Famine en vue dans plusieurs pays d’Afrique et ailleurs

Les populations des pays occidentaux ne seront certainement pas les seules à être affectées durement par les sanctions économiques contre la Russie que leurs gouvernements s’entêtent à prolonger et, dans certains cas, à étendre, malgré leur inefficacité manifeste. Comme on verra dans la deuxième partie de cette vidéo de Saïd Bouamama (Investig’Action), plusieurs pays d’Afrique sont gravement touchés par l’inflation des denrées alimentaires, de l’engrais et du carburant, et sont au bord de la famine parce qu’ils dépendent massivement de l’importation de nourriture et d’engrais, notamment de la Russie et de l’Ukraine.

Même si, à la suite des démarches de la délégation de l’Union africaine, la Russie fait tout ce qu’elle peut pour que les exportations de nourriture, d’engrais et de carburant reprennent vers l’Afrique, le pire ne pourra pas être évité si les pays occidentaux ne lèvent pas rapidement les sanctions économiques contre la Russie, lesquelles pénalisent davantage les pays africains que la Russie. Ainsi faudrait-il que les gouvernements occidentaux excluent les denrées alimentaires et ce qui sert à les produire (comme les engrais) des sanctions. Ça pourrait aussi aider de ne pas compliquer le transport et le paiement des exportations russes, sous prétexte d’essayer d’isoler et de détruire l’économie russe. Et pourquoi ne pas contraindre le gouvernement ukrainien à négocier sérieusement, au lieu de l’inciter à se battre jusqu’au dernier ukrainien en lui en envoyant de l’équipement militaire et en le soutenant financièrement, question d’en finir avec cette guerre qui a trop longtemps duré et qui nuit à l’économie mondiale et à la sécurité alimentaire de nombreux pays ?

Les gouvernements occidentaux se plaisent à passer pour les bienfaiteurs du peuple ukrainien : ils seraient prêts à tout pour le sauver. Mais ce qu’ils montrent surtout, c’est qu’ils ne se soucient pas des graves répercussions que les sanctions punitives prises contre la Russie ont déjà et continueront d’avoir pour les pays africains. C’est comme si ce qui arrive aux populations africaines ou non occidentales ne leur importait pas. Et je ne parle pas seulement des pénuries de nourriture et des famines, mais aussi de tous les troubles qui pourraient en résulter, de la simple instabilité politique à la guerre civile.

Si les sanctions punitives contre la Russie ne sont pas levées bientôt, ce sont les populations africaines qui vont en souffrir. Pourquoi nos gouvernements ne tiennent pas compte de ces souffrances, et font comme si elles n’existaient pas, quand ils prennent des décisions qui affectent toute la planète ? N’est-il pas choquant qu’ils s’évertuent ostentatoirement à envoyer de l’aide humanitaire en Ukraine, tout en provoquant une crise alimentaire en Afrique ? Devons-nous en conclure que la classe politique occidentale est prête à sacrifier les peuples africains sur l’autel de l’Ukraine ? Faut-il y voir une manifestation d’occidentalo-centrisme et de racisme ?

Mais est-il vrai que les gouvernements occidentaux se soucient du peuple ukrainien ? Que font-ils, en armant l’armée ukrainienne et en soutenant financièrement le gouvernement ukrainien, sinon faire durer la guerre, augmenter la destruction dont elle est la cause, faire durer les souffrances des Ukrainiens (l’armée ukrainienne ne peut pas gagner contre l’armée russe, même avec l’aide occidentale), et aggraver l’effondrement économique de l’Ukraine ? On en vient à se dire que les États-Unis et leurs alliés sont prêts à tout pour essayer de faire mal à la Russie, pour obtenir une escalade du conflit ou pour faire durer cette guerre jusqu’à ce qu’ils trouvent une manière de détourner l’attention d’elle ou d’y mettre fin sans donner une impression d’échec. Autrement dit, les gouvernements occidentaux ne semblent pas se soucier plus des Ukrainiens que des Africains, car ce qu’ils font pour eux sous prétexte de les aider aggrave en réalité la situation dans laquelle ils se trouvent et ce qui les attend après la guerre.

Enfin, les sanctions punitives prises contre la Russie ont déjà et continueront d’avoir de graves répercussions sur nous, qui vivons en Europe et en Amérique du Nord. Nos gouvernements ne semblent pas vraiment s’en soucier, tant ils sont emportés par leur délire anti-russe ou tant il leur est difficile de faire marche-arrière quant à leur implication dans cette guerre qui ne se déroule pas comme prévu. Quant à nous, qui sommes en bas, nous avons de la peine à concevoir que ça pourrait vraiment tourner mal pour nous si nos gouvernements ne se ravisent pas bientôt et ne deviennent pas un peu plus raisonnables. En vertu d’une sorte d’exceptionnalisme occidental qu’on nous a inculqué, et du fait que nous n’avons pour la plupart pas connu la misère et les troubles politiques, nous nous imaginons que ça ne peut pas arriver chez nous. Ça arriverait seulement ailleurs, dans des pays qui ne sont pas occidentaux. Nous nous croyons à l’abri seulement à cause de notre condition privilégiée d’Occidentaux. Nous pourrions être détrompés bientôt, dans quelques mois, au retour de l’hiver. Tout douillets que nous sommes, ça pourrait faire très mal…

En fait, ce sont les sanctions occidentales et le soutien des gouvernements occidentaux au gouvernement ukrainien qui donnent à ce conflit militaire une ampleur mondiale, et qui font que les conséquences de la guerre se font sentir partout dans le monde, et presque toujours en mal. Cela n’empêche pas ces gouvernements de dire que toutes ces répercussions, c’est la faute de Poutine. Vraiment, le président russe a le dos large.

Les gouvernements occidentaux sont donc dans une drôle de position. D’un côté, ils rêvent de provoquer un changement de régime en Russie, de se débarrasser de Poutine et de le remplacer par un leader qui subordonnerait les intérêts de la Russie aux intérêts des États-Unis et de leurs vassaux. De l’autre, ils ont besoin de Poutine pour l’accuser d’être à l’origine des conséquences désastreuses de leurs politiques, qui ne disparaîtraient pas simplement parce qu’il ne serait plus président de la Russie.