Éléments d’une politique scientifique (1)

On nous demande souvent, de plus en plus directement et avec de plus en plus d’insistance, de « croire en la science ». C’est en cela que consiste l’essentiel du discours des autorités politiques et sanitaires et des médias de masse sur les virus, sur les « pandémies », sur les vaccins sûrs et efficaces et sur les changements climatiques dus aux émissions de gaz à effet de serre. Mais une telle consigne pose problème pour plusieurs raisons. La science étant censée être caractérisée par une démarche rationnelle et critique, il ne s’agit plus de science quand on demande aux non-scientifiques et même à des scientifiques de croire en ce qui passe pour être « la Science ». La science n’est pas un corpus de connaissances qui, bien qu’évoluant sans cesse, existerait indépendamment de cette démarche, qui ferait consensus parmi les scientifiques, et auquel les non-scientifiques devraient croire. Un consensus, c’est quand tout le monde est d’accord, par exemple quand on obtient l’unanimité lors d’un vote. Et encore là, le consensus porte seulement sur l’énoncé soumis au vote, les raisons de voter pour ou contre l’énoncé pouvant être différentes, de même que la compréhension de ce dernier, qui dépend en partie de ces raisons. Il est fort douteux qu’un consensus puisse exister à propos d’un problème ou d’une question scientifique moindrement complexe et digne d’intérêt. Et si un consensus en venait à exister, ce serait probablement une mauvaise chose pour la science, car il est nécessaire de pouvoir remettre en question les savoirs établis pour faire avancer la science, ainsi que pour continuer à comprendre ou pour comprendre mieux les savoirs scientifiques qui résisteraient à cette remise en question. La croyance à l’existence de savoirs scientifiques qui feraient consensus, la croyance à ces savoirs eux-mêmes et leur sacralisation par les scientifiques et les non-scientifiques, c’est la sclérose de la science, voire sa mort. Ce qu’on appellerait alors « science » serait en fait une idéologie à l’allure scientifique, c’est-à-dire un ensemble de croyances dogmatiques et sacralisées qui prétendraient être rationnelles et n’avoir rien en commun avec la foi.

Les sociétés où on prétend valoriser la science auraient donc intérêt – au lieu d’essayer d’obtenir ou d’imposer artificiellement un consensus scientifique, et de faire de la science un instrument de gouvernance et de contrôle social – à se doter d’une politique scientifique qui empêcherait la science de se scléroser et de prétendus savoirs scientifiques de se sacraliser, à cause de consensus scientifiques illusoires. La transformation des institutions scientifiques et l’invention de nouvelles institutions scientifiques sont donc des avenues que nous devrions explorer, même si mes lecteurs et moi ne disposerons vraisemblablement jamais du pouvoir nécessaire pour mettre en application ces idées. Cela nous permettra de mieux voir ce qui manque aux politiques et aux institutions scientifiques actuelles. Et – qui sait ? – si ces idées circulent et deviennent peu à peu plus connues, si beaucoup en viennent à comprendre à quel point la pratique actuelle de la science joue un rôle important dans la crise généralisée actuelle, s’ils refusent résolument un retour aux religions traditionnelles et ouvertement dogmatiques et obscurantistes, des dirigeants pourraient s’inspirer de quelques-unes de ces idées. En attendant, ou si ça n’arrive jamais, cet exercice nous aide à y voir plus clair et contribue à nous immuniser à l’idéologie scientifique ambiante. Ça sera toujours ça de gagner.


Essayons d’imaginer une institution scientifique dont la fonction serait de désacraliser la science, non pas pour nous écarter d’elle, mais pour l’empêcher de se corrompre, en devenant une idéologie scientifique et en imposant le règne des experts aux citoyens de nos sociétés prétendument démocratiques.

Certains d’entre nous pourraient croire que, ce qu’il faut, c’est de mieux informer les citoyens sur l’état véritable des connaissances scientifiques et sur leur évolution. Autrement dit, il faudrait plus de vulgarisation scientifique, et que celle-ci ne soit pas dogmatique. Le problème, c’est que les vulgarisateurs scientifiques, en communiquant des savoirs sur l’état de la science, donnent souvent l’impression que ces connaissances font l’objet d’un consensus par les scientifiques, bien que ce consensus puisse évoluer en fonction des nouvelles découvertes ; et cultivent ainsi chez leurs lecteurs et leurs auditeurs une attitude dogmatique, qui les disposent à accepter l’usage idéologique de la science par les autorités politiques et bureaucratiques et les grandes corporations qui profitent de la science et de ses applications. On ne saurait se débarrasser aussi facilement de l’illusion du consensus scientifique, alors qu’elle existe au sein de la communauté scientifique, parfois entre chercheurs d’une même discipline scientifique, plus souvent chez les chercheurs sur-spécialisés à l’égard d’autres spécialités scientifiques auxquelles ils n’entendent rien ou presque.

C’est donc au sein même de la communauté scientifique qu’il faut lutter contre l’illusion d’un consensus sur l’état actuel des connaissances scientifiques, et contre sa sacralisation. Puisque le débat scientifique ne se produit pas naturellement et manque souvent de radicalité, puisque les scientifiques s’exposent à des représailles quand ils remettent en question le soi-disant consensus scientifique (suspension, congédiement, mise à l’écart des groupes de recherche, chances réduites d’obtenir du financement public ou privé, etc.), il faut essayer de concevoir une institution qui favoriserait ce débat et qui donnerait l’indépendance et les moyens à ses chercheurs d’attaquer publiquement les consensus factices et de lutter contre la sacralisation de la science. Sa raison d’exister serait de mettre à l’épreuve les connaissances ou les découvertes scientifiques qui feraient consensus ou qui s’imposeraient comme majoritaires ou dominantes, surtout quand elles sont financées par l’État ou de grandes entreprises, et quand elles sont susceptibles d’affecter considérablement la société et la vie des individus. La seule existence de cette institution, par son nom (Institut de recherche scientifique contre les consensus scientifiques et la sacralisation de la science, par exemple) et sa mission, constituerait un rappel des écueils qui menacent la science et une mise en garde pour les scientifiques et les non-scientifiques.

La première difficulté à laquelle nous nous heurtons, c’est la manière d’assurer l’indépendance, l’intégrité et la rigueur intellectuelle des chercheurs qui seraient membres de l’Institut. Car il ne suffit pas de leur demander ces vertus pour qu’ils les aient ou désirent les avoir, surtout quand ils sont liés de près ou de loin à des groupes de recherche, à des organisations bureaucratiques et à des corporations privées qui s’efforcent souvent d’imposer des « consensus » scientifiques et de profiter de ceux-ci pour faire avancer leur carrière, pour obtenir des subventions de recherche, pour renforcer et légitimer le contrôle social et pour s’enrichir. C’est pourquoi il faudrait que les membres de l’institut n’aient pas de relations (directement ou par l’intermédiaire d’un groupe de recherche), ou qu’ils n’en aient plus depuis des années, avec les organisations bureaucratiques qui orientent et financent la recherche scientifique, et les corporations privées qui s’enrichissent grâce à elle. Une apparence de conflit d’intérêts suffirait pour exclure un scientifique de cet institut, sauf quand il soumettrait un projet de recherche qui a pour but de remettre en question les recherches à son avis erronées ou frauduleuses auxquelles il a participé ou assisté. Encore mieux, les chercheurs qui, sans bénéficier de la position et de la protection que procurerait l’Institut, ont fait preuve de rigueur, d’intégrité et de courage en critiquant publiquement le « consensus » sur la COVID ou les changements climatiques et en s’exposant à des représailles, seraient des candidats intéressants.

Pour inciter les chercheurs à défendre leur indépendance et à faire des choix qui, pris en eux-mêmes, nuisent à leur carrière, il faudrait que l’appartenance à l’Institut leur procure des avantages assez grands et assez recherchés. En plus du prestige que l’Institut pourrait acquérir, la permanence des postes de recherche et du financement, sans avoir à faire des démarches longues et fastidieuses ou des courbettes pour l’obtenir, pourrait être un incitatif important, car ils pourraient ainsi consacrer à leurs recherches scientifiques le temps et l’énergie consacrés autrement à la recherche de financement, et ils ne craindraient pas de devoir interrompre leurs recherches après quelques années par manque de financement, alors que plusieurs autres années seraient nécessairement pour les mener à terme. La plus grande liberté de recherche pourrait aussi attirer les chercheurs qui ont à cœur leur discipline, pourvu qu’ils se conforment à la mission de l’Institut, à savoir la remise en question des « consensus » scientifiques et la lutte contre la sclérose ou la sacralisation de la science. La manière dont ils s’y prendraient et ce qui serait pris pour cible pourraient être choisis librement par les chercheurs, qu’il s’agisse d’invalider directement des « consensus » scientifiques qu’on cherche à imposer (en montrant l’utilisation idéologique qu’on fait d’eux), ou d’explorer des hypothèses concurrentes. Afin que ça ne soit pas de vains mots, les chercheurs devraient disposer d’un financement annuel suffisant pour faire la majorité des recherches qu’ils jugent nécessaires et pour s’entourer d’une équipe de chercheurs, et pouvoir utiliser librement les laboratoires et les équipements de l’Institut. Dans le cas où les laboratoires ou les équipements requis ne seraient pas disponibles à l’Institut et seraient trop coûteux à acquérir, les chercheurs auraient le droit d’utiliser gratuitement les laboratoires et les équipements des laboratoires universitaires et des centres de recherche publics. Quand les installations nécessaires existeraient seulement dans des laboratoires privés qui appartiennent à de grandes corporations, les chercheurs auraient la possibilité de les réquisitionner (après tout, la recherche scientifique est d’intérêt public, comme le reconnaît quand on la finance avec les fonds publics), en offrant peut-être à ces corporations une compensation dont le montant serait établi par une loi, sauf quand elles bénéficient d’une forme directe ou indirecte de financement public ou quand elles participent à un partenariat public-privé, ce qu’elles ne pourraient pas obtenir ou faire sans conclure préalablement une entente qui stipule qu’elles doivent permettre aux chercheurs de l’Institut d’utiliser leurs laboratoires et leurs équipements, si ceux-ci en font la demande.

La deuxième difficulté à laquelle nous nous heurtons, c’est de trouver où prendre l’argent pour financer l’Institut et les recherches faites par ses membres. Une partie de l’argent investi par l’État dans des programmes de recherche public et dans des partenariats public-privé pourrait être redirigée vers l’Institut, de même qu’une partie de l’argent accordé par des corporations privées à des centres de recherche universitaires ou publics. Dans le premier cas, il s’agit d’avoir les fonds nécessaires pour soumettre à un examen rigoureux les recherches scientifiques faites avec les fonds publics, alors que dans le deuxième cas, il s’agit d’utiliser l’argent des entreprises qui s’enrichissent grâce aux résultats ou aux applications des recherches faites en collaboration avec des chercheurs qui bénéficient de financement public. Il serait aussi possible de taxer les profits faits par les entreprises en utilisant ou en vendant des applications des découvertes scientifiques qui sont le résultat d’une longue évolution de la science et qui appartiennent donc à une sorte de patrimoine collectif ; ou de taxer l’emploi qu’ils font des chercheurs formés en partie ou en totalité dans les écoles, les collègues et les universités publics ou qui obtiennent du financement public, et qui sont les héritiers d’une tradition scientifique qui est un patrimoine collectif et à laquelle ont contribué assez peu ces entreprises, qui l’exploitent surtout. Il s’agirait d’utiliser les profits faits par ceux qui accaparent arbitrairement les fruits de la science, pour procurer aux chercheurs de l’Institut les moyens et les conditions nécessaires pour soumettre à un examen critique les recherches et les productions scientifiques – qui sont d’intérêt public – réalisées sous l’influence de ces entreprises plus ou moins puissantes et riches. Aux directeurs et aux actionnaires qui ne seraient pas contents de cette idée, nous pourrions répondre par une plaisanterie : il s’agit là d’une sorte d’assurance-qualité de la recherche scientifique, qui devrait leur permettre de ne pas perdre d’argent en investissant dans des projets reposant sur des erreurs ou des fraudes scientifiques, et d’accroître leurs profits en investissant dans des avancées scientifiques réelles et solides. Seuls leurs concurrents déloyaux, qui s’enrichiraient grâce à des fraudes scientifiques, seraient pénalisés. Bref, c’est pour leur bien et ils devraient être contents, sauf s’ils sont des fraudeurs !

La science étant d’intérêt public, les chercheurs de l’Institut auraient le droit d’avoir accès aux protocoles de recherche, d’interroger les participants, d’obtenir les jeux de données et de visiter les laboratoires des centres de recherche publics et privés. Un refus serait considéré comme un crime d’abord passible d’une forte amende et, quand on persiste de refus, de peines d’emprisonnement pour les directeurs des centres de recherche et des corporations, accompagnés d’une interdiction pour les chercheurs de faire de la recherche pour des organisations qui obtiennent du financement public et qui participent à des partenariats privé-public, et peut-être pour des corporations privées. Cela semblera excessif. Mais étant donné les conséquences importantes que peut avoir une fraude scientifique, par exemple sur la santé des individus, sur les droits et des libertés des citoyens, sur les institutions démocratiques et sur la prospérité économique, la rétention d’information et le manque de transparence devraient être traités beaucoup plus sévèrement que quand il est question d’une fraude fiscale qui, même quand il s’agit de millions ou milliards de dollars, a des effets plus limités. Enfin, la protection du secret industriel ne saurait être invoquée pour se soustraire au libre examen des recherches scientifiques, puisque c’est seulement à cette condition que la science au sens fort du terme peut exister, et que nous pouvons juger s’il faut nous fier ou non aux résultats des recherches scientifiques et à leurs applications.

Précisons que les chercheurs de l’Institut pourraient seulement jouer le rôle d’enquêteurs, et pas celui de juges capables de rendre des verdicts et d’infliger des peines. Ces chercheurs n’étant pas à l’abri de l’erreur et même de la corruption, il serait dangereux de leur permettre d’être à la fois parties d’une controverse politique et juges de cette controverse. Ces deux rôles devraient s’exclure mutuellement, tout comme la science ne devrait pas se confondre ou se mélanger au droit. Ainsi, si des fraudes scientifiques et d’autres crimes semblent avoir été commis, ce sont devant les tribunaux que les accusations doivent être présentées. Pour sa part, l’Institut n’a pas à prendre position en faveur de leurs chercheurs dans une controverse scientifique à propos de savoirs ou de découvertes qui feraient consensus, mais doit seulement veiller à ce que l’indépendance de ses chercheurs soit assurée et à ce que ceux-ci font preuve de la même transparence à l’égard des autres chercheurs et organisations impliqués que celle exigée de ces derniers. Du côté des chercheurs et des organisations qui seraient la cible d’une demande d’accès à l’information et aux lieux de recherche par des membres de l’Institut, ces limites imposées au pouvoir de l’Institut constitueraient un incitatif à répondre de manière satisfaisante à cette demande, puisque cela ne saurait suffire pour qu’ils soient condamnés en cas de fraude scientifique avérée, contrairement au refus de répondre à cette demande.

Il ne faut pas nous illusionner sur un point important : les scientifiques de l’Institut ne seraient pas assez nombreux pour, à eux seuls, mettre à l’épreuve toutes les idées reçues et toutes les nouvelles découvertes scientifiques, et pour montrer ainsi que les consensus scientifiques n’existent pas et l’ampleur de l’idéologie scientifique utilisée pour organiser la société et notre vie. Mais le seul fait que cela arrive parfois, et que cela pourrait arriver, suffirait à affaiblir la sacralisation des « consensus » et de l’idéologie scientifiques par beaucoup de scientifiques et de non-scientifiques, à cultiver à sa place une saine méfiance, et à dissuader les chercheurs de se compromettre en manquant d’intégrité et de rigueur ou en participant à une fraude scientifique, au risque de se retrouver impliquée dans une controverse où il pourrait faire bien piètre figure, au minimum. Le risque, pour les scientifiques corrompus, serait d’autant plus grand que d’autres chercheurs, qui ne font pas partie de l’Institut, pourraient leur faire le même coup, une fois que des précédents ont été créés, ou par émulation, puisque les mœurs scientifiques pourraient alors se transformer.

Enfin, l’Institut pourrait être noyauté par de grandes corporations et des organisations politiques et bureaucratiques nationales ou supranationales, et être détourné de sa véritable fonction, dans le but d’empêcher ou d’atténuer la critique des savoirs établis ou sacrés dont elles ont besoin pour arriver à leurs fins, et pour attaquer seulement des savoirs établis qui sont des obstacles pour elles. Mais ne disposant pas de pouvoirs décisionnels et ne constituant pas une autorité à laquelle les autres scientifiques devraient se soumettre, les membres corrompus de l’Institut se retrouveraient seulement à provoquer une polémique scientifique, à montrer qu’il n’y a pas de consensus, et à contribuer à affaiblir la croyance aveugle que beaucoup ont en la science et à limiter l’influence ou le pouvoir de l’idéologie scientifique et des experts – ce qui est la première raison d’exister de l’Institut. Il se peut aussi que les savoirs établis, attaqués avec mauvaise foi par des scientifiques corrompus, profitent de ces attaques pour devenir plus que des idées acceptées sans beaucoup de réflexion et se transforment pour résister aux critiques trompeuses, qu’il en résulte des développements scientifiques intéressants, et que les scientifiques engagés dans leur défense répliquent en attaquant les positions explicites ou implicites des membres corrompus de l’Institut. Puis, étant donné que les membres de l’Institut n’auraient pas à s’intégrer à une hiérarchie bureaucratique, ne seraient pas subordonnés aux membres corrompus, n’auraient pas de comptes à leur rendre et garderaient leur indépendance, ils pourraient prendre d’assaut les positions que leurs confrères corrompus défendent explicitement ou implicitement. Les controverses scientifiques qui en résulteraient et qui seraient publicisées aideraient l’Institut à remplir sa mission même, à savoir lutter contre la croyance naïve de beaucoup de scientifiques et de non-scientifiques en ce qui passe pour être des savoirs scientifiquement établis, et ce, même s’il comptait plusieurs membres corrompus.


Cette institution n’est pas près d’être créée. Mais cette proposition nous montre ce qui manque dans notre politique scientifique, où on finance seulement les recherches à la mode ou susceptibles de remplir une fonction idéologique utile pour gouverner et organiser la société de manière autoritaire. C’est que nos politiciens et nos bureaucrates n’ont à peu près pas d’idées pour élaborer une politique scientifique. En fait, ils ne semblent pas se soucier d’en avoir. Leur indigence intellectuelle et leur peu d’intérêt pour la science sont tels que, tout ce qu’ils font pour favoriser la recherche scientifique, c’est d’y investir de grandes sommes d’argent, souvent dans le cadre de partenariats privé-public, pour orienter la recherche dans les directions qui leur semblent importantes ou qui le semblent à leurs partenaires privés, et pour renforcer l’idéologie scientifique qui sert leurs intérêts et renforce le pouvoir qu’ils exercent sur nous. Comme si la science était un véhicule dans lequel il suffisait de mettre de l’essence pour qu’il arrive à destination, alors que les politiciens, les bureaucrates et les gestionnaires des grandes corporations tiennent le volant et nous conduisent où ils désirent !

Cette critique vaut aussi pour les opposants, qui sont souvent dépourvus d’inventivité institutionnelle. S’il n’est certainement pas facile de transformer les institutions qui existent déjà et d’en créer de nouvelles, espérer sans ces transformations un changement dans le rapport des scientifiques et des non-scientifiques à la science est irréaliste ou même chimérique. Ce serait comme espérer de l’élection d’un autre président ou premier ministre et d’un autre parti politique un changement important dans la manière de gouverner, sans essayer de transformer les institutions politiques et les mœurs de la classe politique, d’abolir l’existence de cette classe ou de réduire son pouvoir.

À suivre.