Explications à la carte : efficacité du « vaccin » et dangerosité des nouveaux variants

Depuis le printemps 2020, les autorités politiques et sanitaires, les soi-disant experts et les journalistes choisissent les causes qui leur conviennent pour expliquer après coup les variations du nombre de « cas », du nombre d’hospitalisations et du nombre de décès.

Quand le nombre de décès attribués à la COVID a augmenté après le confinement du printemps 2020, c’est que nous aurions eu affaire à un virus très meurtrier. Rien à voir avec le confinement et la panique qui en a résulté dans les milieux de soins et dans la population et au refus de traiter les personnes atteintes d’une infection respiratoire (toujours la COVID, contre laquelle il n’y aurait pas eu de traitement) !

Quand le nombre de décès attribués à la COVID a diminué rapidement à partir du mois de mai 2020, c’est que le confinement se serait montré efficace pour mettre fin à la première vague. Rien à voir avec le fait que la COVID est une infection respiratoire saisonnière qui recule avec l’arrivée de la saison chaude !

Quand le nombre de « cas », d’hospitalisations et de décès attribués à la COVID a recommencé à augmenter à l’automne 2020, c’est que les mesures sanitaires auraient été relâchées pendant l’été, c’est qu’il y aurait de méchants récalcitrants qui persistent à ne pas respecter les mesures sanitaires.

Quand le nombre de « cas », d’hospitalisations et de décès attribués à la COVID a diminué au printemps 2021, c’est que les « vaccins » auraient protégé les personnes plus âgées et plus vulnérables.

Quand le nombre de « cas », d’hospitalisations et de décès attribués à la COVID a recommencé à augmenter un peu à peine quelques semaines plus tard, en avril 2021, c’est que les mesures sanitaires auraient été assouplies trop tôt, c’est qu’il y aurait de nouveaux variants plus contagieux et peut-être plus virulents, c’est que la population québécoise n’aurait pas bénéficié d’une « couverture vaccinale » suffisante.

Quand le nombre de « cas », d’hospitalisations et de décès attribués à la COVID a diminué pendant l’été 2021, ce serait à cause de la meilleure « couverture vaccinale ».

Quand le nombre de « cas », d’hospitalisations et de décès attribués à la COVID a recommencé à augmenter durant l’automne et l’hiver 2021-2022, c’est qu’il y aurait un nouveau variant plus contagieux et peut-être plus virulent, c’est que les mesures sanitaires auraient été resserrées trop tard, c’est que la population québécoise, atteinte de fatigue pandémique, n’aurait pas suivi assez les règles sanitaires, c’est que des personnes s’entêteraient à ne pas se faire « vacciner », c’est qu’on aurait trop tardé à administrer une dose de rappel à la population québécoise.

Quand le nombre de « cas », d’hospitalisations et de décès attribués à la COVID a recommencé à diminuer au printemps 2022, c’est que la population québécoise aurait enfin bénéficié d’une « couverture vaccinale » suffisante et que le nouveau variant effroyablement aurait procuré à ceux qu’il a infecté une immunité naturelle temporaire qui se serait ajoutée à l’immunité procurée par les « vaccins ».

Et maintenant qu’en juillet 2022, le nombre de « cas », d’hospitalisations et de décès attribués à la COVID augmente encore une fois, c’est qu’il y aurait un sous-variant plus contagieux qui déjouerait l’immunité « vaccinale », c’est qu’il y aurait des personnes qui ne s’isoleraient pas à la maison quand elles ont des symptômes.

Quant à la façon dont on arrive à établir les causes de ces variations dans la « situation épidémiologique » et les raisons pour lesquelles on écarte d’autres raisons possibles, on ne nous en dit rien. Il nous faut croire ce que disent les experts interrogés par les journalistes. Ils doivent bien savoir de quoi ils parlent, sinon ils ne seraient pas des experts, n’est-ce pas ?


Voyons plus précisément ce que nous disent maintenant les journalistes et les experts auxquels ils donnent la parole.

Dans un article écrit par Henri Ouellet-Vézina et paru dans La Presse le 14 juillet 2022, la Dre Marie France Raynault, qui est « conseillère médicale stratégique » au ministère de la Santé et des Services sociaux, déclare ceci :

« Heureusement, l’impact sur le réseau de la santé est sous contrôle, selon Mme Raynault, pour qui les hospitalisations continueront d’augmenter pendant un certain temps encore, car il y a toujours un délai entre la baisse des cas et la diminution des hospitalisations. « Les personnes hospitalisées en soins intensifs sont en moindre proportion. C’est une bonne nouvelle. Ça démontre que la vaccination fonctionne pour prévenir les complications graves », a-t-elle encore insisté, en rappelant que plus de la moitié des personnes sont admises à l’hôpital pour une autre raison que la COVID-19. » (C’est moi qui souligne.)

Dans un autre article de Henri Ouellet-Vézina, cette fois-ci écrit avec Pierre-André Normandin et paru dans La Presse le 15 juillet 2022, voici ce que nous disent les deux journalistes, en s’appuyant sur le témoignage de la Dre Sophie Zhang, médecin de famille dans un CHSLD :

« Morts beaucoup plus nombreuses, hospitalisations plus élevées, mais surtout, forte transmission communautaire : 2022 est à ce jour le pire été pandémique qu’a vécu le Québec. En pleine septième vague, la province fait maintenant face à une nouvelle réalité : les nouveaux variants brisent de plus en plus la « logique saisonnière » à laquelle nous avait jusqu’ici habitués la COVID-19.

« Plus le virus change, plus il nous fait des surprises. Il défait de plus en plus le phénomène de cycles saisonniers qu’on voyait avant, un peu comme la grippe. C’est quelque chose qu’on avait commencé à voir avec les précédents variants, mais qui se prononce de plus en plus », explique la Dre Sophie Zhang, médecin de famille au CHSLD Bruchési. »

[…]

La Dre Zhang rappelle que le virus « déjoue » de plus en plus l’efficacité immunitaire des vaccins, ce qui rend le potentiel de contamination encore plus grand, d’autant que la campagne de vaccination pour la dose de rappel s’essouffle au Québec. « C’est un effet de surprise. On est rendus à plusieurs vagues, on est rendus un peu [mieux] préparés. Personne ne s’attendait soudainement à avoir autant de cas cet été », ajoute-t-elle. » (C’est moi qui souligne.)

Autrement dit, dans son article du 14 juillet, Henri Ouellet-Vézina écrit, experte à l’appui, que le nombre relativement peu élevé d’hospitalisations dans les unités de soins intensifs aurait pour cause l’efficacité des « vaccins ». Ce serait même une preuve de cette efficacité. Mais dans son article écrit le lendemain, avec son acolyte, il n’est pas question de remettre en question l’efficacité des « vaccins » parce que le nombre de « cas » et de décès attribués à tort ou à raison au virus cet été serait beaucoup plus élevé que durant les étés 2020 et 2021. Non, les « cas » et les décès plus fréquents, ce serait à cause des nouveaux variants qui « déjoueraient » l’efficacité des « vaccins ». Ce qui est une manière de dire que les « vaccins » ne sont pas efficaces contre ces nouveaux variants, mais en faisant des fameux variants la cause de cette inefficacité, si bien que la docteure peut déplorer l’essoufflement de la campagne d’administration de la dose de rappel au Québec.

En fait, ces articles journalistiques et ces avis d’experts montrent seulement une chose : quand les statistiques officielles semblent montrer une amélioration de la « situation épidémiologique », les journalistes et les soi-disant experts expliquent systématiquement ce phénomène par l’efficacité des « vaccins » ; et quand ces mêmes statistiques semblent montrer une dégradation de la « situation épidémiologique », les journalistes et les soi-disant experts expliquent systématiquement ce phénomène par l’apparition de nouveaux variants aux propriétés inusitées et aux pouvoirs exceptionnels, et à l’essoufflement de la campagne d’injection des doses de rappel.

Si c’était le contraire qui c’était produit cet été, si c’était plutôt le nombre d’hospitalisations dans les unités de soins intensifs qui était anormalement élevé et si c’était le nombre de décès qui demeurait malgré tout faible, les journalistes et leurs experts de service auraient sans doute plutôt déclaré que le moindre nombre de décès s’explique par l’efficacité des « vaccins », et que le nombre proportionnellement plus élevé d’hospitalisations dans les unités de soins intensifs s’explique par l’apparition de nouveaux variants qui « déjouent » l’immunité procurée par les « vaccins ».

De telles déclarations n’ont évidemment rien de scientifique. Elles montrent seulement de quelle manière les journalistes et les experts profitent de la tribune dont il dispose et de leur position d’autorité pour déclarer arbitrairement qu’est-ce qui est la cause de quoi. C’est là un pouvoir énorme qui est entre leurs mains.


Je termine ce billet en posant quelques questions sur le rapport étrange ou l’absence de rapport qu’il semble exister entre le nombre de personnes supposément hospitalisées en lien avec la COVID-19 dans les unités de soins intensifs et le nombre de décès par jour. Comment se peut-il que le nombre de ces personnes hospitalisées aux soins intensifs soit supposément bas à cause de l’efficacité des « vaccins », et que le nombre de décès par jour soit anormalement élevé à cause du nouveau variant qui contourne l’immunité que procureraient les « vaccins » ? Si les « vaccins » protègent vraiment contre les formes graves de la COVID-19, ils devraient diminuer à la fois le nombre d’hospitalisations aux soins intensifs et le nombre de décès, car ne sont-ce pas souvent des personnes tombent très malades et qui sont hospitalisées aux soins intensifs qui devraient mourir de la COVID-19 ? À l’inverse, si le nouveau variant du moment « déjoue » l’immunité que procureraient les « vaccins », est-ce que ça ne devrait pas être le cas aussi bien quand il s’agit quand il est question de tuer les gens que quand il s’agit de les envoyer les gens aux soins intensifs ?

Je ne sais pas comment expliquer cette bizarrerie. C’est pourquoi je fais ici quelques conjectures.

Il se peut que dans le cas du nombre d’hospitalisations aux soins intensifs, les journalistes et les soi-disant experts dirigent le regard sur la faible proportion de ces hospitalisations comparativement aux hospitalisations hors soins intensifs, sans tenir compte du fait que c’est l’été et non l’hiver ; et, quand il s’agit du nombre de décès, ils fassent plutôt la comparaison avec les autres étés, sans faire de comparaison avec le nombre de décès pendant l’hiver dans son rapport avec le nombre total d’hospitalisations.

Il se peut aussi que les personnes dont on explique le décès par la COVID-19 ne soient pas prises en charge par le système de santé, ne soient pas admises à temps aux soins intensifs même si elles sont très malades, en viennent à mourir à domicile, ou encore à être admises trop tard à l’hôpital, après avoir été renvoyées à la maison sans traitement.

Il se peut aussi que les personnes qu’on considère hospitalisées en lien avec la COVID-19 et les personnes qu’on considère mortes à cause de la COVID-19 ou avec la COVID-19 constituent des groupes en grande partie distincts, c’est-à-dire qui n’ont en commun que peu de membres. Ce qui pourrait être causé par des critères différents, aléatoires et même arbitraires quand il s’agit de déterminer si quelqu’un appartient à l’un de ces deux groupes.

Il n’est pas possible de répondre en quelques lignes à ces questions, ni de mettre à l’essai ces explications. C’est ce que j’essaierai de faire dans un autre billet, à partir des données rendues disponibles par l’INSPQ.

Pour l’instant, disons seulement qu’il semble y avoir anguille sous roche, et que nous devons nous garder d’accorder créance aux déclarations des journalistes et de leurs experts de service, qui retiennent toujours l’explication qui leur convient pour montrer ce qu’ils désirent, sans se donner la peine d’examiner les explications concurrentes.

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