Contre l’arbitraire

Pour ne pas donner l’impression que j’érige un épouvantail pour ensuite lutter contre lui, il importe de montrer que l’arbitraire a bien des partisans, quoiqu’aucun d’entre eux ne se proclame défenseur de l’arbitraire. Puisque la plume aiguisée de Benjamin Constant s’est déjà intéressée à cette question, et que je ne saurais raisonnablement espérer faire mieux, je reprends le début de son essai sur l’arbitraire :

« Avant de combattre les partisans de l’arbitraire, il faut que je prouve que l’arbitraire a des partisans : car telle est sa nature que ceux mêmes qu’il séduit par les facilités qu’il leur offre sont effrayés de son nom, lorsqu’il est prononcé ; et cette inconséquence est plus souvent un malentendu qu’un artifice.

L’arbitraire, qui a des effets très positifs, est pourtant une chose négative : c’est l’absence des règles, des limites, des définitions, en un mot, l’absence de tout ce qui est précis.

Or, comme les règles, les limites, les définitions sont des choses incommodes et fatigantes, on peut fort bien vouloir secouer le joug, et tomber ainsi dans l’arbitraire, sans s’en douter.

Si je ne définissais donc pas l’arbitraire, je prouverais vainement qu’il a les effets les plus funestes. Tout le monde en conviendrait ; mais tout le monde protesterait contre l’application. Chacun dirait : L’arbitraire est sans doute infiniment dangereux ; mais quel rapport y a-t-il entre ses dangers et nous, qui ne voulons pas l’arbitraire ! »

(Benjamin Constant, Œuvres politiques, VI, « De l’arbitraire ».)

Assurément notre gouvernement ne reconnaîtra pas qu’il exerce le pouvoir de manière arbitraire. Et tous les bureaucrates, tous les juristes, tous les scientifiques, tous les professionnels de la santé, tous les journalistes et tous les citoyens qui adhèrent à l’ordre politico-sanitaire qui s’est mis en place depuis presque 15 mois nieront évidemment la chose en bloc. Non, c’est impossible, pensera-t-on, puisque les décrets et les arrêtés du gouvernement auraient été promulgués grâce aux pouvoirs supplémentaires dont il dispose en vertu de la section sur l’état d’urgence sanitaire de la Loi sur la santé publique.

Nous y voilà ! Comme si l’arbitraire ne pouvait pas s’immiscer dans toute la politique par l’intermédiaire d’une loi vague et imprécise ! Comme si les pouvoirs qu’elle confère à un gouvernement ne pouvaient pas être arbitraires par leur nature et l’absence de cadre, de limites et de reddition de comptes ! Comme si les décrets et les arrêtés promulgués, par leur forme même et leur caractère imprévisible et changeant, ne pouvaient pas être arbitraires !

En fait, il est vraisemblable que le pouvoir n’a jamais été exercé de manière aussi arbitraire dans toute l’histoire du Québec, car d’après la Loi sur la santé publique :

  • le fondement juridique de l’état d’urgence sanitaire et des pouvoirs supplémentaires du gouvernement, à savoir la crise sanitaire, n’est pas défini, ce qui veut dire que l’appréciation de ce qu’est une crise sanitaire est laissée à l’arbitraire du gouvernement (quoiqu’il puisse décider de s’appuyer sur une déclaration de l’OMS pour palier à ce manque) ;

  • le gouvernement peut déclarer l’état d’urgence sanitaire pour s’accorder à lui-même des pouvoirs dont l’étendue est indéfinie, pour autant qu’il prétende agir dans l’intérêt de la santé publique et qu’il lui semble y avoir une crise sanitaire ;

  • le gouvernement peut renouveler l’état d’urgence autant de fois qu’il le désire et aussi longtemps qu’il le désire, à moins que l’Assemblée nationale en décide autrement, ce qui ne peut pas arriver quand il détient la majorité parlementaire, comme c’est actuellement le cas ;

  • il ne saurait être poursuivi en justice pour des décisions qu’il a prises de bonne foi dans l’intérêt de la santé publique.

Quant aux décrets et aux arrêtés, ils s’accumulent depuis mars 2020. En raison des nombreux renvois et amendements, ils sont souvent inintelligibles et alors nous ne pouvons pas savoir ce que nous avons le droit de faire et ce que nous n’avons pas le droit de faire. Ce qui a force de loi, c’est ce que les autorités nous disent dans les points de presse et annoncent dans les médias. C’est aussi ce que nous trouvons dans plusieurs sections du site du gouvernement. Cela peut changer du jour au lendemain, selon l’idée que le gouvernement dit se faire de la situation sanitaire, ou selon les dernières tendances mondiales en matière de mesures sanitaires. Il peut rompre du jour au lendemain les ententes qu’il nous propose, ou même les annuler avant qu’elles entrent en vigueur. Nos libertés les plus fondamentales, comme la liberté de déplacement et la liberté de rassemblement, peuvent être restreintes ou suspendues selon son bon plaisir, bien qu’inscrites dans nos chartes des droits et libertés.

Bref, nous sommes à la merci des décisions, des lubies et des caprices du gouvernement.

On dira pourtant qu’il est exagéré de parler de pouvoir arbitraire, alors que le gouvernement a déclaré et prolonge l’état d’urgence sanitaire pour disposer des pouvoirs exceptionnels nécessaires pour protéger la santé de la population.

À quoi l’on peut répondre que la manière de gouverner du gouvernement est opaque, n’est sujette à aucun contrôle et n’est presque pas débattue publiquement, et qu’il nous faudrait simplement croire sur parole nos autorités politiques et sanitaires, les experts autorisés et les journalistes qui abondent dans le même sens qu’elles, alors que les opinions divergentes et les voix dissidentes sont ignorées, ridiculisées, disqualifiées ou même attaquées vivement sans qu’on daigne les prendre en considération. Alors comment savoir si le gouvernement ne se trompe pas ou ne nous trompe pas quand il dit vouloir protéger la santé de la population pour justifier non seulement des mesures arbitraires qui portent atteinte à nos droits et libertés, mais aussi les pouvoirs arbitraires dont il dispose ? En fait, cette excuse consistant à dire qu’on gouverne ainsi pour notre bien, quand le gouvernement est maître incontesté de décider à notre place ce qu’est ce bien et la manière de l’atteindre, fait partie intégrante de l’exercice arbitraire du pouvoir, et sert de socle à toutes les décisions arbitraires prises par le gouvernement. Loin d’infirmer que notre gouvernement exerce le pouvoir de manière arbitraire, ce prétexte confirme plutôt qu’il en est ainsi. En prétendant poser la santé et la sécurité de la population comme des absolus, nos droits et nos libertés ne nous sont plus garanties par la Loi, mais dépendent en fait de ce que notre gouvernement décidera assez arbitrairement de considérer comme nécessaire à la protection de la santé et de la sécurité de la population.

Ce qui importe quand il s’agit de déterminer si notre gouvernement exerce le pouvoir de manière arbitraire, ce ne sont ni les beaux discours selon lesquels il veillerait sur notre santé, ni les preuves prétendument scientifiques fournies par les experts autorisés, ni la promotion des décisions politiques et sanitaires faite par les journalistes. Ce qui importe, c’est la nature des actes politiques accomplis, la manière dont ils sont accomplis et leurs effets sur les citoyens, les dirigeants et l’ensemble de la société. S’il fallait plutôt prendre pour critère de ce qui est arbitraire ou non les discours apologétiques de ceux qui se rendent peut-être coupables d’arbitraire dans l’exercice du pouvoir, alors il serait presque impossible de trouver un gouvernement qui se rendrait coupable d’arbitraire. Car même les actes les plus arbitraires et les plus répressifs trouvent leur justification dans la bouche de ceux que nous qualifions de despotes, de tyrans ou de dictateurs.

L’utilité de l’ordre politique et plus spécialement de l’État de droit, c’est de nous assurer de manière durable des libertés et des droits reconnus par les lois, en échange de quoi nous acceptons des contraintes elles aussi dictées par les lois et sans lesquelles nos libertés et nos droits ne sauraient exister. C’est pourquoi ces libertés et ces droits ne sont pas absolus, mais sont limités et peuvent même être abolies dans certaines circonstances précisées dans les lois. C’est ce qui leur procure de la stabilité. C’est ce qui nous permet de vivre en société sans être inquiétés de nous voir retirer du jour au lendemain certaines de nos libertés et certains de nos droits. S’il est vrai que nous pouvons être privés de certaines de nos libertés et de certains de nos droits dans un État de droit, par exemple quand nous commettons un crime, ces lois doivent avoir une certaine stabilité, être intelligibles et ne pouvoir être modifiées que conformément à la constitution et dans le respect de la procédure législative.

Quand ces conditions ne sont pas respectées et quand ces principes politiques sont bafoués, l’État de droit se désagrège et avec lui les avantages qu’il est censé nous procurer. Ce n’est pas seulement les droits et les libertés qu’on suspend ou qu’on restreint qui sont concernés, mais aussi tous les droits et toutes les libertés qui pourraient être suspendus ou restreintes du jour au lendemain, de manière durable ou temporaire. Cela nous plonge tous dans une situation d’imprévisibilité et d’insécurité, qui plombe l’ensemble de notre vie et qui nous empêche de prendre des décisions éclairées et de faire des plans d’avenir.

En raison de l’état d’urgence sanitaire et des pouvoirs d’exception dont fait régulièrement usage le gouvernement, c’est la sécurité économique des travailleurs et des petites et moyennes entreprises qui est compromise. Outre la fermeture à répétition de certains milieux de travail et d’entreprises et les mises à pied qui en résultent, c’est aussi le retour progressif au travail et la tentative de relance de l’économie qui se déroulent dans l’incertitude. Pour les travailleurs qui ont dû arrêter de travailler et qui ont bénéficié de l’aide gouvernementale, leurs revenus ont souvent diminué, et ils s’inquiètent des effets du confinement sur le secteur économique auquel ils appartiennent, sur le marché du travail en général et sur leur plan de vie. Pour ce qui est des petits et des moyens commerçants, ils se sont vus interdits à quelques reprises, pendant plusieurs mois au total, le droit de faire des affaires normalement et ont été obligés de passer au commerce en ligne (quand cela est possible), d’entrer en concurrence directe avec des géants de ce genre de commerce et, quand il leur a été possible d’ouvrir leurs portes, de devoir supporter une baisse importante de leur clientèle, qui tendait à rester chez elle pour suivre les consignes du gouvernement ou qui réduisait ses dépenses en raison de la situation économique précaire. Plusieurs de ces travailleurs et de ces commerçants ne savent pas où ils en seront dans quelques mois, et encore moins dans quelques années, à cause des mesures sanitaires imposées arbitrairement qui sont à l’origine d’importants dommages économiques et de semblables mesures qu’on pourrait à nouveau imposer l’automne ou l’hiver prochain, puisque le gouvernement n’envisage pas pour l’instant de mettre fin à l’état d’urgence sanitaire et pourrait de toute façon le redéclarer aussi facilement que la première fois. Faut-il se chercher un emploi dans un autre secteur que celui de la restauration pour essayer de se mettre à l’abri de la précarité économique causée par les mesures sanitaires arbitraires ? Mais cela sera-t-il mieux dans un autre secteur économique pour quelqu’un qui n’a pas d’expérience dans le domaine et qui aura pour concurrents de nombreuses personnes en recherche d’emploi ? Cela vaut-il la peine de suivre une formation spécialisée de quelques années pour augmenter ses chances sur le marché du travail ? Mais qui sait si cet investissement de temps et d’argent en vaut la peine, alors que la situation économique pourrait être encore plus mauvaise à la suite de nouvelles mesures sanitaires adoptées arbitrairement par le gouvernement, au cours des prochaines années ? Car assurément le gouvernement pourrait reconfiner après ce déconfinement, comme il l’a déjà fait après les deux premiers déconfinements, malgré les vaccins, qui ne seraient pas efficaces contre de nouveaux variants, d’après ce qu’on nous dira. Et le propriétaire d’un petit commerce pourrait se poser des questions semblables quant à son avenir. La liberté et la sécurité économiques des travailleurs et des entrepreneurs sont donc gravement compromises par l’exercice du pouvoir arbitraire qu’autorise l’état d’urgence sanitaire.

Quant à la liberté de déplacement, elle n’a pas cessé d’être restreinte de différentes manières depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire. Selon l’idée que les gouvernements provinciaux se font de la situation, les déplacements sont fortement contrôlés entre les provinces. On peut dire à peu près la même chose pour les déplacements entre les différentes régions du Québec, bien que les assouplissements soient plus fréquents. Pour ce qui est de notre liberté de nous déplacer à l’étranger, elle est fortement limitée aussi bien à l’aller qu’au retour. Par exemple, depuis février 2021, les voyageurs canadiens de retour dans le pays sont dans l’obligation de s’isoler au minimum quelques jours à l’hôtel à leurs frais, parfois dans des conditions déplorables, ce qui est une mesure dissuasive et même punitive. Quant à nos déplacements dans les lieux publics et privés, ils peuvent être interdits ou fortement contrôlés, surtout au plus fort de l’hiver. Même le déconfinement estival implique le maintien d’un grand nombre d’interdictions et la mise en place d’une réglementation pointilleuse concernant l’accès aux lieux publics et privés. Et avec la venue possible d’un passeport sanitaire qui pourrait être utilisé pour accéder à certains lieux et participer à certaines activités, et dont l’utilisation pourrait s’étendre progressivement à un plus grand nombre de lieux et d’activités, notre liberté de déplacement est encore plus compromise, bien que nous ne sachions pas exactement à quoi nous en tenir, puisqu’on ne nous met au courant de ce qui se décide et se prépare derrière des portes closes. Impossible d’avoir une idée même vague de la liberté de déplacement dont nous disposerons ou ne disposerons pas à partir de l’automne ou de l’hiver prochain, selon notre statut vaccinal et les mesures sanitaires que le gouvernement décrétera en fonction de son évaluation de l’urgence sanitaire et des exigences de la « nouvelle normalité ». Et nous pouvons faire des remarques semblables à propos de la liberté de rassemblement et aussi craindre pour notre droit à la vie privée, puisque si on impose toutes sortes de limites à notre liberté de déplacement et de rassemblement, il faudra exercer sur nous une certaine forme de surveillance pour en assurer le respect.

Même la liberté d’expression n’échappe pas à l’arbitraire, car on juge que les opinions et pas seulement les actes constituent un danger dans le contexte de la « crise sanitaire » dont on ne sait pas, rappelons-le, ce qu’il faudrait pour qu’elle prenne fin. Selon nos autorités politiques et sanitaires, les experts autorisés et les journalistes, il serait irresponsable, dangereux et même criminel de remettre en question l’efficacité du confinement, de la distanciation sociale et le port du masque ; de défendre l’utilisation de traitements préventifs ambulatoires contre la COVID-19 ; de parler de la corruption de nos services de santé par l’industrie pharmaceutique ; de contester les soi-disant preuves de l’efficacité et l’innocuité des vaccins ; etc. Avec l’accord tacite de nos autorités politiques et sanitaires, ceux qui expriment publiquement de telles positions peuvent être l’objet de campagnes de dénigrement dans les médias traditionnels et les médias sociaux, peuvent être censurés sur les plateformes les plus populaires et peuvent être rappelés à l’ordre et sanctionnés par leur ordre professionnel. Selon la manière dont évoluera la situation l’automne et l’hiver prochains, il n’est même pas à exclure qu’on tienne certaines de ces personnes en partie responsables de l’échec de la « stratégie sanitaire » du gouvernement, en raison de leur influence soi-disant criminelle sur leurs concitoyens, et qu’on cherche à les faire payer pour leur crime, d’une manière ou d’une autre.

Aussi longtemps que durera l’état d’urgence sanitaire, aussi longtemps que le gouvernement pourra déclarer à nouveau l’état d’urgence sanitaire, nous ne pouvons rien prendre pour acquis quant à nos libertés et à nos droits. En l’absence de garanties, si à un moment donné ces libertés et ces droits existent de fait, ils peuvent être abolis ou considérablement limités par les actes arbitraires du gouvernement, qui a carte blanche pour faire tout ce qui peut avoir une apparence de légitimité du point de vue sanitaire, sans avoir à rendre de comptes et sans que ses actes politiques soient soumis à une véritable délibération politique et à un débat public. Et si une partie des pouvoirs exceptionnels venaient à passer dans une « loi pandémie » qui normaliserait et pérenniserait une partie de ces pouvoirs arbitraires, nous ne nous en porterions pas mieux.

Représentons-nous la vie en société comme une sorte de contrat social. Les droits et les libertés qu’on nous reconnaît sont les bénéfices que nous retirons de ce contrat, en échange de quoi nous devons nous conformer à certaines obligations et respecter certaines interdictions. Ce qui implique qu’il faut des bornes fixes à ces droits et à ces libertés, de même qu’à ces interdictions et obligations. Si des changements à ce contrat ne sont bien entendu pas exclus, ceux-ci doivent avoir des bornes aussi bien quant à la nature de ces changements qu’à la manière de les faire. Autrement, le contrat pourrait être changé du tout au tout rapidement ou subrepticement, et les droits et libertés qu’il est censé garantir seraient constamment menacés, ce qui aurait pour effets de faire disparaître ou de diminuer considérablement les bénéfices qu’en retirent les citoyens.

Ainsi, voici ce qui arrive du point de vue des citoyens quand le gouvernement profite d’un état d’exception qui n’en finit plus de finir pour exercer durablement le pouvoir politique de manière arbitraire. Beaucoup des citoyens s’habituent à ce nouvel état de fait et l’accepte. Ce qui revient à abandonner leur destiné entre les mains des autorités politiques et sanitaires et à capituler en tant que citoyens. D’autres citoyens, beaucoup moins nombreux, voient dans cette attitude du gouvernement une rupture du contrat social et un affront inadmissible, ce qui fait tomber le gouvernement dans le discrédit et le rend à leurs yeux indigne de confiance, quand ils ne se mettent pas à le considérer comme leur ennemi.

Du point de vue des autorités politiques et sanitaires, l’exercice prolongé du pouvoir arbitraire que permet et encourage l’état d’urgence sanitaire a pour effet qu’elles y prennent y goût. Il est tellement commode de ne pas avoir de limites bien définies à ce qu’elles peuvent faire, de ne pas avoir à suivre les procédures habituelles, de ne pas avoir de comptes à rendre, de ne pas soumettre à la délibération ce qu’elles décrètent, et de pouvoir n’en faire qu’à leur tête. Elles peuvent dire une chose et son contraire et rire au nez de ceux qui le leur font remarquer, ne pas daigner motiver leurs décisions, ou ne pas se donner la peine de fournir des raisons convaincantes pour qui pense encore. L’arbitraire devient un mode de gouvernance normal et habituel. Alors les autorités tolèrent très mal la critique et même la discussion, à un point tel qu’il est à craindre qu’elles en viennent tôt ou tard à prendre des mesures répressives directes ou indirectes contre les citoyens qui n’ont pas encore capitulé et qui ne se taisent pas, en profitant du sentiment d’urgence sanitaire entretenu dans le reste de la population, et en faisant d’eux des boucs émissaires auxquels elles pourront attribuer l’échec de leur « gestion de la crise sanitaire ».

Le prix politique à payer pour l’état d’urgence sanitaire et les pouvoirs arbitraires qu’il procure aux autorités politiques et sanitaires est énorme. C’est non seulement nos libertés qui sont compromises, mais c’est aussi l’État de droit et notre sécurité. Nous aurions intérêt à réévaluer l’utilité de l’état d’urgence sanitaire, de sa prolongation ou de la pérennisation d’une de ses parties à la lumière de ces inconvénients majeurs et de ces risques importants, en considérant aussi que l’épidémie n’a pas été aussi dévastatrice qu’on nous l’a dit pour justifier la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, que de nombreux décès sont certainement attribuables au refus de traiter la COVID-19 et à la panique qu’on a provoquée dans le réseau de la santé, et qu’il est douteux que les restrictions qu’on nous a imposées depuis mars 2020 aient produit les effets escomptés si on se donne la peine de faire la comparaison avec des pays qui ont opté pour une autre stratégie.