand Hitler, après avoir conclu un pacte avec Staline, a décidé d’attaquer l'Europe occidentale au lieu de l’URSS, ces industriels ont continué de fournir à l’armée allemande le matériel grâce auquel elle a attaqué et envahi ces pays (ce qui ne les a pas empêché de fournir aussi du matériel à l’armée américaine et à l’armée britannique), le tout en utilisant dans leurs usines les travailleurs des pays conquis qui ont été déportés en Allemagne. Enfin l’armée allemande a lancé son offensive contre l’URSS en 1941, a connu d’abord des victoires, pour ensuite s’embourber en Russie et être repoussée par l’Armée rouge. Pendant ce temps, les Américains tardaient à ouvrir un deuxième front à l’Ouest, contrairement à ce que demandaient leurs alliés soviétiques, ce qu’ils justifiaient par toutes sortes de raisons qu’on est libre de croire ou non. Ce n’est que quand la contre-offensive soviétique est arrivée aux portes de l’Europe centrale que les Américains et leurs alliés ont décidé de débarquer en Normandie, moins pour libérer l’Europe des nazis, que pour éviter qu’elle soit seulement libérée par les Soviétiques et se retrouve sous leur influence, et pour y établir un nouvel ordre européen subordonné à leurs intérêts, lequel dure depuis.

(Ce qui n’est pas dit dans cette conférence provient de cet article ou des livres Le mythe de la bonne guerre ou Big business avec Hitler, que j’ai lus il y a plusieurs années.)

Même si la situation actuelle est différente en plusieurs points, essayons d’appliquer ces remarques à la politique étrangère américaine à l’égard de l’Ukraine, de la Russie et des pays européens, pas seulement depuis le début de l’opération militaire russe en Ukraine en février 2022, mais depuis le coup d’État du Maïdan (2013-2014).

1. Les élites politiques et économiques ayant soutenu officieusement l’Allemagne nazie pour qu’elle attaque l’URSS, ils sont tout à fait capables d’utiliser et d’armer l’Ukraine et de soutenir le mouvement fasciste bandériste, notoirement anti-russe, pour provoquer des troubles près des frontières de la Russie, pour forcer celle-ci à intervenir, et pour mener à sa place une guerre contre elle. Cependant l’armée ukrainienne ne représente pas un danger pour l’armée russe comparable à celui que l’armée allemande représentait pour l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale. Même avec l’armement fourni par les Américains et ses alliés, il est impossible que l’armée ukrainienne passe à l’attaque et inflige à la Russie des dégâts humains et matériels si grands qu’il lui faudrait des décennies pour se remettre entièrement.

2. Le complexe militaro-industriel actuel fait des affaires en or avec cette guerre, exactement comme les marchands d’armes pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans les deux cas, le fait que la guerre dure, s’intensifie et s’étend sert leurs intérêts, puisque cela leur faire vendre plus d’armes.

3. De la même manière que les oligarques et les politiciens américains ont vraisemblablement crû que la conquête de l’URSS par l’Allemagne nazie auraient permis aux grandes entreprises américaines d’exploiter les importantes ressources naturelles de la Russie, ils se sont vraisemblablement imaginé (et peut-être les plus anti-russes continuent-ils de s’imaginer) que la prolongation de la guerre en Ukraine et les sanctions économiques contre la Russie finiraient par provoquer l’effondrement économique de la Russie et un changement de régime, ouvrant ainsi la porte à l’exploitation à bon marché des ressources naturelles russes.

4. Comme les oligarques et les politiciens américains ont soutenu officieusement le régime nazi ou collaboré avec lui malgré les conséquences dévastatrices pour les pays alliés envahis et pour leurs populations, leurs héritiers ne se soucient manifestement ni des conséquences dévastatrices des sanctions économiques contre la Russie et de la prolongation de la guerre (provoquée par l’envoi d’armement en Ukraine, les déclarations de soutien à Zelensky, et des pressions exercées sur ce dernier afin qu’il ne négocie pas avec les Russes) pour les populations occidentales et ukrainienne, ni des conséquences d’un élargissement du conflit. On dirait que ces élites croient toujours être à l’abri de l’autre côté de l'océan Atlantique, comme c’était le cas pendant la Seconde Guerre mondiale.