Corruption morale et intellectuelle des citoyens

Dans la langue courante, nous entendons la corruption d’une manière tellement réductrice qu’il y a une foule de choses que nous pouvons difficilement penser et même remarquer. La plupart du temps, quand nous parlons de corruption, nous voulons dire qu’une personne en soudoie une autre pour obtenir une faveur, un privilège, un contrat, un passe-droit, en échange d’une somme d’argent, d’un cadeau ou d’un service, par exemple. Ou encore nous voulons dire qu’il y a détournement de fonds. Ainsi celui qui est corrompu est presque toujours quelqu’un qui occupe une certaine position d’autorité, souvent une charge publique. Il y a des policiers corrompus auxquels on peut offrir des pots-de-vin pour qu’ils n’appliquent pas la loi. Il y a des politiciens corrompus qui obtiennent de l’aide financière ou d’une autre nature lors de leur campagne électorale, et qui restent redevables à leurs protecteurs après leur élection. Il y a des bureaucrates corrompus qui profitent de leur position pour s’enrichir à même les fonds publics, ou pour enrichir les membres de leurs familles et leurs amis.

La corruption est donc, dans son sens le plus usuel, un trafic illégal d’argent, d’influence, de pouvoir et de faveurs. Et si la corruption comporte bien à nos yeux une dimension morale – nous portons toutes sortes de jugements moraux négatifs sur les personnes corrompues, en allant parfois jusqu’à les dire immorales –, celle-ci est étroitement liée à ce trafic. S’il peut avoir lieu, c’est parce que les personnes impliquées sont corrompues moralement. Ou bien c’est ce trafic qui corrompt les personnes qui y participent.

Quant à l’idée d’une corruption intellectuelle, ou si l’on préfère la corruption de l’intelligence elle-même (à ne pas confondre avec la corruption d’une élite intellectuelle au sens usuel, bien que les deux formes de corruption puissent être liées), elle est presque toujours absente de nos discussions et de nos réflexions. Je dirais même qu’elle peut sembler étrange à beaucoup d’entre nous.

Il en résulte que nous, qui sommes de simples ou de vulgaires citoyens, n’avons pas l’impression de pouvoir être corrompus. Et même si nous l’étions, cela serait en fait beaucoup moins grave que la corruption des policiers, des juges, des politiciens et des bureaucrates. Ce n’est pas nous qui sommes chargés d’appliquer les lois, de les édicter ou d’administrer les fonds publics. Et nous n’envisageons pas de faire des études pour devenir policiers ou juristes, pas plus que nous ne jugeons probable d’être cooptés par la classe politique ou de rejoindre le club sélect des hauts gestionnaires de la fonction publique.

Bref, nous ne croyons pas pouvoir être objet de corruption tant nous nous prenons nous-mêmes pour des moins-que-rien, sur le plan social et politique. Qui voudrait nous corrompre, pensons-nous, perdrait son temps et son argent, car nous ne pourrions rien faire pour lui en retour, du moins rien qu’il ne pourrait obtenir lui-même.

Mais il en va autrement si nous allons à l’encontre de l’appauvrissement de la langue et de la pensée qu’implique une conception aussi réductrice et aussi simpliste de la corruption, pour lui redonner un sens plus riche et plus complexe. Si par corruption, nous voulons dire la dégradation des qualités morales et intellectuelles, les citoyens que nous sommes peuvent certainement être corrompus, que cela soit le résultat d’actions concertées ou non. Et cette corruption a forcément des effets sur la santé des institutions démocratiques, ainsi que sur les droits et les libertés dont ces institutions dépendent grandement et qui dépendent en retour de ces institutions. Notre corruption n’est donc plus une petite affaire de rien du tout.

Notre corruption entretient des liens étroits avec la corruption qui sévit chez les politiciens, les bureaucrates, les juges et les policiers, en ce que notre indifférence, notre lâcheté, notre naïveté, notre cynisme, notre docilité et notre manque de jugement permettent à ces personnes de faire leurs magouilles sans être inquiétées ou de se laisser détourner facilement des fins des fonctions qu’elles occupent, par calcul, par bêtise ou par respect pour la hiérarchie. En retour, la corruption de ces détenteurs du pouvoir public peut favoriser chez nous le développement de ces belles dispositions ou ne pas l’entraver, et ainsi contribuer à nous corrompre encore plus. Ce qui a commencé bien avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire en 2020, et s’est intensifié rapidement à partir de ce moment.

Mais ne nous égarons pas dans des considérations aussi générales. Intéressons-nous plutôt à des cas particuliers, qui ne seront qu’un échantillon de notre corruption morale et intellectuelle, lequel nous permettra de nous faire une idée de son caractère sournois et de l’ampleur de ses effets sur notre vie et notre société.

 

La lâcheté comme vertu

La manière dont on nous a demandé de nous comporter vis-à-vis du virus ne saurait être plus lâche. Le virus est arrivé et, du jour au lendemain, on nous a demandé de nous enfermer à la maison, quel que soit notre état de santé et notre âge. Non seulement on a cultivé la peur, mais on est allé jusqu’à faire des comportements qu’elle provoque des comportements vertueux. Car en fuyant devant le virus, en nous barricadant chez nous, en réduisant nos contacts sociaux, en portant le masque dans tous les lieux publics, en nous désinfectant les mains compulsivement, nous avons véritablement capitulé devant le virus. C’était la seule chose morale et raisonnable à faire, nous a-t-on dit et continue-t-on de nous dire, même si cela veut dire d’arrêter de vivre à cause du virus, ou à tout le moins d’organiser notre vie en fonction du virus.

Ainsi des comportements qui nous auraient semblé absurdes et stupides peu de temps avant sont devenus, aux yeux de la majorité de la population, des manifestations de moralité et d’intelligence. Non seulement nous serions tous vulnérables, mais il y aurait des personnes encore plus vulnérables qu’il faudrait protéger en nous défilant devant le virus ou en multipliant indéfiniment les moyens de protection, qui seraient tous efficaces, mais qui ne sauraient jamais être suffisants. Les comportements et les paroles qui ne sont pas conformes à cette morale sont qualifiés d’inconscients, de négligents, de dangereux et d’infiniment stupides. Il faudrait être un demeuré de première classe pour ne pas avoir immédiatement compris et pour persister à ne pas comprendre que telle est la nouvelle morale révélée qui devrait s’appliquer aux moindres détails de la nouvelle normalité, qui serait une conséquence nécessaire de l’arrivée du virus et de l’apparition des variants.

Les petits bourgeois tremblotant qui ont peur pour leurs fesses sont, dans cette perspective morale, des parangons de vertu. Les gauchistes – qu’on peut mener par le bout du nez dès qu’on parle de personnes vulnérables à protéger et de victimes à sauver – se rangent du côté de ces bourgeois contre les personnes issues de milieux populaires qui voudraient pouvoir vivre normalement. Ils font même de la surenchère morale et entendent aller plus loin que le gouvernement et les bourgeois, ce qui fait d’eux des super-bourgeois, même s’ils prétendent déplorer la précarité économique grandissante dans laquelle se trouvent les personnes défavorisées, avec son lot de conséquences elles aussi déplorables. Ce que les bons bourgeois eux-mêmes font, non sans une bonne dose d’hypocrisie.

Cette lâcheté a des conséquences d’autant plus graves qu’elle peut avoir d’autres objets que le virus. Entre autres, elle a aussi pour objet le gouvernement et les mesures sanitaires qu’il décrète. Qui a pris l’habitude d’être lâche vis-à-vis du virus et d’y voir une grande vertu peut difficilement faire preuve de combativité vis-à-vis d’une entité aussi tangible et puissante que le gouvernement, surtout quand celle-ci s’est accordé à elle-même des pouvoirs exceptionnels pour s’ingérer dans tous les aspects de la vie sociale et individuelle des citoyens, et a pris les moyens qui s’imposent pour surveiller et punir, en mettant à contribution non seulement les forces policières, mais en mettant sur pied une armée irrégulière de délateurs bénévoles recrutés dans la population.

Une telle personne peut aussi difficilement faire preuve de combativité vis-à-vis de son milieu de travail, par exemple à propos d’une mesure sanitaire qu’elle trouverait exagérée, par exemple le port du masque de procédure en tous temps alors que les bureaux sont presque vides. Même chose quand il s’agira de résister à son entourage à propos d’une intervention médicale dont l’efficacité et la sécurité lui sembleraient douteuses, par exemple les fameux vaccins expérimentaux, auxquels plusieurs refusent même le nom de vaccins.

Bref, la personne qui a pris l’habitude d’agir lâchement vis-à-vis du virus, et qui vit couardement depuis plus d’un an, ne sera pas en mesure de résister. Souvent elle sera incapable d’en avoir l’idée et l’envie. Souvent une telle résistance lui semblera immorale et même scandaleuse. Si elle sent confusément que son attitude est loin d’être moralement élevée, elle aura tôt fait de trouver toutes sortes de raisons – que le gouvernement et les journalistes lui procurent déjà – pour se cacher à elle-même et aux autres ce qu’il en est véritablement, et pour consommer le renversement moral, c’est-à-dire le grand ramollissement. Par exemple, ce serait faire preuve de résilience et même de courage d’endurer avec patience toutes les contraintes et toutes les règles que le gouvernement nous imposerait pour notre bien, celui de nos concitoyens et celui de toute la société.

Celui qui commence à se dire ce genre de choses et se met à y croire a atteint un tel degré de pourriture morale qu’on peut se demander s’il y a encore quelque à faire de lui. N’a-t-il pas été irrémédiablement domestiqué ?

 

L’obéissance comme vertu et la perversion de la liberté

Dans le contexte actuel, la lâcheté et l’obéissance marchent main dans la main. Nous obéissons parce que nous sommes lâches et nous devenons encore plus lâches parce que nous obéissons.

Certes, toutes les sociétés, même les plus démocratiques, exigent une certaine obéissance de la part des personnes qui la constituent. Les autorités politiques doivent pouvoir rendre effectives leurs décisions et se faire obéir. Ce qui caractérise la crise actuelle, c’est l’intrusion des autorités politiques et sanitaires dans de nombreux aspects de notre vie, sous prétexte de protéger notre santé et celle des autres. On nous donne des consignes dites sanitaires pointilleuses et changeantes pour une foule de petites actions qui, avant, étaient indifférentes aux yeux de ces autorités. Non seulement on attend de nous que nous obéissions, mais aussi que nous ne remettions pas en question ce qui est censé justifier les consignes qu’on nous donne, leur manque de cohérence et les changements qu’on leur apporte régulièrement. Il nous faut obéir, un point, c’est tout. Les personnes qui décident, en raison de la position qu’elles occupent dans la hiérarchie politique et bureaucratique, sauraient ce qui est bon pour nous, pour nos concitoyens et pour la société dans son ensemble. Et pas question d’invoquer la liberté de disposer de notre personne et d’assumer les conséquences de nos décisions pour nous soustraire à ce pouvoir paternaliste et infantilisant. La liberté ainsi conçue semble un abus immoral, scandaleux et dangereux à nos autorités, qui parviennent avec l’aide des journalistes à imposer cette manière de voir à beaucoup de nos concitoyens, qui en viennent à se moquer bêtement de tout ceux qui oseraient s’opposer aux consignes omniprésentes au nom de ce qu’on a commencé à appeler, par dérision, la « libârté », en laissant entendre qu’il faudrait appartenir à la lie de la société pour avoir une telle manière de voir les choses, et que toute personne un peu intelligente, cultivée et respectable sait bien que la « libârté » ne saurait passer avant la « protection de la santé ».

Il est vrai que nos autorités politiques et sanitaires et les journalistes ont recommencé à nous parler de liberté quand la vaccination a été élargie à tous les groupes d’âge, au lieu d’être limitée à ceux qui étaient considérés comme les plus vulnérables. Si nous voulons retrouver notre liberté, il faut nous faire vacciner en grand nombre et atteindre l’immunité collective, nous disait-on. Et avec l’arrivée du variant Delta et l’implantation du passeport vaccinal, il faut nous faire vacciner pour conserver la liberté limitée et conditionnelle qu’on a daigné nous accorder dans le cadre du plan de déconfinement estival et ne pas être tous reconfinés cet automne ou cet hiver, nous dit-on depuis deux mois. D’une aversion pour la liberté cultivée par les autorités politiques et sanitaires, nous passons à une perversion de la liberté. C’est-à-dire que nous en venons à appeler liberté ce qu’on nous autorise à faire seulement si nous nous conformons aux exigences imposées par le gouvernement et si nous obéissons aux consignes qu’il nous donne. Au lieu d’agir de manière libre en exerçant la liberté qu’on condescend à nous accorder, nous nous retrouvons à obéir en consentant aux conditions qu’on nous impose pour faire la moindre petite chose, comme entrer dans un commerce, aller prendre un café, manger au restaurant, suivre ou donner un cours en présentiel ou réintégrer notre bureau après plus d’une année de télétravail. Et comme si cela ne suffisait pas, nous devrions accepter sans broncher que nos autorités politiques et sanitaires se gardent le droit de changer ces conditions selon leur bon plaisir. Ce qui veut dire qu’il ne s’agit même pas d’une convention que nous faisons avec nos autorités pour avoir un peu de liberté. Nous abandonnons à ces dernières le droit de fixer et de revoir ces conditions, sans nous consulter et sans avoir de comptes à nous rendre. Comme des enfants qui, par la force des choses, doivent se soumettre entièrement à l’autorité parentale et accepter que maman et papa ne leur accordent pas ce qu’ils ont promis.

En résumé, non seulement nous nous retrouvons à avoir une conception complètement pervertie de la liberté, mais l’obéissance qu’on exige de nous pour des actions qui nous concernent principalement, ou qui concernent tout au plus notre entourage, nous infantilise à un tel point que, n’étant pas jugés aptes à décider de notre manière d’agir dans la vie quotidienne et à veiller sur notre propre santé, on nous juge encore moins aptes à avoir un avis éclairé sur les décisions politiques et sanitaires que prennent nos autorités, et donc nous ne devrions pas participer aux délibérations politiques, qui se retrouvent alors à être l’affaire de la classe politique et bureaucratique. C’est aussi le sentiment qu’on nous inculque, ce qui explique pourquoi nous acceptons de nous laisser gouverner par les autorités qui s’accordent à elles-mêmes des pouvoirs exceptionnels et qui s’ingèrent dans tous les aspects de notre vie.

Un adulte autonome et doté d’une colonne vertébrale ne saurait être contraint à une telle obéissance et tolérer d’être ainsi brimé dans sa liberté. Le seul fait d’obéir dans ce contexte l’engage dans un processus de ramollissement moral et intellectuel qui, ultimement, fera de lui une sorte de mollusque amorphe, ou tout au plus un animal domestiqué obéissant au doigt et à l’œil aux autorités.

 

La bêtise et l’étroitesse d’esprit comme vertus

L’intelligence des citoyens – qu’on ne se souciait guère de développer avant l’arrivée du virus et qu’on dégradait déjà par des programmes de formation dispensant de penser et de juger, par l’incompétence de nombreux enseignants et professeurs à tous les niveaux de notre système d’éducation, par l’absence de critères d’admission rigoureux dans les universités, par le désir d’accroître la diplomation coûte que coûte, par l’importance démesurément grande du travail qui abrutit et prive beaucoup d’entre nous du temps et de l’envie de se cultiver, par les divertissements rudimentaires, stupides et même décérébrants qui sont censés nous occuper pendant nos temps libres – est attaquée de tous les côtés depuis que nos autorités ont la prétention de protéger notre santé en usant de tous les moyens imaginables, qu’ils soient efficaces ou non, qu’ils soient compatibles les uns avec les autres ou non.

Pour nous convaincre que nous sommes gravement menacés par un virus et justifier les bons soins qu’elles veulent avoir pour nous, nos autorités politiques et sanitaires n’hésitent pas à avoir recours aux absurdités les plus criantes et à corrompre la langue grâce à laquelle nous parlons et pensons. Une pandémie serait simplement une maladie qui se propage en ignorant les frontières, quelle que soit sa gravité. Une personne devrait être considérée comme atteinte de la COVID-19, donc malade, même si elle n’a pas le moindre symptôme, ce qui est une contradiction dans les termes. Un vaccin serait n’importe quel truc qu’on nous injecte dans le bras et dont on nous dit qu’il va nous procurer une immunité contre une maladie, si bien que le fait de faire produire à l’organisme ce qui doit provoquer une réponse immunitaire, au lieu de le lui injecter, ne changerait rien à l’affaire. Qui gobe de pareilles sornettes le paie de son intelligence, qui de toute évidence laissait déjà à désirer.

Les affirmations péremptoires du gouvernement font aussi beaucoup de mal à notre intelligence. On saurait que les vaccins sont efficaces alors que les essais cliniques qui ont précédé leur autorisation conditionnelle ont été faits durant l’été et au début de l’automne, alors que le virus se propageait moins et était encore moins létal que pendant la saison hivernale. On saurait que les vaccins sont sécuritaires et qu’ils n’ont pas d’effets secondaires importants et fréquents à moyen et à long terme après les premières phases des études cliniques qui ont duré seulement quelques mois. On saurait que les données transmises pour obtenir les autorisations d’utilisation d’urgence sont fiables même si elles ont été fournies par les sociétés pharmaceutiques et n’ont pas pu être vérifiées par les autorités sanitaires gouvernementales. On saurait que les vaccins arrêteraient ou réduiraient considérablement la propagation du virus même si les essais cliniques n’ont pas étudié la question, ce qui voudrait dire qu’il ferait sens de se faire vacciner pour protéger les autres. On saurait aussi que les bénéfices de la vaccination de tous les groupes d’âge surpasseraient de beaucoup les risques, même pour les personnes qui n’ont presque pas de chances d’avoir de graves complications et d’en mourir.

À cela il faut ajouter toutes sortes de consignes incohérentes et de prises de positions douteuses des autorités politiques et sanitaires et des journalistes, comme le fait de considérer les manifestations comme sécuritaires et de les tolérer ou même de les encourager quand elles sont contre le racisme, mais de les considérer comme irresponsables et dangereuses et de les condamner vivement quand il s’agit d’exprimer sa désapprobation des mesures sanitaires et de l’autoritarisme du gouvernement. Ou encore l’obligation de porter un masque quand on circule dans certains lieux publics ou milieux de travail sous prétexte de ne pas propager le virus, alors qu’on pourrait l’enlever une fois qu’on est assis à sa place. Ou encore le fait que l’on peut réduire la distanciation sociale quand on est assis, si on demeure silencieux ou si on ne parle pas fort. Toutes ces distinctions arbitraires, qu’on nous présente comme allant de soi même si elles sont sujettes à changer, détériorent assurément l’esprit de celui qui y croit, et même de celui qui doute d’elles, mais qui doit évoluer dans un environnement où elles s’appliquent et où il doit se conformer à elles.

Enfin, le dogmatisme ambiant, frisant souvent l’absurde, achève de dégrader notre intelligence pour peu que nous nous montrions crédules, ou que nous demeurions passifs intellectuellement, comme nos autorités et les journalistes l’attendent de nous. L’une des manifestations aberrantes de ce dogmatisme consiste à menacer de sanctions les médecins et les scientifiques qui ne sont pas d’accord avec les positions gouvernementales et ce qui passe pour des vérités scientifiques avérées, pour ensuite prétendre qu’il y aurait consensus à propos de ces positions et de ces soi-disant vérités scientifiques. Une autre manifestation aberrante de ce dogmatisme vient des médias, qui décrètent que les informations qu’ils diffusent sont véridiques, ce sur quoi ils s’appuient pour faire des études dont la conclusion est que les informations disponibles sur internet, transmises d’une manière ou d’une autre, s’éloignent plus souvent de la vérité que les informations transmises par eux. Et c’est toujours ce dogmatisme qui se manifeste quand le gouvernement déclare et quand les journalistes répètent à l’unisson que la très grande majorité des personnes infectées et hospitalisées dernièrement sont non vaccinées, sans qu’on daigne rendent disponibles les données brutes ou agrégées sur les cas d’infection, les hospitalisations et les décès en fonction du statut vaccinal. Il nous faudrait croire sur parole les déclarations invérifiables des autorités et des journalistes.

La tolérance à l’absurdité, aux incohérences, aux affirmations arbitraires et invérifiables et au dogmatisme qui en résulte affaiblit notre esprit critique et notre jugement et nous incite même à penser par autorité. Et notre cerveau s’en trouve ramolli. Et ce n’est pas seulement notre intelligence qui se dégrade : ce sont aussi nos exigences intellectuelles qui se rabaissent. L’intelligence et la rigueur intellectuelle se retrouvent peu à peu dévalorisées en ce qui nous concerne, bien que beaucoup d’entre nous continuent à supposer gratuitement la présence de ces qualités chez nos autorités et nos experts pour justifier l’abandon de leur esprit critique et de leur autonomie intellectuelle.


D’autres aspects de la corruption des citoyens méritent assurément d’être analysés. Je pense entre autres au fait que le gouvernement nous encourage à nous surveiller les uns les autres, à nous rappeler à l’ordre les uns les autres et à nous dénoncer les uns les autres quand nous ne respectons pas les consignes qu’il nous donne. Le gouvernement va même jusqu’à exiger que certains d’entre nous réalisent en son nom le contrôle de notre statut vaccinal pour nous autoriser ou non à entrer à tel endroit et à participer à telle activités. Ce qui revient à propager l’esprit policier dans une frange non négligeable de la population, qui pourtant n’exerce pas la profession de policier ou d’agent de sécurité. Mais je ne ferai pas ces analyses dans ce billet qui s’allonge. Sans exclure que j’analyserai dans d’autres billets ces aspects de la corruption, j’invite mes lecteurs qui en auraient envie à faire eux-mêmes cette analyse.


Je conclus ce billet par quelques remarques générales.

Quoi qu’en pensent les autorités politiques et sanitaires, jalouses des pouvoirs exceptionnels qu’elles se sont accordés à elles-mêmes, les citoyens occupent une fonction politique, ou à tout le moins il devrait en être ainsi dans une société démocratique digne de ce nom et dont les institutions politiques seraient vivantes et n’auraient pas été corrompues. En corrompant moralement et intellectuellement les citoyens, on les rend incapables de jouer leur rôle politique et, quoiqu’en gardant le nom de citoyens, ils se retrouvent à devenir à leur insu de simples sujets. Les effets de la corruption des citoyens peuvent donc être massifs et peut-être aussi importants et nuisibles que les effets de la corruption – elle aussi morale et intellectuelle – des autorités politiques et sanitaires. Quand les citoyens sont corrompus, les dirigeants peuvent l’être presque ouvertement. On ne s’en aperçoit même pas ou ça ne dérange personne. C’est normal.

Rappelons aussi que la corruption morale et intellectuelle des citoyens a certainement commencé bien avant l’arrivée du virus, et qu’elle s’est seulement intensifiée depuis. Si les citoyens n’avaient pas été déjà pour beaucoup grandement corrompus, cette intensification de la corruption n’aurait pas été possible, ou du moins elle se serait heurtée à une opposition beaucoup plus vive et beaucoup plus répandue. Cela s’explique sans doute par le fait que ce ne sont pas seulement les individus qui peuvent être corrompus, et par le fait que les institutions, les milieux sociaux et les courants sociaux et politiques peuvent aussi se corrompre ou être corrompus, et du même coup devenir corrupteurs des individus. Je traiterai probablement de cette question dans un autre billet, mais j’invite mes lecteurs à prendre les devants en y réfléchissant de leur côté.

Pour terminer, une mise au point importante : nous aurions tort, nous qui essayons de résister au vent d’autoritarisme et de folie qui souffle actuellement, de croire que nous sommes à l’abri de cette corruption morale et intellectuelle. Même si ses effets se font probablement moins sentir chez nous que chez ceux de nos concitoyens qui adhèrent corps et âme à la nouvelle idéologie politique et sanitaire, ou qui se laissent simplement emporter par le courant, notre capacité d’opposition est progressivement dégradée par toutes les petites lâchetés que nous nous permettons pour continuer à évoluer sans trop de heurts dans notre environnement qui se transforme rapidement, notre autonomie et notre amour de la liberté sont minés par tous les actes d’obéissance auxquels nous consentons quotidiennement pour ne pas avoir d’ennuis avec nos employeurs et nos collègues, ainsi qu’avec les forces policières, alors que notre intelligence est sournoisement émoussée et nos exigences intellectuelles sont insidieusement rabaissées par le fait que nous vivons dans une société où foisonnent des absurdités, des incohérences et des croyances arbitraires et dogmatiques, que nous devons parfois traiter comme des vérités solidement établies pour pouvoir interagir avec nos concitoyens dociles et endoctrinés.

Nous aussi, à force de céder et d’obéir, le plus souvent sans rien dire, à force de faire comme si nous croyions aux pseudo-vérités qu’on nous assène, nous nous corrompons, nous nous ramollissons… Ce qui facilite certainement la mise en place du nouvel ordre moral, social et politique qui a commencé il y a 18 mois et qui se poursuit. D’où l’importance de trouver des moyens de résister à cette corruption et d’atténuer ou de neutraliser ses effets sur nous.