Déclarations nébuleuses, incohérentes et absurdes sur la fin de l’état d’urgence sanitaire (ou l’art de nous mener en bateau)

Nos autorités politiques et sanitaires nous ont encore annoncé qu’elles vont envisager de mettre fin de l’état d’urgence sanitaire, cette fois-ci au début de l’année 2022 (« Fin de l’état d’urgence sanitaire en 2022 : Legault entrevoit la fin de la majorité des mesures », La Presse, 20 octobre 2021). Rappelons que c’est ce qu’elles nous ont dit il y a déjà plusieurs mois, pour inciter les adultes et les adolescents à se faire vacciner. L’état d’urgence, nous disait-on, pourrait peut-être être levé à l’automne, quand la couverture vaccinale visée (70 % ou 75 %) serait atteinte. Pourtant cette cible a été atteinte depuis longtemps et nous voilà en novembre sans qu’aucune mesure concrète n’ait été prise pour mettre fin à l’état d’urgence sanitaire. C’est qu’on nous a annoncé la venue du méchant variant Delta, qui devait décimer les personnes non vaccinées, et peut-être même une partie des personnes vaccinées plus vulnérables, invariablement infectées à cause des personnes non vaccinées. Nous attendons encore. Cette « quatrième vague » a été encore moins dévastatrice que la « troisième vague », c’est-à-dire une petite vaguelette de rien du tout, si du moins on s’intéresse à ce qui importe vraiment, c’est-à-dire aux décès et aux hospitalisations, et pas aux cas d’infection. Si certaines unités de soins ont peut-être été débordées, c’est que le nombre de lits disponibles pour une région socio-sanitaire était ridiculement bas, comme je l’ai montré dans un billet publié en septembre (« Remettre les pendules à l’heure »).

On nous fait maintenant le même coup qu’au début de l’été. Le gouvernement nous annonce la fin de l’état d’urgence sanitaire quand les enfants de 5 à 11 ans seront vaccinés, un moment donné au début de l’année 2022. Et quand on demande à notre premier ministre d’être un peu précis, il dit que ça dépend du moment où sera autorisé le nouveau vaccin destiné aux enfants, et de la vitesse à laquelle se déroulera leur vaccination. Autrement dit, la fin de l’état d’urgence sanitaire n’est pas tant liée à l’amélioration de la situation sanitaire, qu’à la vaccination massive de presque toute la population.

Nous fera-t-on le même coup le même coup en janvier, en février ou en mars ? C’est vraisemblable en raison de la fréquence des maladies respiratoires virales et des complications durant la saison hivernale, alors que le système de santé se porte très mal, de manière générale. Et c’est sans parler d’un nouveau variant prétendument plus contagieux et plus dangereux, dont on pourrait affirmer péremptoirement qu’il résiste aux vaccins de première génération. Ou encore de l’affaiblissement de l’immunité qu’auraient procurée ces vaccins après six mois ou une année. Le tout pour reprendre du début une autre grande campagne de vaccination massive.

Mais mettons que le gouvernement – une fois n’est pas coutume – tienne ses promesses et déclare la fin de l’état d’urgence sanitaire. Qu’est-ce que ça veut dire précisément ? Notre premier ministre esquive la question et évite de prendre des engagements. Il dit que toutes mesures sanitaires pourraient peut-être être levées. Il dit aussi qu’il se pourrait que ce soit la majorité d’entre elles, et que d’autres mesures pourraient rester. Mais la majorité, qu’est-ce que c’est ? 90 % ou 51 % des mesures sanitaires ? Et pour combien de temps les mesures non abolies seraient conservées ? Le seraient-elles indéfiniment ou une date de fin serait-elle fixée ? Et quelles mesures sanitaires seraient levées et quelles mesures seraient conservées ? Qu’adviendrait-il de l’obligation de porter un masque dans les lieux publics et de présenter son passeport vaccinal pour fréquenter certains lieux et participer à certaines activités ? Et que penser des promesses que nous fait notre gouvernement alors qu’il s’efforce d’obtenir des renforts pour suspendre sans solde les travailleurs de la santé non vaccinés le 15 novembre 2021, en même temps que notre premier ministre dit envisager la levée de la majorité des mesures sanitaires d’ici quelques mois ? Serait-ce que l’obligation vaccinale qui vise les professionnels de la santé, et qui pourrait aussi viser d’autres corps d’emploi bientôt, ne compte pas parmi les mesures auxquelles on compte mettre fin ? Et que dire des mesures sanitaires imposées par le gouvernement canadien, par exemple l’obligation d’avoir un passeport vaccinal pour voyager d’une province à l’autre, ou l’obligation pour les fonctionnaires fédéraux d’être vaccinés pour ne pas être suspendus sans solde et, à terme, être peut-être congédiés sans autre forme de procès ?

Ce qu’a dit aux journalistes le ministre de la Santé et des Services sociaux ne laisse présager rien de bon :

« Je pense que c’est très clair que la fin de l’urgence sanitaire ne veut pas dire la fin de mesures sanitaires. Avec la Santé publique, on va continuer de communiquer nos mesures. »

Ou encore :

« L’urgence sanitaire, c’est une chose, mais les mesures sanitaires, je vais laisser le [directeur national de santé publique] D[Horacio] Arruda, nous revenir avec un plan. »

Mais quel sens cela peut-il avoir de mettre fin à l’état d’urgence sanitaire et de conserver les mesures adoptées sous prétexte d’urgence sanitaire ? Lesdites mesures, si elles sont des mesures d’exception justifiées par l’urgence sanitaire, ne devraient-elles pas prendre fin en même temps que l’état d’urgence sanitaire ? Comment l’urgence sanitaire peut-elle être une chose, et les mesures sanitaires, une autre ?

Bien que notre gouvernement ne soit pas capable de répondre à ces questions qu’il ne se pose d’ailleurs pas, il envisage – si c’est nécessaire – de faire durer certaines mesures sanitaires exceptionnelles, notamment grâce à l’adoption de lois susceptibles de normaliser une partie de l’urgence sanitaire. Ce qui veut dire que ces mesures seraient là pour rester jusqu’à ce que ces lois soient abrogées, et qu’elles seraient donc partie intégrante de la nouvelle normalité. Tout ce qu’on pourrait gagner à la fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est que le gouvernement ne nous imposerait plus constamment de nouvelles mesures sanitaires grâce aux pouvoirs exceptionnels qu’il s’est accordés à lui-même. À supposer qu’il ne fasse pas des lois pour conserver une partie de ces pouvoirs exceptionnels, qui deviendraient alors permanents. La crise actuelle, qui n’est pas simplement sanitaire et causée par le virus, pourrait donc très bien se poursuivre ou même s’aggraver après la soi-disant fin de l’état de l’urgence sanitaire.

Avons-nous envie – pour une période indéfinie, peut-être pour le reste de nos jours – de nous soumettre au dépistage et au traçage des contacts ? De nous exposer à être séquestrés à la maison parce que nous avons reçu un résultat positif ou parce que nous avons été en contact avec un cas positif, alors que nous n’avons pas de symptômes et ne sommes par conséquent pas malades ? De devoir porter le masque dans les lieux publics ? De devoir présenter un passeport vaccinal pour accéder à certains lieux publics ou pour participer à certaines activités ou d’en être exclus sans appel ? Dans certains cas, d’être empêchés de pratiquer notre profession et d’être privés de nos moyens de subsistance pour cause de non-respect de l’obligation vaccinale ? Et de continuer à engraisser l’industrie pharmaceutique grâce aux fonds publics, avec une campagne de vaccination massive de toute la population, toutes les années ou tous les six mois, en nous exposant à chaque fois à de graves effets secondaires ? Bref, avons-nous encore envie d’être traités encore longtemps comme des animaux domestiques, comme du bétail, comme des rats de laboratoire ? Voulons-nous d’une pareille vie ?

Pensons-y bien avant de nous laisser mener en bateau une autre fois par le gouvernement.